Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : CF c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 957

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : C. F.
Représentante ou représentant : David Edwards
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue le 3 mai 2024 par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : James Beaton
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 4 septembre 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 8 septembre 2025
Numéro de dossier : GP-24-1320

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, C. F., n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 42 ans. Le 31 juillet 2018, elle a eu un accident de voiture. Elle a subi un traumatisme crânien et a dû se faire opérer au fémur gauche et au talus droit (os de la cheville). Depuis l’accident, elle a des douleurs à la cheville droite, au dos et au cou. Au moment de l’accident, elle prenait du Cymbalta pour traiter l’anxiétéNote de bas de page 1. Avant l’accident, elle enseignait à l’école primaire. Elle n’a pas travaillé depuis l’accident.

[4] Le 30 mars 2023, l’appelante a demandé la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a donc porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Le ministre et l’appelante (qui était représentée par un avocat) ont présenté des observations détaillées (arguments) pour appuyer leur positionNote de bas de page 2. Les parties ont surtout parlé des éléments de preuve auxquels je devrais accorder la préférence. En effet, le dossier d’appel compte des milliers de pages. Certains des éléments de preuve indiquent que l’appelante est invalide. D’autres indiquent le contraire. J’ai examiné la preuve en portant une attention particulière aux éléments que les parties ont mentionnés dans leurs observations.

[6] En fin de compte, les éléments de preuve auxquels j’ai donné le plus d’importance m’ont mené à la conclusion que, selon la définition du Régime de pensions du Canada, l’appelante n’est pas invalide.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour gagner sa cause, l’appelante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2021 et de façon continue depuis cette date. La date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 3.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 4.

[10] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante pour voir leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi regarder son passé (y compris son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques et son expérience) pour avoir un portrait réaliste de sa situation et voir si son invalidité est grave. Si elle est régulièrement capable de faire un travail qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à la pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 5.

[12] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelante se rétablisse à une certaine date. Il faut plutôt s’attendre à ce que l’invalidité la tienne à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. En d’autres termes, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle est invalide.

Questions que je dois examiner en premier

Les parties ont déposé des documents après la date limite

[14] Les deux parties ont déposé des documents après la date limite. J’en ai refusé certains (GD7, GD8 et GD9) et j’en ai accepté un (GD10). J’ai expliqué pourquoi dans des lettres datées du 9 juin, du 13 juin et du 7 juillet 2025. J’ai permis au ministre de répondre au document GD10, déposé par l’appelante. Le ministre y a répondu (dans le document GD12).

Motifs de ma décision

[15] Je juge que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée de façon continue depuis au moins le 31 décembre 2021.

L’invalidité était-elle grave?

[16] En date du 31 décembre 2021, l’invalidité de l’appelante n’était pas grave. C’est ce que j’ai conclu après avoir examiné plusieurs éléments, que j’explique plus bas.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisaient à sa capacité de travail

[17] L’appelante fonde son appel sur un traumatisme crânien, de l’arthrose, des ostéophytes et des blessures au fémur droit, à la cheville droite, au sternum, aux côtes et au couNote de bas de page 6.

[18] Je ne peux toutefois pas m’arrêter à ses diagnosticsNote de bas de page 7. En fait, je dois surtout vérifier si elle a des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vie au plus tard le 31 décembre 2021Note de bas de page 8. Pour ce faire, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et évaluer leurs effets sur sa capacité de travailNote de bas de page 9.

[19] Je conclus que l’appelante avait des limitations fonctionnelles à la suite de l’accident de voiture du 31 juillet 2018.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[20] L’appelante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail depuis l’accident. Ce qu’elle dit au sujet de ses limitations se trouve dans sa demande (de mars 2023) et dans son témoignage (à l’audience, elle a lu une déclarationNote de bas de page 10). Voici ce qu’elle affirme :

