Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : Ministre de l’Emploi et du Développement social c JT, 2024 TSS 268

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Yanick Bélanger
Partie intimée : J. T.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
19 mai 2023 (GP-21-2546)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 février 2024
Personnes présentes à l’audience : Représentant de l’appelant
Intimée

Date de la décision : Le 14 mars 2024
Date du corrigendum : Le 18 mars 2024
Numéro de dossier : AD-23-753

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille le présent appel. L’intimée a cessé d’être invalide à compter de janvier 2016. Elle est inadmissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) à compter d’avril 2016.

Aperçu

[2] L’intimée est une femme d’affaires de 57 ans qui possède et exploite un magasin de vêtements d’occasion à Victoria depuis 2011. Elle a également travaillé comme adjointe administrative dans une résidence pour personnes âgées jusqu’en 2014. Elle souffre de douleurs au cou et au dos depuis la fin des années 1980Note de bas de page 1.

[3] En novembre 2015, l’intimée a demandé une pension d’invalidité du RPCNote de bas de page 2. Trois mois plus tard, elle a eu un accident de la route qui a aggravé ses douleurs au cou et au dos. En janvier 2016, le ministre de l’Emploi et du Développement social a accueilli sa demande après avoir établi qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Le ministre lui a accordé une pension d’invalidité à compter de décembre 2014Note de bas de page 3.

[4] En octobre 2019, le ministre a révisé sa décision d’approbation après avoir appris que le magasin de l’intimée avait gagné des revenus importants au cours des dernières années. À la suite d’une enquête, il a établi que l’intimée n’était plus invalide et a mis fin à ses prestationsNote de bas de page 4. Le ministre a finalement exigé le remboursement des montants qu’elle a reçus à titre de pension depuis mars 2016, soit un montant total de près de 54 000 $Note de bas de page 5.

[5] L’intimée a fait appel de la décision du ministre devant le Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a tenu une audience par téléconférence et a accueilli l’appel. Elle a conclu que l’intimée n’a jamais cessé d’être invalide, malgré son revenu annuel brut d’entreprise de plus de 100 000 $ depuis 2016. La division générale lui a permis de conserver sa pension.

[6] Le ministre était insatisfait de cette décision. Il a demandé la permission de faire appel à la division d’appel. En août, une de mes collègues de la division d’appel lui a accordé cette permission. Le mois dernier, j’ai tenu une audience pour discuter de l’ensemble de sa cause.

[7] Maintenant que j’ai examiné les observations des deux parties, j’ai conclu que l’intimée a cessé d’être invalide à compter de janvier 2016. La preuve montre que, bien que l’intimée ait pu encore éprouver des problèmes de santé après cette date, elle n’était plus régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Ce que je dois décider

[8] Ma tâche est de décider si l’intimée a cessé d’être invalide et, dans l’affirmative, à quel moment.

[9] Lorsque le ministre a approuvé la demande de pension d’invalidité de l’intimée en mars 2016, il a reconnu qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Aux termes du Régime de pensions du Canada, ces mots ont un sens très précis :

  • Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 6. Une personne n’a pas droit à une pension d’invalidité si elle est régulièrement capable de faire un quelconque travail qui lui permet de gagner sa vie.
  • Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 7. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité tienne la personne à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[10] Lorsque le ministre cherche à mettre fin à des prestations qu’il avait approuvées auparavant, il est responsable de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’invalidité de la personne n’est plus grave et prolongéeNote de bas de page 8.

[11] Dans la présente affaire, le ministre devait prouver que les revenus perçus par la requérante après son invalidité (i) étaient véritablement rémunérateurs et (ii) indiquaient une capacité de détenir régulièrement une occupation.

Analyse

[12] J’ai appliqué la loi à la preuve disponible. Je suis convaincu que le ministre a prouvé que l’intimée a cessé d’être atteinte d’une invalidité grave et prolongée à compter de janvier 2016. Je ne doute pas que l’intimée a des douleurs persistantes au dos et aux genoux, mais la preuve montre qu’elle a quand même réussi à diriger une entreprise à haut volume de ventes pendant une période prolongée.

L’intimée a assumé un rôle actif dans son entreprise

[13] L’intimée a déclaré qu’en 2011, tandis qu’elle travaillait encore comme adjointe administrative, elle a ouvert le X, un magasin de vêtements d’occasion. En 2014, ses douleurs au dos et aux genoux s’étaient aggravées au point où elle ne pouvait plus exercer ses fonctions d’emploi. L’intimée a dû prendre du recul par rapport au magasin, mais elle a formé sa fille pour qu’elle s’en occupe. Elle a continué à venir sur place, mais sur une base très limitée : seulement deux heures par semaine.

