Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : LG c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 808

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : L. G.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 24 mai 2024 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Wayne van der Meide
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 août 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Témoin de l’appelante
Date de la décision : Le 7 août 2025
Numéro de dossier : GP-24-1459

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] L’appelante, L. G., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle est admissible à une pension d’invalidité après-retraite du Régime. Son versement commence en janvier 2023.

[3] Cette décision explique pourquoi j’accueille l’appel en partie.

Aperçu

[4] L’appelante a commencé à travailler comme commis des postes en 2009. Les éléments de preuve concernant la date où elle a cessé de travailler sont contradictoires. J’y reviendrai plus tard. L’appelante a eu 60 ans en septembre 2021. Elle a commencé à recevoir une pension de retraite du Régime de pensions du Canada en octobre 2021Note de bas de page 1.

[5] Le 11 février 2023, l’appelante a demandé une pension d’invaliditéNote de bas de page 2. Comme elle recevait une pension de retraite, le ministre de l’Emploi et du Développement social a également examiné si elle était admissible à une pension d’invalidité après-retraite.

[6] Le ministre a rejeté la demande de l’appelante. L’appelante a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[7] Le ministre affirme que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité parce qu’elle a présenté sa demande plus de 15 mois après le début de sa pension de retraite. Le ministre soutient aussi que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité après-retraite parce que son invalidité n’était pas grave.

[8] L’appelante déclare qu’elle est incapable de travailler en raison de sa fatigue chronique et grave et de son brouillard cérébral.

Ce que je dois décider

[9] Je dois décider si l’appelante est admissible à une pension d’invalidité ou à une pension d’invalidité après-retraite du Régime de pensions du Canada.

Motifs de ma décision

L’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité

[10] L’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité parce qu’elle a présenté sa demande plus de 15 mois après avoir commencé à recevoir sa pension de retraite.

[11] La loi prévoit qu’une personne qui reçoit une pension de retraite ne peut pas recevoir une pension d’invalidité en même tempsNote de bas de page 3. Elle peut remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité, mais seulement si elle est devenue invalide avant le mois où le versement de sa pension de retraite a commencéNote de bas de page 4.

[12] Cependant, la loi prévoit aussi qu’une personne peut être considérée comme invalide au plus tôt 15 mois avant d’avoir demandé une pension d’invaliditéNote de bas de page 5.

[13] Par conséquent, le Régime de pensions du Canada ne permet pas à une personne de remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité si elle a présenté sa demande plus de 15 mois après le début du versement de sa pension de retraite.

[14] L’appelante a commencé à recevoir une pension de retraite en octobre 2021. Elle a demandé une pension d’invalidité en février 2023. Elle pouvait donc être considérée comme invalide au plus tôt 15 mois avant cela, soit en novembre 2021. Novembre 2021 est postérieur au moment où elle a commencé à recevoir sa pension de retraite. Par conséquent, quel que soit son état de santé, elle ne peut être considérée comme invalide avant d’avoir commencé à recevoir sa pension de retraite.

[15] La loi ne permet pas à l’appelante de remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité. Je conclus donc qu’elle n’est pas admissible à une pension d’invalidité.

L’appelante est admissible à une pension d’invalidité après-retraite

La période minimale d’admissibilité de l’appelante pour une pension d’invalidité après-retraite

[16] Si une personne demande une pension d’invalidité plus de 15 mois après avoir commencé à recevoir une pension de retraite, elle pourrait plutôt être admissible à une pension d’invalidité après-retraite. Pour cela, la personne doit être invalide et être âgée de 60 à 64 ans. Elle doit aussi avoir versé assez de cotisations valides au Régime au cours des dernières annéesNote de bas de page 6.

[17] Il y a deux façons de savoir si l’appelante a versé assez de cotisations valides au Régime au cours des dernières années. En effet, les règles à ce sujet ont changé le 5 mai 2023.

[18] Le ministre affirme que selon les nouvelles règles, la période minimale d’admissibilité de l’appelante (période pendant laquelle elle bénéficiait de la protection offerte par le Régime de pensions du Canada) a pris fin le 4 mai 2023Note de bas de page 7. Je ne comprends pas pourquoi le ministre affirme cela. Je juge que selon les deux ensembles de règles, la période minimale d’admissibilité de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2022. Quoi qu’il en soit, dans la présente affaire, je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en septembre 2022, soit avant ces deux dates.

Qu’est-ce qu’une invalidité grave et prolongée?

