Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : LT c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 411

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : L. T.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue le 17 novembre 2021 par le
ministre de l’Emploi et du Développement social
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Michael Medeiros
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 6 mars et le 4 avril 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 23 avril 2024
Numéro de dossier : GP-23-762

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant, L. T., a droit à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Les paiements commencent en mai 2021. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a 55 ans. Il est aveugle au sens de la loi. Il a eu une riche carrière d’acteur de doublage pour les dessins animés, mais la détérioration de sa vision a compliqué son travail et miné les possibilités de gagner sa vie.

[4] Le 22 septembre 2020, l’appelant a demandé la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada Note de bas de page 1. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant affirme qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée depuis au moins 2019. C’est à cette époque-là que son problème de santé est devenu trop important pour qu’il puisse faire son travail. Les aides technologiques dont il se servait avant étaient devenues inutiles. Il avait de moins en moins de travail en raison des mesures d’adaptation dont il avait besoin. Il gagne maintenant trop peu d’argent pour subvenir à ses besoins.

[6] Selon le ministre, l’appelant est invalide, mais seulement depuis janvier 2023. L’appelant avait encore la capacité d’effectuer un travail convenable jusqu’à ce que son problème de santé s’aggrave en 2023. Le ministre reconnaît que la preuve démontre la nature irrégulière du travail de l’appelant ainsi que la diminution progressive de ses activités professionnelles et de sa rémunération au cours des dernières années. Toutefois, aucun élément de preuve médicale ne confirme que l’état de santé de l’appelant s’est grandement détérioré avant janvier 2023.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour gagner sa cause, l’appelant doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2023. Autrement dit, la date limite est le 31 décembre 2023. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au Régime de pensions du Canada Note de bas de page 2. Il doit aussi prouver qu’il est toujours invalide Note de bas de page 3.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice Note de bas de page 4.

[10] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelant pour évaluer leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi regarder son passé (y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments dresseront un portrait réaliste de sa situation et me permettront de voir si son invalidité est grave. Si l’appelant est régulièrement capable de faire un travail qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à la pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès Note de bas de page 5.

[12] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelant se rétablisse à une certaine date. Il faut plutôt s’attendre à ce que l’invalidité le tienne à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[13] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’il est invalide.

Questions que je dois examiner en premier

J’ai accepté les documents déposés en retard

[14] L’audience a commencé le 6 mars 2024. Après l’audience, l’appelant a déposé des documents provenant de son agence artistique. Ils présentaient en détail son travail et sa rémunération de 2013 à 2023 (voir le document GD15). J’ai accepté les documents dans une lettre datée du 12 mars 2024 (voir le document GD16). Dans cette lettre, j’ai précisé que j’expliquerais dans la présente décision pourquoi j’acceptais les documents déposés en retard. Il a fallu reprendre l’audience le 4 avril 2024 pour que je puisse poser d’autres questions au sujet des documents.

[15] Voici pourquoi j’ai accepté les documents présentés en retard Note de bas de page 6 :

  • Ils éclairent de façon concluante la principale question en litige : si l’appelant a la capacité d’exercer un emploi véritablement rémunérateur. Ils contiennent un relevé complet, détaillé et exact de tous ses contrats et de sa rémunération au cours de la période pertinente.
  • Ils ont été déposés le lendemain de l’audience, dans le délai le plus court possible.
  • Ils auraient pu être déposés plus tôt, mais l’appelant n’avait pas compris leur importance.
  • Le ministre a pu fournir une réponse (voir le document GD18). Ainsi, l’admission des documents n’entraînait aucune injustice.

Motifs de ma décision

[16] Je conclus que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée dès janvier 2021. Il est toujours invalide. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelant était-elle grave?
  • Était-elle prolongée?

L’invalidité était-elle grave?

[17] L’invalidité de l’appelant était grave. C’est ce que j’ai conclu après avoir considéré plusieurs éléments, que j’explique plus bas.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisaient à sa capacité de travail

[18] L’appelant a une dégénérescence maculaire congénitale (dystrophie des cônes) aux deux yeux. C’est une maladie de l’œil qui le rend aveugle au sens de la loi.

[19] Je ne peux cependant pas m’arrêter au diagnostic de l’appelant Note de bas de page 7. Je dois plutôt me pencher sur la question de savoir s’il a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de gagner sa vie Note de bas de page 8. Dans cette optique, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et je dois évaluer leurs effets sur sa capacité de travail Note de bas de page 9.

[20] Je conclus que l’appelant a des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travail.