  • Elle ne peut pas rester debout ou assise pendant plus de 10 minutes. Elle ne peut pas soulever les objets lourds. Elle a de la difficulté à atteindre ce qui se trouve au-dessus de sa tête, à emprunter l’escalier et à marcher sur une surface inégale.
  • Il y a deux ans, elle a emménagé dans un bungalow parce que c’est plus facile pour elle de se déplacer dans ce type de maison que dans une maison à deux étages. Son bungalow est aussi plus près de sa famille qui peut l’aider (et l’aide en effet) à s’occuper de ses enfants en bas âge.
  • Elle prend seulement une douche par semaine parce qu’elle doit se tenir en équilibre. Elle pense qu’elle manque d’équilibre.
  • Elle ne peut pas regarder un écran d’ordinateur très longtemps.
  • Même les jours où elle va bien, elle ne peut pas se concentrer pendant plus de 10 minutes sur des tâches simples.
  • Elle a une mauvaise mémoire. Elle se fie à des [traduction] « outils » pour se rappeler les choses.
  • Elle doit relire les choses pour comprendre l’information.
  • Elle a de la difficulté à apprendre de nouvelles choses, à comprendre les conversations et à s’exprimer, surtout quand elle est fatiguée ou stressée.
  • Sa capacité à composer avec le changement est faible.
  • Elle a de la difficulté à prendre des décisions.
  • Elle est nerveuse dans une foule parce qu’elle doute de sa [traduction] « capacité à réagir à un imprévu ou à une situation d’urgenceNote de bas de page 11 ».

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[21] L’appelante doit fournir des éléments de preuve médicale qui démontrent que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travail au plus tard le 31 décembre 2021Note de bas de page 12.

[22] Comme je l’ai mentionné plus haut, le dossier d’appel contient un très grand nombre d’éléments de preuve médicale. Il serait peu pratique et peu utile de résumer le tout ici. Certains éléments appuient la position de l’appelante tandis que d’autres ne l’appuient pas. Les deux parties ont reconnu ce fait et sont d’avis que je devrais préférer certains éléments.

[23] Parmi les éléments de preuve mentionnés par l’une des parties ou par les deux, j’ai décidé d’accorder le plus d’importance à une série de rapports d’examen produits pour une compagnie d’assurance dès mai et juin 2021Note de bas de page 13. En effet, ces rapports sont :

  • détaillés — ils présentent des expertises en neuropsychologie (la Dre Ladowsky-Brooks), en psychiatrie (le Dr Sivasubramanian), en ergothérapie (Mme Hisey), en neurologie (le Dr Moddel) et en orthopédie (la Dre Auguste);
  • fiables — après avoir mené leur examen, chaque personne a expliqué le fondement de ses conclusions (une combinaison d’observations directes, d’entrevues, de tests et de revue des documents disponibles);
  • les plus chronologiquement pertinents — ils datent d’après la chirurgie que l’appelante a subie à la cheville droite en mars 2021 (qui a atténué ses douleurs et amélioré son amplitude de mouvement) et des alentours de décembre 2021Note de bas de page 14.

[24] Le représentant de l’appelante m’a invité à écarter le rapport du Dr Sivasubramanian parce qu’il était erroné et constituait [traduction] « une anomalie » incompatible avec d’autres rapports, comme ceux de la Dre Rockman (la neuropsychologue qui a évalué l’appelante en octobre 2020Note de bas de page 15) et de la Dre Quinn (la psychiatre qui l’a évaluée en décembre 2020Note de bas de page 16). Il a souligné que l’examen du Dr Sivasubramanian a duré à peine 50 minutes, tandis que l’évaluation de l’ergothérapeute, Mme Hisey, a duré, par exemple, près de 3 heures.

[25] Je juge ces arguments peu convaincants, et ce, pour deux raisons.

[26] Premièrement, l’examen du Dr Sivasubramanian a eu lieu des mois après ceux de la Dre Rockman et de la Dre Quinn. Il est tout à fait possible que l’état de santé de l’appelante ait évolué entre-temps, ce qui aurait poussé le Dr Sivasubramanian à tirer des conclusions différentes de celles des personnes ayant mené les examens précédents. C’est l’une des raisons pour lesquelles je préfère les rapports produits aux alentours de décembre 2021, comme ceux du Dr Sivasubramanian.

[27] Deuxièmement, je ne vois rien dans le rapport du Dr Sivasubramanian qui indique que son examen n’était pas approfondi. Un examen de 50 minutes ne m’apparaît pas trop court. L’appelante n’a fourni aucune preuve provenant d’une ou d’un autre psychiatre qui confirmerait qu’un examen psychiatrique doit durer plus de 50 minutes pour être fiable. Elle n’a pas dit non plus que l’examen du Dr Sivasubramanian lui avait semblé précipité.

Pourquoi je n’ai pas tenu compte de certains éléments de preuve

[28] J’ai déjà expliqué pourquoi je me suis appuyé sur les rapports d’examen faits pour la compagnie d’assurance. Je vais maintenant parler de certains éléments de preuve précis que je n’ai pas pris en compte.

