Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : KG c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 777
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | K. G. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Représentante ou représentant : | Daniel Crolla |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 18 juillet 2024 (GP-23-955) |
Membre du Tribunal : | Janet Lew |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 10 juin 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelante Représentant de l’intimé |
Date de la décision : | Le 28 juillet 2025 |
Numéro de dossier : | AD-24-759 |
Sur cette page
Décision
[1] Je rejette l’appel. L’appelante, K. G. (la requérante), n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.
Aperçu
[2] La requérante fait appel de la décision de la division générale. Celle-ci a établi que la requérante n’avait pas une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2021. Par conséquent, la division générale a conclu qu’elle n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.
[3] La requérante a fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Celle-ci a accordé la permission de faire appel. Une fois que la division d’appel accorde la permission de faire appel, l’appel se poursuit comme une nouvelle audience, sans que l’on tienne compte de la décision de la division générale. J’ai tenu une nouvelle audience le 10 juin 2025.
[4] La requérante soutient qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée depuis un accident survenu en juin 2019. En travaillant comme patiente partenaire à l’hôpital, elle s’est blessée à l’épaule et au bras en soulevant un patient lourd. Elle soutient qu’elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis l’accident en raison de douleurs persistantes à l’épaule et au cou, ainsi que d’anémie et de stress. Depuis son accident, elle n’est pas retournée au travail, sauf pour de brèves tentatives de retour au travail.
[5] La requérante affirme avoir essayé tous les traitements médicaux recommandés par ses médecins. Elle dit n’avoir constaté aucune amélioration de son état. Elle explique plutôt que son état s’est progressivement aggravé au fil du temps. Elle dit aussi qu’elle a tenté de retourner au travail et de se recycler, mais qu’elle n’a pas réussi en raison de ses douleurs, de la fatigue et de son incapacité à se concentrer. La requérante affirme qu’une fois que les médecins ont correctement diagnostiqué ses problèmes de santé, ils lui ont recommandé d’arrêter de travailler. Elle demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de conclure qu’elle est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.
[6] Le ministre soutient que la preuve démontre que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2021. Il soutient également que la preuve médicale démontre que la requérante a une capacité résiduelle et qu’elle aurait pu essayer de trouver un autre emploi adapté à ses limitations.
[7] Le ministre soutient également que la requérante a refusé de façon déraisonnable les traitements recommandés, et que le fait qu’elle n’a pas suivi de traitement de façon soutenue a limité son rétablissement. Il demande donc à la division d’appel de rejeter l’appel.
Question en litige
[8] La requérante était-elle atteinte d’une invalidité grave et prolongée au sens du Régime de pensions du Canada au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2021?
Analyse
[9] Une partie requérante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de sa période de référence.
- Une invalidité est grave si elle rend une personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 1.
- Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 2.
[10] Pour évaluer si une invalidité est grave, il faut la considérer dans un contexte « réalisteNote de bas de page 3 ». Cela signifie qu’il faut tenir compte de la situation particulière de la partie requérante, ce qui comprend son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie.
[11] Dans ce contexte réaliste, il faut aussi se demander si une partie requérante a suivi toutes les recommandations de traitement raisonnables, si un refus est déraisonnable et quelle incidence ce refus pourrait avoir sur l’état de santé de la personne si jamais il était jugé déraisonnableNote de bas de page 4.
[12] Des preuves médicales seront encore nécessaires, tout comme des preuves des démarches pour trouver un emploi et des possibilités d’emploiNote de bas de page 5.
La requérante soutient qu’elle a une invalidité grave
[13] Plusieurs années se sont écoulées depuis la fin de la période minimale d’admissibilité de la requérante. Au fil du temps, la mémoire nous fait défaut. La requérante reconnaît qu’il est parfois difficile de se souvenir du passé. Cependant, elle dit se souvenir vivement de sa blessure, de ses douleurs et de sa capacité fonctionnelle à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Elle s’en souvient parce que c’était en plein milieu de la pandémie. Sa famille devait rester à l’écart et ne pouvait plus l’aider, alors elle a dû se débrouiller toute seule. C’est à ce moment que sa douleur s’est aggravée.
[14] Lorsque j’examinerai les antécédents de la requérante, je verrai si les dossiers médicaux corroborent ou confirment ce que la requérante dit au sujet de ses problèmes de santé, de ses capacités et de sa capacité fonctionnelle ainsi que de sa réponse à tout traitement. S’il y a des lacunes dans la preuve médicale, ou si la requérante ne se souvient tout simplement pas comment elle se sentait ou ce qu’elle était capable de faire, je me fonderai sur la preuve médicale écrite.
[15] La requérante soutient que la preuve établit clairement ce qui suit :
- Elle s’est blessée à l’épaule et au bras droits lors d’un accident de travail en juin 2019. Elle dit que les dossiers montrent qu’elle avait une déchirure du labrum de l’épaule droite. Elle affirme également que des médecins lui ont diagnostiqué un problème au cou intraitable.
- Elle a fait des tests approfondis et ceux-ci ont révélé qu’elle était gravement anémique. Depuis son accident de juin 2019, elle a également commencé à faire de l’anxiété et de la dépression.
- Elle a de nombreuses limitations et restrictions qui l’ont rendue régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.
- Elle n’a refusé aucune recommandation de traitement raisonnable et s’est montrée entièrement coopérative, jusqu’à ce que son assureur et la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (WSIB) cessent tous deux de lui offrir une couverture. Elle n’avait plus les moyens de recevoir des traitements de physiothérapie ou d’acupuncture, et ces traitements lui étaient utiles.
- Elle a essayé de retourner au travail en effectuant des tâches modifiées, mais elle s’est rendu compte que rien ne lui convenait en raison de ses problèmes de santé. Ses médecins lui ont dit d’arrêter de travailler.
Examen de la preuve médicale
[16] Je vais maintenant examiner les problèmes de santé de la requérante.
2019
[17] En juin 2019, la requérante a essayé de soulever un patient lourd et elle s’est blessée à l’épaule.
[18] Les dossiers médicaux remontent à août 2019. La requérante a subi une imagerie par résonance magnétique (IRM) à l’épaule droite, qui a révélé une tendinopathie de la coiffe des rotateurs sans déchirure claire du tendonNote de bas de page 6. Les analgésiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et le Tylenol ne lui offraient aucun soulagement. Elle a essayé de faire de la physiothérapie, mais a constaté que cela ne faisait qu’exacerber ses symptômesNote de bas de page 7.
