Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : PO c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 276

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : P. O.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 29 octobre 2020 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Selena Bateman
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 21 février 2025
Numéro de dossier : GP-23-2048

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, P. O., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Je vais expliquer pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 60 ans. Elle travaillait comme caissière. Elle a des problèmes de mémoire, elle fait de l’asthme et est atteinte d’une dépression et d’autres problèmes de santé. Dans sa demande de pension d’invalidité, elle a écrit qu’elle a une invalidité depuis 1999Note de bas de page 1.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada à trois reprises. Le présent appel est fondé sur la demande du 4 avril 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Avant ma décision, une autre personne du Tribunal lui a accordé une prolongation de délai pour faire appelNote de bas de page 2.

[5] L’appelante affirme avoir une invalidité qui l’empêche de faire tout travail, en grande partie à cause de ses graves pertes de mémoire. Elle dit avoir de nombreux problèmes de santé invalidants, comme des douleurs intenses dans tout son corps et une colite ulcéreuse. Elle a de faibles capacités physiques pour presque toutes les tâches. Elle dit que son état de santé s’aggraveNote de bas de page 3.

[6] Le ministre affirme que la preuve ne permet pas de conclure à l’invalidité. Le questionnaire au sujet de l’appelante indiquait que son travail était satisfaisant. Même si l’appelante a des limitations, le ministre soutient que celles-ci ne l’empêcheraient pas de faire tout type de travailNote de bas de page 4.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour avoir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2012. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 5. Elle doit aussi prouver que son invalidité est toujours présente aujourd’huiNote de bas de page 6.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle risque d’entraîner le décèsNote de bas de page 7.

[10] L’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle a une invalidité.

Motifs de ma décision

[11] Je considère que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2012. Je suis arrivée à cette conclusion après avoir vérifié si son invalidité était grave. Comme j’ai conclu que ce n’était pas le cas, je n’ai pas eu à vérifier si son invalidité était prolongée.

[12] Je pouvais seulement tenir compte des problèmes de santé et des limitations de l’appelante avant la fin de 2012. J’ai conclu qu’elle avait encore une certaine capacité de travailler à ce moment-là. Cela ne veut pas dire qu’elle est toujours capable de travailler aujourd’hui.

L’invalidité de l’appelante n’était pas grave en 2012 et avant

[13] L’appelante n’avait pas d’invalidité grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs que j’explique ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante ont nui à sa capacité de travailler

[14] L’appelante a une rhinite allergique, une colite ulcéreuse et des problèmes de mémoire (à court et à moyen terme), elle fait de l’asthme et est atteinte de fatigue chronique, d’une discopathie dégénérative et d’une dépression.

[15] Toutefois, des diagnostics ne suffisent pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 8. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’ont empêchée de gagner sa vieNote de bas de page 9. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 10.

[16] Je conclus que l’appelante a des limitations fonctionnelles qui ont nui à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelante dit de ses limitations fonctionnelles

[17] L’appelante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler. Elle explique qu’elle a une mauvaise mémoire. Elle est incapable de retenir des instructions et de se souvenir des noms ou des visages. Elle a tout écrit dans un livret qu’elle consulte pour s’aider. Elle dit que son asthme est grave et qu’elle a des problèmes respiratoires. Elle avait aussi de la difficulté à faire ses tâches ménagères à cause de sa fatigue extrême.

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[18] L’appelante doit fournir des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2012Note de bas de page 11.

[19] La preuve médicale confirme que l’appelante faisait de l’asthme, qu’elle avait une carence en vitamine B12, une rhinite allergique, une colite ulcéreuse et des problèmes de mémoire (à court et à moyen terme) et qu’elle était atteinte de fatigue chronique, d’une discopathie dégénérative et d’une dépression. L’appelante a vu la Dre Dow pour des problèmes de vessie, des maux de tête et des douleurs lombairesNote de bas de page 12.

[20] En décembre 2012, la Dre Dow (médecin de famille) a décrit les problèmes de santé de l’appelante à ce moment-là. Cette lettre est particulièrement pertinente, car elle a été écrite vers la fin de la période de protection de l’appelante. En juin 1997, l’appelante a reçu un diagnostic de dépression. Elle avait des problèmes de concentration et était atteinte d’anhédonie (incapacité à ressentir du plaisir) et de fatigue chronique. Toutefois, elle n’avait pas d’idées suicidaires et n’était pas instable émotionnellementNote de bas de page 13.

