Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 871

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. M.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Ian McRobbie

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 8 janvier 2025 (GP-24-965)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 juillet 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’intimé
Date de la décision : Le 15 août 2025
Numéro de dossier : AD-25-60

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelante, S. M. (requérante), n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Aperçu

[2] L’appel de la requérante porte sur la décision de la division générale. Celle-ci a décidé que la requérante n’avait pas une invalidité grave en date du 31 décembre 2021, soit la fin de sa période minimale d’admissibilitéNote de bas de page 1. Par conséquent, la division générale a conclu que la requérante n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime.

[3] La requérante a fait appel de la décision de la division générale devant la division d’appel, soutenant que la division générale avait commis une erreur de droit. La division d’appel lui a accordé la permission de faire appel de la décision de la division générale. Une fois que la division d’appel accorde cette permission, l’appel se poursuit comme une nouvelle audience, sans tenir compte de la décision de la division générale. J’ai tenu une nouvelle audience le 8 juillet 2025.

[4] La requérante a déclaré qu’elle n’a pas travaillé depuis décembre 2021. Elle affirme qu’elle est incapable de travailler depuis ce temps en raison d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), de l’anxiété et d’une dépression. Elle affirme avoir tenté de trouver du travail sur Indeed et Kijiji, au Canada et au Texas. Lorsqu’elle rend visite à ses parents dans sa province natale pendant un mois, elle cherche du travail qu’elle peut y faire pendant environ deux mois.

[5] Cependant, elle n’a pas réussi à trouver du travail. Elle dit que personne ne s’intéresse à une personne qui n’a pas terminé sa 12e année et qui est incapable de lire et d’écrire. Les facteurs de stress, ses démarches de recherche d’emploi et son incapacité à trouver du travail aggravent son anxiété et sa dépression. Elle demande à la division d’appel d’accueillir son appel.

[6] L’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, soutient que la requérante n’avait pas une invalidité grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Le ministre fait valoir que la preuve médicale ne prouve pas que la requérante avait des limitations fonctionnelles graves à la fin de cette période. Il soutient que la requérante a une capacité résiduelle et qu’elle doit donc essayer d’occuper un autre emploi. Il affirme que la requérante n’a pas essayé d’autres emplois. Le ministre demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Question en litige

[7] La requérante avait-elle une invalidité grave et prolongée aux termes du Régime de pensions du Canada au plus tard le 31 décembre 2021, soit la fin de sa période minimale d’admissibilité?

Analyse

[8] Une personne qui demande une pension d’invalidité doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de sa période de référence.

  • Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.
  • Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 3.

[9] Pour évaluer si une invalidité est grave, il faut tenir compte du contexte « réaliste Note de bas de page 4 ». Il faut donc tenir compte de la situation particulière de la personne, comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience personnelle.

[10] Le contexte « réaliste » suppose aussi qu’il faut se demander si une partie requérante a suivi toutes les recommandations de traitement raisonnables, si un refus est déraisonnable ou non, et quel effet ce refus peut avoir sur son état d’incapacité, dans le cas où le refus serait déraisonnable Note de bas de page 5.

[11] Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi Note de bas de page 6.

Contexte historique général

[12] La requérante exploitait une garderie à domicile depuis 1994. Lorsque la pandémie a frappé, elle a pu continuer à diriger son entreprise, mais celle-ci a souffert. Sa clientèle a diminué. Elle a dû rendre l’environnement plus sûr. De plus, il y avait plus de règles.

[13] Elle devait fournir l’accès à une salle de bain au premier étage de son entreprise. Elle devait aussi offrir un service de garde à 10 $ par jour. Ces exigences étaient trop coûteuses pour qu’elle puisse continuer à diriger la garderie, donc elle a décidé d’y mettre un terme. Elle a fermé son entreprise vers septembre 2021.

[14] Par la suite, jusqu’à environ décembre 2021, la requérante travaillait comme nettoyeuse. Lorsqu’elle a rempli le formulaire de demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, elle a écrit qu’elle avait cessé d’occuper cet emploi parce qu’elle était incapable de se concentrer quotidiennementNote de bas de page 7.

[15] La requérante a vraiment aimé s’occuper des enfants. Donc, lorsqu’elle a dû fermer sa garderie, elle est devenue déprimée. Elle ne pensait pas être capable de sortir et de chercher un autre emploi. Elle dit qu’elle est incapable de lire ni d’écrire en raison de son TDAH et de ses troubles d’apprentissage. Le fait d’être analphabète la gêne; elle ne veut pas avoir à en aviser les employeurs potentiels. Penser à chercher du travail lui cause beaucoup d’anxiété.

[16] De plus, la requérante dit qu’elle a peu d’options. Elle n’a pas terminé ses études secondaires. Elle croit qu’elle a peut-être terminé sa 10e année seulement. Dans sa demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, elle a déclaré qu’elle avait un diplôme de 12e année. (Elle l’a également dit à son psychiatre.) Cependant, la requérante affirme que c’est inexact, compte tenu de ce que sa mère lui a dit récemment. Elle ne croit pas qu’elle avait même commencé sa 11e année.

[17] La requérante a déclaré qu’elle avait reçu un diagnostic de TDAH lorsqu’elle était en première année. Elle dit qu’elle est incapable de lire ni d’écrire et que son orthographe est déplorable. Elle trouvait qu’aller à l’école était difficile. Elle a été placée dans un programme d’éducation spécialisée. Ses camarades de classe l’ont moquée.