[19] Vers le mois de décembre 2019, la requérante a commencé à se plaindre de douleurs au cou. Un chirurgien orthopédiste lui a recommandé d’être orientée vers un spécialiste du cou. Il lui a également recommandé d’éviter de soulever des charges lourdes au travailNote de bas de page 8.
2020
[20] En 2020, les tests sanguins ont révélé de faibles taux d’hémoglobine et une échographie a révélé de multiples fibromes, ce qui explique les pertes menstruelles abondantes de la requérante, qui, à leur tour, expliquent son anémie. La requérante affirme que ses douleurs et le fait qu’elle bouge plus contribuent à son anémie, mais aucun des avis médicaux ne porte à croire que ses douleurs ont contribué à son anémie ou qu’elles en sont la cause.
[21] En mai 2020, la requérante a dit au chirurgien orthopédiste que ses douleurs à l’épaule droite empiraient. Elle avait de la difficulté à soulever des objets et à faire quoi que ce soit qui exigeait qu’elle lève les bras plus haut que les épaules. Elle ressentait aussi de la douleur la nuit. Une IRM n’a révélé aucun indice d’une déchirure aux muscles ou aux tendons de la coiffe des rotateurs ou au labrum. Le chirurgien orthopédiste était d’avis que ses douleurs étaient dues à une tendinite de la coiffe des rotateurs. Il a recommandé qu’elle fasse de la physiothérapie. Il a dit que si cela n’aidait pas, elle pourrait envisager de se faire donner une injection de cortisone. Elle devait continuer à avoir des tâches modifiées au travailNote de bas de page 9.
[22] En 2020, la requérante a commencé à avoir des consultations téléphoniques avec un psychologue vers lequel elle avait été dirigée par la WSIB. Le psychologue a diagnostiqué chez la requérante un trouble à symptomatologie somatique caractérisé par la douleur et un trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive. La physiothérapie et l’ergothérapie ne lui ont permis de faire aucun progrès. En effet, la requérante a déclaré que ses douleurs se sont aggravées au fil du temps. Le pronostic était sombre.
[23] Malgré son diagnostic, la requérante espérait retourner à l’école pour obtenir un diplôme en soins infirmiers. Elle n’a mentionné aucun obstacle psychologique à son retour au travailNote de bas de page 10.
[24] Le psychologue était d’avis que [traduction] « le fait que la requérante n’était pas toujours engagée et qu’elle ne consultait pas sur une base régulière limitait sa capacité à bénéficier du traitementNote de bas de page 11 ». Il a conclu que la requérante [traduction] « était généralement résistante au traitement et qu’elle était souvent sceptique ou elle rejetait les suggestions et la psychoéducationNote de bas de page 12 ». Le psychologue a conclu que la requérante faisait très peu d’efforts pour ce qui est des interventions cognitivo-comportementales. Elle se concentrait sur ses douleurs et avait un fort sentiment d’être invalide. Malgré cela, la psychologue estimait qu’elle gagnerait à consulter une personne spécialisée dans le retour au travailNote de bas de page 13.
[25] La requérante a continué de se plaindre de douleurs au cou et au bras du côté droit, de radiculopathie et de faiblesse. Une IRM de sa colonne cervicale a révélé de légers changements dégénératifs avec de légers bombements discaux au niveau de C5-6 et C6-7. Il n’y avait aucun signe d’une hernie discale cervicale, d’une transmission altérée des signaux par la moelle épinière ou d’une sténose foraminaleNote de bas de page 14.
2021
[26] En février 2021, le chirurgien orthopédiste a revu la requérante. Il a noté qu’elle n’avait pas encore fait de physiothérapie. Il lui a recommandé de faire de la physiothérapie pour son épaule droite en espérant que cela atténuerait ses symptômesNote de bas de page 15. Il ne l’a pas revue de l’année. (La requérante a fait de la physiothérapie jusqu’au milieu de l’année 2020 environ, mais elle n’en a pas fait depuis.)
[27] En 2021, la préoccupation principale de la requérante était ses fibromes symptomatiques et son anémie grave. Un gynécologue a noté que l’anémie de la requérante nuisait à sa qualité de vie. Elle prenait du fer régulièrement. L’acide tranexamique n’était que modérément utile. Le gynécologue a examiné les options possibles, y compris un essai de Lupron, la suppression hormonale des règles, l’orientation vers un hématologue pour envisager la prise de fer par intraveineuse et une opération (typiquement une hystérectomieNote de bas de page 16).
[28] La requérante a déclaré qu’elle souhaitait subir une hystérectomie pour enlever les fibromes. Elle avait subi une myomectomie en 2011, alors elle n’avait aucune réserve à l’égard de l’opération. Elle a expliqué qu’en raison de la pandémie, l’opération n’était pas disponible. Toutefois, les rapports de consultation du gynécologue montrent que la requérante a choisi de continuer à prendre de l’acide tranexamique et du fer plutôt que de se faire opérer.
[29] Le gynécologue a également proposé une biopsie endométriale, qui permettrait probablement de confirmer que les masses fibreuses étaient bénignes. La requérante n’a pas vu l’utilité de faire une biopsie, car elle a affirmé en avoir subi beaucoup par le passé. Il n’y a pas eu d’autres rapports de consultation du gynécologue après 2021.
[30] La requérante a également vu son médecin de famille tout au long de l’année 2021Note de bas de page 17. Elle a signalé des douleurs persistantes au cou et aux épaules. Elle a aussi déclaré qu’elle avait maintenant des douleurs au bas du dos. Elle a dit que la douleur devenait grave et nuisait à son sommeil. Elle a aussi déclaré que les douleurs s’aggravaient lorsqu’elle mâchait ou riait.
[31] Le médecin de famille lui a recommandé des injections de cortisone. La requérante a toutefois déclaré que les dossiers étaient inexacts. Elle a dit que ses médecins lui avaient dit que les injections de cortisone seraient inutiles, car elles n’aident pas lorsqu’il y a des douleurs diffuses et généralisées. La requérante aurait dit à son médecin de famille que le Lyrica atténuait ses douleurs à l’épauleNote de bas de page 18.
