Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : AM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 356

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. M.
Représentante ou représentant : Mehran Yazdani
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Dylan Edmonds

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
11 septembre 2023 (GP-22-1215)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 11 avril 2024
Numéro de dossier : AD-23-989

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Aperçu

[2] L’appelante a 41 ans et était réceptionniste médicale. Elle a reçu un diagnostic de dermatite, un problème de santé qui cause de graves éruptions cutanées. Elle n’a pas travaillé depuis septembre 2021.

[3] En octobre 2021, elle a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 1. Dans sa demande, elle a affirmé qu’elle ne pouvait plus utiliser d’ordinateur en raison d’enflures, de fissures et de saignements à ses deux mains.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande après avoir conclu que l’appelante n’avait pas une invalidité grave et prolongée.

[5] L’appelante a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Celle-ci a tenu une audience par téléconférence, puis a rejeté l’appel. Elle a conclu que la preuve était insuffisante pour montrer que l’appelante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Entre autres choses, la division générale a établi que l’appelante n’avait pas essayé toutes les options de traitement.

[6] L’appelante a alors demandé la permission de faire appel à la division d’appel. À la fin de l’année dernière, la division d’appel lui a accordé cette permission. À la demande de l’appelante, j’ai tenu une audience en examinant le dossier existant.

[7] Maintenant que je me suis penché sur les observations des deux parties, je conclus que l’appelante ne remplit pas les conditions requises pour recevoir une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La preuve montre que, malgré certaines limitations fonctionnelles, l’appelante n’a pas une invalidité grave ou prolongée.

Question préliminaire

[8] En décembre 2022, la loi entourant les appels au Tribunal a été modifiéeNote de bas de page 2. Dorénavant, une fois que la division d’appel accorde la permission d’aller de l’avant, elle examine l’appel de novo, c’est-à-dire comme une nouvelle affaire, et peut se pencher sur le même type de questions que celles dont la division générale était saisieNote de bas de page 3. Je ne suis donc lié par aucune des conclusions que la division générale a tirées. Je peux examiner tous les éléments de preuve disponibles, y compris les nouveaux, pour décider si l’appelante a une invalidité.

Question en litige

[9] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait une invalidité grave et prolongée pendant sa période de protection. Les parties ont convenu que sa période de protection se terminerait le 31 décembre 2024Note de bas de page 4.

  • Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 5. Une personne n’a pas droit à une pension d’invalidité si elle est régulièrement capable d’effectuer un travail qui lui permet de gagner sa vie.
  • Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle risque d’entraîner le décèsNote de bas de page 6. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité tienne la personne à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[10] Dans le présent appel, je devais décider si l’appelante avait une invalidité grave et prolongée à la date de la décision.

Analyse

[11] J’ai appliqué la loi à la preuve disponible et je conclus que l’appelante n’a pas une invalidité grave et prolongée. Je suis convaincu que ses problèmes de santé ne l’empêchent pas d’être régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Absence d’invalidité grave et prolongée

[12] Toute personne qui demande des prestations d’invalidité est responsable de prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongéeNote de bas de page 7. J’ai examiné le dossier et je conclus que l’appelante ne s’est pas acquittée de cette responsabilité selon le critère établi par le Régime de pensions du Canada. Bien que l’appelante ait une déficience, je ne vois pas de preuves suffisantes pour affirmer qu’elle ne peut pas travailler.

[13] Dans sa demande de prestations, l’appelante a déclaré que son principal problème de santé invalidant était la douleur et l’enflure causées par l’eczéma et la dermatite à ses deux mains. Elle a précisé que, lorsqu’elle avait une bonne journée, elle pouvait utiliser ses mains de façon continue pendant quatre à six heures, mais que durant les mauvaises journées, elle pouvait à peine les ouvrir et les fermer.

[14] L’appelante a écrit par la suite qu’elle a développé une dermatite à l’adolescence, qui s’est aggravée après la naissance de son fils en 2016Note de bas de page 8. Elle a mentionné que c’était de plus en plus difficile pour elle de taper au clavier pendant sept heures par jour. Ses mains lui démangeaient et devenaient douloureuses, fissurées et enflées. Elle a perdu la couche protectrice de sa peau, ce qui l’a obligée à porter des gants de coton. Elle avait de la difficulté à prendre une douche parce qu’elle ne pouvait pas se mouiller les mains. Même une tâche aussi simple que balayer le plancher de la cuisine lui faisait mal.