[18] La requérante a essayé de s’inscrire à Sylvan Learning, mais c’était trop cher. De plus, elle aurait dû conduire pour s’y rendre, mais elle était trop jeune à ce moment-là. Elle a essayé les cours par correspondance. Elle a également cherché d’autres formations, comme celles offertes par les écoles de coiffure, avant qu’elle décide de diriger sa propre garderie. Elle affirme qu’elle n’a pas pu suivre de formation dans d’autres domaines ni postuler pour toute offre d’emploi en raison de son TDAH.

[19] Elle affirme être incapable de lire ou de remplir les formulaires de demande. Elle a déclaré qu’elle reçoit toujours de l’aide lorsqu’elle en remplit. Par exemple, son conjoint l’a aidée à remplir le formulaire de demande pour les prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle a déclaré qu’il lui avait lu les questions et qu’il avait écrit ses réponses pour qu’elle les reproduise dans le formulaireNote de bas de page 8.

[20] La requérante a déclaré qu’après avoir fermé son entreprise, elle a essayé de chercher du travail dans d’autres domaines, y compris comme préposée aux chambres d’hôtel. Cependant, elle dit que personne n’embauche pour le moment. Selon elle, personne ne s’intéresse à sa candidature ni n’a envie de l’embaucher parce qu’elle n’a pas fait sa 12e année, ce qui la déprime.

La requérante a demandé des prestations d’invalidité du Régime en 2023

[21] La requérante a déclaré qu’elle ne pouvait plus travailler en date du 31 décembre 2021 en raison d’une dépression, de l’anxiété et d’un TDAH.

[22] La requérante a demandé une pension d’invalidité du Régime en 2023. Dans sa demande, elle a précisé qu’elle avait senti qu’elle ne pouvait plus travailler en raison de ses problèmes de santé en décembre 2022. La requérante a déclaré qu’elle a fait une erreur et que celle-ci témoigne de son incapacité à lire et à écrire. Elle avait l’intention d’écrire décembre 2021.

[23] Pourtant, la requérante avait déclaré que son conjoint l’avait aidée à remplir le formulaire de demande. Je conclus qu’elle s’était simplement trompée entre 2021 et 2022 à ce moment-là. J’accepte qu’elle ait eu l’intention d’écrire « décembre 2021 ».

[24] Dans la demande, la requérante a évalué ses capacités physiques comme étant la plupart du temps passable ou faible. Par exemple, elle a coché « faible » lorsqu’on lui a demandé si elle pouvait ramasser deux sacs d’épicerie et marcher 100 mètresNote de bas de page 9. Elle affirme maintenant qu’elle n’a pas certaines des limitations qu’elle a affirmé avoir dans le formulaire de demande. La requérante a déclaré que certaines de ses réponses étaient inexactes. Elle attribue ses mauvaises compétences en lecture aux réponses inexactes. Pourtant, elle a également déclaré que son conjoint lui avait lu le formulaire.

[25] La requérante a jugé que ses comportements et capacités émotionnelles, sa communication et ses capacités de réflexion, ainsi que ses capacités au quotidien étaient en grande partie faiblesNote de bas de page 10.

[26] La requérante a de la difficulté à s’accroupir à cause de son genou droit. Elle a déclaré qu’elle a aussi de la difficulté à conduire une voiture. Mais cette difficulté est liée à son TDAH, et non à des problèmes physiques. La requérante a déclaré que la conduite lui pose problème, car elle a de la difficulté à lire les panneaux de signalisation ou les cartes. Elle affirme aussi qu’elle a de la difficulté à se concentrer sur la route.

L’humeur de la requérante : son médecin de famille lui a prescrit des antidépresseurs en 2021

[27] Les dossiers médicaux montrent que la requérante a parlé à son médecin de famille en mai 2021. Elle lui a dit qu’elle ne se sentait pas elle-même. Le mois précédent, elle était incapable de se concentrer. Elle se sentait déprimée et dormait mal. Elle dormait beaucoup. Le médecin a diagnostiqué chez elle un trouble dépressif majeur. Il a ajouté Abilify aux médicaments qu’elle prenait déjàNote de bas de page 11.

[28] Le médecin de famille a de nouveau parlé à la requérante plus tard ce mois-là. Elle a déclaré qu’elle se sentait mieux et qu’elle avait plus d’énergie. Son niveau d’anxiété avait diminué, mais elle a déclaré qu’elle avait toujours des idées noiresNote de bas de page 12.

[29] La requérante a reparlé à son médecin de famille à la fin de juin 2021. Elle estimait qu’Abilify fonctionnait bien. Elle ne dormait plus autant et elle avait plus d’énergie. Elle sentait qu’elle avait moins d’anxiété qu’avant. Le médicament semblait bien fonctionner. Le médecin a confirmé un diagnostic de trouble dépressif majeur et de trouble d’anxiété généraliséeNote de bas de page 13.

2021 : La requérante a bien répondu aux médicaments

[30] C’est plus de huit mois plus tard que la requérante a reparlé de son anxiété et de sa dépression avec son médecin de famille. Le 9 mars 2022, elle a déclaré qu’elle n’avait pas pris ses médicaments au cours des six derniers mois. Au moment où elle les prenait, elle allait bien. La requérante a déclaré qu’elle pensait que, comme elle se sentait mieux, elle n’avait plus besoin de les prendreNote de bas de page 14. De plus, elle a dit qu’elle n’avait plus les moyens de les prendre. Le plan était de lui represcrire Effexor et de rétablir la situation avant qu’elle recommence à prendre AbilifyNote de bas de page 15.