[32] Cependant, à la fin de décembre 2021, la requérante a déclaré que ses douleurs à l’épaule et au bras empiraient. Elle avait arrêté de prendre ses médicaments. Elle a expliqué qu’elle n’était plus couverte par la WSIB et qu’elle ne pouvait donc plus se permettre de prendre des médicaments.
2022
[33] La requérante a continué de voir son médecin de famille en 2022, et elle se plaignait de douleurs au cou et à l’épaule droite. Elle avait des engourdissements à la main, alors il lui a fait passer un électromyogramme.
[34] À la fin de mars 2022, le médecin de famille a rédigé un rapport médical du Régime de pensions du Canada. Il a confirmé que la requérante était anémique, ce qui faisait qu’elle n’avait pas d’énergie pour travailler. Elle prenait des suppléments de fer, mais il a noté que cela ne l’aidait pas. Il a aussi souligné qu’elle était réticente à se faire opérer, contrairement au témoignage oral de la requérante. Malgré cela, il était d’avis que son anémie allait probablement s’améliorer au fil du temps.
[35] Le médecin de famille a également diagnostiqué chez la requérante des douleurs au cou et à l’épaule causées par une hernie discale et une tendinite à l’épaule, qui l’ont rendue incapable d’effectuer son travail. Il n’a pas fourni de pronostic. Il n’est pas clair comment il a pu diagnostiquer une hernie discale chez la requérante, étant donné que l’IRM de la colonne cervicale excluait clairement cette possibilitéNote de bas de page 19. L’IRM montre des changements dégénératifs mineurs ainsi que des bombements discaux.
[36] Le médecin de famille a énuméré les médicaments de la requérante. Elle prenait du Lyrica, du Cymbalta et du Tylenol. Elle a reçu des traitements de physiothérapie et d’acupuncture de façon intermittente de juillet 2019 à juillet 2020. Il a écrit qu’il lui avait recommandé d’arrêter de travailler en août 2019, mais qu’il s’attendait à ce qu’elle puisse reprendre des tâches modifiées à un moment donnéNote de bas de page 20. Il pensait toujours qu’elle pourrait être capable de faire un [traduction] « travail facile » une fois que son anémie se serait améliorée. Il estimait qu’elle avait besoin de subir une hystérectomieNote de bas de page 21.
[37] La requérante a vu le chirurgien orthopédiste en avril 2022. Elle lui a dit qu’elle n’avait remarqué aucune amélioration depuis qu’elle prenait des analgésiques. Elle a signalé des douleurs persistantes à l’épaule droite. Elle a également dit qu’elle avait mal quand elle faisait des activités et peu importe le mouvement qu’elle faisait. Le spécialiste lui a recommandé d’aller à la clinique de l’épaule et du coude pour une évaluation et un traitement plus poussés. Il a dit qu’il était possible qu’elle doive se faire opérerNote de bas de page 22.
[38] En juin 2022, la requérante a fait des examens électrodiagnostiques pour savoir pourquoi elle avait des engourdissements à la main. Elle a aussi consulté un neurologue-électrophysiologue. Après que celui-ci l’a examinée, il a constaté que ses mouvements au cou, à l’épaule, au coude et au poignet n’étaient ni douloureux ni restreints. Elle avait de la force et des réflexes au niveau des tendons. Les résultats aux tests sensoriels, les nerfs crâniens et la démarche de la requérante étaient normaux. Il lui a diagnostiqué une neuropathie légère ne touchant pas le système nerveux sympathique, mais le nerf médian distal de droite. Autrement dit, il a jugé peu probable que ses symptômes soient attribuables à un trouble neurologique périphérique ou central. Il n’a formulé aucune recommandation de traitementNote de bas de page 23.
[39] En août 2022, le médecin de famille de la requérante l’a informée qu’elle devait consulter un psychiatre et ajuster son Cymbalta. Il n’a pas expliqué ce qui l’a amené à lui dire qu’elle devait consulter un psychiatre. La requérante a dit à son médecin de famille qu’elle avait consulté des psychiatres en passant par la WSIBNote de bas de page 24. (En fait, elle avait consulté un psychologue.)
[40] En octobre 2022, le médecin de famille de la requérante a de nouveau lancé que la requérante pourrait peut-être occuper un [traduction] « emploi facile » une fois que son anémie serait traitéeNote de bas de page 25. Par la suite, il a défini un emploi facile comme étant un emploi qui ne nécessite aucun effort physique ou mentalNote de bas de page 26.
[41] La requérante a revu le chirurgien orthopédiste en novembre 2022. Cette fois-ci, elle a déclaré qu’elle avait des engourdissements aux doigts et qu’elle échappait des choses. Elle a dit que ses symptômes étaient liés à l’activité physique, comme faire l’épicerie ou laver la vaisselle. Le spécialiste était d’avis que les symptômes d’aspect neurologique concordaient avec une radiculopathieNote de bas de page 27.
[42] Le spécialiste était d’avis que les injections et la physiothérapie à l’épaule de la requérante n’aideraient pas son cou, mais que la physiothérapie au cou pourrait l’aider. Il a suggéré que le médecin de famille de la requérante l’oriente vers un spécialiste du cou, qui est ce qu’il avait recommandé en décembre 2019Note de bas de page 28.
2023
[43] En août 2023, le médecin de famille a donné un avis sur la cause des problèmes de la requérante. Il a attribué le syndrome de douleur chronique de la requérante à l’accident de 2019Note de bas de page 29. Il n’a pas précisé quand il l’avait vue pour la dernière fois.
[44] Il n’y avait aucun dossier médical contemporain pour 2023.
2024
[45] En janvier 2024, le médecin de famille a répondu aux questions de la requérante. Cette fois-ci, il était d’avis que le pronostic d’anémie de la requérante était inconnu, même s’il n’a pas expliqué pourquoi il avait changé d’avis par rapport à mars 2022, alors qu’il estimait qu’elle pouvait s’attendre à une améliorationNote de bas de page 30. Le pronostic du médecin de famille est contraire à l’opinion du spécialiste, qui a clairement énoncé les options de traitement, que la requérante ne souhaite pas suivre.
[46] Le médecin de famille a conclu que la requérante avait des douleurs chroniques au cou et à l’épaule et une anémie grave. Il était également d’avis qu’en conséquence, elle ne pouvait pas retourner à une occupation rémunératriceNote de bas de page 31.