[14] En 2016, le X a été expulsé de son emplacement d’origine. L’intimée a dû trouver de nouveaux locaux, négocier un bail, superviser la rénovation du nouvel emplacement et gérer le déménagement. Elle en a profité pour commander un nouveau site Web et mettre en place un nouveau système de point de vente. Elle insiste sur le fait qu’elle n’aurait pas pu accomplir ces tâches sans l’aide de ses amis et de sa famille.

[15] En octobre 2019, comme elle s’inquiétait des pertes continuelles du magasin, l’intimée a décidé d’y assumer un rôle plus actif. Elle avait encore de graves douleurs, mais son état s’était suffisamment amélioré pour au moins tenter de retourner au travail. Elle a avisé Service Canada de sa décision, ce qui l’a incité à enquêter sur son admissibilité continue à la pension d’invalidité du RPC. Cependant, l’intimée souligne qu’elle a seulement été en mesure de travailler au magasin pendant deux semaines aux heures normales avant de se retirer de nouveau.

[16] Depuis, l’intimée a continué de participer aux activités du magasin, mais de façon limitée. Elle y va deux fois par semaine, et pas pendant des journées entières. Elle ne peut pas rester assise longtemps. Elle peut se promener dans le magasin et voir si quelqu’un a besoin d’elle. Elle peut faire les rapports quotidiens de la caisse et les comptes en ligne, habituellement de la maison. Elle s’occupe de la paie et est la seule à avoir accès au compte bancaire du magasin. Le magasin n’est ouvert que cinq heures par jour, de 11 h à 16 h.

[17] L’intimée a déclaré que, comme le X n’a jamais fait d’argent, elle avait périodiquement encaissé des placements pour le maintenir en activité. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle exploitait l’entreprise depuis si longtemps, si celle-ci ne faisait que peser sur ses finances, elle a répondu qu’elle a toujours espéré faire des profits un jour. Elle a dit que l’entreprise lui donne quelque chose à faire et la rend fière parce qu’elle aide la collectivité. Le magasin fait don de vêtements invendus à un organisme de bienfaisance pour obtenir un crédit d’impôt. Il fournissait aussi des robes de bal aux diplômées qui n’avaient pas les moyens de s’en acheter.

[18] En raison de son côté charitable, le X a attiré des bénévoles, dont des amis de l’intimée. À une époque, le personnel du magasin était entièrement formé de bénévoles, mais à présent il n’est formé que d’une seule personne bénévole ainsi que trois personnes rémunérées à temps partiel. Une ou un des membres du personnel s’occupe maintenant de la réception et de la fixation des prix. Ce sont des tâches importantes que l’intimée effectuait elle-même.

[19] J’ai demandé à l’intimée si elle pensait que les pertes de son magasin étaient attribuables à ses déficiences. Elle a répondu que c’était difficile à dire, mais qu’elle savait qu’une entreprise sans une ou un propriétaire en activité est désavantagée. Elle a dit que si elle n’y était pas du tout, le X disparaîtrait probablement en peu de temps.

[20] Je comprends que l’intimée sent qu’elle est encore atteinte d’une invalidité. Cependant, je dois fonder ma décision sur autre chose que sa seule vision subjective de sa capacitéNote de bas de page 9. Le témoignage de l’intimée indique que, même si elle ne passe pas beaucoup de temps à son magasin, elle le dirige toujours. Elle a décidé de maintenir l’entreprise en activité après qu’elle a été expulsée de ses locaux, et elle a supervisé son déménagement et la mise à niveau de ses systèmes. De plus, même si elle a du personnel, elle demeure la seule responsable des tâches de gestion comme la tenue des comptes, les opérations bancaires et la paie. L’intimée effectue peut-être ces tâches de la maison et n’y consacre peut-être que quelques heures par semaine, mais la preuve montre que le X ne pourrait pas fonctionner sans elle.