[15] L’appelante a déclaré qu’au fil des ans, elle a vu plusieurs spécialistes et a essayé de nombreux traitements. Rien n’a fonctionné. Ses problèmes de santé la rendaient anxieuse et déprimée. Elle a entamé une thérapie en 2022, mais elle n’a pas encore pris de médicaments pour améliorer sa santé mentale. Elle voudrait recommencer à travailler, mais elle n’est plus capable d’utiliser ses mains de façon constante. Elle ne serait pas une employée fiable.

[16] Même si l’appelante peut avoir l’impression d’être invalide, je dois fonder ma décision sur autre chose que sa vision subjective de ses capacités Note de bas de page 9 . La preuve dans son ensemble ne permet pas de conclure que l’appelante a une déficience grave qui l’empêche d’effectuer un travail convenable.

[17] Je fonde cette conclusion sur les facteurs ci-dessous.

Le médecin de famille de l’appelante n’exclut pas un retour au travail

[18] Le Dr Makary est le principal fournisseur de soins de santé de l’appelante depuis longtemps. Il est alors bien placé pour commenter son état de santé et ses perspectives de rétablissement. Il a fourni de multiples notes et rapports concernant sa patiente, mais ses avis sont partagés et ne dénotent pas nécessairement une invalidité grave.

[19] En novembre 2021, le Dr Makary a produit un rapport médical pour accompagner la demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada de l’appelanteNote de bas de page 10. Il y mentionne l’eczéma grave et la dermatite atopique qui, selon lui, empêchent l’appelante d’utiliser ses mains pour toute tâche de motricité fine, comme taper du texte, écrire ou d’autres tâches manuelles. Il a noté qu’elle présentait des douleurs, de la faiblesse et une diminution de la dextérité aux deux mains. Il a mentionné que, depuis novembre 2021, elle prenait du méthotrexate (un médicament utilisé contre l’eczéma lorsque les traitements topiques ne sont pas efficaces), mais qu’il devait encore voir si la réaction était positive ou non. Il a recommandé à l’appelante d’arrêter de travailler en septembre 2021, mais il prévoyait qu’elle serait capable de reprendre son ancien emploi un ou deux ans plus tard.

[20] À ce moment-là, le Dr Makary ne croyait pas que l’invalidité de l’appelante durerait pendant une [traduction] « période indéfinie », peut-être parce qu’il pensait que le méthotrexate serait efficace. Comme nous le verrons, le médicament a été efficace, mais il a aussi entraîné des effets secondaires indésirables chez l’appelante.

[21] Dans des notes cliniques rédigées plus tard en novembre 2021, le Dr Makary a écrit qu’après trois semaines de méthotrexate, l’appelante ressentait de la fatigue et devrait attendre au moins trois autres semaines pour voir des effets positifsNote de bas de page 11. Dans des notes cliniques ultérieures, en avril 2022, le Dr Makary a écrit qu’il avait augmenté la dose de méthotrexate de l’appelante et que ses mains semblaient bien. Cependant, l’appelante a dit que même si son eczéma avait diminué, elle était fatiguée et avait l’impression d’avoir fait [traduction] « un face-à-face avec un camion » pendant deux jours après avoir pris le médicament. Elle a aussi dit qu’elle était prête à essayer les injections de méthotrexateNote de bas de page 12.

[22] À ce moment-là, le Dr Makary avait déjà écrit une lettre pour l’appelante à l’appui de sa demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, dans laquelle il faisait état de ses problèmes de santé [traduction] « graves et prolongésNote de bas de page 13 ». Cependant, quelques mois plus tard, en juin 2022, il a rempli un formulaire du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, dans lequel il a décrit les incapacités de l’appelante comme étant [traduction] « légères » ou « modérées »Note de bas de page 14.

[23] Le Dr Makary a aussi fait remarquer que l’eczéma de l’appelante affectait tous les aspects de sa vie et de son travail : [traduction] « Il est particulièrement préoccupant de voir à quel point les produits désinfectants pour les mains sont irritants, et elle doit les utiliser souvent en grande quantité en raison de la pandémie actuelle. » [C’est moi qui souligne.] Cette remarque m’indique que les problèmes de santé de l’appelante pendant la crise de la COVID-19 ont peut-être été aggravés par des facteurs situationnels qui n’existent plus ou qui ne présentent plus la même urgence qu’il y a deux ou trois ans.