[31] La requérante a reparlé à son médecin de famille le 21 juin 2022. Elle se sentait anxieuse. Sa dose d’Effexor était élevée. Elle allait essayer de retourner sur AbilifyNote de bas de page 16. La requérante a déclaré qu’elle avait bien réagi au médicament. Elle se sentait mieux et était capable de se concentrer davantage. Cependant, chaque fois qu’elle cherchait du travail, elle commençait à se sentir anxieuse. Elle a déclaré qu’elle devenait pétrifiée et qu’elle avait mal au cœur, car elle savait qu’elle ne pouvait ni lire ni écrire.

[32] La requérante a nié pouvoir s’occuper d’enfants de nouveau ou travailler pour un autre service de garde. Elle dit qu’elle ne serait pas capable de lire des livres aux enfants, car elle estime que son niveau de lecture est probablement équivalent à celui d’une élève de 3e année.

Janvier 2023 : La requérante a demandé d’être dirigée vers un psychiatre

[33] La requérante a reparlé à son médecin de famille en janvier 2023. Son humeur était triste, même si elle prenait des antidépresseursNote de bas de page 17. Elle voulait voir un psychiatre qu’elle avait vu il y a 10 ans. Elle a expliqué qu’elle s’était sentie mieux lorsqu’elle l’avait vuNote de bas de page 18. Elle a demandé à son médecin de famille de la diriger vers ce psychiatre.

[34] La requérante a expliqué qu’elle n’a pas eu besoin de voir le psychiatre avant 2023 parce qu’elle se portait relativement bien. Après 2021, elle ne ressentait pas la pression de faire un travail ordinaire.

[35] Selon les dossiers, la requérante ne semble pas avoir revu son médecin de famille ou discuté avec elle de ses problèmes de santé mentale après janvier 2023, sauf pour renouveler ses ordonnances en juin 2023 et en octobre 2023.

La requérante a commencé à voir un psychiatre à la mi 2023

[36] Le psychiatre a rédigé un rapport le 29 juin 2023. Il avait évalué la requérante le 21 juin 2023. Il a écrit : [traduction] « Elle a décrit son humeur comme étant triste, basse et elle se sent comme ça depuis quelques moisNote de bas de page 19 ». Il a également écrit que la requérante a passé la moitié de l’année en Floride avec son conjoint, que les deux étaient à la retraite et qu’elle a terminé sa 12e année. Il a posé un diagnostic de trouble dépressif majeur et de TDAH probable. Il lui a attribué un score de 55 à l’évaluation globale de fonctionnement.

[37] L’évaluation globale de fonctionnement mesure l’effet des symptômes d’une personne sur sa vie quotidienne sur une échelle de 0 à 100. Plus le score est élevé, plus la personne est capable de faire des activités quotidiennes. Un score de 51 à 60 semble indiquer des symptômes modérés ou une difficulté modérée dans le fonctionnement social, professionnel ou social [sic].

[38] Le psychiatre a ajusté certains des médicaments de la requérante. Ils ont parlé du besoin possible de counselling, dont ils discuteraient lors de visites futures. Rien n’indique que le psychiatre a abordé cette question à nouveau.

[39] La requérante affirme qu’elle a continué à voir le psychiatre deux fois par année, bien que dans son rapport médical du Régime de pensions du Canada, daté du 6 novembre 2023, le psychiatre ait noté qu’il l’avait vue quatre fois cette année-là. Je juge que rien ne dépend de cette divergence quant au nombre de fois où la requérante a consulté le psychiatre (deux ou quatre fois par an).

[40] La dernière visite de la requérante a eu lieu à la fin de 2024. Toutefois, il n’y a aucun rapport ou dossier médical du psychiatre après le 6 novembre 2023. (C’est probablement parce que la requérante et son conjoint se sont rendus au Texas pendant la moitié de l’année suivante, alors il y a eu peu de visites à la fin de 2023 ou en 2024.)

[41] Dans son rapport du 6 novembre 2023, le psychiatre a écrit que la requérante présentait une humeur dépressive, de l’hypersomnie, de la fatigue, une diminution de la concentration et de la mémoire à court terme, et une inquiétude excessive. Elle avait de la difficulté à entretenir des relations interpersonnelles et à participer à des activités de la vie quotidienne.

[42] Le psychiatre a diagnostiqué chez elle un trouble dépressif majeur. Il s’attendait à ce que son état de santé s’améliore en plus d’un an. Il s’attendait à ce qu’elle se rétablisse complètement une fois que sa médication est entièrement ajustée. Son humeur s’était améliorée et était stable depuis qu’il avait ajusté sa médication.

[43] Enfin, le psychiatre a souligné qu’il n’avait jamais discuté avec elle de la nécessité d’arrêter de travaillerNote de bas de page 20. Il n’a pas donné d’avis sur l’ensemble de ses capacités fonctionnelles et n’a pas précisé si elle était capable de travailler ou de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[44] À part avoir vu le psychiatre, la requérante n’a pas vu de psychologue ni de conseillère ou conseiller. Elle dit qu’elle n’en a pas eu les moyens.

