Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : SK c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 1121

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. K.
Représentante ou représentant : Amra Selimovic
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Sandra Doucette et Viola Herbert

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 16 avril 2024
(GP-23-694)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 19 septembre 2024
Numéro de dossier : AD-24-375

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Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelant n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] L’appelant est un ancien propriétaire de restaurant âgé de 61 ans qui a des antécédents de douleurs arthritiques à la hanche. Plus tard, il a travaillé comme aidant naturel pour son père, qui est décédé en septembre 2021. Plus d’un an plus tard, il a subi une arthroplastie totale de la hanche droite.

[3] En août 2022, l’appelant a demandé une pension d’invalidité du RPC. Il a affirmé qu’il ne pouvait plus travailler en raison d’une arthrite sévère à la hanche droite. Il a aussi mentionné une hernie discale au bas du dos et une arthrite précoce au genou droitNote de bas de page 1.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande après avoir établi que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée pendant sa période de protection, qui a pris fin le 31 décembre 2017.

[5] L’appelant a porté le refus du ministre en appel au Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel après avoir conclu que la preuve médicale était insuffisante pour démontrer que l’appelant était incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice pendant sa période de protection. La division générale a également conclu que l’emploi de l’appelant comme aidant naturel rémunéré à temps plein pour son père était un emploi convenable qui ne consistait pas à travailler pour un soi-disant « employeur bienveillant ».

[6] L’appelant a ensuite demandé la permission de faire appel à la division d’appel. En juin, une de mes collègues de la division d’appel lui a accordé cette permission. À la demande de l’appelant, j’ai mené une audience en examinant les documents au dossier.

Question en litige

[7] Pour gagner son appel, l’appelant devait prouver qu’il était plus probable qu’improbable qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée pendant sa période de protection.

  • Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2. Une personne n’a pas droit à une pension d’invalidité si elle est régulièrement capable d’effectuer un travail qui lui permet de gagner sa vie.
  • Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 3. L’invalidité doit obliger la personne à quitter le marché du travail pendant longtemps.

[8] Les parties ont convenu que la période de protection de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2017Note de bas de page 4. Mon rôle consistait à décider si l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée à cette date.

Analyse

[9] J’ai appliqué la loi à la preuve disponible et j’ai conclu que l’appelant n’a pas droit à la pension d’invalidité du RPC. L’appelant a une affection arthritique progressive, mais il n’y a pas assez de preuves médicales pour démontrer que celle-ci l’empêchait de travailler avant le 31 décembre 2017.

L’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave

[10] Les personnes qui demandent la pension d’invalidité sont responsables de prouver qu’elles étaient atteintes d’une invalidité grave et prolongée pendant leur période de protectionNote de bas de page 5. J’ai examiné le dossier et j’ai conclu que l’appelant n’a pas satisfait à cette obligation selon le critère énoncé dans le Régime de pensions du Canada. Même si l’appelant avait certaines limitations fonctionnelles à ce moment-là, je n’ai pas trouvé assez d’éléments de preuve démontrant qu’elles l’ont rendu incapable de travailler.

[11] Dans sa demande de prestations, l’appelant a affirmé que la principale chose qui l’empêchait de travailler était l’arthrite sévère à la hanche droite. Il a également révélé qu’il avait subi une chirurgie pour sa hernie discale en avril 2000. Il a énuméré de nombreuses limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de s’asseoir, de se tenir debout, de marcher, de soulever des objets, de s’agenouiller et de se pencher. Il a dit qu’il ne pouvait plus travailler en décembre 2019, soit deux ans après la fin de sa période de protection.

[12] L’appelant a dit qu’il était copropriétaire d’une pizzeria de 2002 à 2014. Peu de temps avant la dissolution de ce partenariat, son père a subi un accident vasculaire cérébral. Il a pris la responsabilité de ses soins, de la préparation de ses repas, de la gestion de ses rendez-vous et de l’aide avec son hygiène personnelle. Ce rôle exigeait qu’il soit sur appel 24 heures sur 24 pour son père, jusqu’à son décès à la fin de 2021.