[47] Même si le médecin de famille a continué de diagnostiquer chez la requérante une anémie grave, aucun résultat de laboratoire récent ne démontre une carence en globules rouges ou en hémoglobine qui pourrait confirmer que la requérante demeure gravement anémique, contrairement aux résultats de 2021. Les résultats de laboratoire de 2021 ont montré que les taux d’hémoglobine de la requérante étaient faibles et bien inférieurs à la moyenneNote de bas de page 32.
[48] Puisque la requérante n’a plus de saignements abondants et qu’elle prend des suppléments de fer, il est peu probable qu’elle continue d’avoir une anémie ferriprive. (Elle a dit qu’elle avait fait des tests sanguins au cours de la dernière année, mais qu’elle ne se rappelait pas quand. Elle a fourni sur son taux d’hémoglobine. Il était faible, mais il s’était amélioré par rapport aux résultats de 2021.) Si, comme la requérante le prétend, elle a une anémie persistante, la cause n’est pas évidente. Elle devrait subir d’autres tests et être traitée.
2025
[49] La requérante a commencé à voir une psychothérapeute en janvier 2025. Celle-ci est d’avis que la requérante avait développé un trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive. Les symptômes comprenaient une baisse d’humeur, une anxiété généralisée, des troubles du sommeil, des difficultés à se concentrer, un sentiment de désespoir et d’impuissance ainsi qu’un isolement social important.
[50] La psychothérapeute croit que la requérante a développé ce trouble parce qu’elle avait des douleurs physiques non traitées et qu’elle n’avait pas accès à un traitement multidisciplinaire efficace. Elle ne s’est pas prononcée sur la date à laquelle la requérante aurait pu développer ce trouble.
[51] La psychothérapeute juge également que la requérante a une capacité très limitée à occuper un emploi régulier et rémunérateurNote de bas de page 33. Comme la psychothérapeute n’a pas vu la requérante vers la fin de sa période minimale d’admissibilité, elle ne pouvait pas donner d’avis sur sa capacité fonctionnelle ou son employabilité pendant cette période.
La requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité
[52] La requérante soutient que la preuve médicale montre qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de décembre 2021. Elle dit qu’au départ, ses médecins ne connaissaient pas la nature de son problème de santé en ce qui concerne son cou, mais qu’une fois qu’ils ont posé un bon diagnostic, ils ont décidé qu’elle devrait cesser de travailler à quelque titre que ce soit. Comme elle a des douleurs chroniques depuis longtemps, elle soutient également que ses médecins lui ont dit qu’il n’y avait aucun traitement pour ses blessures et que son pronostic à long terme était sombre.
[53] La requérante s’est blessée à l’épaule et au bras droits dans un accident de travail en juin 2019. Elle a des douleurs persistantes à l’épaule et au bras depuis. Elle a aussi développé des douleurs au cou. Toutefois, je juge que la preuve ne permet pas d’établir que la requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2021, et de façon continue par la suite.
[54] D’abord, j’estime que la mémoire de la requérante n’est pas fiable. Certains des témoignages oraux de la requérante sur des questions telles que les avis médicaux sur son état de santé, les options de traitement et les recommandations pour son retour sur le marché du travail contrastent fortement avec la preuve médicale documentaire.
[55] Par exemple, la requérante affirme que ses médecins lui ont dit qu’elle ne devrait pas retourner au travail en raison d’une hernie discale à la colonne cervicale. Son médecin de famille est le seul médecin à lui avoir diagnostiqué une hernie discaleNote de bas de page 34. Par conséquent, il est raisonnable de conclure qu’il est peut-être le seul à avoir possiblement conseillé à la requérante de ne jamais retourner au travail au plus tard à la fin de 2021.
[56] Cependant, il est très peu probable que le médecin de famille de la requérante lui aurait conseillé de ne pas retourner au travail. De tels conseils ne correspondraient pas aux avis médicaux qu’il a donnés peu de temps après la fin de sa période minimale d’admissibilité. En mars 2022 et même plus tard en octobre 2022, il s’attendait à ce qu’elle puisse retourner à des tâches modifiéesNote de bas de page 35.
[57] À un moment donné, entre octobre 2022 et janvier 2024, l’opinion du médecin de famille a changé. Il a jugé que la requérante ne pouvait plus reprendre un emploi rémunérateur. Cependant, cela était bien après la fin de la période minimale d’admissibilité de la requérante. S’il voulait dire qu’elle était incapable de reprendre un emploi rémunérateur depuis son accident en juin 2019, il aurait dû expliquer pourquoi il avait changé d’avis au fil du temps.
La preuve médicale ne démontre pas que la requérante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité
[58] Nul ne conteste le fait que la requérante a des douleurs chroniques au cou et à l’épaule droite, et une douleur qui descend le long de son bras. Elle se plaint de douleurs à l’épaule droite et au cou depuis juin 2019. La requérante a subi des examens diagnostiques dont les résultats concordent avec les antécédents cliniques. En août 2019, une IRM de son épaule droite a révélé une tendinopathie de la coiffe des rotateurs. En juin 2020, une IRM de sa colonne cervicale a révélé un bombement discal, qui concorde avec une discopathie dégénérative à divers niveaux de sa colonne cervicale.
[59] La requérante prend des médicaments contre la douleur. Elle a reçu des traitements de physiothérapie et d’acupuncture pour ses douleurs à l’épaule. Elle a consulté deux chirurgiens orthopédistes. La requérante n’a pas produit de dossiers d’un des spécialistes, alors il n’est pas clair si ce spécialiste l’a traitée et, si oui, pendant combien de temps, ni quels conseils il a pu lui donner. Pour ce qui est du deuxième spécialiste, il a suivi la requérante pendant plus de deux ans et il connaît bien son historique. Il lui a fait plusieurs recommandations de traitement.
[60] Cependant, malgré les traitements, la requérante affirme que ses symptômes de douleur ne se sont pas atténués. Elle dit que ses douleurs se sont progressivement aggravées, surtout depuis la pandémie, lorsque sa famille a cessé de l’aider. Elle a déclaré que depuis, elle a dû se pousser et faire ce qu’elle pouvait. Cela augmente son niveau de douleur, ce qui, selon elle, peut durer une semaine complète. Elle a déclaré qu’elle trouve cela très difficile maintenant.
