Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : RS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 253

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : R. S.
Représentante ou représentant : Frank Van Dyke
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Rebekah Ferriss

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 5 juin 2023 rendue par le
ministre de l’Emploi et du Développement social
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Wayne van der Meide
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 4 mars 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Témoin de l’appelant
Représentante de l’intimé
Date de la décision : Le 12 mars 2024
Numéro de dossier : GP-23-1305

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant, R. S., a droit à la révision de la décision rendue le 8 février 2014 concernant sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Aperçu

[3] L’appelant a demandé une pension du Régime de pensions du Canada le 4 juillet 2013Note de bas de page 1. Dans une lettre datée du 8 février 2014, le ministre a rejeté sa demandeNote de bas de page 2. C’est ce que j’appellerai la « décision de refus ».

[4] Le 7 décembre 2022, plus de huit ans plus tard, le ministre a reçu de la part de l’appelant une demande de révision relative à la décision de refusNote de bas de page 3. Le 5 juin 2023, le ministre a annoncé qu’il ne procéderait pas à une révision comme celle-ci avait été demandée trop tardNote de bas de page 4. L’appelant a porté cette décision en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions que je dois trancher

[5] Je dois décider si la demande de révision de l’appelant est en retard.

[6] Dans l’affirmative, je dois décider si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire (c’est-à-dire s’il a rendu correctement sa décision) en refusant de donner à l’appelant plus de tempsNote de bas de page 5.

[7] Si le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, je devrai alors rendre la décision qu’il aurait dû rendre. Pour ce faire, il me faudra examiner quatre questions, que je présenterai en détail plus loin.

J’ai accepté la preuve soumise en retard

[8] L’appelant a présenté des éléments de preuve tardifs (voir le document GD7 du dossier d’appel). Je les ai acceptés, dans une décision rendue précédemmentNote de bas de page 6.

[9] L’appelant a par la suite déposé d’autres éléments de preuve tardifs, soit après le début et après la fin de l’audience (voir respectivement les documents GD14 et GD16 du dossier d’appel). Conformément aux Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale, je ne peux pas tenir compte d’un élément de preuve déposé tardivement par une partie à moins de lui donner la permission d’utiliser cet élément de preuveNote de bas de page 7.

[10] Pour les raisons suivantes, j’accepte les documents GD14 et GD16 :

  • Le ministre ne s’y est pas opposé;
  • Les documents sont pertinents;
  • J’ai permis au ministre de répondre à cette preuve et j’ai tenu compte de sa réponseNote de bas de page 8.

[11] Deux éléments de preuve m’ont particulièrement poussé à accepter cette preuve : la souplesse du ministre et l’importance de la preuve en question. À l’avenir, j’espère que le représentant de l’appelant s’assurera, avant l’audience, que la preuve sur laquelle il a l’intention de s’appuyer a été reçue, codée et communiquée aux parties.

Motifs de ma décision

La demande de révision de l’appelant était en retard

[12] La demande de l’appelant était en retard. Il a demandé au ministre de réviser sa décision de refus plus de 90 jours après avoir reçu l’avis de décision.

[13] Une personne dispose d’un délai de 90 jours pour demander au ministre de réviser une décision de refusNote de bas de page 9. Après 90 jours, la demande est en retard.

[14] Les versions de l'appelant ont différé sur la question de savoir s’il avait reçu la décision de refus du ministre. Il a parfois dit qu’il n’était pas certain d’avoir reçu la lettreNote de bas de page 10. À l’audience, il a toutefois dit avoir reçu la décision de refus en février 2014.

[15] Je conclus que l’appelant a reçu la décision de refus durant le mois de février 2014. En effet, il n’a jamais affirmé ne pas avoir reçu la lettre. Il a simplement exprimé de l’incertitude quant au fait de l’avoir reçue. De plus, les actions qu’il a posées concurremment à ce refus (j’en parlerai davantage plus loin) montrent qu’il savait que sa demande avait été rejetée.