[13] Il a dit qu’à la fin de 2019, la douleur à sa hanche droite s’était aggravée. En janvier 2022, une radiographie a révélé une arthrose sévère, et l’année suivante, il a subi une arthroplastie totale de la hanche. Il soutient que, même avec une nouvelle hanche, il serait incapable de faire n’importe quel travail.

[14] Je comprends que l’appelant se sent invalide en ce moment. Cependant, je dois éviter de fonder ma décision uniquement sur sa seule opinion subjective de sa capacitéNote de bas de page 6. À mon avis, la preuve, considérée dans son ensemble, laisse supposer que même s’il est peut-être invalide maintenant, il était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la fin de 2017.

[15] Je fonde cette conclusion sur les facteurs suivants.

Aucun des éléments de preuve médicale de l’appelant n’excluait le travail pendant sa période de protection

[16] L’appelant a vu plusieurs médecins, mais leurs rapports n’indiquent pas clairement une invalidité, au sens du Régime de pensions du Canada, au cours de la période pertinente :

  • En décembre 2021, la médecin de famille de l’appelant a noté une [traduction] « augmentation de la douleur à la hanche droite depuis le décès de son père plus tôt cette année Note de bas de page 7 ». À ce moment-là, l’appelant a refusé les analgésiques et la physiothérapie. Le mois suivant, une radiographie a confirmé des changements dégénératifs avancés à la hanche droite Note de bas de page 8.
  • Dans un rapport médical du RPC d’avril 2022, la médecin de famille a écrit que l’appelant avait reçu un diagnostic d’arthrose de la hanche de niveau modéré à sévère. L’arthrose lui causait des douleurs et une mobilité réduite. Il prenait du Tylenol et avait été dirigé vers un chirurgien orthopédiste Note de bas de page 9.
  • La médecin de famille a également déclaré que la hanche droite de l’appelant présentait une perte totale d’espace articulaire et que son genou droit présentait des signes et des symptômes d’arthrose. Elle a fait remarquer que, étant donné que son dernier emploi lui demandait de s’occuper du bar et de faire le service aux tables, l’appelant n’aurait pas la flexibilité articulaire pour se pencher, soulever et se tourner, même avec une arthroplastie. Elle a ajouté que sa hanche n’est pas devenue une cause d’invalidité avant 2019.
  • En juillet 2022, la médecin de famille a résumé les antécédents médicaux de l’appelant de janvier 2017 à ce jour. Elle a souligné que la majorité de ses visites au cours des cinq dernières années visaient à surveiller l’hypertension et à traiter des verrues plantaires. En 2020, il a été vu à plusieurs reprises pour des douleurs aux jambes, qui ont été résolues par l’arrêt de ses médicaments à base de statine Note de bas de page 10.
  • En décembre 2022, un chirurgien orthopédiste a écrit que l’appelant avait des problèmes à la hanche depuis un certain temps, mais qu’au cours des trois dernières années, ils [traduction] « devenaient plutôt graves Note de bas de page 11 ». L’appelant sentait que la douleur nuisait à sa qualité de vie et il voulait faire quelque chose. Le mois suivant, il a subi une arthroplastie totale de la hanche droite pour de l’arthrite avancée Note de bas de page 12; un an plus tard, il se portait bien et n’a signalé aucune douleur Note de bas de page 13.

[17] L’appelant a également fourni une lettre récente de son nouveau médecin de famille, qui a écrit que les douleurs à la hanche droite de l’appelant avaient commencé en 2017 et s’étaient aggravées depuisNote de bas de page 14. Toutefois, la lettre ne disait rien au sujet de l’intensité des douleurs à la hanche de l’appelant en 2017 ni sur la façon dont cette évaluation pouvait être conciliée avec des rapports antérieurs indiquant que les douleurs ne sont devenues aiguës que deux ans plus tard. La lettre ne décrivait pas non plus l’effet de l’arthroplastie de la hanche de l’appelant qui, selon le Dr Boudreau, avait donné des résultats positifs seulement quelques mois plus tôt.