Ce que l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[21] Selon l’appelant, son problème de santé a entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail. Sa maladie de l’œil s’est peu à peu aggravée. Il avait donc de plus en plus de difficultés à gagner sa vie comme acteur de doublage. En 2019, il est devenu très difficile pour lui de travailler sans des mesures d’adaptation importantes. Il trouvait de moins en moins de travail et sa rémunération est tombée en dessous de ce dont il a besoin pour vivre.

[22] L’appelant voulait être acteur de doublage pour les dessins animés puisqu’il était tout petit. Il a eu une belle carrière qui lui a permis de réaliser son rêve. Il adore son travail. Malheureusement, sa vue s’est détériorée au point où il ne peut plus travailler sans des mesures d’adaptation importantes. Dans les faits, il ne trouve plus beaucoup de travail à cause de cela.

[23] L’appelant est atteint de ce problème de santé depuis son enfance, mais son état s’est aggravé au fil du temps. Ses yeux ont de la difficulté à s’ajuster et à voir les objets. Il ne peut pas lire les petits caractères ni utiliser la plupart des sites Web. Il est aussi très sensible à la lumière. Il ne voit rien quand la lumière est vive à l’intérieur. Il ne peut rien voir quand il fait clair dehors. Au fil du temps, il a développé une réaction aiguë à la lumière du soleil, ce qui a entraîné de la photophobie, une peur de la lumière. Il peut quitter la maison seulement après le coucher du soleil ou si le ciel est couvert.

[24] L’appelant ne peut pas lire les caractères de taille normale, même si la luminosité est faible. Il doit agrandir considérablement les mots et placer son visage à quelques centimètres de l’écran pour distinguer les lettres. La lecture est un processus lent et épuisant. Il utilisait des applications informatiques qui agrandissaient le texte et inversaient les couleurs, ce qui l’aidait à lire les scénarios. Mais en 2019, ses yeux ont commencé à devenir très sensibles à la lumière. Les aides technologiques ne pouvaient plus compenser.

[25] Pour faire du doublage, il faut lire ses lignes juste au bon moment. Cela implique entre autres d’adapter sa voix aux [traduction] « mouvements des lèvres » du personnage de dessin animé à l’écran. Le travail se fait dans un studio d’enregistrement, qui est habituellement éclairé par des lumières vives. Les contrats qui rapportent beaucoup consistent à faire des enregistrements en direct avec les autres membres de la distribution.

[26] Vers 2019, l’appelant a commencé à avoir beaucoup de difficulté à exercer son métier. Prononcer les paroles au bon moment est devenu incroyablement difficile quand il ne pouvait pas lire le dialogue durant les séances d’enregistrement. Il devait alors mémoriser tout le scénario pour savoir quand il devait commencer à parler. Parler en même temps que son personnage à l’écran était aussi devenu presque impossible avec l’éclairage normal en studio. Il devait faire éteindre les lumières et se placer très près de l’écran de télévision. Il devait donc travailler sans les autres membres de la distribution, à moins d’avoir seulement quelques lignes. Cela entraînait des coûts supplémentaires pour les maisons de production qui voulaient l’embaucher.

[27] Durant l’année 2019, ses yeux ont commencé à devenir [traduction] « super » sensibles à la lumière. C’est cette année‑là que son invalidité est devenue trop importante pour que les aides technologiques lui permettent encore de faire son métier. Sa vue s’est mise à diminuer progressivement à partir de là. Il travaille encore, mais il a de moins en moins de contrats. Il ne peut plus faire d’enregistrements avec le reste de la distribution, sauf s’il a juste quelques lignes. Il croit aussi que les sociétés de production hésitent à l’embaucher parce qu’en général, il doit être seul dans un studio où il fait noir.

[28] L’appelant a déposé des documents provenant de son agence artistique. Ils montrent la totalité de ses revenus de doublage de 2013 à 2023 Note de bas de page 10. C’est par l’entremise de son agence qu’il a obtenu tous ses contrats pendant cette période. Voici le résumé de sa rémunération :

Année Rémunération brute Rémunération « nette »Note de bas de page 11
2013 180 150,37 $ 99 195,02 $
2014 $210 826,65 $ $151 215,05 $
2015 169 835,51 $ 137 050,16 $
2016 117 059,95 $ 84 318,18 $
2017 53 026,95 $ 34 199,07 $
2018 35 480,90 $ 18 012,65 $
2019 18 343,75 $ 12 388,39 $
2020 31 559,27 $ 22 308,45 $
2021 $16 681,42 $ $11 928,37 $
2022 3 670,77 $ 2 891,68 $

[29] L’appelant est payé comme un travailleur indépendant. Son agence lui trouve du travail. Il reçoit un chèque de l’agence artistique, et non pas de la maison de production. Celle‑ci verse l’argent au syndicat, qui traite le chèque et l’envoie à l’agence. Le service de comptabilité de l’agence s’occupe de payer la TPS et le Régime de pensions du Canada, et il garde la commission de l’agence. Enfin, l’appelant reçoit un chèque de l’agence.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[30] L’appelant doit fournir des éléments de preuve médicale qui démontrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2023 Note de bas de page 12.

