Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : PP c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 262

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : P. P.
Représentante ou représentant : C. O.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 10 avril 2024 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Selena Bateman
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 20 mars 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 24 mars 2025
Numéro de dossier : GP-24-774

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, P. P., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a 52 ans et travaillait avant comme ingénieur électricien. Il affirme être invalide depuis décembre 2004, moment où il dit s’être cassé la jambe et avoir développé de l’anxiété et une dépression. Il a été mis à pied en août 2003 et ne travaille plus depuis.

[4] Le 7 septembre 2023, l’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant affirme qu’il avait une invalidité grave en 2005. Malgré l’absence de preuve médicale jusqu’à cette date, il est d’avis que la preuve médicale ultérieure le confirme. Il dit avoir de faibles aptitudes émotionnelles et cognitivesNote de bas de page 1.

[6] Le ministre, lui, affirme que la preuve médicale n’étaye pas une conclusion d’invalidité. Il fait valoir que les premiers documents médicaux au dossier n’ont été produits qu’en 2011 et que rien ne laisse croire que l’appelant ait eu besoin de soins psychiatriques avant celaNote de bas de page 2.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2005. Cette date a été établie en fonction des cotisations qu’il a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 3. L’appelant doit aussi prouver qu’il est toujours invalide.Note de bas de page 4

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 5.

[10] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Motifs de ma décision

[11] L’appelant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2005. J’ai rejeté l’appel à cause du manque de preuve médicale objective. En effet, il n’y a pas de preuve médicale relative à ses problèmes de santé aux environs de 2005. La preuve médicale produite plus tard n’étaye pas davantage une invalidité grave à ce moment-là.

L’invalidité de l’appelant n’était pas grave

[12] L’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisaient à sa capacité de travailler après 2005

[13] L’appelant a reçu des diagnostics d’anxiété et de dépression après la fin de 2005. La preuve médicale disponible ne confirme aucun diagnostic de santé mentale posé plus tôt.

[14] Je remarque que l’imagerie médicale faite en 2011 a révélé des fractures à sa jambe qui étaient guéries. La preuve médicale ne mentionne pourtant aucunement le moment où cette blessure était survenue.

[15] De toute manière, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 6. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 7. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 8.

Ce que l’appelant dit de ses limitations fonctionnelles

[16] L’appelant affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler. Il dit s’être fracturé la jambe et la cheville droites en décembre 2004. Une dépression et de l’anxiété seraient ensuite apparues chez lui. C’est ce qu'il invoque comme fondement à son appel. Il dit que les limitations liées à son problème à la jambe ont disparu.

[17] L’appelant rapporte ce qui suit au regard de 2005 :

  • Il croyait parfois que les gens parlaient de lui dans son dos.
  • Il se sentait déprimé environ deux jours par semaine. Il laissait sa mère terminer des tâches ménagères.
  • Il dormait à peine.
  • Il pouvait marcher pendant 45 minutes. 
  • Il n’allait pas seul à l’épicerie après décembre 2004 parce qu’il était anxieux et nerveux.

L’appelant a expliqué le manque de preuve médicale en date de 2005

[18] L’appelant dit que le docteur Karalis a été son médecin de famille de 1990 à 2011. Il n’était pas satisfait de ses soins et a changé de médecin de famille. Il a donc été suivi par le docteur Karantonis de 2011 à 2015 environ. La docteure Alkalaf est ensuite devenue sa médecin de famille vers 2015.

[19] L’appelant affirme qu’il n’a pas consulté de psychiatre avant juillet 2011. Il dit qu’il n’a bénéficié d’aucun traitement pour sa mauvaise santé mentale jusqu’en 2011. Il a dit que le docteur Karalis ne l’écoutait pas quand il parlait des symptômes qui le préoccupaient quant à sa santé mentale. Il n’avait pas voulu lui prescrire de médicaments pour sa santé mentale ni lui offrir d’autres types de traitements. Il n’avait pas fait de thérapie. Il dit avoir été recommandé en psychiatrie pour la première fois en 2011 par le docteur Karantonis.

[20] Le représentant de l’appelant m’a demandé d’accorder une grande importance au dossier psychiatrique du docteur Soulios. Je ne l’ai pas fait, parce que ce dossier ne traite pas de sa santé au moment en cause. Il indique ses symptômes en 2011.