Les dossiers médicaux de l’intimée montrent que son état de santé s’est amélioré

[21] Il ne fait aucun doute que l’intimée a des problèmes de santé, ce qui explique vraisemblablement la décision du ministre de lui accorder une pension d’invalidité du RPC. Son dossier comporte des rapports d’imagerie montrant des changements dégénératifs au bas de son dos. À titre d’exemple, une imagerie par résonance magnétique a révélé un important pincement de la racine nerveuse, ainsi qu’un antérolisthésis et une fissure annulaire dans la région lombo-sacrée de sa colonne vertébraleNote de bas de page 10.

[22] Toutefois, la gravité d’une invalidité ne dépend pas de la maladie d’une partie requérante, mais de sa capacité à travaillerNote de bas de page 11. Certains rapports médicaux datant d’après 2015 indiquent une amélioration de la fonctionnalité de l’intimée, par exemple :

  • En juillet 2016, la Docteure Kuss, une médecin généraliste qui a rempli une déclaration médicale conformément à la réclamation d’assurance de l’intimée à la suite de son accident de la route, a écrit que l’intimée était une [traduction] « travailleuse autonome » et qu’elle ne présentait « aucune limitation fonctionnelle grave ». En réponse à la question de savoir si sa patiente était capable de faire un travail adapté ou un autre travail, la Docteure Kuss a écrit : [traduction] « Oui, déjà au travailNote de bas de page 12. »
  • En mai 2017, la Docteure Robertson, la médecin de famille de l’intimée, a noté que l’intimée était [traduction] « généralement en bonne santé », « debout toute la journée » et « très occupée » malgré sa discopathie dégénérativeNote de bas de page 13.

[23] Je trouve également remarquable qu’il y ait eu un long écart entre la note de la Docteure Robertson et le prochain rapport médical au dossier. En janvier 2021, une ou un médecin anonyme travaillant à une clinique sans rendez-vous a écrit que l’intimée cherchait de l’aide sur une question liée au RPC qui lui causait du stress financierNote de bas de page 14. Cette personne a noté que l’intimée avait des douleurs chroniques au dos et des difficultés à dormir, à s’asseoir, à se tenir debout et à se pencher. Cependant, il semble qu’elle n’ait pas demandé de soins médicaux au cours des quatre dernières années. Cet intervalle, selon moi, met en doute la gravité de ses symptômes.

Les revenus d’entreprise de l’intimée dépassaient le seuil d’une occupation véritablement rémunératrice

[24] L’intimée insiste sur le fait que, peu importe ce qu’elle fait pour le magasin, il en reste qu’elle n’en a jamais tiré de profit. Elle m’incite à me concentrer sur les années de pertes nettes qu’elle a enregistrées après que Service Canada l’a déclarée invalide.

[25] En effet, le X n’a généralement pas été rentable, mais ce fait à lui seul ne me permet pas de trancher la question.

[26] L’article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada associe chaque année une occupation « véritablement rémunératrice » à une valeur précise en dollars. Tout salaire qui dépasse la somme annuelle maximale qu’une personne peut recevoir à titre de pension d’invalidité est considéré comme provenant d’une occupation véritablement rémunératrice.

[27] La preuve disponible montre que l’intimée a gagné les sommes suivantes dans les années après la date où le ministre l’a jugée invalideNote de bas de page 15 :

Année Revenu
d’emploi ($)
Revenus bruts
d’entreprise ($)
Revenus nets
d’entreprise ($)
Montant maximal pour
personnes handicapées ($)Note de bas de page 16
2011 30 733 98 759 (9 300) N/D
2012 23 824 130 965 (225) N/D
2013 23 357 100 126 (17 473) N/D
2014 23 261 79 463 (3 400) 14 822
2015 - 84 197 (15 083) 15 175
2016 - 139 602 (18 227) 15 489
2017 - 116 110 (215) 15 763
2018 - 126 172 (13 818) 16 029
2019Note de bas de page 17 - 119 170 41 528 16 353

[28] Ce tableau montre que les revenus bruts de X ont considérablement dépassé le montant maximal admissible pendant plusieurs années consécutives. Je remarque que les revenus bruts ont presque doublé en 2016, une augmentation qui coïncide avec le déménagement du magasin et l’installation de nouveaux logiciels. Toutefois, le magasin a enregistré des pertes nettes chaque année d’exploitation à une exception près. Celle-ci est survenue en 2019, la dernière année pour laquelle je dispose d’un montant, où le magasin semble avoir produit un revenu net de plus de 41 000 $. J’ai demandé à l’intimée ce qui avait changé en 2019, mais elle ne pouvait pas expliquer pourquoi son entreprise a soudainement été en mesure de générer un profit important après de nombreuses années de pertes.