[16] Le 7 décembre 2022, l’appelant a demandé au ministre de réviser la décision de refus. Cette demande était donc présentée plus de 90 jours après que le ministre l’eût informé de sa décision. Plus précisément, la demande avait huit ans de retard.

Facteurs à considérer lorsqu’une demande de révision est en retard

[17] Le ministre peut réviser une décision même si la demande à cet effet est en retard.

[18] Comme la loi l’explique, un appelant doit convaincre le ministre de deux choses pour bénéficier d’une révision dans de telles circonstances. L’appelant doit démontrer qu’ilNote de bas de page 11 :

  • dispose d’une explication raisonnable justifiant son retard;
  • a eu une « intention constante » de demander une révision au ministre.

[19] Si l’appelant demande au ministre de réviser une décision plus de 365 jours après en avoir été informé par écrit, ou s’il présente une deuxième demande pour les mêmes prestations, la loi oblige l’appelant à convaincre le ministre de deux autres choses, et il doit lui montrerNote de bas de page 12 :

  • que sa demande de révision a une chance raisonnable de succès;
  • qu’un délai additionnel ne serait pas injuste envers une autre partie.

[20] Si un seul de ces quatre critères n’est pas rempli par l’appelant, il n’aura pas droit à une révision de la décision du ministre.

Le ministre doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire

[21] La décision du ministre d’examiner ou non une demande de révision tardive est une décision discrétionnaire. Le pouvoir discrétionnaire est le pouvoir de décider de faire ou non quelque chose. Le ministre doit exercer ce pouvoir de façon judiciaireNote de bas de page 13.

[22] Le ministre n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire s’il fait l’une ou l’autre des choses suivantes, et qu’il aNote de bas de page 14 :

  • agi de mauvaise foi;
  • agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • tenu compte d’un facteur non pertinent;
  • ignoré un facteur pertinent;
  • agi de façon discriminatoire (inéquitable).

Le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire

[23] Pour examiner cette question, je tiens compte de la preuve relative à la façon dont la décision a été rendue par la ou les personnes qui l’ont rendue au moment où elles l’ont rendue.

[24] Le ministre a dit qu’il avait rejeté la demande de révision de l’appelant parce qu’il ne répondait à aucun des quatre critères.

[25] Rien ne prouve que le ministre aurait agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier ou de façon discriminatoire. Toutefois, le ministre a tenu compte de facteurs non pertinents et a ignoré des facteurs pertinents. Le ministre n’a donc pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

Le ministre a examiné des facteurs non pertinents

[26] L’appelant doit démontrer qu’il a une chance raisonnable de succès. Dans un document d’analyse, sous la rubrique [traduction] « Existe-t-il une chance raisonnable de succès? », le ministre a écrit ceci : [traduction] « Vu l’importance du retard, on peut soutenir que le ministre ne serait pas en mesure de réviser adéquatement la demande du demandeur […]Note de bas de page 15. » Le ministre a mis l’accent sur la probabilité que l’appelant ait gain de cause, et non sur la possibilité raisonnable qu’il ait gain de cause. Le critère qu’il a utilisé était trop rigoureux. La question était de savoir s’il existait un fondement quelconque grâce auquel l’appelant pourrait gagner sa cause. Le ministre n’a pas examiné la bonne question. Par conséquent, il n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

Quand le ministre n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire

[27] J’ai conclu que le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Il me revient donc maintenant de décider si l’appelant peut obtenir un délai additionnel.

[28] Si je conclus qu’il faut lui accorder un délai additionnel, je devrai renvoyer l’affaire au ministre et lui ordonner de réviser la décision. Si je conclus qu’il ne faut pas donner un délai additionnel à l’appelant, je rejetterai moi-même son appel.

