Contenu de la décision
Citation : WN c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 1450
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
Partie appelante : | W. N. |
Représentante ou représentant : | S. G. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision datée du 30 mai 2023 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Antoinette Cardillo |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 23 janvier 2024 |
Personnes présentes à l’audience : |
Appelant |
Date de la décision : | Le 2 février 2024 |
Numéro de dossier : | GP-23-1063 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] L’appelant, W. N., n’est pas admissible à une rétroactivité de plus de 15 mois pour le début des prestations suivant l’approbation de sa demande de la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.
Aperçu
[3] Le ministre de l’Emploi et du Développement social (le ministre) a reçu une première demande de prestations d’invalidité du RPC de l’appelant le 18 juin 2010.Note de bas de page 1
[4] Le ministre a rejeté la demande le 10 janvier 2011.Note de bas de page 2 Le ministre était d'avis que l’appelant ne remplissait pas les critères pour être admissible à une pension d’invalidité et qu’il manquait de l’information à son dossier.
[5] L’appelant n’a pas fait une demande de révision de la décision du ministre.
[6] Le ministre a reçu une deuxième demande de prestations d’invalidité du RPC de l’appelant le 22 janvier 2021.Note de bas de page 3 Le ministre a approuvé la demande le 26 mai 2022 avec une date de début de paiement en juillet 2020. Il s’est avéré que cette date était incorrecte et le ministre a rectifié cette erreur. La date de début de l’invalidité de l’appelant a été fixée au mois d’octobre 2019, soit 15 mois avant la date de la demande, ce qui correspond à la période de rétroactivité maximale permis par le RPC.Note de bas de page 4
[7] L’appelant a fait une demande de révision de sa date d’entrée en vigueur de la pension d’invalidité. Le 30 mai 2023, le ministre a maintenu sa décision originale disant que l’appelant avait reçu la rétroactivité maximale de 15 mois avant la date de sa demande reçue le 22 janvier 2021.Note de bas de page 5
[8] L’appelant a fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.
[9] J’ai eu une conférence de gestion de cas avec l’appelant et son représentant le 4 octobre 2023.Note de bas de page 6 J’ai expliqué à l’appelant et à son représentant que je n’avais pas la juridiction ou le pouvoir d’accorder une rétroactivité de plus de 15 mois suite à une demande de prestations d’invalidité du RPC. J’ai aussi expliqué que l’appel qui était devant moi concernait la date de début des paiements des prestations d’invalidité suite à l’approbation de la demande reçue par le ministre en janvier 2021 et non celle reçue en juin 2010.
[10] L’appelant a aussi soulevé un argument d’abus de droit. J’ai expliqué que je n’avais pas non plus la juridiction pour rendre une décision concernant l’abus de droit.
[11] L’appelant a demandé d’être entendu et voulait procéder à une audience.
Ce que l’appelant doit prouver
[12] Il n’y a pas lieu de citer les critères pour être admissible à une prestation d’invalidité selon le RPC puisque le ministre a déterminé que l’appelant était invalide et admissible à recevoir ces prestations.
[13] Concernant le critère d’incapacité en vertu du RPC soulevée par le représentant de l’appelant lors de l’audience, une personne est incapable si elle n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle celle-ci a réellement été faite.Note de bas de page 7 La période d’incapacité doit aussi être continue.Note de bas de page 8
[14] Le critère juridique pour déterminer l’incapacité est précis. Il ne consiste pas à savoir si une personne :
- a) sait à quelles prestations elle a droit;
- b) a la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande;
- c) est capable de composer avec les conséquences de la présentation d’une demande.Note de bas de page 9
[15] Une personne doit plutôt démontrer qu’elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de demander une prestation.
Motifs de ma décision
[16] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à une rétroactivité de plus de 15 mois pour le début des prestations d’invalidité du RPC. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :
Les faits
[17] La demande de pension d’invalidité de l’appelant reçue le 22 janvier 2021 a été approuvée par le ministre. C’est de cette demande que je dois traiter.
[18] La question en litige est le début de la date de paiement des prestations d’invalidité.