[21] J’ai demandé à l’appelant s’il avait essayé d’obtenir ses dossiers médicaux du docteur Karalis. Il a dit qu’il avait essayé de les obtenir en 2020, mais que la réceptionniste lui avait dit qu’ils avaient été jetés. Je lui ai demandé s’il avait tenté d’obtenir une preuve médicale liée à sa blessure à la jambe, comme celles d’un hôpital ou du programme de réadaptation auquel il a dit avoir participé. Il m’a dit qu’il n’avait pas pensé à le faire.

L’appelant a été mis à pied en 2003 et a cherché du travail après 2005

[22] L’appelant affirme qu’il a été mis à pied en août 2003. Il dit qu’il avait gardé contact avec son employeur, mais qu’on ne l’avait jamais rappelé pour un posteNote de bas de page 9. Après s’être remis de sa blessure à la jambe, il avait cherché du travail en juillet ou en août 2005. Il dit qu’il avait eu quelques entretiens d’embauche, sans décrocher d’emploi.

[23] L’appelant dit avoir fait des recherches d’emploi pour la dernière fois en 2013 ou en 2014. Il dit qu’il avait cherché des emplois semblables à ceux qu’il avait déjà occupés. Il avait regardé dans le journal et en ligne. Il a eu quelques entretiens d’embauche, sans succès.

[24] Ce témoignage n’appuie pas sa prétention qu’il était atteint d'une invalidité grave à la fin de 2005 et qu’il en aurait une depuis. Il donne à penser qu’il pensait pouvoir travailler.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[25] L’appelant doit fournir des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2005Note de bas de page 10.

[26] Le dossier d’appel ne contient aucune preuve médicale produite avant la fin de 2005. De plus, la preuve médicale produite par la suite ne fait pas référence à sa santé avant la fin de 2005. Il s’agit là d’un problème fatal pour son appel. La preuve médicale rétrospective ne corrobore pas une invalidité grave au terme de 2005.

Hernies discales

[27] Le ministre a soutenu qu’il n’y a aucune preuve médicale relative à des hernies discales, à des consultations pour de la douleur ou à des évaluations ou des traitements spécialisés pour des maux de dos. Il soutient également que les dossiers disponibles ne mentionnent pas de symptômes de douleur chroniqueNote de bas de page 11. Je suis d’accord avec le ministre. Aucune preuve médicale n’appuie la présence d’une douleur lombaire chronique qui aurait entraîné des limitations fonctionnelles chez l’appelant en 2005.

[28] Contrairement à ce que prétend le représentant de l’appelant, la preuve médicale ne corrobore pas chez lui la présence de hernies discalesNote de bas de page 12. De plus, l’appelant n’a pas dit durant l’audience qu’il avait des limitations liées à un problème de dos.

Jambe droite

[29] À l’audience, l’appelant a déclaré qu’il ne gardait aucune limitation liée à sa blessure à la jambe droite. Il m’a dit que sa jambe avait guéri grâce à la réadaptation. Je n’ai donc pas tenu compte de limitations liées à une blessure à sa jambe dans l’analyse de son invalidité.

[30] Une blessure à la jambe remontant à 2004 est mentionnée pour la première fois dans un rapport subjectif fait par l’appelant en 2011. Il ne s’agit pas d’une preuve médicale confirmant comment ni quand a eu lieu l'incident. Des images médicales datant de 2011 montrent des fractures consolidées à sa jambe droite. Elles ne permettent toutefois pas de savoir quand l'appelant s'est fracturé la jambe au départNote de bas de page 13.

[31] Selon la preuve médicale du docteur Karantoni, l’appelant lui avait dit entre mai 2011 et septembre 2013 qu’il avait mal à la jambe droite. Le docteur Karantonis a noté que cette douleur était associée à une [traduction] « vieille blessure », ce qui ne permet pas de confirmer qu’elle serait survenue avant la fin de 2005. Le docteur Karantonis a noté que l’appelant n’était jamais revenu pour un traitement de suivi après une consultation en septembre 2013 pour de la congestion nasaleNote de bas de page 14.

Santé mentale

[32] Ce qui est problématique, dans le dossier de l’appelant, c’est qu’il n’est pas clair quand ses problèmes de santé mentale ont commencé ni quelle était la gravité de ses limitations. Au moins six ans séparent la date où il prétend être devenu invalide et celle de son premier examen psychiatrique.

[33] Le premier élément de preuve médicale qui détaille ses problèmes de santé mentale date de juillet 2011, quand l’appelant a vu le docteur Soulios. Le docteur Soulios n’a toutefois pas précisé quand ses symptômes psychiatriques étaient apparus ni leur évolution dans le temps. Il a noté que l’appelant dormait mal. Il présentait un trouble dépressif majeur et une peur des hauteurs. Il était isolé et retiré, et manquait d’énergie et de motivationNote de bas de page 15.

