Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : CD c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 1036

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : C. D.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 19 juin 2023 rendue par
le ministre de l’Emploi et du Développement social
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Dawn Kershaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 mars 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 8 avril 2024
Numéro de dossier : GP-23-1230

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante, C. D., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), payable à partir de décembre 2021. Cette décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 55 ans. Son dernier emploi était celui de gérante d’une pizzeria où elle a travaillé pendant environ 12 ans. Elle a cessé de travailler en septembre 2021 parce qu’elle était essoufflée et fatiguée. Elle a aussi des douleurs dans tout le corps.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 7 juillet 2022. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a porté cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme qu’elle ne peut pas travailler parce qu’elle devient essoufflée et qu’ensuite, elle a l’impression que son corps ne veut plus bouger. Même si elle s’est poussée et qu’elle a travaillé lorsqu’elle était uniquement atteinte de fibromyalgie, elle a maintenant de la difficulté à bouger en raison de son essoufflement. Elle dit qu’elle ne peut pas travailler, peu importe l’emploi.

[6] Le ministre affirme que même si l’appelante n’est pas en mesure de faire un travail physiquement exigeant, rien ne l’empêche d’effectuer un travail qui est adapté à ses limitations fonctionnelles. Le ministre affirme également que même si sa médecin de famille a dit qu’elle faisait une dépression, aucun test, aucune recommandation ou aucun changement de médicament n’a démontré qu’elle lui causait des limitations.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le jour de l’audience, c’est-à-dire le 19 mars 2024Note de bas de page 1.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.

[10] Pour décider si l’invalidité de l’appelante est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs, comme son âge, son niveau de scolarité, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement capable de faire un quelconque travail qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décès.Note de bas de page 3

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à partir d’août 2021. Elle est toujours invalide. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelante était-elle grave?
  • L’invalidité de l’appelante était-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelante était toujours grave. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisaient à sa capacité de travailler

[16] L’appelante est atteinte des problèmes de santé suivants :

  • cardiomyopathie non ischémique;
  • tachycardie supraventriculaire;
  • fibromyalgie.

[17] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 4. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 5. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste le plus important) et de leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 6.

[18] Je conclus que l’appelante a effectivement des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelante dit de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler. Elle dit qu’elle souffre de :

  • essoufflement;
  • douleurs corporelles;
  • fatigue;
  • étourdissement occasionnel.

[20] L’appelante a dit qu’elle a travaillé jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus travailler. Elle a été transportée d’urgence à l’hôpital en août 2021 en raison d’une gêne thoracique. Elle n’a pas travaillé depuis.

[21] Elle a dit que le cardiologue a essayé de la faire arrêter de travailler à deux reprises avant cet épisode. Mais elle lui a dit qu’elle ne pouvait pas le faire parce qu’elle était la seule qui touche un revenu et ne voulait pas perdre sa maison.

[22] Cette fois-ci, le cardiologue lui a dit qu’elle devait cesser de travailler. Elle a dit que ni le cardiologue ni son médecin de famille ne l’autoriseront à retourner au travail. Elle a dit que lorsque le cardiologue lui a dit qu’elle ne pouvait plus travailler, elle est allée voir sa médecin de famille pour demander si elle pouvait travailler à temps partiel. Sa médecin de famille lui a également dit qu’elle ne le pouvait pas.

[23] Elle a de l’essoufflement lorsqu’elle fait 10 ou 15 minutes d’activité. Elle doit ensuite s’asseoir pendant 30 à 45 minutes avant de pouvoir recommencer.

[24] Si elle marche pendant une demi-heure, elle a l’impression que son corps ne veut pas bouger. Elle doit s’asseoir et se reposer.

[25] L’appelante a dit qu’elle n’a pas autant de douleurs thoraciques qu’avant. Elle était également d’accord avec les médecins pour dire que ses palpitations cardiaques sont maitrisées par les médicaments. Son cœur va bien quand elle est assise.

[26] En plus de ses problèmes cardiaques liés à l’activité, l’appelante a des douleurs dues à la fibromyalgie. Avant d’avoir un problème cardiaque, elle travaillait malgré la fibromyalgie. Elle a dit qu’elle travaillait dans la souffrance et revenait à la maison dans la souffrance. Parfois, son corps s’immobilisait et elle avait des contractures et des crampes.