[29] Ces chiffres ne sont qu’une partie de l’équation, mais ils laissent croire que l’intimée a retrouvé la capacité d’exercer un emploi véritablement rémunérateur au cours de 2016. 

Les revenus d’entreprise de l’intimée reflétaient une capacité

[30] L’intimée a soutenu que se concentrer sur ses revenus bruts d’entreprise constituerait une erreur. Elle a fait remarquer que pour gagner ces revenus, elle a dû engager des dépenses d’entreprise importantes, principalement le coût des marchandises vendues, mais aussi des frais généraux comme le loyer, les salaires, l’assurance et les fournitures. Elle a soutenu que les pertes nettes de son magasin, qui étaient loin des seuils annuels prévus par la loi, étaient une meilleure représentation de sa capacité.

[31] Lorsqu’une personne qui demande une pension d’invalidité enregistre un revenu d’entreprise, il faut se demander si l'on doit accorder plus d’importance aux revenus bruts ou aux revenus nets. Le ministre se concentre habituellement sur les revenus bruts, mais il y a des affaires qui tiennent également compte des revenus netsNote de bas de page 18. Ces affaires suivent la logique selon laquelle un emploi ne peut pas exister sans quelconques efforts financiers.

[32] Dans la présente affaire, les pertes nettes de l’intimée sont pertinentes, mais seulement jusqu’à un certain point : 

Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles une entreprise n’est pas rentable

[33] Les pertes d’entreprise sont pertinentes pour déterminer l’invalidité, mais les pertes elles-mêmes ne constituent pas nécessairement une preuve d’invaliditéNote de bas de page 19. En effet, le succès ou l’absence de succès d’une entreprise dépend de nombreuses variables autres que la santé de la ou du propriétaire, telles que :

  • les conditions économiques générales;
  • l’industrie dans laquelle l’entreprise exerce ses activités;
  • les compétences en gestion de la ou du propriétaire; 
  • la chance.

[34] La rentabilité est également influencée par la tendance naturelle des entreprises à surévaluer les dépenses et à minimiser les revenus lorsqu’elles déclarent leurs revenus à des fins fiscales. 

[35] Dans la présente affaire, l’intimée a insisté sur le fait que son magasin était constamment non rentable en raison de ses douleurs au dos et aux genoux. Cependant, elle a également dit que faire affaire dans le monde des vêtements d’occasion pour femmes était difficile, car les marges sont serrées dans le meilleur des cas. Elle a dit que les dons de bienfaisance faits par le magasin ont peut-être aussi contribué à son manque de rentabilité.

Les pertes d’entreprise doivent être liées à une invalidité 

[36] Il s’ensuit que les personnes qui demandent des prestations d’invalidité et qui cherchent à attribuer leurs pertes à leurs déficiences doivent établir un lien clair entre les deux.

[37] Dans la présente affaire, je n’ai rien vu qui laisse croire que les pertes d’entreprise de l’intimée étaient liées à ses douleurs au dos et aux genoux. L’entreprise n’était pas rentable avant que l’état de l’intimée se détériore en 2014, et elle ne l’était toujours pas par la suite. En effet, les revenus ont considérablement augmenté en 2016 et sont restés à des niveaux relativement élevés pendant au moins les quatre années suivantes. Je comprends que l’intimée a déclaré une série de pertes à l’Agence du revenu du Canada, mais j’ai de la difficulté à imaginer pourquoi elle aurait continué à exploiter l’entreprise pendant plus d’une décennie, à moins qu’elle n’en retire un quelconque avantage matériel.

[38] L’intimée semble avoir l’impression que, par elles-mêmes, les pertes nettes qu’elle a déclarées prouvent son invalidité. Ce n’est pas le cas. Comme je l’ai déjà mentionné, une entreprise peut perdre de l’argent pour un bon nombre de raisons. Dans la présente affaire, la preuve montre que l’intimée était la force derrière une entreprise active et durable qui a fini par faire des profits, même si elle a peut-être perdu de l’argent pour la plupart des années.

L’intimée a réalisé un bénéfice net important en 2019

[39] Après des années de pertes, le magasin de l’intimée a fini par faire un profit, même un profit considérable. Comme il est indiqué, le X a déclaré des revenus nets de 41 528 $ en 2019, ce qui laisse croire que les activités commerciales de l’intimée pouvaient produire un revenu véritablement rémunérateur.