[61] Les dossiers brossent un portrait mitigé de l’utilité des traitements. Certains des dossiers médicaux montrent que la requérante a déclaré que la physiothérapie et l’acupuncture ont toutes deux aidé à soulager ses douleurs. Cependant, la requérante a également déclaré qu’elles n’avaient pas été utiles. Si l’on fait abstraction de la question de l’efficacité de ces traitements, la requérante affirme qu’elle n’a plus les moyens de recevoir ces types de traitement. Son assureur et la WSIB ont mis fin à sa couvertureNote de bas de page 36.
[62] La requérante soutient qu’en raison de ses douleurs persistantes, elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle a déclaré qu’elle ne peut pas faire de travail sédentaire parce qu’elle ne peut pas rester assise longtemps. Elle a expliqué que rester assise ou debout aggrave ses douleurs.
[63] Toutefois, aucune preuve médicale ne porte à croire que la requérante a déjà dit à ses fournisseurs de soins qu’elle avait des limitations pour ce qui est de demeurer assise ou debout. Si la requérante a effectivement ce type de limitations, il s’agit probablement de problèmes plus récents et si elle a déjà eu de la difficulté à demeurer assis ou à se tenir debout dans le passé, ces problèmes étaient probablement mineurs ou de courte durée, de sorte qu’ils ne méritaient pas d’être mentionnés par ses médecins.
[64] Le médecin de famille de la requérante a rédigé un rapport médical le 29 mars 2022. Il a écrit qu’il avait recommandé que la requérante arrête de travailler en août 2019. Toutefois, il n’y a aucun dossier ni aucune note de sa part datant de 2019 pour 1) confirmer qu’il a fait cette recommandation ou 2) expliquer pourquoi il aurait pu lui recommander d’arrêter de travailler à ce moment-là. Les dossiers du médecin de famille commencent en avril 2021.
[65] Malgré cela, je suis prête à accepter que son médecin de famille lui a probablement recommandé d’arrêter de travailler à son emploi particulier de patiente partenaire à l’hôpital en 2019 en raison de ses douleurs au cou et à l’épaule. Dans son rapport de mars 2022, le médecin de famille a écrit que la requérante était incapable de faire [traduction] « son travailNote de bas de page 37 ». Il a conclu qu’elle ne pouvait pas occuper son emploi de patiente partenaire en raison de douleurs au cou et à l’épaule et de la fatigue causée par l’anémie (bien que rien ne prouve que la requérante ait reçu un diagnostic d’anémie en 2019 ou en 2020).
[66] Comme son emploi de patiente partenaire était exigeant sur le plan physique, il n’est pas surprenant que la requérante ait été incapable de poursuivre son travail en raison de ses douleurs au cou et à l’épaule et en 2021, en raison de son anémie également. Toutefois, le médecin de famille n’a pas écarté d’autres types d’emploi que la requérante aurait pu exercer.
[67] Dans son rapport de janvier 2024, le médecin de famille a écrit que la requérante était incapable de retourner à une occupation rémunératrice en raison de douleurs à l’épaule droite et de fatigueNote de bas de page 38. Il a clarifié une opinion qu’il avait donnée en octobre 2022, à savoir qu’elle pourrait peut-être occuper un [traduction] « emploi facile ». À ce moment, il a défini un emploi facile comme un [traduction] « emploi de quelques heures n’exigeant aucun effort physique ou mentalNote de bas de page 39 ».
[68] Pourtant, le chirurgien orthopédiste a établi que la requérante était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, du moins d’un point de vue physique. Il lui a recommandé d’éviter de soulever des charges lourdes et de lever les bras au-dessus des épaules au travail. En mai 2020, il était à l’aise que la requérante continue d’avoir des tâches modifiées. Le chirurgien orthopédiste n’a jamais laissé entendre que la requérante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.
[69] Le médecin de famille aurait dû tenir compte de l’opinion du chirurgien orthopédiste selon laquelle la requérante avait une certaine capacité résiduelle de travail.
[70] Malgré cela, l’avis du médecin de famille de mars 2022 n’est pas bien différent de celui du chirurgien orthopédiste. Même s’il a dit qu’elle ne pouvait pas travailler en raison de douleurs à l’épaule droite et de fatigue, le médecin de famille s’attendait à ce qu’elle puisse retourner au travail à un moment donné au moins à des tâches modifiées. Le médecin de famille n’a pas précisé quelles modifications il s’attendait à ce qu’elle ait besoin.
[71] Les seuls éléments de preuve concernant les modifications qui conviennent à la requérante proviennent du chirurgien orthopédiste. Il exclut le travail physique, y compris de soulever des charges lourdes, mais n’exclut pas le travail sédentaire ou léger. Compte tenu des modifications précises qu’il a mentionnées, j’accepte son opinion selon laquelle la requérante devrait éviter tout travail où elle doit lever les bras au-dessus des épaules ou soulever des charges lourdes.
[72] D’un point de vue physique, la requérante a une certaine capacité résiduelle pour un emploi qui n’exige aucun effort physique ou pour un emploi qui n’exige pas de lever les bras au-dessus des épaules ou de soulever des charges lourdes.
[73] Cependant, je dois aussi tenir compte de tout autre problème de santé de la requérante et de sa capacité fonctionnelle globale. La requérante a des problèmes de santé mentale. Elle fait aussi de l’anémie. Je ne peux donc pas examiner ces problèmes de santé de la requérante de façon isolée sans tenir compte de ces autres problèmes et de leur incidence combinée sur elle. Je dois examiner l’ensemble des problèmes de la requérante, particulièrement dans la présente affaire, en raison de l’intersection de considérations de santé physique et mentale, et de ce qu’elle dit être une anémie persistante.
[74] J’admets que la requérante a un trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive depuis au moins 2020. Cette année-là, un psychologue lui a diagnostiqué un trouble à symptomatologie somatique caractérisé par la douleur et un trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive. Ce diagnostic a été en partie confirmé par un travailleur autorisé des services sociaux des années plus tard, en 2025.
[75] Toutefois, il y a très peu de preuves médicales de 2021 et du début de 2022 qui démontrent que les problèmes de santé mentale ont même contribué à l’invalidité de la requérante. Le psychologue a souligné que la requérante ne s’était pas montrée coopérative lors des tests, alors il était difficile d’évaluer ses capacités et ses restrictions. En fait, la requérante n’a mentionné aucun obstacle psychologique à un retour au travail. Ainsi, même si la requérante a probablement vécu du stress, de l’anxiété et de la dépression, la preuve ne démontre pas que ces problèmes ont eu une incidence sur ses capacités ou sa capacité fonctionnelle, de concert avec ses autres problèmes de santé.