[29] Selon le représentant de l’appelante, je devrais m’en remettre à une série d’évaluations de la déficience invalidante (y compris celles faites par la Dre Rockman et la Dre Quinn) effectuées de juillet à décembre 2020Note de bas de page 17. Je n’en ai pas tenu compte, car elles sont trop éloignées de décembre 2021 comparativement aux rapports d’examen produits pour les compagnies d’assurance.

[30] Le représentant m’a aussi suggéré de me fier aux rapports de Mme Bogensberger et de Mme Antao, deux ergothérapeutes.

[31] Je n’ai pas tenu compte des rapports de Mme Bogensberger parce qu’ils datent d’août 2020 (avant que l’appelante soit opérée à la chevilleNote de bas de page 18), de février 2023Note de bas de page 19 et de juin 2024Note de bas de page 20 (soit bien après décembre 2021).

[32] J’ai écarté les rapports de Mme Antao pour les raisons suivantes :

  • Son rapport d’avril 2021 était fondé sur un examen effectué le 30 mars, quand l’appelante en était encore aux premiers stades de son rétablissement après avoir été opérée à la cheville le 5 mars.Note de bas de page 21
  • Son rapport de juin 2021 repose seulement sur une évaluation virtuelle de l’appelanteNote de bas de page 22. En revanche, le rapport d’ergothérapie de Mme Hisey, qui date à peu près de la même époque, était fondé sur une évaluation qui a eu lieu en personne au domicile de l’appelante. Je crois donc que Mme Hisey était mieux placée que Mme Antao pour observer le fonctionnement de l’appelante au quotidien.
  • Son rapport de mars 2022 ne mentionne pas clairement le nombre de fois ni les dates où elle a évalué l’appelante. Le rapport indique simplement que l’appelante a eu des [traduction] « rencontres virtuelles » avec Mme Antao de juin 2021 à mars 2022Note de bas de page 23. Elles auraient pu avoir lieu avant ou après décembre 2021 ou les deux.

Éléments de preuve dont j’ai tenu compte

[33] J’ai expliqué pourquoi je préfère certains éléments de preuve à d’autres. Je vais maintenant me pencher sur ce que disent les éléments sur lesquels je m’appuie.

[34] La Dre Ladowsky-Brooks (neuropsychologue) a évalué les capacités cognitives de l’appelante. Elle a conclu que cette dernière aurait probablement de la difficulté à composer avec l’enseignement en classe. D’un point de vue objectif, cependant, son rapport décrit peu de limitations. L’appelante a obtenu une note parfaite à un test de dépistage des troubles cognitifsNote de bas de page 24. Alors qu’elle commentait d’autres tests, la Dre Ladowsky-Brooks a écrit (c’est moi qui souligne en grasNote de bas de page 25) :

[traduction]
[…] on pourrait décrire ses capacités cognitives comme se situant principalement dans la fourchette moyenne à élevée, mais il y avait quand même des problèmes de mémoire subtils lors des tests de rappel, comme [l’apprentissage] après une seule présentation et l’apprentissage accidentel, ainsi que le rappel différé. Elle présentait aussi un léger problème de reproduction des images, ce qui laisse croire à un manque d’attention aux détails.

[35] Le représentant de l’appelante a souligné que la Dre Ladowsky-Brooks considérait que la façon dont l’appelante décrivait ses symptômes subjectifs était crédible. Il est vrai que la Dre Ladowsky-Brooks a fait remarquer que [traduction] « ses plaintes sur la déficience cognitive sont jugées crédiblesNote de bas de page 26 ». Cette déclaration est cependant générale. Ses conclusions confirment tout de même l’existence de limitations légères et très précises, mais sans plus.

[36] Le Dr Sivasubramanian (psychiatre) a évalué la santé mentale de l’appelante. Il a écrit que l’appelante gérait ses médicaments et ses finances par elle-même, qu’elle fréquentait régulièrement d’autres personnes et qu’elle continuait de lire pour le plaisir. Elle ne s’était pas plainte d’une grosse insomnie. Elle avait peur d’être assise du côté passager d’un véhicule, mais était capable de conduire seule. Il n’a observé aucune difficulté à trouver les mots ou à soutenir une conversation. Il a conclu qu’elle souffrait d’une légère anxiété et d’une très légère dépression, ce qui entraînait de légères déficiences liées à la concentration et à l’exécution de tâches, mais aucun déficit lié à la gestion des relations interpersonnelles. Elle a dit être quelque peu irritable, mais ce n’était pas suffisant pour émettre un diagnostic cliniqueNote de bas de page 27.