La requérante affirme que les rapports du psychiatre sont remplis d’erreurs

[45] La requérante affirme qu’il y a beaucoup d’erreurs dans les rapports du psychiatre et qu’on ne devrait pas s’y fier. Elle affirme que le psychiatre a eu tort d’écrire ou de suggérer ce qui suit :

  • Son humeur s’est améliorée. (Elle nie toute amélioration. Elle fait remarquer qu’elle doit toujours prendre des antidépresseurs.)
  • Elle et son conjoint passent la moitié de l’année en Floride. (Elle nie avoir régulièrement passé la moitié de l’année en Floride ou au Texas. Elle dit qu’elle est allée au Texas une seule fois, pendant six mois. Elle dit qu’elle est allée en Floride une seule fois, pendant deux semaines. Elle affirme que son conjoint n’a plus les moyens de voyager pendant de longues périodes.)
  • Elle prend de la marijuana tous les jours. (Elle affirme qu’elle consomme de la marijuana seulement une fois tous les six ou sept mois.)

[46] La requérante affirme qu’elle consomme de la marijuana seulement au besoin. Elle nie en prendre régulièrement. Elle en prend pour se calmer, lorsque son niveau d’anxiété [traduction] « grimpe en flèche », comme lorsqu’il y a un problème familial ou que c’est le chaos. Elle a vécu un divorce. Le psychiatre a noté qu’une sœur avait des problèmes psychosociaux. Sa fille a déménagé. La requérante a aussi déménagé à l’extérieur de la province, ce qui a été particulièrement difficile selon elle. Elle s’est donc éloignée de sa famille, et elle se considère comme [traduction] « le roc de la famille ».

[47] La requérante a déclaré qu’il y a [traduction] « toujours quelque chose qui se passe » dans sa vie. Elle dit qu’elle ne peut pas contrôler son humeur et que sa tête tourne constamment. Elle dit qu’elle est incapable de fonctionner parce que la pression ou les demandes de faire quelque chose l’accablent.

[48] Même si elle a l’impression que sa vie est toujours chaotique, elle dit qu’elle n’a pas besoin de prendre de la marijuana régulièrement pour rester calme. Elle dit qu’elle peut habituellement compter sur les médicaments. Ils l’ont aidée la plupart du temps. Elle a seulement besoin de consommer de la marijuana lorsque son niveau d’anxiété est très élevé, car elle la trouve plus efficace que les antidépresseurs.

[49] Bref, la requérante laisse entendre qu’il faut préférer son témoignage aux rapports du psychiatre. Elle affirme que la preuve et l’avis du psychiatre ne sont pas fiables parce qu’ils sont fondés sur des erreurs de fait.

[50] Le psychiatre a pris des notes détaillées sur les antécédents de la requérante. Rien n’indique que le psychiatre était motivé à exagérer la fréquence ou la durée des voyages de la requérante dans le sud des États-Unis, ou la fréquence de sa consommation de marijuana. Je ne sais pas si la requérante n’avait pas été claire ou si le psychiatre l’a simplement mal comprise. Je ne vois cependant rien qui dépend nécessairement de ces éléments de preuve, car les voyages ou la consommation de marijuana ont eu lieu après la fin de la période minimale d’admissibilité.

Il n’y a aucun dossier ou rapport médical après janvier 2024

[51] Les dossiers donnent à penser que la requérante n’a pas vu son médecin de famille ni parlé avec elle depuis janvier 2023, à part lorsqu’elle a fait renouveler ses ordonnances en juin et en octobre 2023 (immédiatement avant de partir pour un voyage de six mois au Texas). En fait, son médecin de famille lui a dit en juin 2023 que le psychiatre devait renouveler ses ordonnances, car il assurait son suivi maintenantNote de bas de page 21.

[52] Malgré cela, en janvier 2024, la requérante a téléphoné à son médecin de famille pour obtenir un rapport. Le rapport ne traite pas de son fonctionnement, de ses limitations ou de son employabilitéNote de bas de page 22. Je trouve que ce rapport n’est pas très utile, car il ne fait que répéter ce que disent les dossiers cliniques.

[53] La seule plainte spécifique pour 2021 dans le rapport de 2024 du médecin de famille concerne la douleur au genou droit de la requérante, qui pourrait remonter à un accident de ski en 2010.

Le traitement médical actuel de la requérante

[54] En décembre 2024, la requérante et son conjoint ont emménagé dans une autre province. Elle n’a pas de médecin de famille pour le moment. Elle est sur une liste d’attente. En attendant, elle va à une clinique sans rendez-vous pour faire renouveler ses ordonnances. Elle dit qu’étant donné l’obligation de se faire diriger vers des spécialistes (par exemple, en psychiatrie) par une ou un médecin de famille, elle ne peut pas en consulter.

Autres problèmes médicaux

[55] La plupart des dossiers médicaux de 2021 et de 2022 portent sur le genou droit de la requérante. Celle-ci a subi une opération au genou en 2019. Elle a reçu une injection pour sa douleur au genou en juillet 2021. La requérante avait aussi des enflures et des douleurs à la cheville droite en juillet et en août 2022, et elle s’est blessée au pied gauche vers septembre 2022. La requérante affirme que ni son genou droit ni ses problèmes aux membres inférieurs ne sont pertinents pour sa demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Le témoignage du ministre : la Dre Woodend

[56] Le ministre a présenté une témoin, la Dre Woodend, pour qu’elle témoigne en son nom. La Dre Woodend est médecin de famille.

[57] La Dre Woodend a déclaré que la requérante avait probablement des limitations fonctionnelles au genou droit en janvier 2021. Par exemple, elle aurait probablement eu de la difficulté à changer de direction ou à pivoter à ce moment-là. Toutefois, la Dre Woodend ne s’attendait pas à ce que ces limitations soient à long terme. Elle a souligné qu’aucun des dossiers médicaux ne mentionnait une douleur au genou en 2022.