L’appelant a droit à un délai additionnel

Ce qui est arrivé

[29] Nous avons ici affaire à un retard de plus de huit ans. Il s’agit d’un retard très long, que je dois examiner au regard des quatre facteurs. Cela étant dit, peu importe la longueur du retard, le ministre ne peut jamais refuser de procéder à une révision sans tenir compte des circonstances.

[30] Un retard de huit ans ne peut être excusé qu’en présence de faits exceptionnels. Je vais donc commencer mon analyse en résumant ce qui s’est passé, en gros.

[31] En octobre 2012, l’appelant a subi une intervention médicale qui a mal tourné. Il en est sorti avec une lésion cérébrale. Sa jambe droite a aussi été touchée. Après sa réadaptation, il a demandé en juillet 2013 une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Il a reçu la décision de refus en février 2014. Le 1er avril 2014, il a rencontré sa médecin de famille, qui a dit ceci : [traduction] « R. S. s’interroge sur sa demande de pensions du Régime de pensions du Canada. Je pense qu’il devrait faire appel. Je vais rédiger une lettre de soutien pour luiNote de bas de page 16. »

[32] Une lettre appuyant l’appelant figure ensuite dans les notes de sa médecin de familleNote de bas de page 17. On peut notamment y lire ceci : [traduction] « J’espère que vous pourrez réexaminer sa demande… » Le ministre dit ne jamais avoir reçu cette lettreNote de bas de page 18. Rien ne prouve que la lettre aurait été envoyée par la médecin de famille de l’appelant ou reçue par le ministre. Je juge que le ministre n’a jamais reçu cette lettre.

[33] Environ quatre ans plus tard, en 2018, l’appelant a fait une rencontre. Cette nouvelle amie s’est impliquée dans l’affaire et, à la fin de 2022, donc après quatre ans de plus, elle a aidé l’appelant à demander au ministre une révision de sa décision de refus.

L’appelant a une explication raisonnable pour son retard

[34] Une explication peut être raisonnable pour une personne et ne pas l’être pour une autre. Les faits relatifs à chaque affaire et à chaque personne sont importants.

[35] Je dois aussi faire une précision relativement à la crédibilité et à la fiabilité du témoignage de l’appelant. En effet, l’appelant souffre de troubles cognitifs attribuables à ses lésions cérébrales, y compris des problèmes de mémoire et de concentrationNote de bas de page 19. À l’audience, il se reportait à des notes et a eu de la difficulté à se souvenir de certains détails. Il commençait souvent ses réponses en disant [traduction] « Je pense... », ou des expressions semblables. Il a aussi dit ne plus se rappeler plusieurs choses. Même si je juge l’appelant crédible, son témoignage n’était pas toujours fiable. J’ai donc également comparé sa version des faits à d’autres éléments de preuve pour voir si elle était objectivement raisonnable.

[36] L’appelant dit qu’il croyait que sa demande avait été rejetée parce qu’il manquait de preuves médicales démontrant une invalidité grave. Je le crois en partie, parce que je suis d’accord avec lui : c’est effectivement la raison pour laquelle le ministre a rejeté sa demande. Il dit que c’est pour cette raison qu’il a demandé de l’aide à sa médecin de famille.Note de bas de page 20 Cela me semble logique.

[37] À l’audience, l’appelant a déclaré que sa médecin de famille lui avait dit qu’elle enverrait une lettre au ministre pour lui demander de réviser sa décision. Sa note dit en fait qu’elle [traduction] « appuieraitNote de bas de page 21 » l’appelant.

[38] L’appelant a affirmé qu’à leurs rencontres ayant suivi le 1er avril 2014, il lui demandait si elle avait eu des nouvelles du ministre. Je le crois, et ces conversations me montrent que l’appelant croyait vraiment que sa médecin s’occupait de la demande de révision, et pas simplement qu’elle appuyait sa demande. Il a dit qu'il pensait simplement que le processus était lent quand elle lui répondait qu’elle n’avait pas de nouvelles.