[31] La preuve médicale appuie les propos de l’appelant.

[32] Le Dr Ma, l’ophtalmologiste de l’appelant, lui a diagnostiqué une dégénérescence par dystrophie des cônes, un problème de santé qu’il a depuis l’enfance. Dans le rapport médical qu’il a rempli en septembre 2020, le Dr Ma a écrit que l’appelant est légalement aveugle des deux yeux Note de bas de page 13.

[33] Le Dr Ma a évalué l’appelant en avril 2016, en août 2019 et en juillet 2023 Note de bas de page 14. Lors de l’examen du 6 août 2019, l’appelant avait l’impression que [traduction] « sa vision était globalement stable, sans changements apparents », même s’il avait remarqué une lueur dansante qui apparaissait à l’occasion dans son champ de vision ainsi qu’une photophobie qui l’empêchait de bien voir les choses pendant la journée Note de bas de page 15. Le Dr Ma a dit que l’appelant était stable [traduction] « sur le plan de la rétine » et qu’aucun traitement n’était nécessaire. Le Dr Ma a revu l’appelant le 27 juillet 2023. L’appelant avait alors l’impression qu’il avait plus de difficulté à voir et qu’il était très sensible à la lumière. Le Dr Ma a précisé que l’appelant était [traduction] « légalement aveugle et [que] son état s’[était] beaucoup détérioré depuis 2019 Note de bas de page 16 ».

[34] La preuve médicale appuie le fait que les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisaient à sa capacité de travail.

[35] Je vais maintenant regarder si l’appelant a la capacité d’exercer un emploi véritablement rémunérateur.

L’appelant est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[36] Pour décider si l’appelant est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner son problème de santé et ses effets sur ses capacités. Je dois aussi tenir compte de caractéristiques comme :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[37] Ces éléments m’aident à décider si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste, c’est‑à-dire s’il est réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 17.

[38] Je juge que l’appelant est incapable de travailler dans un contexte réaliste. Il n’arrive pas à gagner sa vie dans un emploi véritablement rémunérateur depuis janvier 2021. Il a 55 ans. Il a fait ses études secondaires et a travaillé pendant longtemps comme acteur de doublage. Sans emploi véritablement rémunérateur, il est incapable de gagner sa vie depuis janvier 2021, quand sa rémunération est tombée sous le seuil d’une occupation véritablement rémunératrice. Ce seuil est établi par le Règlement sur le Régime de pensions du Canada Note de bas de page 18. Sa rémunération a encore diminué depuis.

[39] Le ministre admet que l’invalidité de l’appelant était grave, mais seulement depuis janvier 2023. Selon le ministre, aucun élément de preuve médicale ne [traduction] « confirme qu’avant janvier 2023, l’état de santé de l’appelant s’est détérioré à un point tel qu’il ne puisse plus occuper un emploi convenable Note de bas de page 19 ». Je ne suis pas d’accord.

[40] La position du ministre est déraisonnable, car elle repose sur une vision trop étroite de la lettre que le Dr Ma a rédigée en juillet 2023. Ce dernier a écrit que le problème de santé de l’appelant s’était beaucoup aggravé depuis 2019 Note de bas de page 20. Selon le Dr Ma, ce n’est pas que sa vue s’est détériorée en 2023. Il croyait plutôt que la vue de l’appelant était bien pire en 2023 qu’en 2019. Ainsi, l’opinion du Dr Ma appuie la preuve de l’appelant, qui montre que sa vision se détériore peu à peu depuis 2019.

[41] Les éléments de preuve sur la rémunération de l’appelant confirment aussi qu’il n’avait plus un travail véritablement rémunérateur lui permettant de gagner sa vie dès janvier 2021. Voici un tableau qui montre les sommes gagnées dans un emploi véritablement rémunérateur selon le Règlement sur le Régime de pensions du Canada par rapport à la rémunération de l’appelant Note de bas de page 21 :

Année Somme
provenant d’un
emploi
véritablement
rémunérateur
Rémunération
brute
Rémunération
brute moins la
commission de
l’agence
Rémunération
nette
2018 16 029,96 $ 35 480,90 $ 31 012,10 $ 18 012,65 $
2019 16 353,54 $ $18 343,75 $ 15 869,21 $ 12 388,39 $
2019 16 677,26 $ 31 559,27 $ 27 323,49 $ 22 308,45 $
2019 $17 025,22 $ $16 681,42 $ $14 410,13 $ 11 928,37 $
2022 17 610,06 $ 3 670,77 $ 3 142,38 $ 2 891,68 $
2023 18 508,36 $ 7 640,37 $ 6 607,79 $ 5 809,78 $

