Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : AJ c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 305

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : A. J.
Représentante ou représentant : S. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 25 janvier 2023
rendue par le ministre de l’Emploi et du
Développement social (communiquée par Service
Canada)

Membre du Tribunal : Sharon Buchanan
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 mars 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 22 mars 2024
Numéro de dossier : GP-23-220

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, A. J., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Je vais expliquer pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 52 ans. Elle a un diplôme universitaire en mathématiques et en informatique. Elle a occupé des postes permanents à temps plein et des postes de supérieure en tant que travailleuse autonome en technologies de l’information. En août 2018, elle a arrêté de travailler en raison de symptômes de migraines graves. En octobre 2018, elle a essayé de retourner travailler, en faisant moins d’heures, en télétravail. Elle a été incapable de continuer. Elle a arrêté de travailler en novembre 2018 et n’a pas retravaillé depuis.

[4] Le 26 octobre 2021, l’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme ne pas pouvoir travailler en raison de ses symptômes de migraines chroniques et graves, exacerbés par des douleurs liées à la fibromyalgie, des étourdissements, de la confusion et de la fatigue. Elle dit être incapable de suivre une routine chez elle sans aide.

[6] Selon le ministre, la preuve montre que l’appelante avait des limitations et des symptômes importants lorsqu’elle a arrêté de travailler en 2018 et pendant une certaine période par la suite. Toutefois, le ministre affirme que la preuve n’appuie pas la thèse d’une invalidité grave et prolongée en décembre 2023, qui est le dernier mois où l’appelante pouvait encore être admissible à une pension d’invalidité. Il manque de preuves médicales de 2022 à 2023.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2023. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 1. Elle doit aussi prouver que son invalidité existe encore à ce jourNote de bas de page 2.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[10] Pour décider si l’invalidité de l’appelante est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs, comme son âge, son niveau de scolarité, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement capable de faire un quelconque travail qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle risque d’entraîner le décèsNote de bas de page 4.

[12] L’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle a une invalidité.

Questions que je dois examiner en premier

Je n’ai pas accordé à l’appelante plus de temps après l’audience pour déposer des documents

[13] À la fin de l’audience, le représentant de l’appelante a demandé plus de temps pour présenter les dossiers médicaux de l’appelante de 2022 et 2023. Il a dit qu’il demanderait au fournisseur d’assurance-invalidité de longue durée de l’appelante de lui procurer ces dossiers. Je n’ai pas accordé le délai demandé.

[14] La preuve serait pertinente. Mais dans les circonstances, je ne suis pas convaincue qu’un délai supplémentaire soit nécessaire pour assurer l’équité de l’audience.

[15] Le 15 novembre 2022, le ministre a écrit au médecin de famille de l’appelante pour avoir les dates et les raisons de ses visites ainsi que les rapports de consultation produits depuis janvier 2022Note de bas de page 5. L’appelante et son représentant ont été avisés que des renseignements supplémentaires avaient été demandés au médecinNote de bas de page 6. Comme aucune réponse n’a été reçue, le ministre a envoyé des rappels définitifs au médecin, à l’appelante et à son représentantNote de bas de page 7. Les observations écrites du ministre indiquent clairement l’importance de cette preuve médicaleNote de bas de page 8.

[16] Je ne pense pas qu’une explication raisonnable indique pourquoi l’appelante n’a pas été en mesure de fournir ces renseignements avant l’audience.

[17] Le représentant de l’appelante a déclaré être prêt à aller de l’avant en octobre 2023. Il a confirmé avoir reçu les observations du ministre.

[18] À l’audience, le représentant a discuté avec l’appelante d’un appel téléphonique du ministre en novembre 2022, où celui-ci exigeait des preuves médicales pour 2022 et 2023. Le représentant a demandé à l’appelante où se trouvaient ces preuves. Elle a dit qu’elle supposait que quelqu’un s’en était occupé, que tout le personnel de la santé avait pris beaucoup de notes et rempli plusieurs formulaires en son nom, mais qu’elle n’avait pas accès à ces documents.

