Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : CH c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 1033

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : C. H.
Représentante ou représentant : Allison Schmidt
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 9 janvier 2023 rendue
par le ministre de l’Emploi et du Développement
social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Dawn Kershaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 27 février 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 18 mars 2024
Numéro de dossier : GP-23-319

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, C. H., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a presque 49 ans. Elle a travaillé comme infirmière jusqu’à ce qu’elle se fasse mal au dos en 2018. Elle a encore mal au dos et au genou. Son genou enfle. 

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 4 octobre 2021. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme qu’elle ne peut pas travailler parce qu’elle a mal au genou et au dos et qu’elle ne peut pas s’asseoir, se tenir debout ou marcher longtemps. Lorsque son genou est enflé, il provoque un inconfort.

[6] Le ministre affirme que l’appelante a certaines limitations fonctionnelles qui pourraient nuire à sa capacité d’occuper un emploi physiquement exigeant, comme infirmière, mais qu’elle pourrait faire un travail moins exigeant. Elle ne l’a pas essayé.

[7] Le ministre affirme que sa situation personnelle lui permettrait de se recycler ou de s’adapter à un autre emploi.

Ce que l’appelante doit prouver

[8] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2021. Autrement dit, au plus tard le 31 décembre 2021. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au RPCNote de bas de page 1. Elle doit aussi prouver qu’elle est toujours invalideNote de bas de page 2.

[9] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[10] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[11] Pour décider si l’invalidité de l’appelante est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement capable de faire un quelconque travail qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[12] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 4.

[13] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant longtemps.

[14] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[15] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2021 et de façon continue depuis. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :

  •   L’invalidité de l’appelante était-elle grave?
  •   L’invalidité de l’appelante était-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[16] L’invalidité de l’appelante n’était pas toujours grave. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisaient à sa capacité de travailler

[17] L’appelante est atteinte des problèmes de santé suivants :

  • douleur chronique au bas du dos;
  • conflit ischio-fémoral (rétrécissement de l’espace entre l’os pelvien et l’os du haut de la jambe);
  • arthrose du genou.

[18] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 5. Je dois plutôt voir si ses limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 6. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 7.

[19] Je conclus que l’appelante a effectivement des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelante dit de ses limitations fonctionnelles

[20] L’appelante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler.  

[21] Elle avait de la difficulté à sortir du lit et à se tenir debout. Elle a dit qu’elle ne pouvait pas rester debout pendant plus de 10 à 20 minutes.

[22] Elle dit que, depuis le moment où elle s’est fait mal au dos en 2018 jusqu’à la fin de sa PMA, son mal de dos nuisait à sa capacité de marcher. Elle a dit que lorsqu’elle marchait, elle ressentait de l’inconfort au dos. Elle avait souvent une sensation [traduction] « de tension et de picotements » qui se transformait en douleur. Plus elle marchait, plus la situation empirait.

[23] Elle dit qu’au début, rester assise n’était pas aussi difficile. Mais le conflit ischio-fémoral est ensuite apparu. Il lui cause une douleur à la fesse gauche.

[24] Elle dit que sa jambe enfle lorsqu’elle est debout, ce qui lui cause un inconfort au dos. Elle retourne au lit pour étendre ses jambes.

[25] Elle dit qu’elle peut soulever des objets si elle a le même poids dans chaque main.

[26] Elle a dû modifier certaines tâches ménagères. Elle a dit qu’ils ont surélevé la sécheuse parce que se pencher lui causait de la douleur. Elle devait prendre des pauses lorsqu’elle cuisinait parce qu’elle ne pouvait pas se tenir debout assez longtemps.

[27] L’époux de l’appelante a dit qu’il devait l’aider à faire les tâches ménagères et les courses. Il a dit qu’en général, elle se levait seulement pendant 10 à 20 minutes avant de retourner au lit.

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[28] L’appelante doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2021Note de bas de page 8.

[29] La preuve médicale confirme la version des faits de l’appelante. Le rapport médical du RPC indique que l’appelante a les problèmes de santé suivants :

  • douleur chronique au bas du dos;
  • conflit ischio-fémoral (rétrécissement de l’espace entre l’os pelvien et l’os du haut de la jambe);
  • arthrose du genouNote de bas de page 9.

[30] Le rapport dit aussi qu’elle a des limitations fonctionnelles, notamment :

  • une douleur liée à la marche prolongée;
  • une douleur liée à la flexion prolongée;
  • une incapacité de soulever plus de 10 livres;
  • une douleur accrue en position assise prolongée;
  • une incapacité de faire des mouvements de torsionNote de bas de page 10.