[58] La Dre Woodend a souligné que le dossier médical ne contenait aucun diagnostic officiel de TDAH, mais elle a convenu que la requérante avait probablement subi une évaluation psychoéducative lorsqu’elle était enfant. Autrement dit, elle a accepté que la requérante ait un TDAH.

[59] La Dre Woodend a déclaré que le TDAH peut avoir une incidence sur le rendement scolaire et la capacité d’apprendre. Elle est d’avis qu’il existe de nombreux traitements contre le TDAH, y compris la médication et la thérapie cognitivo-comportementale. Pour certaines personnes, l’augmentation de la posologie (dose) du médicament contre le TDAH peut être nécessaire. Elle est d’avis que ces médicaments ont tendance à être très efficaces pour remettre les gens sur la bonne voie.

[60] La Dre Woodend est également d’avis que le TDAH et les troubles d’apprentissage de la requérante étaient probablement gérables, même si celle-ci a affirmé le contraire. La requérante a fait des études secondaires (bien qu’elle conteste le fait qu’elle ait terminé sa 11e ou sa 12e année) et elle a été capable de suivre des cours par correspondance.

[61] La Dre Woodend a écrit que la requérante dirigeait aussi une garderie. Elle a également obtenu son permis de conduire. Pour ce faire, elle a dû réussir à la fois un examen écrit et un examen sur route. Toutefois, la requérante a déclaré qu’elle a pu les réussir uniquement grâce à une connaissance qui travaillait aux endroits où se déroulaient les tests de conduite. Elle affirme que cette personne a assoupli les exigences relatives à l’examen sur route. Elle affirme également qu’elle l’a aidée dans la partie écrite en lui lisant les questions. La requérante a reconnu qu’elle s’était préparée à l’examen écrit en lisant un guide d’étude sur le guide de l’automobiliste.

[62] La Dre Woodend a souligné qu’en 2021, la requérante faisait face à une dépression en plus de son TDAH. Elle a déclaré que ces deux problèmes de santé peuvent nuire à la concentration et à la cognition. La Dre Woodend a souligné que le médecin de famille de la requérante a ajouté Abilify pour renforcer l’effet d’un antidépresseur. Elle a également souligné qu’il est parfois prescrit pour emploi [traduction] « non indiqué sur l’étiquette » contre le TDAH. Autrement dit, il n’a pas été approuvé pour cette utilisation spécifique.

[63] La Dre Woodend a déclaré qu’avec ces types de médicaments, on s’attend à ce qu’une personne puisse présenter une légère amélioration de sa santé mentale en quelques semaines. Les effets complets ne se manifesteraient que six à huit semaines plus tard. La Dre Woodend était d’avis que les dossiers montraient que la requérante [traduction] « a en fait obtenu un très bon effet thérapeutiqueNote de bas de page 23 ». Elle a souligné qu’en juin 2021, le médecin de famille était d’avis que le médicament fonctionnait bien. Il [sic] n’avait pas l’intention de changer de médicament.

[64] La Dre Woodend a noté que les symptômes liés à l’humeur de la requérante sont réapparus après décembre 2021. On l’a constaté en mars 2022 et attribué au fait que la requérante avait cessé de prendre ses médicaments. Celle-ci a donc recommencé à prendre Effexor, puis Abilify a été ajouté plus tard. Cependant, les médicaments n’ont pas fonctionné aussi bien que la requérante l’avait souhaité. Elle a donc demandé à être dirigée vers le psychiatre qu’elle n’avait pas vu depuis des années.

[65] La Dre Woodend a noté que le psychiatre avait ajusté la médication de la requérante. Et au moment où il a rédigé son dernier rapport, les symptômes liés à l’humeur s’étaient quelque peu améliorés. Elle a également souligné que le psychiatre s’attendait à ce que la requérante se rétablisse complètement. Cependant, comme la requérante s’était absentée pendant six mois, la Dre Woodend n’a pas pu établir où elle se situait par rapport à l’augmentation de la posologie des médicaments.

[66] La Dre Woodend est d’avis que la requérante n’avait aucun problème de santé à la fin de sa période minimale d’admissibilité qui l’aurait rendue incapable de travailler. Si, comme la requérante le dit, elle avait des problèmes de santé mentale urgents, la Dre Woodend souligne que l’état de la requérante s’était amélioré avec la prise de médicaments, au point où elle estimait qu’elle n’avait plus besoin de les prendre. Sur le plan physique, la Dre Woodend n’a vu aucun problème.

La situation réelle de la requérante

[67] La définition d’une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada inclut le volet de l’employabilité. Ainsi, lorsque j’évalue la gravité de l’invalidité d’une personne, je dois aussi tenir compte de sa situation « réaliste ».

[68] Je dois donc tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience personnelle. En effet, ce genre de facteur touche à la portée de ce qui constitue une occupation véritablement rémunératrice pour la personne en question. Comme la Cour d’appel fédérale l’a établi dans la décision intitulée Villani, travailler dans le domaine de l’ingénierie ou de la médecine ne compte normalement pas parmi les attentes placées en une personne d’âge moyen qui a fait des études primaires et qui a des compétences limitées en français ou en anglais.

[69] En décembre 2021, la requérante avait 46 ans. Elle a fréquenté l’école secondaire, bien qu’il y ait des éléments de preuve contradictoires concernant la question du diplôme de 12e année. Elle a rempli un formulaire de demande et dit à son psychiatre qu’elle avait terminé sa 12e année. Sa mère lui a récemment dit qu’elle n’avait pas commencé sa 12e année. Le psychiatre de la requérante la décrit comme une personne d’intelligence moyenneNote de bas de page 24.

