Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : SK c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 408

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : S. K.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 27 février 2023 rendue par le
ministre de l’Emploi et du Développement social
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Connie Dyck
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 16 avril 2024
Numéro de dossier : GP-23-694

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, S. K., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant avait 58 ans lorsqu’il a cessé de travailler comme aidant naturel pour son père, en septembre 2021.

[4] Le 7 avril 2022, l’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 1. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant affirme qu’une radiographie datant de 2008 révèle la présence d’arthrite à sa hanche. En 2022, des radiographies ont révélé qu’il était atteint d’une forme grave d’arthrite. Il a dû subir une arthroplastie de la hanche en janvier 2023.

[6] Le ministre affirme que la preuve médicale ne démontre pas que l’appelant avait, en date du 31 décembre 2017, des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de travailler. 

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour avoir gain de cause, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2017, soit au plus tard le 31 décembre 2017. Cette date a été établie en fonction des cotisations qu’il a versées au Régime de pensions du Canada Note de bas de page 2. Il doit aussi prouver qu’il est toujours invalide. Note de bas de page 3

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les qualificatifs « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 4.

[10] Pour décider si l’invalidité de l’appelant est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelant est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 5.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelant doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Questions que je dois examiner en premier

Je n’ai pas accepté les documents en retard

[14] Le ministre a déposé des documents après la date limite. Il s’agissait d’un registre de cotisations. Je n’ai pas accepté ces documents tardifs puisqu’ils n’avaient rien de neuf et auraient pu être soumis plus tôt. En fait, ce document fournissait des renseignements qui figuraient déjà au dossierNote de bas de page 6.

Motifs de ma décision

[15] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2017.

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[16] L’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2017. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

[17] L’appelant avait de l’arthrose à la hanche droite.

[18] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 7. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 8. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 9.

Ce que l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelant affirme que les limitations fonctionnelles liées à son problème de santé nuisent à sa capacité de travailler. Il explique ceci :

  • En 2008, une radiographie a révélé un peu d’arthrose à sa hanche droiteNote de bas de page 10. Une radiographie subséquente, faite en 2022, a toutefois révélé une forme grave d’arthrose. Il estimait ne plus être capable de travailler depuis décembre 2019 à cause de ce problème de santé.
  • Il avait été aidant naturel à temps plein pour son père de mars 2011 à son décès, en septembre 2021.
  • Il avait éprouvé beaucoup de douleur et d’inconfort durant la période où il s’était occupé de son père. Le fait d’aider une personne âgée sollicitait de façon accrue son articulation à la hanche droiteNote de bas de page 11.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[20] L’appelant doit fournir des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2017 Note de bas de page 12.

[21] La docteure Jeans, la médecin de famille de l’appelant, a dit que celui-ci présentait en 2007 des symptômes d’arthrose à la hanche. Malgré l’absence d’une radiographie, l’appelant a dit qu’il en avait fait une en 2008 et qu’elle avait révélé de l’arthrose à sa hanche. Je n’ai aucune raison de douter de lui. Néanmoins, une personne n’est pas forcément invalide du simple fait qu’elle a un problème de santé. Des éléments de preuve médicale doivent montrer que l’appelant avait des limitations fonctionnelles en date du 31 décembre 2017 et qu’elles l’empêchaient de travailler.

[22] La preuve médicale allant de janvier 2017 à 2020 n’appuie pas le fait que l’appelant avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de travailler.

[23] La docteure Jeans a décrit le dossier médical de l’appelant de janvier 2017 à décembre 2021Note de bas de page 13. Elle a dit que la plupart de ses visites durant cette période avaient servi au suivi et à la prise en change de son hypertension et au traitement des verrues plantaires. Au printemps 2017, il a aussi eu deux visites pour des palpitations et les tests conséquents. En 2018, un acrochordon avait été retiré chez l’appelant. En 2020, l’appelant avait vu sa médecin plusieurs fois pour des douleurs aux jambes. Ces douleurs avaient disparues avec l’arrêt de ses médicaments aux statines.

[24] En décembre 2021, l’appelant a dit à la docteure Jeans que sa douleur chronique à la hanche droite s’était progressivement aggravée au cours des derniers moisNote de bas de page 14. Cependant, plusieurs années s’étaient déjà écoulées depuis le 31 décembre 2017, soit depuis la date limite pour prouver son invalidité.

[25] En avril 2022, l’appelant présentait des symptômes modérés à graves sous la forme de douleur, d’une mobilité et d’une amplitude de mouvement réduites, et d’une aggravation de sa douleur quand il marchait. L’appelant ne prenait pas de médicaments, et ne voulait pas prendre de Tylenol comme on le lui avait recommandé. La docteure Jeans a dit que l’appelant avait été dirigé vers un chirurgien orthopédiste. Elle ne pensait pas qu’il pourrait reprendre son ancien travail, même avec une arthroplastie de la hanche. En effet, les emplois en restauration supposaient des tâches physiques comme se pencher, soulever des charges et faire des mouvements de torsion. Le docteure Jeans a dit que l’articulation de sa hanche le rendait invalide depuis 2019.