[27] Elle ne peut pas bouger autant maintenant parce qu’elle s’essouffle et se fatigue. Ne pas bouger autant a aggravé ses douleurs.

[28] L’appelante a dit qu’elle n’est pas du genre à rester assise à la maison. Elle veut travailler, mais elle a de la difficulté à être active.

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[29] L’appelante doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard le jour de l’audienceNote de bas de page 7.

[30] La preuve médicale confirme la version des faits de l’appelante. 

[31] La médecin de famille de l’appelante affirme qu’elle a :

  • une endurance et un effort physiques limités;
  • une incapacité de marcher pendant de longues périodes;
  • une incapacité de soulever des objets;
  • une incapacité de prendre les escaliers;
  • une incapacité de rester debout pendant des périodes prolongées;
  • une incapacité de se pencherNote de bas de page 8.

[32] La médecin de famille de l’appelante est sa médecin depuis plus de cinq ans et la voit régulièrement. Elle a écrit que la cardiomyopathie non ischémique de l’appelante demeurera la même, durera plus d’un an et sera continueNote de bas de page 9.

[33] Elle a écrit que son pronostic pour la fibromyalgie n’était pas certain, mais qu’elle durerait plus d’un an et serait continueNote de bas de page 10.

[34] Comme l’appelante, elle a dit que la tachycardie supraventriculaire était maitrisée par les médicamentsNote de bas de page 11.

[35] Le cardiologue de l’appelante a écrit qu’exercer une quelconque activité pendant une période prolongée provoque un essoufflement chez elle. Il a dit que sa cardiomyopathie nuisait à sa capacité de travailler et de faire d’autres activités de la vie quotidienne, comme le nettoyageNote de bas de page 12.

[36] La preuve médicale confirme que les douleurs corporelles et la fatigue de l’appelante causées par sa fibromyalgie et sa cardiomyopathie l’empêchent de faire toute activité pendant une période prolongée, y compris son emploi habituel.

[37] Je vais maintenant voir si l’appelante a suivi les conseils médicaux.

L’appelante a suivi les conseils médicaux

[38] Pour recevoir une pension d’invalidité, la personne doit suivre les conseils médicauxNote de bas de page 13.

[39] L’appelante a suivi les conseils médicauxNote de bas de page 14.

[40] L’appelante a fait tout ce que les spécialistes de la santé lui ont dit de faire. Le ministre n’a pas laissé entendre le contraire.

[41] Le ministre a bel et bien dit qu’elle n’avait pas épuisé tous les traitements qu’elle pouvait suivre, mais ce n’est pas le critère. Elle a fait ce qu’on lui a dit de faire. Dans la prochaine section, je vais aborder ce que le ministre a dit au sujet du traitement conservateur de l’appelanteNote de bas de page 15.

[42] À présent, je dois chercher à savoir si l’appelante est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emploi. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement la rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 16.

L’appelante est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[43] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience de travail et de vie.

[44] Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 17?

[45] Je conclus que l’appelante est incapable de travailler dans un contexte réaliste. Elle n’est pas en mesure de travailler depuis août 2021.

[46] L’appelante a presque 56 ans. Son âge nuirait à sa capacité de se recycler ou de trouver un type d’emploi différent de celui qu’elle a occupé dans le passé.

[47] Elle a un diplôme d’études secondaires. Il y a longtemps, au début de la vingtaine, elle a suivi avec succès un cours de psychologie de niveau collégial.

[48] L’appelante a travaillé comme caissière, dans le domaine de la vente au détail, dans l’entretien ménager, dans une usine et dans la gestion d’une pizzeria. Elle n’a aucune expérience de travail de bureau. À la pizzeria, elle commandait les provisions, nettoyait le magasin, préparait les pizzas et effectuait les dépôts bancaires.

[49] L’appelante a dit qu’elle tape surtout avec un doigt. Elle pensait qu’elle pourrait être capable de taper avec deux mains, mais elle ne serait pas très rapide. Parfois, elle a aussi des crampes aux mains.

[50] L’appelante a travaillé jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus travailler. Même si elle avait mal à cause de la fibromyalgie, elle a continué à travailler. Elle l’a fait même si elle travaillait dans la souffrance et rentrait chez elle dans la souffrance.

