Assurance-emploi (AE)

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Comparutions

Mme J. B., la prestataire, a participé par téléphone.

Décision

[1] Le membre constate que la prestataire était à l’étranger du 1er au 5 avril 2013 ainsi que du 18 au 23 avril 2013 et qu’elle n’était donc pas admissible au bénéfice des prestations pendant ces deux périodes.

Introduction

[2] Le 10 avril 2013, la prestataire a présenté une demande de prestations régulières, laquelle a pris effet le 31 mars 2013.

[3] Le 15 avril 2013, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a déterminé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations pour les périodes du 1er au 5 avril 2013 et du 18 au 23 avril 2013.

[4] Le 26 avril 2013, la prestataire a demandé que la décision de la Commission soit réexaminée. Le 29 mai 2013, la Commission a informé verbalement la prestataire que pendant qu’elle était en vacances à l’étranger, elle n’avait pas droit aux prestations et que, par conséquent, elle confirmait sa décision.

[5] Le 6 juin 2013, la prestataire a interjeté appel devant la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[6] Le 20 juin 2013, le membre a avisé la prestataire de son intention de rejeter l’appel de façon sommaire. La prestataire a été invitée à présenter des observations par écrit pas plus tard que le 19 juillet 2013.

[7] Le 11 juillet 2013, la prestataire a présenté d’autres observations et, le 31 juillet 2013, elle a été avisée que son appel ferait l’objet d’une audience.

Mode d'audience

[8] Après avoir examiné les éléments de preuve et les observations des parties visées par l’appel, le membre a décidé de tenir l’audience dans le cadre d’une conférence téléphonique pour les motifs indiqués dans l’avis d’audience daté du 31 juillet 2013.

Question en litige

[9] Il s'agit de déterminer si la prestataire doit être déclarée non admissible au bénéfice des prestations en vertu de l'article article 37 de la Loi sur l’assurance emploi (la Loi) et de l'article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi (le Règlement) parce qu'elle était à l'étranger.

Droit Applicable

[10] L'alinéa 37b) de la Loi indique que le prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est à l'étranger.

[11] Le paragraphe 50 de la Loi précise que tout prestataire qui ne remplit pas une condition ou ne satisfait pas à une exigence prévue par le présent article n'est pas admissible au bénéfice des prestations tant qu'il n'a pas rempli cette condition ou satisfait à cette exigence.

[12] En vertu du paragraphe 50(10) de la Loi, la Commission peut suspendre ou modifier les conditions ou exigences de l'article 50 chaque fois que, à son avis, les circonstances le justifient pour le bien du prestataire.

[13] L'article 55 du Règlement indique que, sous réserve de l'article 18 de la Loi, le prestataire n'est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu'il est à l'étranger pour l'un des motifs suivants :

  1. a) subir, dans un hôpital, une clinique médicale ou un établissement du même genre situés à l'étranger, un traitement médical qui n'est pas immédiatement ou promptement disponible dans la région où il réside au Canada, si l'établissement est accrédité pour fournir ce traitement par l'autorité gouvernementale étrangère compétente;
  2. b) assister, pendant une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs, aux funérailles d'un proche parent ou des personnes suivantes :
    1. (i) un de ses grands-parents, ou un des grands-parents de son époux ou conjoint de fait,
    2. (ii) un de ses petits-enfants, ou un des petits-enfants de son époux ou conjoint de fait,
    3. (iii) l'époux ou le conjoint de fait de son enfant, ou de l'enfant de son époux ou conjoint de fait,
    4. (iv) l'époux ou le conjoint de fait de l'enfant de son père ou de sa mère, ou de l'enfant de l'époux ou du conjoint de fait de son père ou de sa mère,
    5. (v) l'enfant du père ou de la mère de son époux ou conjoint de fait, ou l'enfant de l'époux ou du conjoint de fait du père ou de la mère de son époux ou conjoint de fait,
    6. (vi) son oncle ou sa tante, ou l'oncle ou la tante de son époux ou conjoint de fait,
    7. (vii) son neveu ou sa nièce, ou le neveu ou la nièce de son époux ou conjoint de fait;
  3. c) accompagner, pendant une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs, un proche parent à un hôpital, une clinique médicale ou un établissement du même genre situés à l'étranger pour un traitement médical qui n'est pas immédiatement ou promptement disponible dans la région où ce parent réside au Canada, si l'établissement est accrédité pour fournir ce traitement par l'autorité gouvernementale étrangère compétente;
  4. d) visiter, pendant une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs, un proche parent qui est gravement malade ou blessé;
  5. e) assister à une véritable entrevue d'emploi pour une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs;
  6. f) faire une recherche d'emploi sérieuse pour une période ne dépassant pas 14 jours consécutifs.