[76] La requérante a une anémie ferriprive grave, ce qui lui cause de la fatigue ainsi que d’autres symptômes. Avec des taux d’hémoglobine aussi faibles, il n’est pas surprenant que la requérante se soit sentie fatiguée et qu’elle ait dit manquer d’énergie.
[77] L’anémie aurait aussi pu nuire aux capacités cognitives de la requérante, et ainsi diminuer sa capacité à se concentrer. Je remarque toutefois que lorsque le psychologue l’a vue en février 2021, la requérante n’avait aucune difficulté à se concentrerNote de bas de page 40. La requérante avait signalé des problèmes d’attention et de concentration, mais durant les séances avec le psychologue, il n’y avait aucun signe ou symptôme correspondant à des déficits cognitifs gravesNote de bas de page 41.
[78] La requérante laisse entendre que ce sont ses règles abondantes et ses douleurs qui ont causé son anémie. Il est généralement admis que des saignements excessifs peuvent causer une anémie grave, mais la requérante a déclaré que cela faisait environ un an qu’elle n’avait pas eu de règles abondantes. Elle mentionne que ses douleurs sont la cause de son anémie persistante.
[79] Je ne vois rien dans les dossiers qui appuie l’affirmation de la requérante selon laquelle la douleur a causé (ou cause) son anémie persistante. Le gynécologue a souligné que les saignements excessifs de la requérante étaient la cause de son anémie.
[80] Comme la requérante a déclaré qu’elle n’a plus de règles abondantes, elle aurait dû au moins produire des résultats de laboratoire à jour ou un avis médical récent. Ils auraient pu confirmer si un diagnostic d’anémie demeure approprié.
[81] Dans l’état actuel des choses, le médecin de famille de la requérante s’attendait à ce qu’elle puisse retourner au travail, même s’il ne savait pas quand. Il a écrit dans les rapports suivants qu’elle pourrait être capable d’accomplir des tâches légères une fois que son [traduction] « anémie serait traitéeNote de bas de page 42 ».
[82] J’admets que la requérante était atteinte d’anémie ferriprive jusqu’à la fin de sa période minimale d’admissibilité et par la suite. Cependant, je ne vois aucun élément de preuve qui démontre que le problème persiste. Je note que son médecin de famille affirme que son hémoglobine et son anémie sont [traduction] « encore réfractairesNote de bas de page 43 » en janvier 2024, mais il n’y a aucun rapport de laboratoire à l’appui, et encore moins de dossier clinique montrant quand le médecin l’a vue pour la dernière fois. De plus, c’était peut-être juste avant que la requérante cesse d’avoir des règles abondantes.
[83] Le médecin de famille a déclaré qu’il avait vu la requérante environ 15 fois depuis 2021. Il y a au moins 12 visites consignées chez le médecin de famille jusqu’au 20 septembre 2022. Le médecin a rédigé des rapports le 31 décembre 2021 et le 6 octobre 2022, mais il n’est pas clair s’il l’a vue à ces dates. S’il ne l’a pas vue à ces dates, cela voudrait dire que jusqu’en janvier 2024, la requérante n’a pas consulté son médecin plus de trois fois. Autrement, s’il l’avait vue à ces dates, il ne l’aurait vue qu’une seule autre fois. Bref, on ne sait pas trop comment le médecin de famille est arrivé à ses avis de 2023 et de 2024 selon lesquels la requérante était toujours anémique.
[84] En résumé, la requérante avait de multiples problèmes de santé au moment de sa période minimale d’admissibilité. Elle avait des douleurs chroniques à l’épaule droite, au bras, au cou, des problèmes de santé mentale et de l’anémie.
[85] Cependant, la preuve médicale concernant les problèmes de santé mentale de la requérante est insuffisante pour démontrer qu’ils ont eu une incidence sur sa capacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité.
[86] Il ne fait aucun doute que la requérante avait des problèmes de douleur et une anémie grave à la fin de 2021. Toutefois, on peut se demander si la requérante continue de faire de l’anémie grave, compte tenu de l’absence de preuve médicale à l’appui.
[87] L’anémie a nui à la qualité de vie de la requérante, mais le gynécologue (dont je préfère fortement l’opinion à celle du médecin de famille) ne laisse pas entendre que l’anémie ferriprive grave a nui à la capacité de la requérante à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice au plus tard à la fin (ou vers la fin) de sa période minimale d’admissibilité.
[88] De même, il n’y a pas assez d’éléments de preuve montrant que les problèmes de santé mentale de la requérante ont eu une incidence sur ses capacités et sa capacité fonctionnelle à la fin de sa période minimale d’admissibilité.
[89] De plus, la preuve concernant le fait que la requérante se plaignait de douleurs démontre que celle-ci avait une certaine capacité résiduelle pour un travail qui ne nécessitait pas de soulever des charges lourdes ou de lever les bras au-dessus des épaules.
[90] L’ensemble de la preuve médicale n’appuie pas les affirmations de la requérante selon lesquelles elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité.
[91] La requérante a déclaré que les médecins lui ont dit d’arrêter de travailler après qu’on lui a diagnostiqué une hernie discale à la colonne cervicale. Cependant, comme je l’ai mentionné plus haut, même après l’enquête sur ses douleurs au cou, qui a écarté la possibilité d’une hernie discale et révélé qu’elle avait une discopathie dégénérative, son médecin de famille s’attendait toujours à ce qu’elle puisse retourner au travail à des tâches modifiées. Le chirurgien orthopédiste a maintenu que la requérante devait éviter tout travail qui exigeait qu’elle lève les bras au-dessus des épaules ou qu’elle soulève des charges lourdes.
La situation réelle de la requérante
[92] La définition d’une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada comprend un élément relatif à l’employabilité. Ainsi, au moment d’évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, je dois aussi tenir compte de sa situation « réelle ».
[93] Cela signifie que je dois tenir compte de choses comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. En effet, ce type de considérations a une certaine incidence sur la portée de ce qui constitue une occupation véritablement rémunératrice convenable pour une partie requérante. Comme la Cour d’appel fédérale l’a établi dans la décision Villani, une personne d’âge moyen ayant fait des études primaires et ayant des compétences limitées en français ou en anglais n’aurait normalement pas à travailler comme ingénieure ou médecin.
