Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : GB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 798
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
Partie appelante : | G. B. |
Représentante ou représentant : | O. B. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Décision portée en appel : | Décision de révision datée du 24 octobre 2023 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Wayne van der Meide |
Mode d’audience : | En personne |
Date de l’audience : | Le 30 juillet 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelant Représentante de l’appelant |
Date de la décision : | Le 1er août 2025 |
Numéro de dossier : | GP-23-2079 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] L’appelant, G. B., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.
Aperçu
[3] L’appelant a reçu un diagnostic de fibrillation atriale (un rythme cardiaque rapide et irrégulier) et a commencé un traitement pour ce trouble en février 2020. Le 25 octobre 2021, il a eu un accident vasculaire cérébral quelques jours après avoir subi une chirurgie cardiaque. Il a depuis des limitations importantes.
[4] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 1er février 2022. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.
[5] L’appelant affirme avoir travaillé et cotisé au régime de sécurité sociale de l’Albanie et au Régime de pensions du Canada pendant de nombreuses années. Il déclare être incapable de travailler depuis février 2020. Il dit avoir besoin d’une pension d’invalidité et estime qu’il est injuste qu’il n’en reçoive pas parce qu’il est devenu invalide après le 31 décembre 2019.
[6] Selon le ministre, la preuve indique que l’état de santé de l’appelant ne s’est considérablement détérioré qu’après son accident vasculaire cérébral en octobre 2021. Le ministre estime qu’il importe peu que l’état de santé de l’appelant se soit détérioré après le 31 décembre 2019.
Ce que l’appelant doit prouver
[7] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2019. Cette date correspond à la fin de sa période minimale d’admissibilité Note de bas de page 1. Je vais expliquer ci-dessous comment j’ai calculé celle-ci.
[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».
[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.
[10] Ainsi, je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelant pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de sa situation, y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Ces éléments me permettent de voir de façon réaliste si son invalidité est grave ou non. Si l’appelant est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.
[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.
[12] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelant se rétablisse à une certaine date, mais plutôt à ce que son invalidité le tienne à l’écart du marché du travail pendant longtemps.
[13] L’appelant doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2019. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était invalide au 31 décembre 2019.
Motifs de ma décision
[14] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2019.
Fin de la période minimale d’admissibilité de l’appelant
[15] La fin de la période minimale d’admissibilité d’une personne est établie en fonction de ses cotisations au Régime de pensions du Canada Note de bas de page 2. Il existe des règles sur la façon dont les cotisations ou l’absence de cotisations d’une personne sont utilisées pour déterminer la fin de sa période minimale d’admissibilité.
[16] Je vais maintenant expliquer comment la clause pour élever des enfants et l’accord de sécurité sociale entre le Canada et l’Albanie influent sur le calcul de la fin de la période minimale d’admissibilité de l’appelant.
La période de janvier 2010 à décembre 2017 est exclue de la période cotisable de l’appelant en raison de la clause pour élever des enfants
Clause pour élever des enfants
[17] Certaines années, une personne peut ne pas être en mesure de cotiser autant au Régime qu’elle le ferait normalement. Cela peut signifier qu’elle n’est pas admissible à une pension ou qu’elle reçoit une pension moins élevée.
[18] Dans certains cas, le Régime prévoit des règles spéciales pour les personnes qui ne sont pas en mesure de cotiser. L’une de ces règles s’applique aux personnes qui ne cotisent pas ou qui cotisent moins parce qu’elles s’occupent de jeunes enfants. Il s’agit de la clause pour élever des enfants.
Fonctionnement de la clause pour élever des enfants
[19] La clause pour élever des enfants permet d’exclure certains mois de la période cotisable d’une personne Note de bas de page 3. Cela peut aider une personne à être admissible à une pension ou à recevoir une pension plus élevée. Par exemple, cela peut entraîner le report de sa période minimale d’admissibilité.
[20] La clause pour élever des enfants s’applique seulement avant le 7e anniversaire d’un enfant Note de bas de page 4.
Comment la clause pour élever des enfants s’applique dans cette affaire
[21] Les enfants de l’appelant sont nés le 16 octobre 2009 et le 10 juillet 2011. Il répondait à la définition de « bénéficiaire d’une allocation familialeNote de bas de page 5 ». Cela signifie que la période de janvier 2010 à décembre 2017 est exclue de la période cotisable de l’appelant en raison de la clause pour élever des enfants.