[39] Le ministre affirme que l’explication de l’appelant n’est pas raisonnable, et ce pour plusieurs raisonsNote de bas de page 22 :

  • Il savait ou aurait dû savoir, après avoir lu la décision de refus, qu’il était responsable (et non sa médecin) de demander une révision;
  • Il aurait dû entreprendre lui-même des démarches à un certain point, comme sa médecin de famille continuait de lui dire qu’elle n’avait pas de nouvelles concernant la demande de révision;
  • Il avait, durant cette même période, été impliqué dans une poursuite pour faute médicale et fait l’achat d’une maison;
  • La preuve médicale (portant sur ses limitations cognitives, physiques et mentales) montre qu’il avait eu la « capacité » de faire un suivi relatif à la décision de refus, et ce, au moins à certains moments durant la période en cause de huit ans, si ce n’est de façon continueNote de bas de page 23.

[40] L’appelant soutient que je dois tenir compte de ce qui était raisonnable pour lui, et non pour quiconque. J’en conviens. L’explication de l’appelant peut être raisonnable dans son cas, sans l’être pour d’autres.

[41] Si seule une « incapacité » à demander une révision pouvait justifier une explication raisonnable à un si long retard, je rejetterais simplement cet appel. Ici, l’appelant avait manifestement la « capacité » d’écrire une lettre au ministre pour lui demander une révision. Ou il aurait, à tout le moins, pu demander à quelqu’un de l’aider à faire un suivi. Mais ce n’est pas là le critère applicable.

[42] Voici ce que je peux constater, d’après l’ensemble de la preuve, y compris ce que l’appelant a dit durant l’audience. Depuis l’incident médical, l’appelant a des problèmes de mémoire et de concentration. Sa capacité à faire plusieurs tâches en même temps est amoindrie. Il a aussi vécu des épisodes de dépression, de la fatigue intense, des limitations physiques et des troubles cognitifs liés à ses puissants antidouleurs.

[43] L’appelant croyait, bien qu’à tort, que sa médecin avait amorcé le processus. Il pensait que le processus prenait du temps, un peu comme la poursuite pour faute médicale. Ses problèmes de mémoire troublaient son appréciation du temps qui passait. Comme il avait dû mal à gérer des tâches concurrentes et à se concentrer, son attention s’était détournée de sa demande. Il pouvait seulement se consacrer et penser à un nombre limité de choses en même temps.

[44] Le ministre affirme que l’appelant aurait dû savoir que trop de temps était passé, compte tenu du temps qui s’était écoulé entre sa demande initiale et le rejet de sa demande. Je ne suis pas d’accord avec le ministre. Cette prémisse est peut-être valable pour la grande majorité des gens. Mais elle ne l'est pas l’appelant.

[45] L’appelant a ensuite rencontré quelqu’un. Cette amie l’a soutenu par rapport à sa demande et dans d’autres aspects de sa vie. Elle a obtenu une procuration puis a essentiellement assumé sa représentation. C’est ainsi qu’elle a compris ce s’était passé. Elle l’a alors aidé à demander une révision.

[46] Si l’appelant avait lui-même demandé une révision après huit ans, sans aide, la présente affaire aurait été totalement différente. Néanmoins, ce n’est pas ce qui s’est passé. C’est son amie qui a pris les choses en mainNote de bas de page 24. Ce qui s’est passé avec cette demande de révision est semblable à ce qui s’est passé dans d’autres aspects de sa vie : l’appelant a formé l’intention de faire quelque chose (comme intenter une poursuite pour faute médicale ou acheter une maison), mais s’en est remis à d’autres personnes pour agir (des avocats, des agents immobiliers, des médecins, etc.).

[47] Pour conclure sur ce sujet, je tiens à préciser qu’une explication raisonnable n’est pas la même chose qu’une explication convaincante ou incontestable. Une « explication raisonnable » est une explication qui n’est pas déraisonnable. Il suffit qu’elle soit logique. L’explication de l’appelant me paraît logique, même au regard de l’extrême longueur du retard.