[24] Le rapport suivant du Dr Makary soulève des questions sur la gravité et la durée des problèmes de santé de l’appelante. En septembre 2022, il a noté que l’appelante prenait toujours des pilules de méthotrexate, mais qu’elle ne les aimait pas. Il a mentionné qu’elle se plaignait de fatigue extrême. Il a supposé que sa fatigue n’était peut-être pas due au méthotrexate, mais à une apnée obstructive du sommeil, à un épisode dépressif ou à de l’anxiété découlant de lectures sur les effets secondaires possibles des médicamentsNote de bas de page 15.

[25] Le Dr Makary a ensuite laissé entendre que les problèmes de santé de l’appelante étaient très variables. En janvier 2023, il a écrit une lettre où il mentionne que ses symptômes fluctuaient régulièrement, de légers à graves. Le même mois, le Dr Makary a déclaré que, même si l’eczéma de l’appelante était bien contrôlé, il y avait une [traduction] « recrudescence » de la maladie sur ses avant-bras et son tronc, qui empirait habituellement au printempsNote de bas de page 16.

[26] En juillet 2023, le Dr Makary a écrit que la dermatite de l’appelante était grave et l’empêchait d’occuper de façon fiable tout emploi, à temps plein, à temps partiel ou saisonnier, qui exigeait l’utilisation de ses mainsNote de bas de page 17. Mais il a aussi précisé que les traitements de l’appelante étaient toujours en cours et que certaines options étaient encore envisageables :

[traduction]

Le principal obstacle à ce moment-ci est de trouver un médicament qui procure une rémission de la maladie et un niveau acceptable d’effets secondaires... [Elle] a essayé divers traitements. Elle a essayé des crèmes comme le Diprolène, la bétaméthasone, l’hydrocortisone, le Protopic et l’Eucrisa, dont les effets bénéfiques étaient tous minimes. [Elle] prend maintenant un médicament injectable, le méthotrexate, mais les effets bénéfiques sont légers ou modérés et les effets secondaires sont importants. Actuellement, elle est vue en dermatologie et souhaite essayer un nouveau médicament à l’automne. Nous avons espoir que les nouveaux traitements aideront à contrôler sa dermatite grave. [C’est moi qui souligne.]

[27] La preuve la plus récente du Dr Makary est une lettre en réponse à la personne qui conseillait l’appelante sur le plan juridique. Cette personne avait demandé une mise à jour sur son état de santé ainsi que des précisions sur certaines déclarations précédentes du médecinNote de bas de page 18. Le Dr Makary a confirmé que l’appelante ne prenait plus de méthotrexate et a déclaré qu’elle avait commencé à prendre un autre médicament, le Cibinqo, en septembre 2023. Il a dit que, selon l’appelante, ce médicament produisait aussi des effets secondaires : étourdissement, nausée, tressautement à l’œil droit, picotement aux mains et aux pieds, et blocage aux mains et aux doigts. Elle a continué d’être suivie par son spécialiste, le Dr Siddha.

[28] Interrogé sur un pronostic, le Dr Makary a répondu que, comme l’appelante venait de commencer à prendre le nouveau médicament, il était difficile d’en évaluer l’efficacité. Pour l’instant, le pronostic demeurait réservé.

[29] Grosso modo, la preuve du Dr Makary donne à penser que les problèmes de santé de l’appelante sont graves, mais aussi variables et potentiellement traitables. De graves éruptions cutanées surviennent de temps en temps, mais elles diminuent avec au moins un médicament, même si l’appelante affirme que les effets secondaires étaient pires que les effets bénéfiques. Il reste toutefois d’autres médicaments que l’appelante n’a pas encore essayés et, pour cette raison, je ne peux pas dire que ses problèmes de santé sont prolongés.

Les spécialistes de l’appelante continuent d’explorer les options de traitement

[30] Un certain nombre de spécialistes ont vu et traité l’appelante pour ses problèmes de peau. Comme le Dr Makary, les spécialistes ont tous laissé entendre que son traitement est un processus continu d’essais et erreurs. Comme le Dr Makary, aucun des spécialistes n’a exclu un futur retour au travail.

[31] En octobre 2018, le Dr Simms, allergologue, a écrit que l’appelante présentait de l’eczéma modérément grave aux mains, surtout dans les paumes. Le Dr Simms a noté que son problème de santé s’était partiellement amélioré grâce à un stéroïde topique, mais il l’a quand même envoyée faire un test d’allergie et a suggéré un traitement en dermatologieNote de bas de page 19.