L’appelant a accumulé une période admissible de huit ans aux termes de l’accord de sécurité sociale avec l’Albanie
[22] L’appelant affirme avoir travaillé en Albanie pendant 12 ans, de 1988 à 2000. Ce fait est important parce que le Canada a conclu un accord de sécurité sociale avec l’Albanie. Un accord de sécurité sociale peut aider une personne à être admissible à une pension au Canada en reconnaissant les périodes où elle a cotisé au régime de sécurité sociale d’un autre pays comme des périodes où elle a cotisé au Régime de pensions du Canada. Cela peut aider une personne à remplir les critères d’admissibilité minimaux pour obtenir une pension du Régime.
[23] Conformément à l’accord de sécurité sociale avec l’Albanie, une personne qui cotise pendant au moins 90 jours au régime de sécurité sociale de l’Albanie dans une année se voit créditée d’un an de cotisations au Régime de pensions du Canada Note de bas de page 6.
[24] La preuve montre que l’appelant a accumulé des années admissibles en Albanie de 1989 à 1996 Note de bas de page 7. Il n’a pas versé le minimum de 90 jours de cotisations en 1988 ou de 1997 à 2000.
Comment j’ai calculé la fin de la période minimale d’admissibilité de l’appelant
[25] Étant donné que l’appelant a cotisé pendant 20 ans au total, sa période minimale d’admissibilité prend fin la dernière fois qu’il a cotisé pendant 4 années sur 6. Le tableau ci-dessous résume la façon dont j’ai calculé la fin de sa période minimale d’admissibilité :
Année | Cotisations | Nombre total d’années de cotisations | Calcul de la fin de la période minimale d’admissibilité (4 années sur 6) |
---|---|---|---|
1989 | Cotisations valides en Albanie | 1 | |
1990 | Cotisations valides en Albanie | 2 | |
1991 | Cotisations valides en Albanie | 3 | |
1992 | Cotisations valides en Albanie | 4 | |
1993 | Cotisations valides en Albanie | 5 | |
1994 | Cotisations valides en Albanie | 6 | |
1995 | Cotisations valides en Albanie | 7 | |
1996 | Cotisations valides en Albanie | 8 | |
1997 | |||
1998 | |||
1999 | |||
2000 | Cotisations valides au Régime | 9 | |
2001 | Cotisations valides au Régime | 10 | |
2002 | Cotisations valides au Régime | 11 | |
2003 | Cotisations valides au Régime | 12 | |
2004 | Cotisations valides au Régime | 13 | |
2005 | Cotisations valides au Régime | 14 | |
2006 | Cotisations valides au Régime | 15 | |
2007 | Cotisations valides au Régime | 16 | |
2008 | Cotisations valides au Régime | 17 | 1 |
2009 | Cotisations valides au Régime | 18 | 2 |
2010 | Cotisations valides au Régime | 19 | 3 |
2011 | Cotisations valides au Régime | 20 | 4 |
2012 | Clause pour élever des enfants | ||
2013 | Clause pour élever des enfants | ||
2014 | Clause pour élever des enfants | ||
2015 | Clause pour élever des enfants | ||
2016 | Clause pour élever des enfants | ||
2017 | Clause pour élever des enfants | ||
2018 | 5 | ||
2019 | Fin de la période minimale d’admissibilité | 6 |
L’invalidité de l’appelant était-elle grave au 31 décembre 2019?
[26] L’invalidité de l’appelant n’était pas grave au 31 décembre 2019. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-dessous.
Les limitations fonctionnelles de l’appelant ne nuisaient pas à sa capacité de travailler avant le 31 décembre 2019
[27] L’appelant a reçu un diagnostic de fibrillation atriale (un rythme cardiaque irrégulier et rapide) en février 2020, a subi une chirurgie cardiaque, puis a eu un accident vasculaire cérébral en octobre 2021.
[28] Je ne peux cependant pas m’arrêter aux diagnostics de l’appelantNote de bas de page 8. Je dois surtout vérifier s’il avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 9. Dans cette optique, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 10.
[29] Je conclus que l’appelant n’avait pas de limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2019.