[37] Mme Hisey (ergothérapeute) a regardé si l’appelante était capable d’accomplir les tâches du quotidien. L’appelante a démontré une [traduction] « force fonctionnelle » et une [traduction] « amplitude de mouvement fonctionnelle », sauf à la cheville droite. Elle restait assise par tranches de 30 minutes (durant l’évaluation de 2, 5 heures au total) et marchait par tanches de 22 minutes (en boîtant légèrement, mais sans aide à la mobilité). L’appelante disait pouvoir se tenir debout pendant 30 minutes. Elle pouvait se tenir en équilibre sur le pied gauche, mais pas sur le droit. Elle a mentionné qu’elle était irritable et voyait ses amies moins souvent en personne. Elle a dit à Mme Hisey que son mari faisait alors 90 % des tâches ménagères. Le rapport ne précise toutefois pas le pourcentage de tâches ménagères dont son mari s’occupait avant l’accidentNote de bas de page 28.

[38] Le Dr Moddel (neurologue) a vérifié si le système nerveux de l’appelante était un facteur potentiel de douleur et de dysfonctionnement. Il a écrit : [traduction] « Durant l’examen d’aujourd’hui, le seul symptôme neurologique auquel on peut conclure sans l’ombre d’un doute est l’implication du nerf plantaire externe [au pied droit]. Les maux de tête sont vasculaires et dus à la tension. Ils peuvent aussi présenter une composante liée à la céphalée d’origine médicamenteuse. Les douleurs au cou, à l’épaule et au dos sont de nature musculaireNote de bas de page 29. »

[39] L’information n’est pas mentionnée dans le rapport du Dr Moddel ni même dans la demande de l’appelante, mais celle-ci a dit à la Dre Ladowsky-Brooks qu’utiliser un ordinateur lui donne mal à la têteNote de bas de page 30.

[40] La Dre Auguste (spécialiste en orthopédie) a évalué l’appareil locomoteur de l’appelante. Elle a remarqué que l’appelante boitait légèrement, mais qu’elle n’avait pas besoin d’une aide à la mobilité. L’amplitude de mouvement au pied droit était limitée. Elle avait des douleurs quand elle atteignait le maximum de son amplitude de mouvement aux vertèbres cervicales (cou) et lombairesNote de bas de page 31 (bas du dos).

[41] En plus de ces rapports, j’accorde de l’importance à une note clinique rédigée le 5 mars 2022 par une médecin de familleNote de bas de page 32. C’est le premier élément de preuve médicale qui date d’après 2021 et que les deux parties ont mentionné. Selon cette note, l’appelante se sentait [traduction] « très déprimée et sans espoir » depuis un mois. Elle n’avait aucune motivation et n’allait pas bien. La médecin a recommandé une plus petite dose de Cymbalta et l’ajout d’un autre médicament. Cette information confirme que la santé mentale de l’appelante s’est dégradée après décembre 2021. Avant, elle gérait assez bien ses symptômes avec le Cymbalta, qu’elle prenait depuis environ une décennieNote de bas de page 33.

Résumé des limitations fonctionnelles de l’appelante

[42] En résumé, la preuve médicale confirme qu’en date du 31 décembre 2021, les limitations fonctionnelles de l’appelante étaient surtout de nature physique :

  • position assise : pas plus de 30 minutes à la fois (si elle prenait des pauses, elle pouvait rester assise plus longtemps);
  • position debout : pas plus de 30 minutes à la fois;
  • marche : pas plus de 20 minutes à la fois;
  • ne peut pas marcher sur des surfaces inégales (y compris les escaliers);
  • ne peut pas soulever les objets lourds;
  • ne peut pas aller chercher ce qui se trouve au-dessus de sa tête.

[43] L’appelante avait de légères difficultés à se souvenir des choses, à se concentrer et à accomplir des tâches. Elle était plus ou moins irritable. L’usage d’un ordinateur lui donnait mal à la tête.

[44] La preuve médicale confirme que ses limitations nuisaient à sa capacité de travailler comme enseignante. Par exemple, elle ne pouvait pas travailler debout devant une classe pendant toute la journée.

[45] Je dois maintenant décider si l’appelante est régulièrement capable de faire un autre type de travail. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 34.

L’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste

[46] Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je ne peux pas m’arrêter à ses problèmes de santé et à leurs répercussions sur ses capacités. Je dois aussi tenir compte de caractéristiques comme :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[47] Ces éléments m’aident à décider si elle est capable de travailler dans un contexte réaliste, c’est-à-dire s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 35.