[94] À la fin de sa période minimale d’admissibilité, la requérante avait 48 ans. Cependant, elle ne se considérait certainement pas proche de la retraite, car elle s’était inscrite à un programme de formation pour devenir infirmière auxiliaire deux ans plus tôt, pour travailler comme infirmière auxiliaire. Elle est raisonnablement instruite. Elle a obtenu un diplôme en soins infirmiers auxiliaires. Elle a travaillé comme fournisseuse de services aux patients et, avant cela, elle a travaillé dans la vente pour un grand magasin pendant plusieurs années. Elle a aussi travaillé comme femme de ménage. La requérante maîtrise bien l’anglais.
[95] La requérante ne peut plus effectuer des travaux lourds ou faire un travail où elle doit lever les bras au-dessus des épaules, mais sa polyvalence, ses antécédents scolaires et sa formation montrent que, du point de vue de l’employabilité, elle avait des options d’emploi. À la fin de sa période minimale d’admissibilité, elle pouvait faire un travail plus léger ou sédentaire qui n’exigeait pas de soulever des charges lourdes ou de lever les bras au-dessus des épaules.
La preuve médicale montre que la requérante a d’autres options de traitement et qu’elle a refusé certaines recommandations de façon déraisonnable
[96] Même si la preuve médicale montrait que la requérante avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient régulièrement à sa capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice, il faudrait aussi que la requérante démontre qu’elle a suivi les conseils médicaux et qu’elle n’a pas refusé les options de traitement raisonnables. Il faudrait qu’elle fournisse une explication raisonnable pour ne pas avoir suivi les conseils médicaux. Il faudrait aussi que j’examine quelle incidence le traitement médical aurait pu avoir sur l’état de santé de la requéranteNote de bas de page 44.
[97] La requérante affirme avoir suivi toutes les recommandations de traitement, à l’exception de la physiothérapie et de l’acupuncture à l’épaule et au cou, qu’elle a dû arrêter. Je juge que la requérante a une explication raisonnable pour ne pas avoir continué de recevoir des traitements de physiothérapie et d’acupuncture. Elle n’a pas les moyens de recevoir ces traitements, car elle n’a plus de couverture pour ce genre de dépenses.
[98] La requérante soutient qu’elle n’a plus d’options de traitement. Cependant, cela ne concorde pas avec la preuve médicale. Les recommandations du chirurgien orthopédiste pour son épaule et plus tard, pour son cou, ne se limitaient pas à la physiothérapie. Le chirurgien orthopédiste lui a également recommandé des injections de cortisone et d’aller à la clinique de l’épaule et du coude pour une évaluation et un traitement plus poussésNote de bas de page 45. Il lui a également suggéré de consulter un spécialiste du cou en raison de ses douleurs persistantes. De toute évidence, la requérante n’a pas épuisé toutes les options de traitement.
[99] La requérante a déclaré qu’elle s’était rendue à la clinique de l’épaule et du coude lorsqu’elle a vu le chirurgien orthopédiste. Cela n’a pas beaucoup de sens que le chirurgien orthopédiste lui recommande d’aller à la clinique de l’épaule et du coude s’il travaillait à partir de la clinique.
[100] En fait, je conclus que la requérante ne s’est pas rendue à la clinique de l’épaule et du coude comme il lui avait été recommandé. Elle n’a pas expliqué pourquoi elle n’y était pas allée.
[101] Malgré tout, comme il n’est pas clair si la requérante bénéficierait effectivement de se rendre à la clinique de l’épaule et du coude pour une évaluation et un traitement plus poussés de son épaule droite, je ne vois pas le non-respect de cette recommandation précise comme un refus de la part de la requérante.
[102] Dès 2019 et en novembre 2022, le chirurgien orthopédiste a également recommandé à la requérante de consulter un spécialiste du cou. La requérante a déclaré qu’elle demande constamment à son médecin de famille de l’orienter vers un spécialiste du cou, mais qu’il ne le fait pas parce que son état pourrait s’aggraver si elle se fait opérer. Le chirurgien orthopédiste lui a recommandé de consulter un spécialiste du cou pour s’informer des options de traitement, mais ce n’était pas strictement pour subir une opération. De plus, je trouve invraisemblable qu’un médecin généraliste comme un médecin de famille n’ait pas tenu compte de l’avis d’un spécialiste qui lui demandait d’orienter sa patiente vers un autre spécialiste.
[103] Cela dit, il n’est pas clair si le médecin de famille de la requérante a déjà essayé d’orienter la requérante vers un spécialiste du cou ou si la requérante a décidé de ne pas en voir un. Comme la preuve n’est pas claire sur ce point, je juge que la requérante n’a pas refusé de façon déraisonnable d’être orientée vers un spécialiste du cou. De plus, il n’y a pas assez d’éléments de preuve pour conclure que la consultation d’un spécialiste du cou entraînerait nécessairement une amélioration des problèmes au cou de la requérante.
[104] Le chirurgien orthopédiste a également recommandé des injections de cortisone à la requérante, car cela atténuerait probablement ses douleurs. Je juge que la requérante n’a pas fourni d’explication raisonnable pour avoir refusé de recevoir des injections de cortisone pour ses douleurs. La requérante explique que ses médecins lui ont dit que les injections de cortisone ne seraient pas efficaces parce qu’elle a des douleurs diffuses et généralisées, et que les injections ciblent seulement une région précise. Aucun élément de preuve médicale n’appuie cette allégation selon laquelle les injections de cortisone ne seraient pas utiles dans le cas de la requérante. Ses médecins savent qu’elle a des douleurs à l’épaule qui irradient jusqu’au bras, ainsi que des douleurs au cou. Pourtant, ils ont continué de lui recommander de recevoir des injections de cortisone parce qu’ils s’attendaient à ce que celles-ci atténuent ses symptômes.
[105] Pour ce qui est des problèmes de santé mentale de la requérante, on lui a recommandé de consulter un psychiatre et de suivre une thérapie cognitivo-comportementale. Un psychologue a vu la requérante en 2020 et en 2021. La requérante a déclaré avoir assisté à toutes les séances, qui se sont déroulées au téléphone. De son point de vue, la requérante croit avoir suivi tous les traitements et s’être montrée entièrement coopérative pour ce qui est de suivre les traitements.
