Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : RV c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 462
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
Partie appelante : | R. V. |
Représentante ou représentant : | Allison Schmidt (Chantelle Yang à l’audience) |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Décision portée en appel : | Décision de révision datée du 4 mars 2024 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Wayne van der Meide |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 24 avril 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelant Représentante de l’appelant |
Date de la décision : | Le 2 mai 2025 |
Numéro de dossier : | GP-24-1001 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Ce que l’appelant doit prouver
- Questions que je dois examiner en premier
- Motifs de ma décision
- Début du versement de la pension
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est accueilli.
[2] L’appelant est admissible à la prestation d’invalidité après-retraite, payable à partir d’avril 2022.
[3] Cette décision explique pourquoi j’accueille l’appel.
Aperçu
[4] L’appelant est né le 31 décembre 1959. Il a commencé à recevoir sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada en mars 2020, lorsqu’il avait 61 ansNote de bas de page 1. Il a continué de travailler comme technicien d’entrepôt jusqu’en décembre 2021. Il dit avoir cessé de travailler en raison d’une arthrose grave aux deux genoux. Son genou droit a été remplacé en janvier 2022 et son genou gauche, en juillet 2022.
[5] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime le 9 juin 2022. Sa demande est également considérée comme une demande de prestation d’invalidité après-retraite. Il s’agit d’une prestation pour les personnes invalides âgées de 60 à 65 ans qui reçoivent une pension de retraite du Régime.
[6] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.
[7] L’appelant convient qu’il n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime parce qu’il a présenté sa demande plus de 15 mois après avoir commencé à recevoir sa pension de retraiteNote de bas de page 2. Cependant, il affirme qu’il est admissible à la prestation d’invalidité après-retraite parce qu’il était incapable de travailler et de gagner sa vie en date de décembre 2021.
[8] Le ministre affirme que les interventions chirurgicales pour remplacer les deux genoux ont été réussies. Par conséquent, selon le ministre, l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée.
Ce que l’appelant doit prouver
La période minimale d’admissibilité à la prestation d’invalidité après-retraite
[9] Pour être admissible à la prestation d’invalidité après-retraite, l’appelant doit être devenu invalide avant la fin de sa période minimale d’admissibilité. Les règles sur la période minimale d’admissibilité pour la prestation ont changé le 5 mai 2023. Les deux règles sont fondées sur les cotisations qu’une personne a versées au RégimeNote de bas de page 3.
[10] Selon les anciennes règles, l’appelant doit prouver que son invalidité était grave et prolongée au plus tard le 4 mai 2023 (le jour avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles). Selon les nouvelles règles, l’appelant doit prouver que son invalidité était grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2024, soit la date à laquelle il a eu 65 ans.
[11] Le ministre affirme que l’ensemble de règles qui s’applique dépend de la date où l’invalidité de l’appelant est devenue grave et prolongée, si elle l’est effectivement devenue. C’est ce qu’on appelle la date de début de l’invalidité.
[12] Les nouvelles règles ne précisent pas quelle incidence elles ont sur les cas antérieurs à leur entrée en vigueur.
[13] Dans la présente affaire, peu importe la règle qui s’applique, car je conclus que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date de décembre 2021. Ce mois précède les deux dates possibles.
Qu’est-ce qu’une invalidité « grave » et « prolongée »
[14] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».
[15] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 4.
[16] Pour décider si l’invalidité de l’appelant est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs, comme son âge, son niveau de scolarité, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Si l’appelant est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.
[17] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinieNote de bas de page 5.
[18] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelant doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant longtemps.
[19] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.
Questions que je dois examiner en premier
J’ai accepté les documents en retard
[20] L’appelant a envoyé au Tribunal une lettre d’un professionnel traitant, et ce après la date limite. J’ai accepté le document en retard. Mes motifs se trouvent dans la lettre du 17 avril 2025.
[21] Le ministre a envoyé au Tribunal des observations sur la lettre que je viens de mentionner, et ce après la date limite. J’ai accepté le document en retard. Mes motifs se trouvent dans la lettre du 23 avril 2025.
Motifs de ma décision
[22] Je conclus que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date de décembre 2021. Il est toujours invalide.
L’invalidité de l’appelant était-elle grave?
[23] L’appelant était atteint d’une invalidité grave. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.
Les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisaient à sa capacité de travailler
[24] L’appelant est atteint d’arthrose aux deux genoux. Son genou droit a été remplacé en janvier 2022. Son genou gauche a été remplacé en juillet 2022. L’appelant a aussi de l’hypertension et des douleurs à la cheville causées par une vieille blessure. Il dit aussi qu’il souffre de fatigue chronique.
[25] Dans sa demande, l’appelant a dit qu’il avait également une dépression et de l’anxiétéNote de bas de page 6. Cependant, à l’audience, il a dit qu’il n’avait plus de dépression ni d’anxiété.