Preuve

[14] La prestataire a présenté une demande de prestations régulières, qui est entrée en vigueur le 31 mars 2013, et a ensuite touché des prestations.

[15] La Commission a déclaré la prestataire non admissible au bénéfice des prestations pour les périodes du 1er au 5 avril 2013 et du 18 au 23 avril 2013.

[16] Les éléments de preuve non contestés ont permis d’établir que la prestataire avait planifié à l’avance des vacances en Floride du 1er au 5 avril 2013 et que, à l’occasion du 95e anniversaire de naissance de sa grand-mère, elle était retournée en Floride et y était restée du 18 au 23 avril 2013.

[17] Lors de l’audience, la prestataire a déclaré que ses premières vacances avaient été réservées un an à l’avance et qu’elle ne prévoyait pas être en chômage puisque son contrat devait être renouvelé en novembre 2013. Son deuxième voyage a été organisé à la dernière minute, et elle a profité du fait qu’elle était en chômage, que son horaire le lui permettait et que c’était l’anniversaire de sa grand-mère.

[18] La prestataire a affirmé qu’elle était disponible pour travailler au Canada puisqu’elle avait continué à faire des recherches en vue de trouver un emploi, à établir des contacts par courriel et à faire des demandes d’emploi pendant qu’elle était en Floride. Elle a déclaré qu’elle était prête et disposée à retourner au travail et qu’elle était capable de le faire.

[19] La prestataire a signalé qu'elle comprenait qu'elle avait été déclarée non admissible au bénéfice des prestations en vertu de l'alinéa 37b) et que les exceptions énumérées à l'article 55 du Règlement ne s'appliquaient pas à sa situation. Cependant, elle a soutenu que la Commission avait appliqué l'alinéa 37b) au sens strict en concluant qu'elle n'était « pas au Canada physiquement » [Traduction]. La prestataire a toutefois affirmé qu'elle « était, en pratique, présente et au Canada » [Traduction] et qu'elle satisfaisait aux exigences de la Loi.

Observations

[20] La prestataire a affirmé ce qui suit :

