Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli, la décision du conseil arbitral datée du 8 mai 2013 est annulée, et l’appel de l’intimé devant le conseil arbitral est rejeté.

Introduction

[2] Le 8 mai 2013, le conseil arbitral a déterminé que :

  • L’intimé était fondé à quitter son emploi, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi).

[3] L’appelante a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 15 mai 2013. La permission d’en appeler a été accordée par la division d’appel le 30 juillet 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • La complexité de la question ou des questions portées en appel ;
  • Le fait que l’on ne prévoit pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales.
  • Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires.
  • L’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[5] L’appelante, représentée par Carol Robillard, prit part à l’audience. L’intimé n’a pas participé à l’audience bien qu’il ait reçu l’avis d’audience le 28 septembre 2015.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) prévoit que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) le conseil arbitral a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ; ou
  3. c) le conseil arbitral a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis des erreurs de fait et de droit lorsqu’elle a conclu que l’intimé était fondé à quitter son emploi, selon des articles 29 et 30 de la Loi.

Arguments

[8] L’appelante fait valoir les arguments suivants à l’appui de son appel :

  • le critère juridique pertinent et la question que le conseil aurait dû trancher étaient à savoir si l’intimé n’avait aucune autre solution que de quitter son emploi quand il le fit ;
  • le conseil erra aussi en concluant que l’intimé était fondé à quitter son emploi, car il était dans l’obligation de prendre soin d’un proche parent ;
  • la Cour d’appel fédérale a confirmé que de manière à prouver la justification selon l’alinéa 29c)(v) de la Loi, la preuve doit démontrer qu’il était nécessaire pour l’intimé de personnellement donner les soins et qu’il n’avait pas aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi de manière à le faire ;
  • en l’espèce, la preuve ne confirme pas qu’il y avait une maladie grave d’un proche parent et que c’était nécessaire pour l’intimé de prodiguer des soins. L’intimé voulait être présent pour offrir un soutien moral à sa copine durant une période difficile, ce qui peut avoir été un bon choix personnel, mais ce qui n’est pas suffisant pour établir une justification au sens de l’alinéa 29c)(v) de la Loi ;
  • de plus, le fait que l’intimé était fatigué des voyages après seulement cinq mois dans son poste en Alberta ne constitue pas une justification après une période raisonnable d’absence de sa famille selon l’alinéa 29c) de la Loi ;
  • une application adéquate du critère juridique pour la justification prévue à l’alinéa 29c) de la Loi pour les faits de cette affaire mène à une conclusion raisonnable que l’intimé avait comme solution de demeurer employé, soit par un congé autorisé ou en continuant de voyager entre l’Alberta et la Nouvelle-Écosse jusqu’à ce qu’il ait trouvé un autre emploi près de son domicile en Nouvelle-Écosse ;
  • L’appelante sollicite respectueusement la décision de la division d’appel, décision qui devrait être celle que le comité d’arbitrage aurait dû rendre, conformément au paragraphe 59(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[9] L’intimé n’a présenté aucun argument concernant l’appel.

Normes de contrôle

[10] L’appelante soutient que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle du caractère raisonnable – Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

[11] L’intimé n’a pas fait d’observations concernant la norme de contrôle applicable.

[12] Le Tribunal reconnaît que la Cour d’appel fédérale a établi que la norme de contrôle applicable à la décision d’un conseil arbitral ou d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte (Martens c. Canada [P. G.], 2008 CAF 240), et que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et de droit est celle de la décision raisonnable (Canada [P.G.] c. Hallée, 2008 CAF 159).

Analyse

[13] Le Tribunal a tenu l’audience en l’absence de l’intimé, puisqu’il estimait que ce dernier avait reçu l’avis d’audience le 28 septembre 2015, conformément au paragraphe 12(1) du Règlement du Tribunal de la sécurité sociale.

[14] À savoir si une personne était fondée à quitter volontairement un emploi dépend s’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter considérant toutes les circonstances incluant les multiples circonstances spécifiques énumérées à l’article 29 de la Loi. Le fardeau de la preuve pour établir la justification repose sur l’intimé.

[15] En l’espèce, le conseil d’arbitrage a négligé d’appliquer le critère juridique et de se demander si l’intimé, après avoir considéré toutes les circonstances, n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Par conséquent, le critère n’a pas été appliqué et interprété correctement.

[16] Le Tribunal est donc justifié d’intervenir et de rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre dans cette affaire.

[17] Les éléments de preuve déposés auprès du conseil d’arbitrage démontrent que l’intimé quitta son emploi parce que sa copine habite en Nouvelle-Écosse et qu’elle ne voulait pas repartir avec lui en Alberta. Après le décès de sa grand-mère au début décembre 2012, sa copine avait de la difficulté à faire son deuil ; il décida de quitter son emploi pour rester au Cap Breton et de lui donner du soutien moral. Il n’est pas marié à sa copine, ne vit pas dans la même résidence et ils ne sont pas en union de fait (pièce AD2-17).

[18] L’intimé n’a pas fait la demande à son employeur pour un congé autorisé et il n’était pas en congé autorisé, car il démissionna avant le retour de ses journées de congé après sa dernière rotation du personnel. Il cherchait du travail au Cap Breton avant de démissionner, mais il n’avait pas trouvé d’emploi avant de quitter celui-ci. Il voulait rester en Nouvelle-Écosse pour être présent pour sa copine et lui donner du soutien moral et il était fatigué de faire les allers-retours entre l’Alberta et la Nouvelle-Écosse alors il quitta son emploi (pièce AD2-17).

[19] Le Tribunal constate que la preuve déposée auprès du conseil ne démontre pas qu’il y avait une obligation de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent et qu’il était nécessaire que l’intimé prodigue des soins. L’intimé voulait revenir à la maison et offrir un soutien moral à sa copine durant une période difficile, ce qui peut avoir été un bon choix personnel, mais ce qui n’est pas suffisant pour établir une justification au sens de l’alinéa 29c)(v) de la Loi ;

[20] Aussi louables que puissent être les intentions de l’intimé, le conseil a eu tort d’y prendre appui pour infirmer la décision de la défenderesse. La Cour d’appel fédérale a réitéré, à plusieurs occasions, que de quitter son emploi pour améliorer sa situation ne constitue pas une justification au sens de l’alinéa 28c) de la Loi - Canada (PG) c. Richard, 2009 CAF 122.

[21] Une application adéquate du critère juridique pour la justification prévue à l’alinéa 29c) de la Loi, pour les faits de cette affaire, mène à une conclusion raisonnable que l’intimé avait comme solution de demeurer employé, soit par un congé autorisé ou en continuant de voyager entre l’Alberta et la Nouvelle-Écosse jusqu’à ce qu’il ait trouvé un autre emploi près de son domicile en Nouvelle-Écosse.

Conclusion

[22] L’appel est accueilli, la décision du conseil arbitral datée du 8 mai 2013 est annulée, et l’appel de l’intimé devant le conseil arbitral est rejeté.

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