[31] L’appelante a subi un remplacement du genou gauche en juillet 2021. En août 2021, le chirurgien a déclaré que dans l’ensemble, l’appelante était satisfaite de son genou gauche. Il a noté que l’alignement semblait excellent. Il a noté que sa douleur avait diminué et qu’elle s’améliorait sur le plan fonctionnelNote de bas de page 11.

[32] En août 2021, une radiographie du genou gauche a révélé une légère enflure persistante des tissus mous prérotuliens, mais aucune complicationNote de bas de page 12.

[33] Par la suite, à l’exception du rapport médical du RPC, aucun rapport médical n’a mentionné de problème au genou avant juillet 2022Note de bas de page 13.

[34] Même si aucun rapport ne concernait son genou entre août 2021 et juillet 2022, le rapport de juillet 2022 indique que l’appelante présentait des symptômes persistants depuis le remplacement du genou. De plus, le rapport médical du RPC de septembre 2021 mentionne les genoux de l’appelante comme l’une des causes de ses limitations fonctionnelles. Je conclus donc que l’appelante avait des limitations fonctionnelles causées par ses genoux à la fin de sa PMANote de bas de page 14.

[35] De plus, le rapport médical du RPC énonce la douleur chronique au bas du dos et le conflit ischio-fémoral de l’appelante comme cause de ses limitations fonctionnellesNote de bas de page 15. J’estime donc que l’appelante avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de faire son travail physique habituel d’infirmière.

[36] Je vais maintenant voir si l’appelante a suivi les conseils médicaux.

L’appelante a suivi les conseils médicaux

[37] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, une personne doit suivre les traitements recommandésNote de bas de page 16.

[38] L’appelante a suivi les conseils médicauxNote de bas de page 17.

[39] Le ministre ne semble pas indiquer que l’appelante n’avait pas suivi les conseils médicaux.

[40] L’appelante a suivi de nombreux traitements : physiothérapie, exercices, puncture physiothérapique avec aiguilles sèches, ventouses, massages, acupuncture, injections et traitements oraux comme Celebrex et le cannabis. Parmi ses médecins, une personne lui a dit qu’elle souhaitait que ses autres patientes et patients fassent preuve d’autant de discipline qu’elle.

[41] À présent, je dois chercher à savoir si l’appelante est régulièrement capable d’effectuer d’autres types d’emplois. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement la rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 18.

L’appelante peut travailler dans un contexte réaliste

[42] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience de travail et de vie.

[43] Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 19?

[44] Je conclus que l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Je juge qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait une capacité de travail en date du 31 décembre 2021. Son état s’est également amélioré depuis.

[45] L’appelante a presque 49 ans. Elle a cessé de travailler en 2018, alors qu’elle avait 43 ans. Son âge pourrait avoir un effet négatif sur le recyclage ou l’adaptation à un autre emploi. Cependant, elle a encore 16 ans avant l’âge normal de la retraite.

[46] Elle a deux diplômes collégiaux, l’un en techniques infirmières et l’autre en gestion du tourisme. Rien n’indique que l’appelante avait des difficultés d’apprentissage. Je juge que ses études ont un effet positif sur sa capacité de se recycler ou de s’adapter à un autre emploi.

[47] Sa langue maternelle est l’anglais. Rien ne prouve qu’elle a des problèmes avec cette langue. Elle a fait ses études en anglais.

[48] L’appelante a travaillé comme infirmière auxiliaire et assistante en planification d’événements. Lorsqu’elle a obtenu son diplôme, elle travaillait comme entraîneuse en santé. En grandissant, elle travaillait dans la laverie de ses parents et dans un magasin d’appâts. Elle était d’accord avec le ministre pour dire qu’elle avait une expérience de travail qualifiée qui l’aiderait à trouver un autre emploi. Son expérience de travail est donc un facteur positif.

Capacité de travail

[49] L’appelante a une capacité de travail. Elle a mal au dos, au genou et à la fesse. Elle ne peut donc pas faire son travail physique habituel.

[50] Cependant, elle a une certaine capacité de travail. En septembre 2019, son ancienne médecin de famille a dit qu’elle devrait peut-être envisager des possibilités d’emploi qui exigent moins de travail debout et plus de travail de bureauNote de bas de page 20.

[51] En mars 2020, le chirurgien a dit qu’il était peu probable qu’elle retourne aux soins infirmiers. Il a dit qu’elle devra envisager un poste de gestion ou de bureau. Le même mois, sa médecin de famille a répété qu’elle pouvait faire un travail sédentaireNote de bas de page 21.

[52] En juillet 2020, une ou un autre médecin a discuté avec l’appelante de la possibilité de se recycler pour un emploi, et ce malgré le fait que le rapport mentionne ses problèmes au genou et à la fesseNote de bas de page 22.