[42] Pour évaluer la capacité de l’appelant à exercer un emploi véritablement rémunérateur, je vais considérer que la rémunération provenant de son travail est sa rémunération brute moins la commission de l’agence Note de bas de page 22. Le type de rémunération qui est pris en compte dans l’analyse d’un travail « véritablement rémunérateur » est généralement la rémunération brute (avant la déduction de l’impôt sur le revenu). La « rémunération nette » tirée des documents de l’agence artistique semble tenir compte de certains impôts sur le revenu. Toutefois, il serait illogique d’inclure la commission de l’agence, qui fait partie de la rémunération brute de l’appelant, dans le calcul de son revenu d’emploi. La commission est plutôt la rémunération de la personne qui le représente à l’agence, et non pas la sienne.

[43] En 2019, la rémunération provenant du travail de l’appelant était plus petite que la somme prévue pour un emploi véritablement rémunérateur. Par contre, en 2020, il a réussi à gagner plus d’argent que cette somme, même pour sa « rémunération nette ». Cependant, en 2021, sa rémunération était encore une fois plus petite que celle provenant d’une occupation véritablement rémunératrice. Et depuis ce temps, sa rémunération a diminué de beaucoup. Par conséquent, son invalidité est toujours grave depuis janvier 2021.

[44] Selon l’appelant, son invalidité est grave depuis 2019. Toutefois, la preuve médicale et les documents sur sa rémunération ne confirment pas une telle chose. Dans sa lettre d’août 2019, le Dr Ma a précisé que la vue de l’appelant était stable à ce moment‑là Note de bas de page 23. Et si la rémunération de l’appelant ne provenait pas d’un travail véritablement rémunérateur en 2019, en 2020, elle est montée bien au-dessus de la somme déterminée. J’admets que le problème de santé de l’appelant lui posait de grandes difficultés depuis environ 2019. La preuve montre toutefois que son problème de santé n’était pas assez important pour miner sa capacité à gagner sa vie dans un emploi véritablement rémunérateur avant 2021.

[45] Je juge aussi que le travail qu’il faisait en 2019 et en 2020 était un véritable emploi, par opposition au travail effectué pour un « employeur bienveillant Note de bas de page 24 ». Voici ce que l’appelant a expliqué durant l’audience :

  • Son rendement était bon, mais il mettait plus de temps pour dire ses lignes.
  • Il ne voulait pas avoir l’air aveugle devant les autres membres de la distribution, alors il essayait de compenser en travaillant plus fort et en mémorisant tout le scénario.
  • C’était difficile et inconfortable et, parfois, il se trompait en disant ses lignes, mais il finissait quand même par faire ce qu’il avait à faire.

[46] À mon avis, les mesures d’adaptation mises en place pour l’appelant n’étaient pas assez importantes pour dire que la qualité globale de son travail était beaucoup moins bonne que celle des autres artistes de doublage. Il y a un coût supplémentaire pour les entreprises qui embauchent l’appelant et qui réservent le studio d’enregistrement pendant plus longtemps pour qu’il soit seul. Néanmoins, certaines maisons de production continuent de l’embaucher. Il y a beaucoup moins de travail pour lui, mais cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas l’exécuter lorsqu’on l’embauche. Selon moi, en 2019 et en 2020, sa rémunération provenait d’un véritable travail effectué d’une manière acceptable suivant les normes.

Je conclus que l’invalidité de l’appelant était grave à compter de janvier 2021.

L’invalidité était-elle prolongée?

[48] L’invalidité de l’appelant était prolongée.

[49] Son problème de santé est devenu invalidant en janvier 2021. Le problème perdure depuis ce temps et va fort probablement durer indéfinimentNote de bas de page 25. L’appelant est atteint de ce problème de santé depuis l’enfance, et son état s’aggrave petit à petit. En juillet 2023, le Dr Ma était d’avis que le problème de santé avait beaucoup empiré depuis 2019Note de bas de page 26.

[50] Je conclus donc que l’invalidité de l’appelant était prolongée dès janvier 2021.

Début du versement de la pension

[51] L’invalidité de l’appelant est devenue grave et prolongée en janvier 2021.

[52] Il y a une période d’attente de quatre mois avant le début des paiementsNote de bas de page 27. Par conséquent, les paiements commencent en mai 2021.

Conclusion

[53] Je conclus que l’appelant est admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité était grave et prolongée.

[54] L’appel est donc accueilli.

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