[70] La majeure partie de la vie professionnelle de la requérante consistait à diriger une garderie à domicile. Elle l’a dirigée pendant plus de 25 ans. Après avoir fermé son entreprise, elle a travaillé comme nettoyeuse. Mais elle l’a fait seulement pendant trois mois. Elle n’a pas travaillé depuisNote de bas de page 25. Elle n’a aucune autre expérience de travail récente. Il ne semble pas y avoir quoi que ce soit de remarquable ou d’important dans les expériences de vie de la requérante qui pourrait améliorer son employabilité.

[71] La requérante a moins d’options d’emploi en raison de ses études et de son expérience de travail. Cependant, elle a de l’expérience de travail et elle n’est pas près de l’âge de la retraite. Elle parle couramment l’anglais et est d’intelligence moyenne. Elle a répondu adéquatement aux questions. Elle était capable de bien s’exprimer.

[72] Les caractéristiques personnelles de la requérante donnent à penser que ses options d’emploi se limitent principalement à des emplois qui n’exigent pas d’études postsecondaires et qui ne demandent pas un niveau supérieur de lecture ou d’écriture.

La preuve ne démontre pas que la requérante avait une invalidité grave au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité

[73] La preuve indique que la requérante aurait pu continuer d’exploiter sa garderie à domicile si la pandémie n’avait pas eu lieu. La pandémie a entraîné une baisse des activités. De nouvelles lois et exigences ont compliqué la poursuite de l’exploitation de son entreprise.

[74] La fermeture de l’entreprise de la requérante n’était pas liée à ses problèmes de santé. Le TDAH, l’anxiété et la dépression de la requérante n’ont pas contribué à son incapacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice et n’en sont pas la cause. Ce sont des facteurs externes qui l’ont amenée à fermer son entreprise. En fait, la requérante a été capable de travailler avec le TDAH pendant plus de 25 ans. Et pendant une partie de ce temps, en plus de son TDAH, la requérante a fait face à de l’anxiété et à une dépression pour lesquelles elle a eu besoin de soins psychiatriques.

[75] La requérante affirme qu’elle est devenue gravement invalide à la fin de 2021, après avoir fermé sa garderie. La fermeture de son entreprise était une grosse perte parce qu’elle aimait vraiment s’occuper des enfants. Et elle dit qu’elle est devenue vraiment déprimée et anxieuse à la simple pensée de chercher du travail à nouveau. Elle dit qu’elle était incapable de se concentrer. Elle craignait que ses faibles capacités de lecture et d’écriture soient découvertes. Elle dit qu’en plus de son TDAH, son anxiété et sa dépression se sont tellement aggravées qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[76] La requérante a travaillé comme nettoyeuse après avoir cessé d’exploiter sa garderie. Elle dit qu’elle ne pouvait plus continuer après trois mois. Elle dit que travailler n’était plus sécuritaire, car elle ne pouvait pas se concentrer sur son travail.

[77] La requérante laisse entendre que le fait qu’elle n’a pas travaillé depuis décembre 2021 et qu’elle a été dirigée vers un psychiatre et l’a vu en 2023 signifie qu’elle était continuellement aux prises avec des problèmes de santé mentale depuis mai 2021. Cependant, le fait que la requérante ait finalement dû consulter un psychiatre pour se faire traiter et qu’elle n’ait pas travaillé depuis décembre 2021 ne signifie pas nécessairement que son invalidité était grave à la fin de 2021, même si, comme elle le dit, elle avait des problèmes de santé mentale.

[78] Il n’y a aucune preuve médicale pour la fin de 2021 qui montre toute incidence de l’anxiété et de la dépression, du TDAH ou des troubles d’apprentissage de la requérante sur ses capacités fonctionnelles et sa capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[79] La preuve montre que la requérante avait des problèmes de santé mentale dès mai 2021. Elle était malheureuse et avait des problèmes de concentration. Elle dormait beaucoup. Elle a commencé à prendre des médicaments ce mois-là.

[80] La preuve montre également qu’elle a réagi aux médicaments et que son anxiété et sa dépression se sont améliorées.

[81] En 2021, la requérante a consulté son médecin à trois reprises au sujet de ses problèmes de santé mentale : le 17 mai, le 27 mai et le 28 juin 2021.

[82] Après le 28 juin 2021, il n’y a aucune mention des problèmes de santé mentale de la requérante dans les dossiers médicaux jusqu’au début de mars 2022 (environ huit mois plus tard). Elle a cependant continué de voir son médecin de famille et d’autres spécialistes de la santé pour un bon nombre d’autres raisons, notamment pour se faire vacciner et passer un test cutané de dépistage de la tuberculose.

[83] Même si la requérante a vu son médecin de famille tout au long de 2021 et même si elle prétend qu’elle est devenue vraiment déprimée et anxieuse, et qu’elle avait des problèmes d’humeur et de concentration, elle n’a pas soulevé la question de sa santé mentale auprès de tout autre médecin plus tard cette année-là.

[84] Si, comme la requérante le prétend, son anxiété et sa dépression se sont vraiment aggravées vers la fin de 2021, on s’attendrait à ce qu’elle ait mentionné son humeur de nouveau lorsqu’elle a vu ses médecins à la fin de 2021.

[85] On comprend pourquoi la requérante n’a pas mentionné son humeur de nouveau au cours de la deuxième moitié de 2021. Lorsqu’elle a de nouveau mentionné son humeur, en mars 2022, elle a dit à son médecin qu’elle s’était sentie bien en 2021 lorsqu’elle prenait les médicaments. Elle lui a dit qu’elle ne les prenait plus depuis six moisNote de bas de page 26. Elle a cessé de les prendre, en partie à cause de leur coût, mais aussi parce que, comme elle l’a déclaré, elle pensait qu’elle n’avait plus besoin de les prendre.