[19] La preuve n’est pas nouvelle. Je ne suis pas convaincue qu’il aurait été impossible de l’obtenir plus tôt. La question en litige, ou même la nécessité de la preuve, n’est pas nouvelle. Je suis persuadée que l’appelante a été avisée de la nécessité d’une preuve médicale pour la période de 2022 à 2023.

[20] L’appelante a eu un délai raisonnable pour se préparer à l’audience. Je considère dans les circonstances qu’elle n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter d’avoir à demander plus de temps à la fin de la procédure. Lui accorder un délai supplémentaire entraînerait un retard déraisonnable.

Motifs de ma décision

[21] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2023.

Son invalidité était-elle grave?

[22] L’appelante a des migraines chroniques et un trouble de stress post-traumatique, elle est atteinte de dégénérescence maculaire et elle fait de l’anxiété.

[23] Toutefois, des diagnostics ne suffisent pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 9. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’ont empêchée de gagner sa vieNote de bas de page 10. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 11.

Ce que l’appelante dit de ses limitations fonctionnelles

[24] L’appelante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler.

[25] L’appelante a dit que lorsqu’elle a essayé de retourner travailler à l’automne 2018, elle était incapable de se concentrer en raison de ses douleurs. Son travail était exigeant. Ses douleurs et son incapacité de se concentrer faisaient qu’elle n’avait pas le discernement nécessaire pour répondre aux demandes de plus de 100 intervenantes et intervenants au pays. L’appelante a ajouté que la situation est restée la même. Très souvent, ses douleurs l’obligent à rester au lit.

[26] L’appelante a déclaré ne pas avoir la capacité de faire grand-chose. Elle prend sa douche une fois par semaine. Son époux télétravaille et s’occupe d’elle, de leur jeune fille et de leur domicile. Elle peut être active seulement une journée à la fois, puis elle doit se reposer.

[27] L’appelante ne sait jamais quand ses problèmes de santé vont s’aggraver. Certains de ses maux de tête se règlent à l’aide d’une médication légère. Mais ses migraines graves nécessitent une médication plus puissante qui l’assomme totalement. Les migraines les plus graves peuvent durer plusieurs jours sans interruption. Elle a dit que le personnel de la santé est au courant qu’elle peut devoir annuler ses rendez-vous à tout moment.

[28] L’appelante a dit qu’elle n’a pas de maux de tête tous les jours, mais que si elle a 20 migraines dans un mois, c’est un bon mois. Son état s’aggrave puisque la douleur causée par les migraines déclenche sa fibromyalgie. Ainsi, elle n’a pas seulement des maux de tête, mais des douleurs dans tout le corps, et elle se sent étourdie et agitée.

[29] L’appelante a dit qu’actuellement, ses médicaments l’aident dans la mesure où elle peut sortir du lit et manger. Ils diminuent aussi ses nausées.

[30] L’appelante a déclaré qu’elle reçoit des injections tous les deux mois et demi pour contrer sa dégénérescence maculaire. Ses yeux ne voient plus à 100 % et peuvent devenir secs. Elle porte des lunettes fumées pour éviter d’être éblouie. Cependant, elle a dit qu’à l’heure actuelle, ce problème de santé est stable.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[31] L’appelante doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2023Note de bas de page 12.

[32] Je ne vois aucune preuve médicale qui appuie les propos de l’appelante.

[33] Le rapport médical le plus récent dont je dispose date de février 2021, soit plus de deux ans avant la date de la période minimale d’admissibilité de l’appelante.