[18] Dans l’ensemble, la preuve médicale disponible indique que les douleurs à la hanche de l’appelant ne sont pas devenues graves avant la fin de 2019 au plus tôt. Les rapports de son ancien médecin de famille et de son chirurgien orthopédiste laissent supposer que, même si l’appelant a reçu un diagnostic d’arthrose dès 2008, l’arthrose a seulement causé une invalidité importante deux ans après la fin de sa période de protection. Surtout, l’ancienne médecin de famille de l’appelant n’a pas complètement exclu le travail : elle a seulement indiqué que l’appelant serait incapable de détenir une occupation physiquement exigeante après avoir subi une arthroplastie de la hanche.

Les antécédents et les caractéristiques personnelles de l’appelant n’ont aucune incidence sur son employabilité

[19] Selon la preuve médicale, je conclus que l’appelant avait au moins une certaine capacité de travailler en date du 31 décembre 2017. J’en suis encore plus convaincu lorsque j’examine l’employabilité globale de l’appelant.

[20] Pour décider si l’appelant est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner ses problèmes de santé. Je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. L’employabilité ne doit pas être évaluée de façon abstraite, mais plutôt en tenant compte de « toutes les circonstances ». Ces circonstances m’aident à décider si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste.Note de bas de page 15

[21] L’appelant a éprouvé des douleurs arthritiques lors de sa dernière période de protection en 2017, mais il avait aussi plusieurs atouts qui lui donnaient un avantage dans sa recherche d’emploi. L’anglais est sa langue maternelle, et il a obtenu un diplôme d’études secondaires et suivi une certaine formation postsecondaire. Il avait 55 ans lorsque sa période de protection pour l’invalidité du RPC a pris fin. Il n’était pas exactement jeune, mais il lui restait encore plusieurs années avant l’âge normal de la retraite. Son expérience de travail est assez unidimensionnelle (il semble qu’il ait travaillé toute sa carrière dans l’industrie de l’accueil) mais il a été le copropriétaire d’un restaurant pendant 12 ans et il a probablement des compétences administratives qui l’aideraient à trouver un emploi sédentaire.

[22] Je suis d’avis que les antécédents et les caractéristiques personnelles de l’appelant ne constituent pas des obstacles à son retour au travail. Même avec ses déficiences, l’appelant a au moins une certaine capacité à détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cependant, comme nous le verrons, cette capacité l’a obligé à au moins tenter de réintégrer le marché du travail.

L’appelant n’a pas essayé un autre emploi

[23] Selon une décision de la Cour d’appel fédérale intitulée Inclima, les personnes qui demandent des prestations d’invalidité doivent faire leur possible pour trouver un autre emploi qui soit mieux adapté à leurs déficiences :

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas de page 16.

[24] Ce passage donne à penser que si une personne conserve au moins une certaine capacité de travail, la division générale doit effectuer une analyse pour décider i) si elle a tenté de trouver un autre emploi et ii) si oui, si ses déficiences l’ont empêchée d’obtenir et de garder cet emploi.

[25] De plus, les personnes qui demandent des prestations d’invalidité doivent faire des tentatives significatives pour retourner au travailNote de bas de page 17. Elles ne peuvent pas limiter leur recherche d’emploi au type de travail qu’elles effectuaient avant de devenir invalides. En effet, elles doivent démontrer qu’elles sont régulièrement incapables de détenir toute occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 18. Les personnes qui ne cherchent pas d’autres types d’emploi peuvent ne pas être admissibles aux prestations. 

[26] Dans la présente affaire, l’appelant avait au moins une certaine capacité de travail. Celle-ci était suffisante pour déclencher l’obligation de chercher un emploi qui aurait pu être mieux adapté à ses déficiences. Toutefois, rien ne prouve que l’appelant a sérieusement tenté de trouver un emploi convenable depuis la dissolution de sa société de restaurants en 2014.