[21] La preuve médicale confirme que l’appelante a des problèmes de mémoire et de la difficulté à retenir de nouvelles choses. En 2001, le Dr Berk lui a fait une évaluation psychologique. Il a trouvé qu’elle avait une capacité réduite d’apprendre de nouvelles chosesNote de bas de page 14.

[22] Le rapport médical lié à la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada a été rempli en avril 2019 par le Dr Fulton (médecin de famille). C’est environ sept ans après la fin de la période de protection de l’appelante. En 2019, le Dr Fulton traitait l’appelante depuis trois ou quatre ans. L’appelante était atteinte d’une discopathie dégénérative accompagnée de douleurs lombaires, d’une dépression et de problèmes chroniques de mémoire. Elle avait de la difficulté à suivre des instructions, à résoudre des problèmes et à fixer des objectifsNote de bas de page 15.

[23] Le ministre affirme que le Dr Fulton a noté que les symptômes de douleurs au dos sont apparus en 2006. Toutefois, aucune preuve médicale ne montre la présence d’un grave problème de dos au plus tard en 2012 et par la suiteNote de bas de page 16.

[24] Je suis d’accord avec le ministre. Un document de décembre 2012 indique que l’appelante ressentait des douleurs au nerf sciatique gauche et des douleurs lombaires de temps à autre. Mais ces douleurs n’étaient pas très limitantesNote de bas de page 17.

[25] La preuve médicale confirme aussi que l’appelante fait de l’asthme. Elle a des limitations s’appliquant aux milieux de travail où l’on pourrait trouver des allergènes environnementaux. Elle a vu le Dr Luntao (pneumologue) en novembre 2011. Elle avait une respiration sifflante, de l’essoufflement et de la toux en présence d’allergènes environnementaux. Ses symptômes étaient déclenchés par une exposition aux parfums, aux gaz, au pollen, à la fumée et à la poussière. En février 2012, elle a subi une évaluation pour son essoufflement et ses symptômes semblables à ceux du rhume des foins. En août 2012, elle est allée à une clinique d’asthme, où elle a signalé une hausse de ses symptômes d’allergie à cause de l’humidité dans l’airNote de bas de page 18.

[26] Le ministre affirme que l’opinion du Dr Fulton sur le travail ne concerne pas l’état de santé de l’appelante au plus tard en 2012. En effet, le Dr Fulton a écrit sa lettre de nombreuses années plus tardNote de bas de page 19. Je suis d’accord avec le ministre. D’autres éléments de preuve médicale produits par des médecins antérieurs montrent mieux l’état de santé de l’appelante avant la fin de sa période de protection.

L’appelante a suivi les conseils médicaux

[27] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, une personne doit suivre les traitements recommandésNote de bas de page 20.

[28] L’appelante a suivi les conseils médicaux. Elle prend du Celexa depuis 1999 pour traiter sa dépression.

[29] L’appelante a pris des médicaments pour traiter sa colite ulcéreuse et une proctite. Elle contrôlait ces problèmes de santé au moyen de lavements Salofalk. Jusqu’en 2012, ses symptômes n’ont pas réellement augmenté. Elle avait des poussées de douleurs de temps à autreNote de bas de page 21.

[30] L’appelante contrôlait sa carence en vitamine B12 au moyen d’injections tous les deux moisNote de bas de page 22.

[31] Les dossiers montrent que grâce à un traitement spécialisé, ses symptômes d’allergie se sont améliorés. L’appelante a subi des évaluations et un traitement pour son asthme en 2011 et en 2012. Dans un rapport de pneumologie, on a suggéré à l’appelante de continuer à utiliser de l’Advair et de commencer à prendre de l’Atrovent. Au début de 2012, elle a signalé une amélioration de 80 % depuis qu’elle avait commencé à prendre du Ventolin et de l’AdvairNote de bas de page 23.

L’appelante était capable de travailler dans un contexte réaliste

[32] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience de travail et son expérience personnelleNote de bas de page 24.

[33] Je considère que l’appelante était capable de travailler dans un contexte réaliste en date du 31 décembre 2012.

[34] L’âge de l’appelante est son principal obstacle sur le marché du travail. Il lui reste moins d’une décennie avant l’âge habituel de la retraite au Canada. Il est peu probable qu’elle apprenne un autre métier en raison de son âge et de ses problèmes de mémoire. Elle parle anglais. On ne sait pas trop si elle a fait des études postsecondaires. Elle a une expérience de travail limitée et peu de compétences transférables.