[19] L’appelant dit qu'il n’a pas été informé que sa première demande de pension d'invalidité qui remontait au 18 juin 2010 avait été refusée, car sa conjointe lui cachait sa poste et il n’avait pas accès à la clé pour la boîte postale. Il n’a donc pas pu faire une demande de révision. Il demande que ses prestations d’invalidité débutent en 2010.
Analyse
[20] Le RPC précise à quel moment une personne est considérée comme étant invalide. Le RPC dit qu’en aucun cas une personne, y compris un demandeur tardif, n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la demande.
[21] Les dispositions législatives prévoient une période de rétroactivité maximale de quinze mois à compter de la date de la demande, qui, en l’espèce, débute en octobre 2019.Note de bas de page 10
[22] L’appelant a soumis beaucoup de preuve médicale. Son représentant a présenté un argument d’incapacité de l’appelant et a fait état des conditions physiques et psychologiques de l’appelant en 2010 et par la suite. L’appelant et son représentant utilisaient le mot invalidité et incapacité de façon interchangeable.
[23] Tel que j’ai expliqué à l’appelant et à son représentant lors de l’audience, non seulement une invalidité n’équivaut pas à une incapacité, mais le fardeau pour prouver une incapacité est très élevé.
[24] Le RPC est clair, une personne doit démontrer qu’elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de demander une prestation. Dans les circonstances de l’appelant, des demandes de prestations d’invalidité en vertu du RPC ont été déposées (en 2010 et en 2021). Celle de 2021 a été approuvée.
[25] Selon la jurisprudence, on entend par incapacité l’incapacité à former l’intention de présenter une demande de prestations et non aux appels du rejet d’une demande.Note de bas de page 11
[26] L’appelant demande non seulement une rétroactivité de plus de 15 mois pour le début de ses prestations d’invalidité contrairement à ce que le RPC permet, mais il demande que la rétroactivité soit basée sur sa première demande de juin 2010 parce qu’il dit avoir été incapable d’en faire la demande. Toutefois, la demande a été faite. Il n’a toutefois pas fait une demande de révision parce qu’il n’avait pas été mis au courant de son rejet.
[27] J’aimerais faire quelques précisions. Premièrement, bien que l’appelant dît n’avoir pas eu accès à la poste et qu’il ne savait pas que sa première demande reçue par le ministre en juin 2010 avait été refusée, l’appel devant moi porte sur sa deuxième demande de janvier 2021 et non sur la première, tel que j’ai expliqué lors de la conférence de gestion de cas et à nouveau lors de l’audience. Il n’y a pas de décision de révision du ministre qui a été portée en appel devant moi concernant la première demande de l’appelant. Je n’ai pas le pouvoir de déterminer un appel sans qu’une décision de révision soit émise.Note de bas de page 12 L’appel porte donc sur la décision de révision du ministre datée du 30 mai 2023 concernant la deuxième demande de pension d’invalidité de l’appelant du 22 janvier 2021.Note de bas de page 13
[28] Le RPC établit les limites pour le paiement de la pension d’invalidité. L’appelant a reçu la rétroactivité maximale en vertu du RPC.
[29] Deuxièmement, le RPC établit aussi des critères précis pour l’incapacité d’une personne. Selon le RPC et la jurisprudence, l’incapacité ne peut s’appliquer à une demande de révision mais bien à une demande de prestation. Il s’ensuit que l’appelant ne peut invoquer une incapacité en 2010 puisqu’une demande a été faite et elle a été rejetée. L’appelant n’a pu faire une demande de révision et non pas une demande de prestation.
[30] Je conclus donc que l’appelant n’est pas admissible à une rétroactivité de plus de 15 mois pour le début des prestations d’invalidité du RPC. Aussi, l’incapacité en vertu du RPC ne peut s’appliquer aux circonstances de l’appelant.
[31] Malgré toute la sympathie que je peux avoir pour l’appelant, je dois interpréter et appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le RPC. Je ne peux invoquer les principes d’équité ni prendre en considération des situations particulières pour passer outre aux exigences en matière de rétroactivité ou en matière d’incapacité prévues par la loi.
Conclusion
[32] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à une rétroactivité de plus de 15 mois pour le début des prestations suivant l’approbation de sa demande de la pension d’invalidité du RPC reçue le 22 janvier 2021.
[33] Par conséquent, l’appel est rejeté.