L’appelant a manifesté l’intention constante de demander une révision

[48] Quand l’appelant a parlé à son médecin de famille le 1er avril 2014, il a montré qu’il avait l’intention de demander une révision. La question est donc de savoir s’il a aussi montré cette intention de façon « constante » par la suite.

[49] Autrement dit, l’appelant doit montrer qu’il a eu cette intention sans arrêt. J’envisage donc le critère de la façon suivante : l’appelant a-t-il fait certaines choses montrant qu’il a toujours (c’est-à-dire sans arrêt) voulu demander une révision?

[50] La Cour d’appel fédérale a affirmé qu’une personne peut démontrer une intention constante même si elle n’a pas été diligente, dans la mesure où elle n’a pas renoncé à sa quêteNote de bas de page 25. La preuve montre que l’appelant n’a jamais abandonné l’intention de demander une révision. Même s’il n’a pas donné suite à sa demande de manière assidue, et ce pour de multiples raisons, l’appelant n’y a jamais renoncé.

[51] Au début, l’appelant a « montré » son intention en demandant à sa médecin si elle avait eu des nouvelles. Ensuite, il a montré son intention en demandant à son amie de comprendre ce qui s’était passé. Il n’a rien fait ni dit qui laisse croire qu'il aurait renoncé à son intention de demander au ministre une révision de sa décision de refus.

L’appelant a une chance raisonnable de succès

[52] L’appelant a une chance raisonnable de succès. En effet, depuis sa demande de pension initiale, il existe des éléments de preuve susceptibles de mener à la conclusion qu’une invalidité grave et prolongée était apparue chez lui dans le délai requis, établi d'après ses cotisations au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 26.

Le délai additionnel ne porte pas de préjudice à une autre partie

[53] Quand le retard est de plus d’un an, la loi me permet seulement d’accorder une prorogation de délai si elle est sans préjudice pour l’autre partie. J’aimerais dire quelques mots à ce sujet. Premièrement, je crois important de souligner la différence entre l’absence de préjudice et un « préjudice indu ». Autrement dit, il n’est pas très difficile à démontrer. Cela étant dit, le préjudice ne peut être hypothétique, mais réel. Par exemple, le ministre ne pourrait pas simplement invoquer le risque que de nombreuses personnes demandent une révision des années après leur décision de refus, et le chaos qui pourrait s’ensuivre.

[54] Je comprends que le retard peut, en soi, entraîner un préjudiceNote de bas de page 27. Néanmoins, comme je l’ai dit plus haut, la loi ne prévoit aucun « délai ferme » après lequel il serait interdit de demander une révision, peu importe les faits.

[55] Voici ce que je constate en examinant la présente affaire. L’appelant a la responsabilité de prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée. Le ministre n’a pas à réfuter quoi que ce soit. Si quelqu’un subit un préjudice ici, c’est bien l’appelant, et non le ministreNote de bas de page 28. Aucune autre partie n’est en cause ici.

[56] La preuve médicale est ce qu’elle est. Le ministre n’a pas besoin d’obtenir d’autres éléments de preuve ni de « contester » la preuve existante. Il peut rendre une décision en fonction de la preuve médicale dont il dispose déjà. Si cette preuve ne le convainc pas, pour quelque raison que ce soit, il peut très bien décider de refuser la pension d’invalidité demandée par l'appelant.

[57] Bien qu’il pourrait lui être plus difficile de rendre une décision dans ce dossier que dans d’autres dossiers, le ministre ne se trouve pas lésé.

Conclusion

[58] La décision du ministre n’a pas été rendue correctement, et l’appelant répond aux quatre critères pour bénéficier d’une révision tardive. Il a droit à une révision de la décision de refus du ministre.

[59] Je renvoie cette affaire au ministre. Le ministre devra réviser sa décision de refus.

[60] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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