[34] La preuve médicale confirme que l’appelante avait des limitations fonctionnelles à ce moment-là. Par exemple, le rapport de neurologie de février 2021 mentionne des maux de tête persistants qui ne lui laissent que quelques jours par mois sans douleur. On y indique aussi que pendant ces jours exempts de douleur, l’appelante peut quand même être prise de vertiges et avoir des acouphènes. On y apprend que l’appelante a signalé de six à sept crises de migraine par moisNote de bas de page 13.

[35] Selon ce rapport médical de février 2021, l’appelante avait commencé un traitement au Botox contre ses migraines. Une troisième séance était prévue. Une note indique que l’appelante pouvait demander un blocage nerveux. Cependant, je ne vois pas d’autres preuves médicales par la suite.

[36] Je comprends qu’il n’y a pas toujours de preuve médicale au moment de la date de la période minimale d’admissibilité et que je peux tirer des conclusions à partir des autres éléments de preuve pertinents et disponibles dans certains cas. Cependant, dans la présente affaire, je ne peux pas conclure que l’appelante a continué d’avoir des limitations fonctionnelles.

[37] L’appelante a déclaré qu’elle suit un traitement perpétuel et en constante évolution et que le personnel de la santé continue d’explorer les options. Elle a dit que les injections de Botox n’avaient pas été utiles. Elles ont été remplacées par des injections mensuelles d’Ajovy.

[38] L’appelante a dit que la dose de ce médicament a été augmentée l’automne dernier pour mieux soulager ses douleurs. Elle reçoit maintenant une quantité importante du médicament, qu’elle se fait injecter tous les trois mois. Selon le personnel de neurologie, on doit attendre jusqu’à un an pour voir des changements. L’appelante a ajouté que dans le domaine de la neurologie, on dit qu’un autre médicament a récemment été approuvé et qu’on le considère comme le [traduction] « prochain saint Graal » du traitement de la migraine. L’appelante a dit qu’elle va peut-être l’essayer.

[39] L’appelante affirme avoir reçu un diagnostic de fibromyalgie et qu’elle prend des médicaments pour traiter les douleurs. Ce problème de santé est pris en charge en médecine familiale et en psychologie, mais elle a aussi des rendez-vous en rhumatologie. Le personnel en rhumatologie a demandé de diriger l’appelante vers la psychiatrie pour évaluer les options de traitement. L’appelante a un rendez-vous en psychiatrie toutes les deux semaines.

[40] L’appelante affirme que ses migraines déclenchent ses douleurs liées à la fibromyalgie. Elle a dit que ces deux problèmes de santé sont fortement connectés. Pour elle, une migraine signifie aussi des douleurs dans tout le corps, en plus des douleurs habituelles de la migraine.

[41] Je n’ai aucune preuve médicale de ces développements, de ces traitements ou de leur incidence sur les limitations fonctionnelles de l’appelante. Sans preuve médicale, je ne peux pas tirer de conclusion sur la nature des limitations fonctionnelles de l’appelante.

[42] Je ne dis pas que je ne crois pas l’appelante. Le problème, c’est qu’aucune preuve médicale ne montre que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en décembre 2023 et que c’est encore le cas aujourd’hui.

Pourquoi je n’ai pas tenu compte des caractéristiques personnelles de l’appelante

[43] Pour décider s’il y a invalidité grave, je dois habituellement tenir compte des caractéristiques personnelles de la personne. Des facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience personnelle peuvent effectivement influencer sa capacité à travailler dans un contexte réalisteNote de bas de page 14.

[44] Cependant, je ne me suis pas penchée sur les caractéristiques personnelles de l’appelante, puisqu’elles ne peuvent pas à elles seules la rendre admissible à la pension d’invalidité. Une preuve médicale demeure essentielle pour conclure à l’invaliditéNote de bas de page 15.

[45] En l’absence d’une preuve médicale pertinente, rien ne justifie d’examiner les caractéristiques personnelles.

Conclusion

[46] Je conclus que l’appelante n’avait aucune invalidité grave et qu’elle n’est donc pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Étant donné que l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité est prolongée.

[47] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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