[19] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[20] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 8.

[21] Ainsi, je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelante pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de sa situation, y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Ces éléments me permettent de voir de façon réaliste si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[22] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 9.

[23] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelante se rétablisse à une certaine date, mais plutôt à ce que son invalidité la tienne à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[24] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

[25] Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en novembre 2021. Elle est toujours invalide.

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[26] L’invalidité de l’appelante était grave. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisaient à sa capacité de travailler

[27] L’appelante est atteinte de sclérose en plaques. Elle a subi une opération au dos en 2011. Deux médecins ont déclaré qu’elle avait peut-être la COVID-19 de longue durée.

[28] Je ne peux cependant pas m’arrêter aux diagnostics de l’appelanteNote de bas de page 10. Je dois surtout vérifier si elle avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 11. Dans cette optique, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 12.

[29] Je conclus que l’appelante avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler.

Ce que le mari de l’appelante a dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[30] Le mari de l’appelante a témoigné à l’audience. Il a déclaré qu’elle dormait davantage et qu’elle était très [traduction] « distraite ». Il a ajouté qu’elle n’était plus la même personne qu’il y a trois ans. Il a dit qu’elle aimerait beaucoup retourner travailler, mais qu’elle n’en était pas capable.

Ce que l’appelante a dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[31] L’appelante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler.

[32] L’appelante a témoigné à l’audience. Elle a dit qu’elle ressent une grande fatigue qui l’empêche de faire beaucoup de choses qu’elle avait l’habitude de faire, notamment de travailler. Sa vie est très simple. Si elle va à l’épicerie avec son mari, elle rentre à la maison épuisée. En raison de sa fatigue, même aller aux toilettes peut parfois être une corvée. Elle a des difficultés à se concentrer et devient confuse. Elle éprouve de l’anxiété lorsqu’elle doit sortir, même pour se rendre à un rendez-vous chez le médecin, parce qu’elle s’inquiète de la façon dont sa fatigue et son brouillard cérébral pourraient l’affecter.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[33] L’appelante doit fournir des éléments de preuve médicale attestant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2022Note de bas de page 13.

[34] La preuve médicale appuie les propos de l’appelante.

[35] En mars 2023, le Dr Nazal, son médecin de famille, a rempli un rapport médicalNote de bas de page 14. Il a diagnostiqué à l’appelante :

  • la sclérose en plaques depuis 1996;
  • une opération au dos en octobre 2011;
  • de la fatigue depuis septembre 2022.

[36] Le Dr Nazal a déclaré que l’appelante était extrêmement fatiguée, avait perdu du poids et manquait d’appétit à la suite d’une infection des voies respiratoires supérieures. Il a affirmé qu’elle n’avait aucune déficience liée à sa sclérose en plaques ou à son opération au dos, mais il a ajouté qu’elle devait éviter tout travail physiquement exigeant. Le Dr Nazal a estimé que l’appelante devrait pouvoir reprendre son emploi habituel ou retourner travailler avec des tâches modifiées dans un délai d’un à deux ans.

[37] En novembre 2022, l’appelante s’est présentée à l’urgenceNote de bas de page 15. L’évaluation a révélé qu’elle avait des antécédents d’hypertension artérielle, d’hypercholestérolémie et d’inflammation de la muqueuse des bronches. L’évaluation a également permis de constater qu’elle avait contracté une bronchite cinq semaines plus tôt et que, bien que ses symptômes se soient atténués grâce aux médicaments, elle continuait à se sentir extrêmement fatiguée, à avoir moins d’appétit, à uriner moins et à avoir des diarrhées depuis deux semaines. L’urgentologue lui a diagnostiqué de la fatigue (dont la cause restait à déterminer).

[38] En février 2024, l’appelante a consulté le Dr N. Alohaly, neurologue, pour faire évaluer sa sclérose en plaquesNote de bas de page 16. Le neurologue a procédé à une évaluation à l’aide de l’échelle étendue d’incapacité de Kurtzke. L’appelante a obtenu un résultat de 1, 5, ce qui correspond à une incapacité minimale.

[39] Le ministre affirme que cela montre que l’appelante n’a pas une invalidité grave. Je ne suis pas d’accord. Le Dr Alohaly a évalué la sclérose en plaques de l’appelante, et non sa fatigue et son brouillard cérébral. Il a également souligné qu’elle avait les symptômes suivants :

  • une fatigue croissante;
  • des problèmes d’équilibre croissants;
  • une sensation de lourdeur dans les membres;
  • des troubles de vision;
  • un ralentissement de sa vitesse de traitement cognitif;
  • des problèmes cognitifs.