[48] Je conclus que l’appelante était encore capable de travailler en date du 31 décembre 2021. Toutes ses caractéristiques personnelles sont des points positifs. Elle est jeune (38 ans à la fin de 2021) et elle a fait des études universitaires. Elle parle bien les deux langues officielles du Canada. Elle a une dizaine d’années d’expérience comme enseignanteNote de bas de page 36.

[49] Les limitations fonctionnelles de l’appelante étaient surtout physiques et ne l’auraient pas empêchée de faire un travail sédentaire. Elle avait seulement de légères difficultés à se souvenir des choses, à se concentrer et à accomplir des tâches. Elle était irritable, mais quand même capable d’entretenir des relations interpersonnelles. Elle pourrait donc se comporter de façon professionnelle dans un milieu de travail. L’usage d’un ordinateur lui donne mal à la tête, mais elle a aussi déclaré qu’elle en utilise encore unNote de bas de page 37. Elle pourrait donc avoir un emploi qui implique de passer un certain temps à l’ordinateur.

L’appelante n’a pas essayé de trouver et de conserver un emploi convenable

[50] Si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste, elle doit démontrer qu’elle a essayé de trouver et de garder un emploi convenable. Elle doit aussi démontrer que ses efforts ont échoué en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 38. Trouver et garder un emploi convenable, c’est aussi se recycler ou chercher un emploi qui respecte ses limitations fonctionnellesNote de bas de page 39.

[51] L’appelante n’a pas essayé de travailler depuis l’accident. Elle s’est toutefois inscrite à deux formations : l’une en 2020 et l’autre en mars ou en avril 2021Note de bas de page 40. Je lui ai demandé plus de renseignements sur celles-ci.

[52] La première formation était dans le domaine des [traduction] « études autochtones canadiennes ». Son ergothérapeute de l’époque l’a encouragée à s’y inscrire. L’appelante espérait pouvoir intégrer le sujet dans la matière qu’elle enseignait. Les activités de formation s’effectuaient toutes en ligne : regarder des vidéos, lire des documents et remettre des travaux. La majeure partie de la formation se faisait à rythme libre. L’appelante a abandonné la formation avant de terminer le premier module.

[53] La deuxième formation se donnait aussi en ligne, mais pas à rythme libre. C’était un cours de perfectionnement professionnel en enseignementNote de bas de page 41. Elle a décidé par elle-même de s’y inscrire, toujours dans l’espoir que cela lui serait utile pour son travail d’enseignante. Elle a abandonné la formation au cours de la première semaine.

[54] J’ai demandé à l’appelante pourquoi elle n’avait pas été capable de suivre ces formations. Durant son témoignage, elle a expliqué qu’elle [traduction] « n’y arrivai[t] tout simplement pas » en raison d’un brouillard cérébral. Plus précisément, elle n’arrivait pas à appliquer ce qu’elle avait appris quand elle faisait ses travaux.

[55] Cette situation concorde avec ce que l’appelante a dit à la Dre Ladowsky-Brooks (qu’elle avait [traduction] « de la misère à lire et à utiliser l’information pour formuler une réponseNote de bas de page 42 »). Pourtant, la Dre Ladowsky-Brooks a justement évalué sa capacité à retenir l’information qu’elle lisait. Les pires résultats de l’appelante étaient [traduction] « adéquats » ou « dans la moyenne inférieureNote de bas de page 43 ». La Dre Ladowsky-Brooks a conclu que l’appelante ne pouvait pas faire un travail comparable à l’enseignement. [Elle] a cependant ajouté que l’appelante n’était pas incapable de faire tout type de travailNote de bas de page 44.

[56] Le fait que l’appelante n’ait pas pu suivre deux formations de niveau universitaire est certainement frustrant pour elle, surtout qu’elle avait réussi à terminer un programme universitaire avant son accident. Mais cela ne démontre pas qu’elle est incapable de faire tout genre de travail. Elle a l’éducation nécessaire pour faire un travail qui ne l’obligerait pas à se recycler ou qui n’exigerait pas les mêmes capacités cognitives que l’enseignement. Elle n’a pas essayé de faire un tel travail.

[57] Voilà pourquoi je ne peux pas conclure que l’appelante avait une invalidité grave au plus tard le 31 décembre 2021.

Conclusion

[58] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité n’était pas grave en date du 31 décembre 2021. Étant donné ma conclusion sur la gravité de l’invalidité, il n’était pas nécessaire de vérifier si elle était prolongée.

[59] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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