[32] Lors d’un examen, le Dr DeKoven, dermatologue, a observé des plaques de fissurations érythémateuses focales modérées (lésions ouvertes) dans les paumes de l’appelante et au dos de ses deux mainsNote de bas de page 20. Il a souligné que l’appelante utilisait seulement de la crème à mains pour traiter l’irritation et que l’utilisation de désinfectants liquides pour les mains aggravait ses symptômes immédiats. Le Dr DeKoven a établi toute une gamme d’options de traitement, y compris des médicaments topiques, de la photothérapie et un autre médicament appelé Toctino.

[33] En juillet 2019, l’appelante a vu un autre dermatologue, le Dr Siddha, qui a établi un plan de traitement qui comprenait des onguents topiques et un essai de ToctinoNote de bas de page 21. Le Dr Siddha avait prévu un suivi six semaines plus tard, mais on ne sait pas vraiment s’il a eu lieu : le dossier ne contient aucun rapport de spécialistes, dont le Dr Siddha, pour les deux années suivantes.

[34] En octobre 2021, pendant le mois de sa demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, l’appelante a vu le Dr Raman, un autre dermatologueNote de bas de page 22. Dans son rapport, il a noté que les mains de l’appelante présentaient des plaques rougeâtres et squameuses avec [traduction] « des excoriations, de l’impétiginisation et de la lichénificationNote de bas de page 23 ». Il n’a fait aucun commentaire sur les capacités de l’appelante ni sur son pronostic, mais il a décrit un large éventail d’options de traitement : continuer d’utiliser des crèmes topiques, essayer des médicaments oraux comme le méthotrexate et le Toctino, essayer le Kenalog intramusculaire (un corticostéroïde injectable) et le dupilumab (un médicament biologique), ou participer à un essai clinique pour une nouvelle classe de médicaments, les inhibiteurs de Janus Kinase.

[35] Le même mois, l’appelante est retournée voir le Dr Siddha. Il lui a rapidement prescrit des comprimés oraux de méthotrexate et a continué de la voir régulièrement, environ tous les trois mois, pendant les deux années suivantesNote de bas de page 24. Malheureusement, les rapports du Dr Siddha sont très brefs. En gros, ils font seulement état des diagnostics de dermatite ou d’eczéma aux mains, avec deux mentions de [traduction] « recrudescence » de la maladie sur ses avant-bras et son tronc. Ils ne contiennent aucun renseignement sur la gravité de la dermatite, sur les possibles incapacités de l’appelante ou sur sa réaction aux médicaments.

[36] En résumé, les rapports des spécialistes dont je dispose manquent de détails et ne disent que très peu de choses sur la gravité des problèmes de santé de l’appelante. Ils confirment que l’appelante a une dermatite, mais ils ne contiennent presque aucun renseignement sur la façon dont ce problème de santé nuit à sa capacité de travailler régulièrement. Un diagnostic ne peut pas être assimilé à une invaliditéNote de bas de page 25, et j’hésite à accorder une pension d’invalidité si je dois me fier principalement à la vision subjective que l’appelante a de ses capacités.

[37] Les rapports des spécialistes dont je dispose ne disent rien non plus sur l’efficacité des traitements de l’appelante à ce jour, mais ils portent à croire que, même si le méthotrexate entraînait trop d’effets secondaires, il restait beaucoup d’autres options de traitement à essayer.

Les antécédents et les caractéristiques personnelles de l’appelante n’ont pas nui à son employabilité

[38] Selon la preuve médicale, j’estime que l’appelante était capable de travailler. J’en ai la conviction lorsque j’évalue son employabilité globale.

[39] L’affaire juridique principale qui encadre l’interprétation du terme « grave » est la décision Villani. Elle exige que le Tribunal, lorsqu’il évalue l’invalidité, considère la personne de façon globale, dans un contexte réalisteNote de bas de page 26. L’employabilité ne doit pas être évaluée de façon abstraite, mais plutôt à la lumière de toutes les circonstances présentes.

[40] Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner ses problèmes de santé. Je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience de vie. Ces facteurs m’aident à voir si l’appelante pouvait travailler dans un contexte réaliste pendant sa période de protection.