[27] Tout au long de sa carrière, l’appelant a occupé ce qui semble être des emplois exigeants sur le plan physique dans des restaurants et des bars, comme serveur, barman et préparateur d’aliments. Ces emplois exigeaient qu’il soit debout la plupart du temps. À mesure que les douleurs à sa hanche s’empirent, de tels emplois deviendraient de plus en plus insoutenables.

[28] Cependant, l’appelant n’a jamais tenté un emploi relativement sédentaire, qui lui permettrait de s’asseoir derrière un bureau ou un comptoir. Même sur le marché du travail concurrentiel et spécialisé d’aujourd’hui, il y a encore beaucoup d’emplois peu spécialisés dans les secteurs des services et de la vente au détail qui n’exigent pas de se tenir debout et de marcher longtemps ou de se mettre à genoux et de soulever des objets de façon répétitive.

[29] Plutôt que de chercher un emploi qui aurait pu être plus facile sur ses hanches, l’appelant a assumé un rôle d’aidant naturel pour son père malade. Il a comparé ce rôle à celui d’un préposé aux services de soutien à la personne et a même dit que ses responsabilités dépassaient largement celle d’un préposéNote de bas de page 19. Cependant, le travail que font les préposés est habituellement dur pour leur corps, et il ne semble pas approprié pour une personne qui éprouve de la douleur arthritique.

[30] Je ne reproche pas à l’appelant de s’occuper de son père, mais le fait qu’il ait pu faire un tel travail pendant si longtemps est un autre signe qu’il avait une capacité résiduelle, même après sa poussée d’arthrite. Je ne tire pas non plus de conclusion défavorable du fait que l’appelant a demandé et reçu une allocation de proche aidant de la Nouvelle-Écosse de 400 $ par mois, un montant relativement modeste qui était bien inférieur au seuil d’une occupation « véritablement rémunératrice » prévu par la loiNote de bas de page 20. Cependant, l’appelant a continué à travailler comme proche aidant longtemps après la fin de sa période de protection et il a cessé de travailler, non pas en raison de ses déficiences, mais parce que son père est décédé en septembre 2021.

[31] Pour ces motifs, je dois conclure que l’appelant n’a pas satisfait à l’obligation établie dans la décision Inclima. Il n’a pas tenté de trouver un emploi qui aurait pu être mieux adapté à son état de santé. Il n’est donc pas en mesure de démontrer qu’une telle tentative a échoué en raison de son invalidité. En fin de compte, je n’ai pas été en mesure d’évaluer l’étendue de la déficience de l’appelant en date du 31 décembre 2017, parce qu’il n’a jamais fait de véritable effort pour retourner sur le marché du travail.

L’appelant n’est pas atteint d’une invalidité prolongée

[32] Une invalidité doit être grave et prolongéeNote de bas de page 21. L’appelant n’a pas prouvé que son invalidité est grave, alors je n’ai pas à évaluer si elle est aussi prolongée. Cependant, la preuve médicale disponible me porte également à douter que les déficiences de l’appelant aient été d’une durée indéfinie et continue ou susceptibles d’entraîner le décès. Comme je l’ai mentionné, la hanche droite arthritique de l’appelant a dégénéré au point où il a eu besoin d’une arthroplastie en janvier 2023. Cependant, les rapports postopératoires indiquaient que l’appelant se rétablissait bien, ce qui lui permettait de marcher sans douleur et sans boiter. Même si l’appelant n’aura plus jamais la force ou l’endurance nécessaire pour travailler dans un restaurant, il sera probablement capable de gérer un emploi peu exigeant.

Conclusion

[33] L’appelant a souffert de douleurs à la hanche, mais je ne suis pas convaincu que celles-ci constituaient une invalidité grave en date du 31 décembre 2017. Les médecins de l’appelant ne l’ont jamais empêché de retourner au travail. Il a une capacité résiduelle, mais il n’a jamais essayé un emploi qui aurait pu être moins exigeant physiquement que ceux qu’il occupait à titre d’employé dans l’industrie de l’accueil.

[34] L’appel est rejeté.

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