[35] La preuve médicale montre qu’en novembre 2011, l’appelante faisait ses tâches quotidiennes de façon indépendante. Elle était capable de faire ses tâches ménagères et d’entretenir son logis sans difficultéNote de bas de page 25.

[36] Les allergies pourraient empêcher l’appelante de travailler dans certains milieux qui risqueraient de déclencher ses symptômes. Un milieu où il y aurait des émanations gazeuses, de la poussière et des matières organiques ne lui conviendrait pas. Un travail exigeant sur le plan physique n’est pas réaliste non plus. En raison de ses problèmes de mémoire, l’appelante avait besoin d’un environnement contrôlé qui offrait des tâches répétitives et du soutienNote de bas de page 26. Ces restrictions n’éliminent pas tous les types de travail.

[37] L’appelante était encore capable de travailler. Je suis arrivée à cette conclusion en examinant ses antécédents de travail disponibles. La preuve montre que l’appelante était capable de faire un travail de caissière malgré ses limitations. Elle a arrêté de travailler avant de recevoir un traitement spécialisé pour ses allergies. Il n’y a aucune preuve de tentative de travail après son traitement spécialisé.

L’appelante a travaillé de 2009 à 2011

[38] L’appelante travaillait comme caissière à un stand de légumes de X. Elle y a fait un travail saisonnier de septembre 2009 à novembre 2011. Son occupation n’était pas véritablement rémunératrice pendant chacune de ces années. Elle travaillait habituellement de 35 à 40 heures par semaine, de mars à octobre. Ses talons de paie étaient disponibles dans le dossier d’appel. L’appelante était une travailleuse fiable. Son occupation aurait probablement été véritablement rémunératrice si elle avait travaillé toute l’année.

[39] En novembre 2014, elle a déclaré qu’elle était assez efficace au travail si elle écrivait les choses à retenir en raison de ses problèmes de mémoire. Elle croyait toutefois que son asthme nuisait à sa capacité de faire son travail. Il y avait de la farine dans l’air à cause de la boulangerie et il y avait de la poussière et de la terre au stand de légumes. Après avoir été mise à pied pendant l’hiver, l’appelante ne pensait pas pouvoir retourner à son emploi en raison de ses problèmes respiratoires découlant de son asthmeNote de bas de page 27.

[40] La preuve médicale montre que l’appelante avait ces problèmes de santé avant qu’elle consulte le pneumologue et que celui-ci modifie ses médicaments contre l’asthme pour l’aider à contrôler ses symptômes.

[41] Un questionnaire pour l’employeur (X) daté de février 2013 se trouve dans le dossier d’appel. Cet élément de preuve ne montre pas que des problèmes de santé empêchaient l’appelante de travailler régulièrement.

[42] Le questionnaire pour l’employeur ne donne pas à penser non plus que l’appelante avait un employeur bienveillant. Elle a été embauchée et travaillait lorsque l’entreprise avait besoin d’une personne à la caisse. Elle était productive au travail. Son assiduité était bonne et son travail satisfaisant. Elle travaillait de façon indépendante avec peu de supervision. Elle n’avait pas besoin de l’aide de ses collègues. Elle s’est absentée du travail lorsqu’elle a eu une pneumonieNote de bas de page 28.

L’appelante n’a pas essayé de trouver un emploi convenable et de le garder

[43] S’il est réaliste qu’elle travaille, l’appelante doit montrer qu’elle a essayé de trouver et de garder un emploi convenable. Elle doit aussi montrer que ses efforts ont échoué à cause de ses problèmes de santéNote de bas de page 29. Une personne fait des efforts pour trouver et garder un emploi si, par exemple, elle suit une nouvelle formation ou cherche un emploi adapté à ses limitations fonctionnellesNote de bas de page 30.

[44] La preuve montre que l’appelante n’a pas essayé de travailler après que son traitement contre les allergies a amélioré son état de santé. Malheureusement, les renseignements dont je dispose ne me permettent pas d’affirmer que l’appelante était incapable de travailler malgré ses traitements.

[45] Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’elle avait une invalidité grave au plus tard le 31 décembre 2012.

Conclusion

[46] Je conclus que l’appelante n’a pas d’invalidité grave et qu’elle n’est donc pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Étant donné que l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si l’appelante a une invalidité prolongée.

[47] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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