[53] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que le rapport rédigé après son opération au genou indique une amélioration fonctionnelle. Par conséquent, comme sa médecin de famille et le chirurgien lui ont dit qu’elle pouvait faire un travail sédentaire même avant l’opération, je juge qu’elle a conservé la capacité de le faire après l’opérationNote de bas de page 23.

[54] Il convient également de noter qu’à l’audience, elle a déclaré qu’elle pouvait se tenir debout pendant deux heures, et ce seulement depuis les injections. Toutefois, en septembre 2021, avant son opération au genou, elle avait déclaré qu’elle pouvait s’asseoir et se tenir debout pendant un maximum de deux heuresNote de bas de page 24.

[55] Elle a également déclaré à l’audience que depuis l’opération au genou, elle n’a pas le même niveau de douleur. Je reconnais qu’elle a encore de la douleur parce que sa jambe enfle, mais malgré cela, ses douleurs se sont améliorées.

[56] L’appelante a aussi dit qu’elle faisait des progrès grâce aux injections dans le dos. Elle a dit que c’est l’enflure de sa jambe qu’elle veut arriver à comprendre. Elle doit élever sa jambe pour atténuer l’enflure.

[57] L’appelante a également déclaré à l’audience que sa hanche droite lui cause beaucoup d’ennuis lorsqu’elle marche maintenant. Cependant, elle a dit que ce problème n’avait pas commencé avant 2023, donc il a commencé après sa PMA.

[58] Dans l’ensemble, l’état de l’appelante s’est amélioré puisque ses médecins lui ont dit qu’elle pouvait faire un travail sédentaire. Par conséquent, compte tenu des rapports médicaux, j’estime qu’elle a conservé une certaine capacité de faire un travail sédentaire ou de se recycler.

[59] Elle n’a pas essayé de travailler depuis qu’elle a arrêté en 2018. J’en discuterai plus bas.

L’appelante n’a pas suffisamment essayé de trouver un emploi convenable et de le garder

[60] S’il est réaliste qu’elle travaille, l’appelante doit montrer qu’elle a essayé de trouver et de garder un emploi convenable. Elle doit aussi montrer que ses efforts ont échoué à cause de sa santéNote de bas de page 25. Une personne fait des efforts pour trouver et garder un emploi si, par exemple, elle suit une nouvelle formation ou cherche un emploi adapté à ses limitations fonctionnellesNote de bas de page 26.

[61] L’appelante n’a pas essayé de travailler. Elle a également essayé une formation en ligne pendant seulement deux soirs en mars 2020. Elle n’a pas essayé de se recycler depuis.

[62] Elle a dit qu’en 2020, lorsqu’elle a essayé de suivre le cours en ligne, elle ne pouvait pas être à l’écran pendant les trois heures requises. La personne qui donnait le cours a dit qu’elle n’était pas obligée de le faire. Elle a donc essayé pendant deux soirs. Elle a dit qu’elle ressentait tellement d’inconfort qu’elle ne pouvait pas se concentrer.

[63] Cependant, son état s’est amélioré depuis grâce aux injections. Même avant, en 2021, elle a déclaré être capable de s’asseoir et de se tenir debout pendant deux heures. De plus, ses médecins ont dit qu’elle devrait se recycler pour un travail convenable.

[64] Je l’ai interrogée au sujet du recyclage maintenant et elle a dit qu’en raison de sa jambe tellement enflée et de l’inconfort qu’elle éprouve, elle ne sait pas trop comment cela se passerait. Elle a également mentionné la douleur à sa hanche droite, mais celle-ci a commencé seulement après sa PMA.

[65] J’estime qu’avoir essayé de suivre un cours pendant deux soirs il y a près de quatre ans et n’avoir essayé rien d’autre depuis n’est pas suffisant pour satisfaire au critère relatif à essayer de trouver un emploi convenable et de le garder. D’autant plus que ses médecins ont dit qu’elle devrait trouver un emploi convenable ou se recycler pour un travail convenable.

[66] Il n’est pas nécessaire qu’elle soit sans douleur pour pouvoir faire un quelconque travail ou se recycler. Elle peut aussi élever sa jambe pour atténuer l’enflure.

[67] Comme elle n’a pas essayé de travailler ni de se recycler, sauf pendant deux soirs il y a quatre ans, elle ne sait pas si elle peut le faire. Ainsi, je ne sais pas non plus si elle peut le faire. Elle pourrait très bien être capable de faire un travail assis, même si ce n’est qu’à temps partiel. Elle pourrait aussi être en mesure de se recycler.

[68] Comme elle n’a pas vraiment essayé, je ne peux pas conclure qu’elle était atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2021.

Conclusion

[69] Je conclus que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave et qu’elle n’est donc pas admissible à une pension d’invalidité du RPC. Étant donné que l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité est prolongée.

[70] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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