Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : JH c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 331

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : J. H.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et
du Développement social datée du 1er juin 2023
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Anne S. Clark
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 14 mars 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 4 avril 2024
Numéro de dossier : GP-23-1434

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, J. H., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 57 ans. Elle a fait un doctorat en philosophie et une résidence en physique médicale. Elle a travaillé comme physicienne médicale jusqu’en août 2021. Elle a dit avoir développé des problèmes de santé après avoir reçu des vaccins contre la COVID-19. Elle a cessé de travailler en août 2021.

[4] L’appelante a dit avoir de nombreux problèmes de santé, y compris du brouillard cérébral, de l’anxiété, de la douleur et de l’instabilité aux genoux, des problèmes digestifs et de l’intolérance au froid.

[5] Le 11 juillet 2022, l’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[6] L’appelante affirme que ses symptômes persistent en raison de ses problèmes de santé. Elle ne peut pas faire de suivi sur les traitements recommandés ni les aiguillages vers des spécialistes. Elle a dit que c’est parce qu’elle doit vivre dans un climat chaud (tropical). Par conséquent, elle ne peut pas revenir au Canada pour assister à des rendez-vous avec des spécialistes ou recevoir des traitements. Elle vit maintenant en Floride et pourrait déménager en Malaisie. Les seuls soins de santé auxquels elle a accès sont offerts dans une clinique privée en Floride. Elle dit ne pas avoir les moyens de se faire traiter à cette clinique. Elle doit donc se soigner et gérer tous ses problèmes de santé sans soins professionnels.

[7] Le ministre affirme que la preuve ne démontre pas que l’appelante est atteinte d’une invalidité prolongée. Elle présentait des symptômes qui avaient une incidence sur elle, mais la preuve ne démontre pas que ses problèmes de santé devaient vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

Ce que l’appelante doit prouver

[8] Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audience. Autrement dit, au plus tard le 14 mars 2024. Note de bas de page 1

[9] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[10] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice Note de bas de page 2.

[11] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelante pour voir leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de ses antécédents (y compris son âge, son niveau de scolarité, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments me permettent de voir de façon réaliste si son invalidité est grave ou non. Si l’appelante est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[12] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès Note de bas de page 3.

[13] Par conséquent, l’invalidité de l’appelante ne peut pas avoir une date de rétablissement prévue. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité tienne l’appelante à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[14] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Questions que je dois examiner en premier

L’appelante a demandé de passer à une téléconférence

[15] Le Tribunal planifie les audiences en fonction de la disponibilité et des préférences de la partie appelante. L’appelante a demandé une audience par vidéoconférence. Avant le début de l’audience, l’appelante a dit qu’elle avait changé d’avis et qu’elle préférait procéder par téléconférence.

[16] J’ai accueilli la demande de l’appelante et j’ai modifié le mode d’audience à une téléconférence. L’appelante a dit qu’elle serait plus à l’aise de faire une téléconférence. Sa demande ne risquait pas de retarder l’appel ou d'avoir une incidence sur une autre partie. L’audience a donc eu lieu à l’heure prévue.

Motifs de ma décision

[17] Je juge que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le 14 mars 2024 et de façon continue par la suite. Je suis arrivée à cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelante était-elle grave?
  • L’invalidité de l’appelante était-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[18] L’invalidité de l’appelante n’était pas toujours grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs, que j’explique ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante ont eu une certaine incidence sur sa capacité de travail

[19] L’appelante est atteinte des problèmes suivant Note de bas de page 4 :

  • Symptômes neurologiques (pas encore diagnostiqués)
  • Rotule fracturée (guérie)
  • Mauvaise circulation
  • Trouble d’anxiété généralisée
  • Dysfonctionnement du système digestif

[20] Cependant, je ne peux pas me concentrer sur les diagnostics de l’appelante Note de bas de page 5. Je dois plutôt me concentrer sur la question de savoir si ses limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vie Note de bas de page 6. Pour ce faire, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante (pas seulement le plus important) et évaluer leur incidence sur sa capacité de travail Note de bas de page 7.

[21] Je conclus que l’appelante avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travail.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[22] L’appelante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail Note de bas de page 8. Elle dit qu’elle ne peut pas vivre au Canada parce qu’il fait trop froid. Elle a eu des symptômes d’anxiété, de léthargie, d’irritabilité, d’insomnie et de brouillard cérébral. Elle a dit qu’elle présentait certains de ces symptômes depuis plus de 20 ans. Elle a affirmé qu’elle avait un trouble neurologique et un dysfonctionnement du système digestif. Depuis six ans, elle dit devoir se faire un lavement tous les jours.