Les revenus bruts de l’intimée semblent indiquer une capacité 

[40] Même si le X n’a pas déclaré un bénéfice au-dessus du seuil en 2019, je conclus tout de même que les activités commerciales de l’intimée constituent une preuve de capacité. En effet, son magasin a toujours généré des revenus dans les six chiffres. J’estime que ces revenus reflètent mieux sa capacité que les pertes nettes qu’elle a subies pendant plusieurs années.

[41] L’intimée possède et gère un magasin qui vend des vêtements d’occasion. Au cours d’une année, de nombreux articles sont vendus à des prix qui, selon moi, sont modestes. Une telle entreprise ne peut pas se gérer elle-même. Quelqu’un doit prendre des décisions stratégiques sur l’emplacement, le public cible des efforts de marketing et le type de marchandise à vendre. Quelqu’un doit aussi s’occuper des opérations quotidiennes comme la comptabilité, les opérations bancaires, la dotation et les horaires. La preuve indique que l’intimée a été la principale responsable de ces tâches.

[42] Pour qu’elle maintienne son magasin en activité année après année, l’intimée a dû être en mesure de s’en occuper régulièrement. Quelles que soient ses limitations physiques, elle a démontré qu’elle était en mesure d’exploiter régulièrement une entreprise à haut volume de ventes pendant une longue période.

L’intimée ne gérait pas un organisme de bienfaisance

[43] À l’audience, l’intimée a eu du mal à expliquer pourquoi elle exploitait, et même subventionnait son magasin d’occasion malgré des années de pertes. Elle a laissé entendre que le X était autant un organisme de bienfaisance qu’une entreprise. Elle a dit que maintenir une entreprise qui contribuait à la collectivité favorisait son épanouissement personnel.

[44] Je ne trouve pas cette explication convaincante. Je ne doute pas que le X ait parfois donné des vêtements à des causes valables. Cependant, ces dons étaient accessoires aux activités principales du magasin, soit l’achat et la revente de vêtements pour femmes. La preuve indique que l’intimée a conçu le X comme une entreprise lucrative et, malgré les pertes, il semble qu’il ait été géré ainsi.

[45] L’intimée a témoigné qu’elle avait eu de la difficulté à rendre son entreprise plus rentable. Elle a commandé un site Web moderne, mis à jour son système de TI et même envisagé de payer un plus faible pourcentage des ventes aux responsables de l’expédition. L’entreprise de l’intimée a bénéficié de la main-d’œuvre gratuite offerte par des amis et des partenaires, mais le fait qu’elle ait fait appel à des bénévoles ne signifie pas qu’elle gérait un organisme de bienfaisance.

L’invalidité de la requérante n’était pas prolongée

[46] Aux termes du RPC, une invalidité doit être grave et prolongée. J’ai déjà conclu que l’invalidité de l’intimée a cessé d’être grave. Même s’il ne m’est pas nécessaire de le faire, je conclus également que son invalidité n’était pas prolongée. Pour être prolongée, une invalidité doit être d’une durée indéfinie ; l’invalidité de l’intimée a pris fin de façon définie lorsqu’elle a repris la gestion active de son magasin de vêtements en 2016.

Conclusion

[47] Il est malheureux que l’intimée doive rembourser les prestations qu’elle a touchées pendant près de quatre ans, et je regrette le fait que ma décision lui causera des difficultés financières. Cependant, elle les a reçues alors qu’elle n’était plus invalide. Elle savait, ou aurait dû savoir qu’elle était obligée de déclarer un revenu d’entreprise important au ministreNote de bas de page 20. Elle ne s’est pas acquittée de cette obligation. Plus tard, quand le ministre a pris connaissance des revenus d’entreprise de l’intimée, il avait le droit d’enquêter pour savoir si elle avait retrouvé sa capacité de travail. Il avait également le droit de mettre fin à ses prestations après avoir décidé que son invalidité n’était plus grave et prolongée. Je suis convaincu que, ce faisant, le ministre a agi conformément à la loi.

[48] Je conclus que l’invalidité de l’intimée a cessé d’être grave et prolongée à compter de janvier 2016, soit au début d’une année où i) sa médecin de famille l’a jugée en bonne santé et active et ii) les ventes de son magasin ont augmenté de façon importante. En prenant en compte une période d’essai de travail de trois mois, sa pension d’invalidité a dû effectivement prendre fin à compter d’avril 2016Note de bas de page 21.

[49] L’appel est accueilli.

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