Ce que l’épouse de l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles
[30] L’appelant n’a pas été en mesure de témoigner à l’audience. Son épouse a témoigné. Elle m’a informé qu’elle avait commis une erreur dans la demande. Elle a déclaré qu’elle aurait dû indiquer que l’appelant n’était plus en mesure de travailler depuis février 2020, et non depuis octobre 2021. Elle a affirmé qu’après la découverte de ses problèmes cardiaques en février 2020, on avait dit à l’appelant qu’il devait se ménager et qu’il ne pouvait pas supporter de stress. Elle a ajouté qu’aucun employeur ne voulait l’embaucher tant qu’il attendait son opération cardiaque.
Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant au 31 décembre 2019
[31] La preuve médicale n’appuie pas le fait que les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2019. Cela signifie qu’il n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave.
[32] Il n’y a aucun élément de preuve médicale pour la période antérieure au 31 décembre 2019. Il y a beaucoup d’éléments de preuve concernant les limitations de l’appelant depuis février 2020. Ceux-ci montrent que ses limitations ont commencé après le 31 décembre 2019.
[33] En février 2020, l’appelant s’est rendu à l’hôpital en raison d’un rythme cardiaque irrégulier et rapide et a été admis à l’urgenceNote de bas de page 11. De là, il a été transféré à l’unité de soins intensifs où il a été traité pendant quelques jours pour des complications liées à une hypotension, à une diminution de la vigilance, à une insuffisance cardiaque congestive et à un rythme cardiaque irrégulier. Après quelques jours de traitement et de convalescence, le Dr Lubelsky, cardiologue, a autorisé l’appelant à rentrer chez lui avec un plan de suivi.
[34] En mars 2020, le Dr Lubelsky a vu l’appelant pour un suiviNote de bas de page 12. Il a déclaré qu’il allait bien et que les tests montraient une amélioration de sa fonction cardiaque, mais qu’il devait subir d’autres tests en prévision d’une intervention chirurgicale.
[35] Au cours des mois qui ont suivi, les médecins ont déclaré que même si l’appelant se portait bien, il était atteint de certaines anomalies cardiaques qui nécessitaient une intervention chirurgicaleNote de bas de page 13.
[36] L’appelant a subi une chirurgie cardiaque le 14 octobre 2021Note de bas de page 14. Malheureusement, le 25 octobre 2021, il a eu un accident vasculaire cérébral.
[37] Le Dr Lo, physiatre, a rédigé un rapport médical en décembre 2021Note de bas de page 15. Il a déclaré que l’accident vasculaire cérébral de l’appelant en octobre 2021 avait entraîné :
- une faiblesse musculaire du côté droit;
- un trouble du langage affectant sa capacité de lire, d’écrire, de parler et de comprendre;
- des limitations à sa capacité à [sic];
- des difficultés à avaler.
[38] Le Dr Lo a recommandé que l’appelant cesse de travailler à compter du 25 octobre 2021 et a déclaré qu’il n’en serait plus jamais capable.
Pourquoi je n’ai pas tenu compte des caractéristiques personnelles de l’appelant
[39] Pour décider si une invalidité est grave, je dois habituellement tenir compte des caractéristiques propres à la personne, comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Ces facteurs peuvent influencer la capacité à travailler dans un contexte réalisteNote de bas de page 16.
[40] Ici, toutefois, je n’ai pas examiné les caractéristiques personnelles de l’appelant. En effet, une personne ne peut pas être admissible à une pension d’invalidité strictement sur la base de ses caractéristiques personnelles. Des éléments de preuve médicale sont toujours nécessaires pour conclure à l’invaliditéNote de bas de page 17.
[41] Dans le cas de l’appelant, aucun élément de preuve médicale ne corrobore une invalidité en date du 31 décembre 2019. En l’absence d’éléments de preuve médicale pertinents, il n’y a aucune raison de tenir compte de ses caractéristiques personnelles.
Les autres arguments de l’appelant
[42] L’appelant affirme qu’il est injuste qu’il ne soit pas admissible à une pension d’invalidité du Régime parce qu’il a travaillé et cotisé pendant des années au régime de sécurité sociale de l’Albanie et au Régime de pensions du Canada.
[43] Je suis sensible à la situation de l’appelant. Cependant, je dois respecter la loi et celle-ci est claire. Il doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave au 31 décembre 2019, mais il ne l’a pas fait.
Conclusion
[44] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité n’était pas grave au 31 décembre 2019. Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’ai pas eu à vérifier si elle était prolongée.
[45] Par conséquent, l’appel est rejeté.