[40] Le neurologue ne croyait pas que les symptômes de l’appelante pouvaient s’expliquer par une aggravation de sa sclérose en plaques. Cependant, il a noté que l’apparition de ses symptômes coïncidait avec le début de sa maladie bronchique et des signes de modifications hépatiques. Le médecin se demandait si l’appelante avait une maladie systémique comme la COVID-19 de longue durée ou une bronchite chronique.

[41] Dans une lettre datée d’août 2024, le médecin de famille de l’appelante, le Dr Nazal, a déclaré qu’elle continuait à souffrir de fatigue chronique, d’une toux chronique et [traduction] « très probablement de la COVID-19 de longue duréeNote de bas de page 17 ». Le médecin a affirmé qu’il avait prescrit des antidépresseurs à l’appelante en mai 2024 et qu’elle avait un rendez-vous pour une thérapie cognitivo-comportementale.

[42] La preuve médicale montre que la fatigue chronique et le brouillard cérébral de l’appelante, très probablement liés à la COVID-19 de longue durée, l’empêchent de travailler comme commis des postes.

[43] Je dois maintenant décider si l’appelante est régulièrement capable d’effectuer d’autres types de travail. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement la rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 18.

L’appelante est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[44] Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner ses problèmes de santé et leurs effets sur ce qu’elle peut faire. Je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[45] Ces éléments m’aident à décider si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste, c’est-à-dire s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 19.

[46] Je conclus que l’appelante est incapable de travailler dans un contexte réaliste.

[47] Bien que l’appelante parle couramment l’anglais, ait un diplôme d’études secondaires et possède des années d’expérience comme commis aux postes, elle avait 61 ans lorsqu’elle a cessé de travailler. Son âge laisse croire qu’elle ne serait pas en mesure de trouver un nouvel emploi.

[48] Quoi qu’il en soit, ses limitations (sa fatigue et son brouillard cérébral) sont trop importantes pour qu’elle puisse exercer un quelconque emploi.

Quand l’invalidité de l’appelante est devenue grave

[49] Dans sa demande, l’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas travaillé et qu’elle était incapable de travailler depuis novembre 2021. Cependant, à l’audience, elle a dit avoir cessé de travailler en septembre 2022. Elle a expliqué qu’elle en était certaine parce que c’est à ce moment-là qu’elle a contracté une bronchite. Elle a aussi déclaré qu’elle ne savait plus exactement quand elle avait cessé de travailler.

[50] Je conclus que l’invalidité de l’appelante est devenue grave en septembre 2022. Je dis cela pour trois raisons. D’abord, c’est à ce moment-là que son médecin de famille a déclaré que sa fatigue avait commencéNote de bas de page 20. Deuxièmement, selon l’évaluation de l’urgentologue du 15 novembre 2022, l’appelante avait contracté une bronchite cinq semaines plus tôt, soit vers septembre 2022Note de bas de page 21. Troisièmement, le mari de l’appelante a affirmé à l’audience qu’elle n’était plus la même depuis trois ans.

L’invalidité de l’appelante était-elle prolongée?

[51] L’invalidité de l’appelante était prolongée.

[52] Les problèmes de santé de l’appelante ont commencé en septembre 2022 et se poursuivent depuisNote de bas de page 22. Cela m’indique que son invalidité doit vraisemblablement durer pendant une période longue et continue.

[53] Il est fort probable que les problèmes de santé de l’appelante perdurent. Cela fait trois ans que ses limitations fonctionnelles ont commencé. Malheureusement, les spécialistes qui la traitent n’ont pas établi de diagnostic définitif quant à la cause de ses limitations, bien qu’ils soupçonnent qu’elle soit atteinte de COVID-19 de longue durée. Les traitements n’ont pas amélioré ses problèmes de santé.

[54] Je conclus que l’invalidité de l’appelante était prolongée en septembre 2022.

Début du versement de la pension

[55] L’invalidité de l’appelante est devenue grave et prolongée en septembre 2022.

[56] Il y a une période d’attente de quatre mois avant le début du versement de la pensionNote de bas de page 23. Cela signifie que celui-ci commence en janvier 2023.

Conclusion

[57] Je conclus que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité après-retraite parce que son invalidité était grave et prolongée.

[58] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.

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