[41] L’appelante a plusieurs caractéristiques qui l’aideraient à trouver un emploi. Elle a 41 ans, ce qui est loin de l’âge habituel de la retraite, et l’anglais est sa langue maternelle. Elle a seulement fait des études secondaires, mais elle a une grande expérience diversifiée dans les secteurs du commerce de détail et des servicesNote de bas de page 27. Cette expérience montrerait probablement à un employeur potentiel qu’elle est fiable et capable de s’adapter.

[42] Forte de son expérience de travail, l’appelante est bien outillée pour tenter de retourner sur le marché du travail si elle le souhaite. Je considère que, même avec ses problèmes de peau, elle a la capacité résiduelle (une certaine capacité) d’essayer au moins un emploi qui pourrait être plus facile à faire avec ses mains que celui qu’elle occupait auparavant.

L’appelante n’a pas essayé d’autres emplois

[43] La capacité résiduelle de l’appelante lui impose une obligation.

[44] Une décision de la Cour d’appel fédérale qui s’intitule Inclima établit que toute personne qui demande des prestations d’invalidité doit avoir fait son possible pour trouver un autre emploi mieux adapté à ses déficiences :

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas de page 28.

[45] Ce passage montre que si une personne a toujours au moins une certaine capacité de travailler, la division générale doit évaluer ce qui suit : i) si elle a tenté de trouver un autre emploi; ii) si oui, si ses déficiences l’ont empêchée d’obtenir et de conserver cet emploi.

[46] De plus, toute personne qui demande des prestations d’invalidité doit avoir fait des tentatives significatives de retour au travailNote de bas de page 29. Elle ne peut pas avoir limité sa recherche d’emploi au type de travail qu’elle effectuait avant d’avoir une invalidité. Elle doit démontrer qu’elle est régulièrement incapable de détenir toute occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 30. Toute personne qui ne cherche pas d’autres types d’emploi risque de ne pas être admissible aux prestations.

[47] L’appelante a été représentante du service à la clientèle à Walmart pendant huit ans et réceptionniste dans une clinique de chiropratique pendant six autres années. Lorsqu’elle a arrêté de travailler en septembre 2021, elle était agente de développement des affaires pour un concessionnaire automobile, un emploi qui, selon ce qu’elle a expliqué, demandait d’utiliser un clavier d’ordinateur de sept à huit heures par jourNote de bas de page 31.

[48] L’appelante a affirmé qu’elle a dû quitter son emploi parce qu’elle était incapable de taper au clavier pendant plus d’une heure sans ressentir une forte sensation de brûlure aux mainsNote de bas de page 32. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle ne pouvait pas travailler dans un autre commerce de détail ou un autre bureau, elle a répondu :

[traduction]
Pour être honnête, il n’y a aucun emploi qui ne nécessite pas les mains. Malheureusement, l’état de mes mains est imprévisible et, à cause de cela, je ne suis pas fiable. Je ne crois pas qu’un employeur embaucherait une personne qui dit honnêtement d’emblée qu’elle ne peut pas garantir d’être au travail tous les jours parce qu’elle ne sait pas dans quel état ses mains seront le matin. Je pourrais aller au travail et devoir partir après une heureNote de bas de page 33.

[49] L’appelante n’est peut-être plus capable de taper au clavier pendant huit heures d’affilée, même moins d’une heure, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’elle est incapable de faire tout type de travail. J’admets que presque chaque emploi concevable comporte au moins une tâche manuelle. Cependant, beaucoup d’emplois ne comportent pas de tâche de motricité fine ou n’exigent pas une utilisation soutenue et intensive des mains comme c’était le cas du plus récent emploi de l’appelante. L’appelante affirme qu’elle ne peut plus être fiable dans n’importe quel emploi. Comment peut-elle en être certaine si elle n’a pas d’abord essayé un emploi moins exigeant sur le plan manuel?

[50] En fin de compte, je n’ai pas été en mesure de bien évaluer si l’appelante a une invalidité grave. En effet, elle n’a jamais fait de démarches pour trouver un emploi qui aurait pu être mieux adapté à ses limitations fonctionnelles. Pour cette raison, sa demande doit être rejetée.

Conclusion

[51] L’appelante a des problèmes de peau, mais la preuve à ma disposition montre que ces problèmes ne l’ont pas empêchée d’être régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. De plus, l’appelante n’a pas essayé toutes les options de traitement et n’a pas fait de réelles démarches pour trouver un autre emploi qui aurait pu être mieux adapté à ses limitations. Pour ces motifs, je ne suis pas convaincu que l’appelante a une invalidité grave ou prolongée.

[52] L’appel est rejeté.

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