[86] Même si la requérante avait consulté son médecin de famille à la fin de 2021, elle n’a pas mentionné à ce moment-là qu’elle estimait devoir recommencer à prendre des antidépresseurs. Le fait de ne pas le mentionner donne à penser que son anxiété et sa dépression ne devaient pas être aussi graves à la fin de 2021. Ce fait donne à penser que son anxiété et sa dépression se sont améliorées au point où ses problèmes de santé mentale ne nuisaient plus à ses capacités fonctionnelles à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[87] Il ne fait aucun doute que la santé mentale de la requérante a commencé à se détériorer après qu’elle a cessé de prendre les antidépresseurs. Cependant, la preuve médicale ne montre pas à quel moment elle a commencé à se détériorer, à quoi ressemblait cette détérioration et quel effet, si nécessaire, sa santé mentale a eu sur ses capacités fonctionnelles à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Je ne peux tout simplement pas déduire que la santé mentale de la requérante s’est détériorée au point où son invalidité était grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité, étant donné l’absence de preuve médicale traitant de ces problèmes à la fin de 2021.

[88] La requérante a vu son médecin une autre fois en 2022 pour son humeur, en juin. Le reste de l’année, ses autres visites concernaient surtout sa cheville droite et son pied gauche. À ce moment-là, elle avait recommencé à prendre des antidépresseurs.

[89] En janvier 2023, la requérante a demandé d’être dirigée vers un psychiatre. Elle dormait beaucoup, avait une inquiétude excessive ainsi que de potentiels sentiments de culpabilité et des idées suicidaires.

[90] Le psychiatre a rédigé deux rapports. Il a confirmé un diagnostic de trouble dépressif majeur. Dans l’un de ses rapports, il a exprimé l’avis que l’état de la requérante allait probablement s’améliorer et qu’elle pourrait se rétablir complètement une fois que sa médication serait complètement ajustée.

[91] La requérante soutient que je devrais accorder peu d’importance au rapport du psychiatre, car il est rempli d’erreurs. La requérante n’a pas vu le psychiatre en 2021 ou en 2022. Il n’a formulé aucun commentaire ni donné son avis sur l’état de santé de la requérante en 2021. Il affirme également qu’elle et lui n’ont jamais discuté de la question de savoir si elle devait cesser de travailler. Ainsi, les rapports et les avis du psychiatre sont d’une utilité limitée pour évaluer si la requérante avait une invalidité grave au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[92] La requérante soutient que, comme elle devait continuer à prendre des antidépresseurs, elle devait être atteinte d’une invalidité grave au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Ce fait montre qu’elle avait des problèmes de santé qu’il fallait régler. Cependant, la mesure de la gravité n’est pas fondée sur le fait qu’une personne prend des médicaments ou devrait en prendre.

[93] En fait, comme je l’ai mentionné plus haut, une personne a l’obligation d’essayer des traitements raisonnables. Il s’agit d’essayer d’améliorer son état de santé et de rétablir ou d’améliorer ses capacités fonctionnelles.

[94] La requérante était plutôt préoccupée par son genou droit pendant la majeure partie de 2021. Elle avait subi une intervention chirurgicale au genou et ressentait encore des douleurs lorsqu’elle était assise pendant une longue période, qu’elle prenait les escaliers et qu’elle s’accroupissaitNote de bas de page 27. Cependant, comme elle l’a dit dans son témoignage, la Dre Woodend ne s’attendait pas à ce que ces limitations durent une période longue. De plus, la Dre Woodend a noté qu’il n’y a pas eu d’autres plaintes de douleurs au genou en 2022, après que la requérante a reçu une injection de cortisone à son genou en juillet 2021.

[95] Même si la requérante minimise ses problèmes au genou droit, j’accepte ce que les dossiers disent à ce sujet. J’admets qu’elle avait des douleurs constantes au genou et des limitations probablement jusqu’en décembre 2021. Ces limitations comprenaient pivoter, s’asseoir pendant une période prolongée, prendre les escaliers et s’accroupir.

[96] J’admets également que la requérante a un TDAH et que ce trouble a quelque peu nui à sa capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, en ce sens qu’il a limité ses possibilités d’emploi. Comme la Dre Woodend l’a déclaré, le TDAH nuit au fonctionnement exécutif, ce qui nuit à l’apprentissage. Cependant, elle a également déclaré qu’il existe des options comme les stimulants et la thérapie cognitivo-comportementale qui, selon elle, sont généralement très efficaces pour remettre les gens sur la bonne voie. Ces options n’ont pas encore été explorées (bien que ce ne soit pas de la faute de la requérante).

[97] Le genou droit de la requérante et le TDAH ont tous deux nui à sa capacité de détenir certaines occupations véritablement rémunératrices, mais pas toutes. Même si elle avait certaines déficiences physiques et cognitives, compte tenu de sa situation réaliste et de ses caractéristiques personnelles, elle n’était pas incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice, comme celle de s’occuper d’enfants.

[98] La requérante dit que s’occuper d’enfants lui manque. Elle nie toutefois qu’elle puisse le refaire un jour. Selon elle, on s’attendrait à ce qu’elle fasse la lecture aux enfants et elle a de la difficulté à lire. C’est la seule limitation qu’elle a identifiée en lien avec son TDAH et ses troubles d’apprentissage. Cependant, celle-ci n’était pas un obstacle auparavant et rien ne porte à croire que les capacités de lecture ou le TDAH de la requérante se sont aggravés après 2021.

