Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 397

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : C. W.
Représentante ou représentant : K. W.
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 janvier 2024
(GP-22-1710)

Membre du Tribunal : Kate Sellar
Date de la décision : Le 19 avril 2024
Numéro de dossier : AD-24-259

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse à la requérante la permission de faire appel. L’appel n’ira pas de l’avant. Voici les motifs de ma décision.

Aperçu

[2] La requérante a été mise à pied de son emploi de femme de ménage en octobre 2019. Elle devait reprendre le travail vers mars 2020, mais elle n’a pas été rappelée en raison de la pandémie.

[3] La requérante a contracté la COVID-19 en mars 2020. Elle a dit qu’à une certaine époque après être tombée malade, elle pouvait encore travailler malgré ses limitations. Pendant cette période, elle affirmait ne pas avoir pu obtenir de travail en raison des fermetures causées par la pandémie. En janvier ou février 2022, son état de santé (en raison de la COVID-19 de longue durée) s’est tellement détérioré qu’elle ne pouvait plus travailler.

[4] La requérante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 10 mars 2022. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande au stade initial et dans une lettre de décision de révision.

[5] La requérante a fait appel devant le Tribunal. La division générale a décidé que la requérante n’avait pas démontré que son invalidité était devenue grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2019 (le dernier jour de sa période de protection). Par conséquent, la division générale a conclu que la requérante n’était pas admissible à la pension d’invalidité.

Questions en litige

[6] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale pourrait‑elle avoir commis une erreur qui justifierait que la permission de faire appel soit donnée à la requérante?
  2. b) La demande présente-t-elle des éléments de preuve qui n’ont pas été produits à la division générale?

Je n’accorde pas à la requérante la permission de faire appel

[7] Je peux donner à la requérante la permission de faire appel si la demande soulève une cause défendable selon laquelle la division générale :

  • n’a pas suivi une procédure équitable;
  • a excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  • a commis une erreur de droit;
  • a commis une erreur de fait;
  • a commis une erreur dans l’application du droit aux faitsNote de bas de page 1.

[8] Je peux également donner à la requérante la permission de faire appel si la demande présente des éléments de preuve qui n’ont pas été produits à la division généraleNote de bas de page 2.

[9] Comme la requérante n’a pas soulevé de cause défendable ni n’a présenté de nouveaux éléments de preuve, je dois lui refuser la permission de faire appel.

On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur

[10] La requérante semble soutenir que la division générale a commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de la preuve concernant les raisons pour lesquelles la requérante n’avait pas de protection en vertu du Régime de pensions du Canada alors qu’elle ne se sentait plus assez bien pour travaillerNote de bas de page 3.

[11] La division générale a conclu que le dernier jour de la période de protection de la requérante était le 31 décembre 2019. La période de protection (ou la période minimale d’admissibilité) est fondée sur les cotisations de la requérante au Régime de pensions du Canada. La requérante n’est protégée qu’au moyen de ce qu’on appelle la disposition relative au « requérant tardif », qui permet une protection pour la dernière fois que la requérante a versé des cotisations suffisantes pendant quatre ans au cours d’une période de six ans. La requérante avait des cotisations valides en 2014, 2016, 2017 et 2019, mais pas en 2018 ou 2015. Cela signifie que le dernier jour de protection en vertu du régime était le 31 décembre 2019Note de bas de page 4.

[12] La division générale a conclu que le témoignage de la requérante et la preuve médicale étayaient tous deux le fait que la requérante avait commencé à éprouver des limitations fonctionnelles (des choses qu’elle ne pouvait pas faire) en mars 2020 lorsqu’elle a contracté la COVID-19. Elle était assez bien pour travailler en juin 2020 avec des limitations. Cependant, en janvier ou février 2022, elle était incapable de travailler en raison de la COVID-19 de longue durée.

[13] La requérante soulève deux arguments clés au sujet d’erreurs possibles dans la décision de la division générale.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré la preuve au sujet des décrets d’urgence

[14] Premièrement, la requérante soutient que la division générale aurait dû tenir compte du fait que ce sont les politiques et procédures liées à la COVID-19 qui ont eu une incidence sur sa capacité de travailler de mars 2020 au début de janvier ou février 2022. La requérante soutient que la division générale aurait dû tenir compte de l’incidence des décrets fédéraux rendus en vertu d’une loi sur les mesures d’urgence sur la capacité de la requérante de travailler. Elle affirme que ces décrets ont eu une incidence sur sa capacité d’établir une protection en vertu du Régime de pensions du Canada lorsqu’elle est tombée malade en 2022.

[15] La division générale est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve, même si elle ne traite pas de toute la preuve dans sa décision. La requérante peut renverser cette présomption en démontrant que la preuve dont il n’a pas été question était assez importante pour que la division générale ait été tenue d’en discuterNote de bas de page 5.