[34] Le fait que l’appelant avait des symptômes de nature mentale en 2011 ne signifie pas que ces mêmes symptômes ou des limitations étaient présents à la fin de 2005. Aucune preuve médicale ne traite de limitations fonctionnelles avant 2011. Je ne peux pas tirer de conclusion sur la nature de ses limitations fonctionnelles sans aucun élément de preuve médicale à l’appui.

[35] Les dossiers médicaux au dossier d’appel ont été produits des années après 2005 et n’aident pas à établir qu’il était atteint d’une invalidité grave au terme de 2005. Aucun médecin n’a fait référence à ses dossiers médicaux précédant 2011. Ils ne semblaient d’ailleurs pas les avoir.

[36] Il y a des dossiers médicaux rédigés à la main allant de 2011 à 2013Note de bas de page 16. Je n’ai pas pu les déchiffrer. Hormis l’évaluation psychiatrique de 2011 mentionnée plus tôt, il ne semble pas que l’appelant ait été recommandé à des spécialistes. Rien ne permet de croire qu’il aurait eu d’autres prestataires de soins, comme un thérapeute.

[37] La preuve médicale confirme que la docteure Alkhalaf a commencé à traiter l’appelant en juin 2015. Il avait alors eu un examen de santé annuel. La docteure Alkhalaf a noté que l’appelant n’avait rapporté aucun symptôme dépressif ou anxieux. Son affect était normal, de même que son jugement, sa mémoire, son élocution et ses penséesNote de bas de page 17.

[38] Durant les années qui ont suivi, l’appelant a consulté la docteure Alkhalaf pour divers problèmes physiques. Je vois donc qu’il était capable de prendre des rendez-vous et de veiller à ses propres besoins médicaux. Même s’il avait possiblement des problèmes d’agoraphobie, l’appelant ne prétend pas qu’ils l’empêchaient d’accéder à des soins médicaux.

[39] La docteure Alkhalaf n’a pris note d’aucun symptôme mental jusqu’en juillet 2019. Il lui avait donc fallu quatre ans, après avoir pris en charge l’appelant, pour traiter de ce sujet. L’appelant a également dit à la docteure Alkhalaf qu’il avait cessé de travailler en 2018. En janvier 2020, il a dit à la docteure Alkhalaf qu’il pensait lancer sa propre entreprise. Il se sentait généralement [traduction] « bien », malgré certaines mauvaises journéesNote de bas de page 18.

[40] La docteure Alkhalaf a rempli un rapport médical en octobre 2020. Elle a commencé à traiter l’appelant en juillet 2019. Elle a écrit qu’il avait eu une dépression [traduction] « longtemps », mais qu’elle l'avait vu pour ce problème en juillet 2019 la première foisNote de bas de page 19.

[41] Le dossier d’appel contient une preuve médicale provenant du docteur Phillips, psychiatre. Le docteur Phillips a vu l’appelant pour une première évaluation de sa dépression en avril 2020. L’appelant a dit au docteur Phillips qu’il se sentait déprimé depuis qu’il s’était cassé la jambe en 2004. Le docteur Phillips a accepté ce que l’appelant lui a dit en 2020 quant à la date où ses symptômes psychiatriques avaient débuté, sans préciser quel élément de preuve médicale datant de la période pertinente permettait d’appuyer son affirmationNote de bas de page 20.

[42] La preuve médicale ne montre pas l’appelant avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2005. Par conséquent, il ne peut pas établir qu’il avait une invalidité grave à ce moment-là. Il ne peut pas avoir gain de cause.

[43] La présente décision ne porte pas sur les problèmes de santé et les limitations actuels de l’appelant. Sa capacité de travailler après 2005 est sans importance s’il ne démontre pas qu’il était atteint d’une invalidité grave à la fin de 2005.

[44] Je n’ai pas à tenir compte de l’âge, de la scolarité et de l’expérience de travail de l’appelant ni d’autres facteursNote de bas de page 21. Cette analyse n’est effectivement pas nécessaire, vu le manque de preuve médicale pour étayer des problèmes de santé qui l’auraient rendu invalide en 2005.

Conclusion

[45] Je conclus que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et qu’il n’est donc pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Étant donné que l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité est prolongée.

[46] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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