[99] La requérante a déclaré qu’elle jugeait que son niveau de lecture correspondait à celui d’une élève de 3e année. Ce serait un niveau approprié pour la lecture aux plus jeunes enfants. Autrement dit, ses compétences en lecture ne constitueraient pas un obstacle à ce type d’emploi.

[100] Cependant, la requérante affirme qu’elle était également responsable des enfants plus âgés à l’extérieur de la garderie. Elle a déclaré qu’elle s’en occupait avant le début des cours et après les cours. Cependant, il est peu probable que ce rôle de surveillante pour les élèves plus âgés demande de leur lire des livres d’histoires. (Et, comme le souligne le ministre, l’avancement de la technologie est tel qu’un ordinateur peut lire aux élèves au besoin.)

[101] À l’exception de la lecture, la requérante n’a souligné aucune autre limitation que son TDAH, ses troubles d’apprentissage ou son problème de genou auraient pu imposer à sa capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice (comme la garde d’enfants) avant la fin de sa période minimale d’admissibilité. J’ai également tenu compte du fait qu’elle souffrait d’une certaine anxiété et d’une dépression à la fin de 2021, ainsi que d’un TDAH, d’un trouble d’apprentissage et d’un problème de genou. Cependant, compte tenu des antécédents médicaux de la requérante, il est peu probable que l’anxiété et la dépression aient été suffisamment importantes pour contribuer de façon importante, voire du tout, à sa capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[102] Je souligne également que personne parmi les prestataires de soins de la requérante n’a jamais recommandé qu’elle cesse de travailler ni suggéré qu’elle était incapable de travailler.

[103] Compte tenu de l’ampleur limitée des limitations de la requérante et de ses caractéristiques personnelles, il se peut qu’il y ait eu et qu’il y ait toujours d’autres emplois de premier échelon ou des emplois comportant certaines exigences physiques qui conviennent à la requérante.

[104] Elle a déclaré qu’elle a cherché du travail sur Indeed notamment comme peintre ou préposée aux chambres d’hôtel. Toutefois, comme la requérante l’affirme, il y a peu d’emplois dans ces domaines actuellement.

[105] Bien que cela puisse être vrai, les tribunaux ont toujours affirmé que les conditions économiques ou les conditions du marché du travail ne sont pas pertinentes. L’invalidité au sens du Régime de pensions du Canada se rapporte à la capacité d’une personne de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 28, et non à celle de trouver un emploi adapté à ses limitations.

[106] Dans ce cas-ci, la requérante se plaint de limitations liées au TDAH et à des problèmes de santé mentale, plutôt que de limitations physiques. Elle a démontré sa capacité à participer au monde du travail malgré ses limitations liées à la lecture et à l’écriture et ses problèmes de santé mentale. Elle avait les mêmes limitations dans le passé, mais elle a réussi à les surmonter pendant une bonne partie de sa vie professionnelle.

[107] La requérante avait une capacité de travail résiduelle à la fin de 2021. Elle avait peu de limitations physiques et ses autres problèmes de santé n’étaient pas graves au point de la rendre régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[108] Lorsqu’une personne a une capacité de travail, elle doit démontrer qu’elle a essayé de trouver un emploi et de le garder, et que ses efforts ont échoué en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 29.

[109] Comme le souligne le ministre, il n’y a aucune preuve matérielle d’une recherche d’emploi ou d’efforts qui ont échoué. Le ministre soutient que la requérante semble se limiter elle-même en affirmant qu’il n’y a pas d’emploi disponible pour une personne comme elle, qui a de la difficulté à lire et à écrire et qui n’a pas terminé sa 12e année.

[110] La requérante a déclaré qu’elle envisageait de travailler comme préposée d’hôtel ou serveuse, mais que ces emplois demandent de la lecture. Elle dit qu’elle ne pourrait pas prendre de commandes, par exemple, parce qu’elle ne sait pas bien lire. Elle dit qu’elle est capable de peindre des maisons, mais que ce n’est pas un emploi à long terme ou que le travail n’est pas offert.

[111] J’admets que la requérante a effectué des recherches d’emploi sur différents sites Web et qu’elle a envisagé d’autres occupations que celle de la garde d’enfants. Elle a limité ses efforts parce qu’on l’a découragée de postuler ou d’envisager certaines possibilités d’emploi à cause de ses études et de ses capacités de lecture et d’écriture.

[112] Compte tenu de sa capacité résiduelle, je juge que ses efforts étaient insuffisants. La preuve ne démontre pas que la requérante était incapable de trouver un emploi et de le garder en raison de ses problèmes de santé.

Je n’ai pas à examiner si la requérante avait une invalidité prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité

[113] Une invalidité doit être à la fois grave et prolongée. La requérante n’a pas prouvé que son invalidité était grave au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Par conséquent, je n’ai pas à examiner si son invalidité était prolongée à ce moment-là.

Conclusion

[114] Les dossiers médicaux n’appuient tout simplement pas les arguments de la requérante selon lesquels son TDAH, son anxiété et sa dépression nuisaient à ses capacités fonctionnelles et sa capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité. En effet, la requérante a été régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice pendant plusieurs années avec un TDAH et des troubles d’apprentissage, et par moments, avec de l’anxiété et une dépression qui nécessitaient un traitement psychiatrique.

[115] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.