[16] Les préoccupations de la requérante concernant le fait de ne pas tenir compte de l’incidence des décrets d’urgence liés à la COVID-19 ne constituent pas un argument défendable en faveur d’une erreur de la division générale. La division générale a clairement indiqué qu’elle a seulement le pouvoir de tenir compte des gains (et des cotisations) que la requérante a versés au Régime de pensions du Canada, et non des raisons pour lesquelles elle ne les a pas versés. La requérante n’a pas soutenu qu’il y avait une erreur dans ses gains et ses cotisations. La requérante n’a pas soutenu que la division générale avait mal appliqué le Régime de pensions du Canada à ses cotisations réelles. La requérante était protégée jusqu’au 31 décembre 2019. On ne peut pas soutenir que les raisons pour lesquelles elle n’a pas cotisé étaient assez importantes pour que la division générale doive en tenir compte. La requérante doit établir l’invalidité pendant la période de protection. La division générale a expliqué qu’elle n’a pas le pouvoir de modifier cette période de protection en fonction des raisons pour lesquelles la requérante n’a pas cotisé au cours d’une année donnéeNote de bas de page 6.

Les arguments de la requérante fondés sur la Charte ne peuvent pas servir de fondement à une erreur de la part de la division générale

[17] Deuxièmement, à la division d’appel, la requérante a invoqué pour la première fois la Charte des droits et libertésNote de bas de page 7. La requérante soutient que le Régime de pensions du Canada a eu un effet discriminatoire sur les personnes handicapées pendant la pandémie de COVID-19.

[18] Plus précisément, la requérante souligne que la loi fédérale a permis aux personnes non handicapées d’accéder à des mesures de soutien du revenu d’emploi pendant la pandémie. Cependant, elles n’auraient normalement pas été admissibles en raison de cotisations insuffisantes à l’assurance‑emploi. En revanche, le gouvernement fédéral a pénalisé les personnes handicapées qui ont par la suite demandé une pension d’invalidité en maintenant les exigences de cotisation régulière du Régime de pensions du Canada pour établir une période de protection. Les législateurs n’ont pas modifié ces exigences en matière de cotisations même lorsque la raison pour laquelle les gens ne pouvaient pas satisfaire à ces exigences résidait dans des décrets d’urgence ayant une incidence sur leur capacité de travailler pendant la pandémie.

[19] Ce qui se révèle problématique dans cette affaire, c’est que la requérante n’a pas soulevé d’argument fondé sur la Charte devant la division générale. Elle n’a mentionné que de la discrimination ou une possible violation de la Charte à la division d’appel.

[20] Je ne peux donner à la requérante la permission de faire appel que sur la base des critères que j’ai énoncés au paragraphe 7 qui précède. La requérante n’a pas soulevé (et donc la division générale n’a pas abordé) d’arguments fondés sur la Charte. Le dossier ne contient aucun argument fondé sur la Charte qui m’amènerait à conclure que la division générale n’a peut-être pas fourni une procédure équitable ou a commis une erreur de fait, de droit ou une erreur mixte de droit et de fait. Je ne peux pas accorder à la requérante la permission de faire appel pour qu’elle puisse maintenant porter une affaire fondée sur la Charte devant le tribunal.

[21] L’argument de la requérante fondé sur la Charte ne peut servir de fondement à l’autorisation de faire appel parce qu’il n’est lié à aucune erreur possible que la division générale aurait pu commettre.

Pas de nouveaux éléments de preuve

[22] La requérante n’a pas fourni de nouveaux éléments de preuve que la division générale n’avait pas déjà. Par conséquent, de nouveaux éléments de preuve ne peuvent pas servir de fondement pour accorder la permission de faire appel.

[23] J’ai examiné le dossierNote de bas de page 8. Je suis convaincue que la division générale n’a pas ignoré ou mal compris des éléments de preuve importants. La requérante n’a pu démontrer que son invalidité est devenue grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2019. Son témoignage et la preuve médicale couvrent l’impact des diagnostics de COVID-19 de longue durée et de problèmes mentaux sur sa capacité de travailler plus tard en 2020 et particulièrement au début de 2022.

[24] Je ne dispose d’aucun autre fait qui, s’il est bien compris ou pris en compte, peut avoir une incidence sur la période de protection de la requérante. Il n’y a pas non plus d’autres faits au dossier qui, s’ils sont bien compris ou pris en compte, peuvent permettre de conclure que l’invalidité de la requérante est devenue grave et prolongée en décembre 2019.

Une dernière remarque

[25] Le Régime de pensions du Canada comporte certaines dispositions d’« exclusion ». Ces dispositions permettent aux personnes de supprimer du temps de la période cotisable lorsqu’elles calculent les périodes de protection. Le fait de pouvoir « exclure » du temps de la période cotisable peut repousser la fin de la période de protection. Il n’y a pas de disposition d’« exclusion » liée à une période pendant laquelle des personnes n’auraient peut-être pas pu travailler dans leur domaine en raison des mesures d’urgence pendant la pandémie. S’il y avait une telle disposition d’« exclusion », certaines personnes atteintes de la COVID-19 de longue durée (qui n’auraient autrement pas assez de cotisations) pourraient être admissibles à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada au moyen de la disposition sur les parties requérantes tardives.

Conclusion

[26] J’ai refusé la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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