[23] L’appelante a dit qu’elle a fait une chute et qu’elle s’était cassé la rotule. Le spécialiste lui a dit qu’elle était guérie, mais elle dit avoir encore de la douleur. Elle dit aussi avoir l’impression que son autre genou va se casser. Compte tenu de cette limitation et de cette faiblesse, elle estime devoir utiliser un fauteuil roulant.

[24] L’appelante a essayé certains des traitements recommandés par son médecin de famille, mais cela n’a pas atténué ses symptômes. En juillet 2022, elle s’est rendue dans une clinique privée en Floride. Elle a dit qu’ils se spécialisaient dans ses problèmes de santé. Elle a expliqué que ses symptômes s’étaient améliorés à la fin du traitement, mais qu’elle avait besoin de traitements supplémentaires.

[25] Le médecin de l’appelante l’a dirigée vers un neurologue. L’appelante a dit que l’attente était trop longue et qu’elle avait quitté le Canada avant d’obtenir un rendez-vous. Elle a également décidé de ne pas attendre ou revenir pour subir la coloscopie recommandée.

[26] L’appelante a dit qu’elle n’a pas reçu de traitement depuis 2022 parce qu’elle a dû vivre en Floride ou en Malaisie. En Malaisie, elle a consulté une personne qui administre la médecine chinoise. Elle n’a aucun renseignement au sujet de cette consultation. Elle continue de gérer ses propres soins de santé. Elle se traite en fonction de ce qu’elle a appris à la clinique en Floride.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[27] L’appelante doit fournir des éléments de preuve médicale qui appuient le fait que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travailler au plus tard le 14 mars 2024 Note de bas de page 9.

[28] La preuve médicale appuie certains des propos de l’appelante.

[29] L’Hippocratic Health Institute de la Floride [institut de la santé hippocratique] a déclaré que l’appelante avait une mauvaise circulation, de l’anxiété récurrente, une perte musculaire, un dysfonctionnement du système digestif et une dégénérescence des articulations Note de bas de page 10. La Dre Nunez a dit que les symptômes de l’appelante ont commencé en mars 2021. Elle a dit que lorsqu’elle a donné son congé à l’appelante en juin 2022 [traduction] « son état s’était beaucoup amélioré ». La Dre Nunez l’a encouragée à poursuivre ses efforts afin de continuer à aller mieux. La Dre Nunez a également déclaré que l’appelante devait retourner au travail avec des tâches modifiées Note de bas de page 11.

[30] Le médecin de famille de l’appelante a déclaré que l’appelante présente des symptômes neurologiques pour lesquels elle n’a pas encore reçu de diagnostic Note de bas de page 12. La Dre Rees a dirigé l’appelante vers des spécialistes. Elle a recommandé à l’appelante de consulter un neurologue et un gastroentérologue. La Dre Rees a dit que l’appelante faisait peut-être de l’arthrose et qu’elle avait prévu certains tests.

[31] La Dre Iqbal a vu l’appelante et lui a [traduction] « fortement » déconseillé le jeûne à l’eau. Elle a écrit en juin 2022 que l’appelante avait des antécédents d’anxiété, mais qu’elle ne prenait pas de médicaments parce que cela n’aidait pas. L’appelante a dit à la Dre Iqbal qu’elle n’était pas très déprimée ou anxieuse à ce moment-là Note de bas de page 13.

[32] Le Dr Moore, spécialiste orthopédiste, a écrit que l’appelante a fait une chute et s’est fracturé la rotule du genou droit Note de bas de page 14. Elle a reçu un traitement conservateur. La rotule était guérie et son examen était normal.

[33] En juin 2022, le physiothérapeute de l’appelante a écrit que rien n’expliquait la faiblesse signalée par l’appelante Note de bas de page 15. Le thérapeute n’a pas pu remplir les formulaires d’invalidité demandés par l’appelante.

[34] La preuve médicale appuie le fait que l’appelante présentait des symptômes qui nuisaient à sa capacité de travail. Elle montre également que sa blessure au genou est guérie et que les autres symptômes s’améliorent avec le traitement. Elle confirme également qu’il y a des conseils médicaux au sujet de traitements que l’appelante n’a pas suivis. Les médecins ont confirmé qu’ils ne pouvaient pas poser de diagnostic ou traiter ses problèmes de santé sans faire d’autres tests.

[35] Je vais maintenant voir si l’appelante a suivi les conseils médicaux.

L’appelante n’a pas suivi les conseils médicaux

[36] Pour recevoir une pension d’invalidité, la partie appelante doit suivre les conseils médicaux Note de bas de page 16. Si une partie appelante ne suit pas les conseils médicaux, elle doit avoir une explication raisonnable pour ne pas le faireNote de bas de page 17. Si elle n’a pas d’explication raisonnable, je dois aussi évaluer l’incidence éventuelle que les conseils médicaux auraient pu avoir sur son invalidité Note de bas de page 18.