[26] Un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 7. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 8. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 9.
[27] Je conclus que l’appelant a effectivement des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler.
Ce que l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles
[28] L’appelant affirme que des limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler.
[29] À l’audience, l’appelant a déclaré qu’il avait cessé de travailler en raison de douleurs intenses aux deux genoux. Il a dit que même s’il a moins mal maintenant que ses genoux ont été remplacés, il ne peut toujours pas faire ce qui suit sans douleur :
- rester debout pendant plus de 10 à 15 minutes;
- conduire pendant plus de 20 minutes;
- marcher pendant plus de 20 minutes;
- rester assis pendant plus de 30 minutes.
Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant
[30] L’appelant doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travaillerNote de bas de page 10.
[31] La preuve médicale confirme la version des faits de l’appelant.
[32] Le ministre fait remarquer qu’en février 2023, l’appelant a dit au personnel de Service Canada qu’après ses interventions chirurgicales, il pouvait marcher et se tenir debout et sa dépression s’amélioraitNote de bas de page 11. Le ministre mentionne également une note rédigée par un chirurgien orthopédiste en août 2023 qui indique que l’appelant a dit qu’il avait seulement une légère douleur aux genouxNote de bas de page 12.
[33] L’appelant m’a dit qu’après ses interventions chirurgicales, il espérait pouvoir retourner au travail. Il a ajouté que ce qu’il a dit à son chirurgien avait été influencé par le fait qu’il voulait que son chirurgien l’autorise à travailler. Il m’a dit que, sur une échelle de 0 à 10, au lieu de donner une note de 10 sur 10 à ses douleurs aux genoux, il donne maintenant une note de 5 à 7 sur 10. À présent, il accepte qu’il ne puisse pas travailler.
[34] L’histoire de l’appelant est logique et est appuyée par la preuve médicale.
[35] En octobre 2024, le médecin de famille de l’appelant a déclaré qu’il ne serait pas en mesure d’occuper un emploi qui lui demande régulièrement de se tenir debout, de marcher, et de soulever ou de tirer des objetsNote de bas de page 13. Il a dit que le seul type d’emploi que l’appelant pouvait occuper devait être complètement sédentaire.
[36] Dans une note rédigée en avril 2025, le physiothérapeute de l’appelant a déclaré que même avec les deux remplacements de genou [traduction] « il est peu probable que reprendre les activités professionnelles antérieures […] soit possibleNote de bas de page 14 ».
L’appelant est incapable de travailler dans un contexte réaliste
[37] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelant est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :
- son âge;
- son niveau de scolarité;
- ses aptitudes linguistiques;
- son expérience de travail et de vie.
[38] Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 15?
[39] L’appelant avait 61 ans lorsqu’il a cessé de travailler. Il n’est pas allé au collège ou à l’université. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, il a commencé à travailler dans des entrepôts. Les seuls emplois qu’il a eus étaient semblables à son dernier emploi, c’est-à-dire physiquement exigeantNote de bas de page 16. Il n’a jamais occupé un emploi sédentaire et a dit que ses employeurs ne lui avaient pas exigé d’utiliser fréquemment un ordinateur. Il a dit qu’il avait tout juste commencé à envoyer des courriels.
[40] Je conclus que l’appelant est incapable de travailler dans un contexte réaliste.
[41] Je conclus que l’appelant n’est pas en mesure de travailler depuis décembre 2021. C’est ce mois-là qu’il a cessé de travailler en raison de graves douleurs aux genoux.
L’invalidité de l’appelant était-elle prolongée?
[42] L’appelant était atteint d’une invalidité prolongée.
[43] L’appelant est incapable de travailler depuis décembre 2021. Ses genoux ont été remplacés en 2022, mais il ressent encore des douleurs lorsqu’il se tient debout, marche et s’assoit. Autrement dit, son problème de santé dure depuis longtempsNote de bas de page 17.
[44] Plus de deux ans se sont écoulés depuis ses interventions chirurgicales. Il a dit qu’il faisait tous ses étirements et qu’il suit un traitement en physiothérapie. Cela me porte à croire qu’il est peu probable que son état continue de s’améliorer. Ajoutée aux avis de son médecin de famille et de son physiothérapeute, cette probabilité me porte à croire que son problème de santé durera pendant une période indéfinie.
[45] Je conclus que l’invalidité de l’appelant est prolongée depuis décembre 2021.
Début du versement de la pension
[46] L’appelant est atteint d’une invalidité grave et prolongée depuis décembre 2021.
[47] La loi impose un délai d’attente de quatre mois avant le versement de la pensionNote de bas de page 18. Sa pension est donc versée à partir d’avril 2022.
Conclusion
[48] Je conclus que l’appelant est admissible à la prestation d’invalidité après-retraite parce que son invalidité était grave et prolongée.
[49] Par conséquent, l’appel est accueilli.