[26] L’appelant a dit au docteur Boudreau, chirurgien orthopédiste, qu’il avait des problèmes à la hanche droite depuis un certain nombre d’années, mais ses les problèmes s’étaient [traduction] « sérieusement aggravés » vers 2015Note de bas de page 15. Il a dit que sa qualité de vie en avait pris un coup à un certain point. Le docteur Boudreau a recommandé une arthroplastie complète de sa hanche droiteNote de bas de page 16.

[27] L’appelant a subi une arthroplastie complète de sa hanche droite en janvier 2023Note de bas de page 17.

[28] Lors d’un rendez-vous de suivi en mars 2023, le docteur Boudreau a déclaré que l’appelant se portait bienNote de bas de page 18. Il avait moins de douleur depuis l’opération. Son amplitude de mouvement était raisonnable. Le docteur Boudreau a autorisé l’appelant à recommencer à conduire.

[29] En avril 2023, l’appelant a dit au docteur Boudreau qu’il n’avait plus de douleur. Il marchait sans aide à la marche et sans boiterNote de bas de page 19.

[30] La preuve médicale ne montre pas que l’appelant avait des limitations fonctionnelles en date du 31 décembre 2017. Je reconnais qu’il avait des limitations fonctionnelles en 2019, quand il avait rapporté que sa qualité de vie était malmenée. C’est aussi à ce moment-là que la docteure Jeans avait affirmé que sa hanche était devenue une invalidité. Toutefois, cette situation est survenue deux ans après la date limite pour son invalidité.

[31] De plus, l’appelant a subi une arthroplastie complète de sa hanche droite en 2023. Il n’avait plus de douleur ni de limitations pour marcher. Cela confirme qu’il n’y avait pas eu d’invalidité continue.

L’appelant pouvait travailler dans un contexte réaliste en date du 31 décembre 2017 et par la suite

[32] Mon analyse ne peut pas s’arrêter au problème médical de l’appelant et à son effet fonctionnel. Pour décider s’il est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience de travail et de vie.

[33] Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 20?

[34] Je conclus que l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Il était toujours capable de travailler en date du 31 décembre 2017.

[35] L’appelant avait 55 ans en décembre 2017. Son âge pourrait avoir une incidence sur sa recherche d’emploi. Cependant, il a terminé sa 12e année et une année d’université avec un diplôme en service de table et de bar. De plus, il avait été associé dans un restaurant de mai 2002 à avril 2014. Cette position lui aurait permis d’acquérir des compétences transférables, notamment en service à la clientèle et en affaires. 

[36] Je reconnais que la docteure Jeans a dit que les symptômes de l’appelant avaient commencé en 2007. Cependant, l’appelant a été capable de travailler pendant de nombreuses années en dépit de son problème de santé. Il a joué un rôle actif dans le restaurant jusqu’en avril 2014, moment où le partenariat a été dissoutNote de bas de page 21.

[37] S’il est réaliste qu’il travaille, l’appelant doit montrer qu’il a essayé de trouver et de garder un emploi. Il doit aussi montrer que ses efforts ont été infructueux à cause de sa santéNote de bas de page 22. Une personne fait des efforts pour trouver et garder un emploi si, par exemple, elle suit une nouvelle formation ou cherche un emploi adapté à ses limitations fonctionnellesNote de bas de page 23.

[38] De mars 2011 à septembre 2021, l’appelant a travaillé comme aidant naturel auprès de son père, à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Il a expliqué qu’il faisait essentiellement le même travail qu’un préposé aux services de soutien à la personne dans une maison de soinsNote de bas de page 24. Il s’occupait des repas et des rendez-vous de son père et l’aidait avec son hygiène quotidienne à temps plein. À compter de septembre 2013, il a reçu 400 $ par mois pour veiller aux soins de son père.

[39] Dans la présente affaire, l’appelant a réussi à trouver un emploi convenable. Il a choisi de s’occuper de son père à temps plein. Cet emploi a pris fin en septembre 2021, non pas à cause de la santé de l’appelant, mais parce que son père est décédéNote de bas de page 25.

[40] Rien ne montre que nous aurions affaire à un employeur bienveillant. Je reconnais qu’il s’occupait d’un membre de sa famille. Néanmoins, il a dit que ce travail équivalait à celui d’un préposé aux services de soutien à la personne dans une maison de soins. C’était un emploi à temps plein, et les attentes en matière de soins étaient les mêmes que pour tout autre employé.

Conclusion

[41] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce qu’il n’était pas atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2017 et de façon continue par la suite. Comme l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité est prolongée.

[42] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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