[51] Mais ensuite, elle a eu un problème cardiaque, ce qui ajoutait à ses difficultés. Elle a essayé de retourner au travail après avoir été hospitalisée pour ses problèmes cardiaques en août 2021, mais elle ne pouvait pas respirer et était physiquement épuisée.

[52] Son cardiologue dit qu’elle ne devrait pas travailler, et ce, uniquement parce que son cœur lui cause de l’essoufflement et de la fatigueNote de bas de page 18.

[53] Toutefois, elle n’a pas seulement un problème cardiaque, elle a aussi la douleur causée par la fibromyalgie. Son médecin de famille dit qu’elle n’a pas seulement de l’essoufflement. Elle ressent également des douleurs chroniques et de la fatigue qui limitent ses capacités physiques même pour accomplir ses tâches ménagères ou ses activités quotidiennes. Elle a également expliqué que ses douleurs se sont aggravées parce qu’elle ne peut pas continuer à bouger autant en raison de son essoufflement et de la fatigueNote de bas de page 19.

[54] La médecin de famille de l’appelante mentionne également la dépression comme raison pour laquelle elle ne peut pas travailler, mais il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour le confirmer. Malgré cela, je conclus que l’essoufflement, la fatigue et la douleur de l’appelante l’empêchent de travailler.

[55] Même si le ministre a dit que son cardiologue avait dit que ses activités de la vie quotidienne ne provoquaient pas d’essoufflement, il devait parler d’activités non physiques. En effet, il a expressément déclaré dans le rapport que sa cardiomyopathie nuit à sa capacité de travailler et de faire d’autres activités de la vie quotidienne comme le nettoyage ou toute activité d’une période prolongée. Il a ajouté qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce qu’elle retourne au travail maintenant ou plus tardNote de bas de page 20.

[56] L’appelante ne peut pas faire un travail physique en raison de son essoufflement et de la fatigue. Je juge également qu’elle ne peut pas faire un travail sédentaire parce qu’elle a une endurance limitée. Elle est également incapable de se tenir debout ou de marcher pendant des périodes prolongéesNote de bas de page 21.

[57] Son incapacité à se tenir debout ou à marcher pendant des périodes prolongées signifie qu’elle ne peut pas faire un emploi moins physique s’il lui demande de se tenir debout ou de marcher pendant de longues périodes. Comme elle n’a pas d’expérience dans un bureau, qu’elle n’a pas de réelles compétences de frappe et qu’elle a des douleurs chroniques au corps, je juge qu’elle ne peut pas faire un travail sédentaire.

Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave en août 2021, lorsqu’elle a dû cesser de travailler en raison de son problème cardiaque. Elle n’a pas été en mesure de travailler depuis.

L’invalidité de l’appelante était-elle prolongée?

[59] L’appelante était atteinte d’une invalidité prolongée.

[60] Le problème cardiaque de l’appelante a commencé en août 2021. Ce problème de santé est toujours présentNote de bas de page 22.

[61] L’état de l’appelante ne s’est pas amélioré et ses médecins disent qu’il ne s’améliorera pas. Son cardiologue affirme qu’elle sera incapable de travailler dans l’avenir. Sa médecin de famille dit qu’elle est totalement invalideNote de bas de page 23.

[62] Les problèmes de santé de l’appelante risquent d’être là pour de bon. Parmi les médecins, personne n’a dit que l’appelante ira mieux. Son problème cardiaque devrait demeurer inchangé. 

[63] Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité prolongée à partir d’août 2021. Même si son dernier jour de travail était le 27 septembre 2021, c’est le jour où elle a commencé à recevoir des prestations d’assurance-emploi. L’appelante n’a pas travaillé depuis son hospitalisation en août 2021, sauf pour une journée où elle a essayé et en a été incapable.

Début du versement de la pension

[64] L’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée depuis août 2021.

[65] La loi impose un délai d’attente de quatre mois avant le versement de la pensionNote de bas de page 24. Sa pension est donc versée à partir de décembre 2021.

Conclusion

[66] Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée et qu’elle est donc admissible à une pension d’invalidité du RPC.

[67] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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