[37] L’appelante n’a pas suivi les conseils médicaux. Elle n’a pas fourni d’explication raisonnable pour ne pas avoir suivi les conseils. L’appelante a dit avoir accepté d’être hospitalisée en 2022 pendant 10 jours pour essayer d’obtenir un diagnostic pour ses problèmes de santé. Elle a expliqué que les médecins lui avaient dit que les tests n’expliquaient pas ses symptômes.

[38] L’appelante a décidé de ne pas attendre d’autres recommandations concernant ses symptômes neurologiques et digestifs. Elle décrit ces symptômes comme étant graves et comme la rendant incapable de travailler. Cependant, elle a décidé de ne pas suivre le conseil de son médecin de famille d’enquêter sur ses symptômes invalidants. Elle n’a pas fixé de rendez-vous comme recommandé. Elle n’a pas fait de suivi auprès de son médecin, alors elle ne sait pas si des rendez-vous avaient été prévus pour elle.

[39] L’appelante a donné deux raisons principales pour ne pas avoir suivi les conseils médicaux. Ses explications ne sont pas appuyées par des éléments de preuve. Elles ne sont pas raisonnables.

[40] L’appelante a dit qu’elle estimait ne pas pouvoir rester plus longtemps au Canada pour attendre d’être aiguillée vers qui que ce soit d’autre. Elle a dit qu’elle estime que son intolérance au froid est trop grave pour qu’elle soit au Canada. Elle se sent même mal lorsqu’il fait 20 °C. Il n’y a aucune preuve à l’appui de la position de l’appelante selon laquelle elle ne peut pas vivre au Canada. Rien ne laisse croire qu’il serait raisonnable de rester à l’étranger, même si cela signifie qu’elle ne peut pas avoir accès aux soins médicaux dont elle a besoin. Elle a confirmé qu’aucun professionnel de la santé ne lui avait dit qu’elle devait quitter le Canada en raison de son état de santé.

[41] La deuxième raison invoquée par l’appelante était qu’une amie (qui n’est pas une professionnelle de la santé) lui a dit que les vaccins contre la COVID-19 avaient probablement causé ses symptômes. Par conséquent, elle estimait qu’une recommandation à d’autres spécialistes ne lui serait pas utile. Il n’y a aucune preuve pour appuyer cette hypothèse.

[42] Je dois maintenant examiner si le fait de suivre ces conseils médicaux aurait pu avoir une incidence sur l’invalidité de l’appelante. J’estime que cela aurait pu faire une différence. L’appelante a décrit les symptômes neurologiques possibles et les symptômes digestifs comme contribuant à la plupart de ses limitations. Elle a dit qu’elle devait faire très attention à ses genoux même si sa rotule était guérie. Mais les autres symptômes sont liés à un problème neurologique possible et au dysfonctionnement du système digestif. Son médecin de famille a estimé qu’il était nécessaire de l’aiguiller vers des spécialistes. Avec un diagnostic, l’appelante pourrait avoir accès à un traitement pour atténuer ses symptômes complètement ou en partie.

[43] Il n’était pas raisonnable pour l’appelante d’accepter l’explication de son amie au sujet de la cause de ses symptômes et de refuser de suivre les conseils de son médecin traitant. De plus, l’appelante a dit qu’aucun professionnel de la santé ne lui avait dit qu’elle devait quitter le Canada pour des raisons de santé. Elle a décidé de partir sans avis médical. Sa décision était déraisonnable parce que cela signifiait qu’elle ne recevrait pas les soins nécessaires pour explorer la cause de ses symptômes et cibler un traitement possible.

[44] L’appelante n’a pas suivi les conseils médicaux qui auraient pu avoir une incidence sur son invalidité. Cela signifie que son invalidité n’était pas grave.

[45] Pour décider si une invalidité était grave, je dois habituellement tenir compte des caractéristiques personnelles de la personne qui fait appel.

[46] Cela me permet d’évaluer la capacité de travail d’une partie appelante de façon réaliste Note de bas de page 19.

[47] Cependant, je n’ai pas à le faire ici parce que l’appelante n’a pas suivi les conseils médicaux et n’a pas donné d’explication raisonnable pour ne pas les avoir suivis. Cela signifie qu’elle n’a pas prouvé que son invalidité était grave au plus tard le 14 mars 2024 Note de bas de page 20.

Conclusion

[48] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité n’était pas grave. Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’ai pas eu à vérifier si elle était prolongée.

[49] Ainsi, l’appel est rejeté.

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