[106] Cependant, la preuve de la requérante ne concorde pas avec le rapport du psychologue. Celui-ci a noté que la requérante avait annulé deux rendez-vous et qu’elle en avait manqué deux autres. De plus, le psychologue a noté que la requérante était généralement résistante au traitement.
[107] Le psychologue n’a pas été en mesure de recommander d’autres traitements psychologiques pour la requérante. Il a souligné que la requérante s’était vu offrir une formation cognitivo-comportementale, mais que sa présence et sa participation étaient limitées. Par conséquent, le psychologue n’était pas prêt à prévoir d’autres traitements.
[108] Je conclus que la requérante n’a pas suivi les séances avec le psychologue, car elle a résisté au traitement et a rejeté les suggestions du psychologue et la psychoéducationNote de bas de page 46.
[109] Le psychologue était également d’avis que la requérante bénéficierait de l’intervention d’un spécialiste du retour au travail, mais cela ne semble pas avoir été arrangé. Je ne juge pas que la requérante a refusé de suivre cette recommandation particulière, car il ne semble pas que quelqu’un ait pris des dispositions pour qu’elle consulte une spécialiste du retour au travail.
[110] Pour ce qui est de l’anémie de la requérante, la gynécologue a formulé de nombreuses recommandations, y compris l’essai de différents médicaments, la suppression hormonale des règles, la thérapie par intraveineuse et une opération. La requérante a déclaré qu’elle avait essayé de subir une hystérectomie, mais que la procédure n’était pas disponible en raison de la COVID-19. Cela n’est pas conforme à la preuve. Celle-ci montre que la requérante ne s’intéressait à aucune autre option que celle de continuer à prendre de l’acide tranexamique et des suppléments de fer.
[111] Je juge que la requérante a refusé de façon déraisonnable des options de traitement pour son anémie qui auraient à tout le moins amélioré immensément sa qualité de vie. Toutefois, le traitement de son anémie découlant d’une carence en fer pourrait ne plus être pertinent, car la requérante n’a plus de saignements importants.
[112] En résumé, de nombreuses recommandations de traitement ont été formulées pour les divers problèmes de santé de la requérante. Même si elle s’est conformée à certaines de ces recommandations ou qu’elle a une explication raisonnable pour ne pas l’avoir fait, elle ne s’est pas conformée aux autres recommandations qui devaient l’aider et elle n’a pas fourni d’explication raisonnable.
La requérante devait essayer d’obtenir et de conserver un emploi
[113] La requérante nie qu’elle avait une capacité résiduelle. Elle souligne le fait qu’elle 1) a tenté de retourner au travail en effectuant des tâches modifiées et qu’elle 2) continue de faire face à des difficultés, même si elle a suivi une nouvelle formation d’infirmière auxiliaire.
[114] La requérante a tenté de retourner au travail à deux reprises en 2019. La première fois, elle avait un horaire de travail avec moins d’heures. La deuxième fois, ses tâches avaient été modifiées. Les deux tentatives ont été de courte durée. Elle a cessé de travailler parce qu’elle trouvait cela trop difficile. Le relevé des gains montre qu’elle n’a pas eu de revenu d’emploi depuis 2019Note de bas de page 47.
[115] Lorsqu’on lui a demandé si elle avait demandé un emploi de bureau ou un travail qui n’était pas exigeant sur le plan physique, la requérante a déclaré que son employeur n’avait pas de travail de ce genre à lui offrir. Il lui a dit [traduction] « que si elle n’était pas capable de faire son métier, c’est tout. Ils n’avaient pas de travail à lui donnerNote de bas de page 48 ». Elle a déclaré qu’elle avait trop mal à cause de sa blessure.
[116] Au moment de son accident en juin 2019, la requérante était inscrite à un programme de formation pour devenir infirmière auxiliaire. Il lui restait trois cours à faire pour terminer le programme, dont un était un stage. Celui-ci comportait des exigences physiques, dont celle de soulever des charges lourdes, ce qui lui causait des difficultés. La requérante a déclaré que ses douleurs et son anxiété ont augmenté, alors elle a failli arrêter et ne pas terminer le programme. En fait, elle a tardé à terminer le dernier trimestre du programme et n’a pas terminé à temps, alors que tous ses camarades de classe ont terminé à temps.
[117] La requérante soutient que le fait qu’elle a terminé la formation n’est aucunement un indicateur de sa capacité. Elle dit avoir eu de la difficulté à se recycler et à terminer son programme de soins infirmiers.
[118] Je juge que le recyclage n’était pas convenable, compte tenu des symptômes de la requérante. Il exigeait qu’elle soulève des charges lourdes. Ses médecins lui ont recommandé de ne pas soulever de charges ni de lever les bras au-dessus des épaules. Si le recyclage ne comportait pas de difficultés physiques, j’aurais pu être prête à examiner les arguments de la requérante selon lesquels le fait qu’elle avait de la difficulté à se recycler montrait qu’elle n’avait pas la capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.
[119] Cependant, la preuve médicale montre que la requérante avait une capacité résiduelle à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Puisqu’il a été établi que la requérante avait une certaine capacité résiduelle, cette dernière devait démontrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi adapté à ses limitations ont échoué en raison de son invaliditéNote de bas de page 49.
[120] Dans la présente affaire, la requérante n’a pas cherché à trouver un emploi qui n’exigeait pas de soulever des charges ou de lever les bras au-dessus des épaules, ou à se recycler en vue d’occuper un tel emploi.
Je n’ai pas à examiner si la requérante avait une invalidité prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité
[121] Une invalidité doit être à la fois grave et prolongée. La requérante n’a pas prouvé que son invalidité était grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Par conséquent, je n’ai pas à examiner si elle était prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité.
Conclusion
[122] Les dossiers médicaux ne permettent pas d’établir que la requérante avait une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Les médecins étaient d’avis qu’elle avait une capacité de travail, mais qu’elle devait éviter de soulever des charges lourdes et de lever les bras au-dessus des épaules. Malgré cela, la requérante n’a pas tenté de trouver du travail qui respectait les limites de sa capacité de travail. De plus, elle n’a pas donné suite à des options de traitement raisonnables qui auraient atténué ses douleurs ou réglé d’autres problèmes médicaux, et qui l’auraient aidée à retrouver une certaine capacité fonctionnelle.
[123] L’appel est rejeté.