  1. Dans sa décision du 13 juin 2013, la Commission a appliqué l'article 37 de la Loi au sens strict et a cité des décisions faisant jurisprudence qui ne s'appliquent pas à sa situation puisqu'elle n'a jamais invoqué l'argument selon lequel sa situation était visée par l'une ou l'autre des exceptions énumérées à l'article 55 du Règlement. Au contraire, elle n'a pas besoin de se prévaloir d'une exception prévue à l'article 55 du Règlement puisque, en fait, elle satisfaisait aux véritables exigences de l'alinéa 37b) de la Loi.
  2. Elle satisfaisait à l'exigence de l'alinéa 37b) de la Loi et était « au Canada » [Traduction] pour les raisons suivantes :
    1. l'objet de la Loi est de fournir une aide financière temporaire aux prestataires pendant qu'ils cherchent un emploi ou qu'ils améliorent leurs compétences, et il s'agit donc d'une loi relative au bien-être social public visant à protéger les personnes qui sont vulnérables et à établir un équilibre entre ces personnes et celles qui essaient d'en abuser. Elle prétend donc que c'est dans cet esprit qu'il faut interpréter la Loi.
    2. dans une affaire que la Cour d'appel de l'Ontario a tranchée récemment, Blue Mountain Resorts Limited v. Ontario (Labour), (2013 ONCA 75), celle-ci cite au paragraphe 43 le passage suivant d'une décision de la Cour suprême du Canada (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., (1998) reflex, 1 R.C.S 27, au paragraphe 27) : « […] la loi doit être interprétée de manière à ne pas entraîner de conséquences absurdes [Traduction] » et ajoute que « [..] le législateur ne peut avoir voulu des conséquences absurdes ».
    3. Dans la situation de la prestataire, l'interprétation de la Commission de l'alinéa 37b) entraîne des conséquences absurdes pour les raisons suivantes : (i) la Commission insinue que la présence physique est nécessaire même si ce n'est pas spécifié dans la Loi; (ii) elle insinue que le prestataire qui est présent physiquement au Canada risque moins de profiter ou d'abuser du système qu'une personne qui n'est pas au pays; (iii) elle ne tient pas compte des recherches concrètes d'un prestataire. Ce dernier facteur devrait être celui qui permet de déterminer si un prestataire est à l'étranger. En l'espèce, la prestataire prétend qu'elle cherchait un emploi, qu'elle présentait des demandes d'emploi et qu'elle établissait des contacts, et ce, dans le même fuseau horaire que les autres Canadiens et qu'elle a quand même été considérée comme une personne qui est « moins au Canada » [Traduction] qu'un prestataire qui se trouve au Canada, mais à un endroit où il y a un décalage horaire de trois heures. La prestataire fait valoir qu'elle « était tout ce qu'il y a tout de plus présente au Canada » [Traduction] grâce à Internet et qu'elle était constamment en contact avec des personnes-ressources, qu'elle cherchait des avis de concours, qu'elle a peaufiné son curriculum vitae et qu'elle a fait une demande d'emploi par voie électronique. Elle était présente et elle était disposée à retourner au travail et capable de le faire durant les périodes visées, conformément à l'article 18 de la Loi. Elle soutient que, en 2013, il est absurde d'interpréter l'alinéa 37b) de la Loi de manière à conclure qu'elle doit être déclarée non admissible au bénéfice des prestations mais qu'une personne qui est en vacances au Canada, et qui ne fait peut-être pas autant de recherches qu'elle pour trouver un emploi, puisse recevoir des prestations.
    4. D'autres lois sont précises et exigent que l'auteur d'une demande se trouve au Canada, ce que ne fait pas la Loi. Pourtant, selon la jurisprudence établie, malgré ces lois, une interprétation plus souple a été appliquée. À titre d'exemple, aux termes du sous-alinéa 28(2)a)(i) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, un résident doit être effectivement présent au Canada pendant un certain nombre de jours et d'années. De plus, en vertu de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, une personne qui veut obtenir la citoyenneté doit effectivement résider au Canada pendant un certain nombre de jours au cours d'une période de cinq ans. Cependant, même si ces lois exigent la présence physique au Canada, les tribunaux les ont interprétées de façon plus large. À titre d'exemple, au paragraphe 20 de la décision que la Cour fédérale a rendue dans l'affaire Hsu (Re), 1998 (T-2044-97), celle-ci a adopté une approche plus libérale de la condition relative au nombre de jours de présence au Canada. De plus, au paragraphe 3 de l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Wang, 1999 (T-1068-98), la Cour fédérale mentionne qu'il n'est pas nécessaire que le demandeur de citoyenneté soit physiquement présent au Canada pendant le nombre de jours prescrit par la Loi. La prestataire fait valoir que lorsque ces décisions ont été rendues en 1998 et 1999, les téléphones intelligents n'existaient pas et qu'Internet n'en était qu'à ses débuts. Elle soutient en outre que, en 2013, même la Commission encourageait les prestataires à présenter leur demande et à faire leurs déclaration en ligne, à s'abonner aux services d'alerte-emploi par courriel, à communiquer par téléphone et à avoir recours aux conférences téléphoniques (comme dans le cas de la présente audience).
  3. La prestataire soutient, à titre d'argument subsidiaire, que si le membre estime que l'alinéa 37b) doit être interprété de manière à conclure qu'un prestataire doit être physiquement présent au Canada, cet alinéa n'est donc qu'une simple exigence procédurale. Par conséquent, l'article 50 de la Loi s'applique et il faut tenir compte du fait que, en vertu du paragraphe 50(10), cet article peut-être interprété de façon plus souple.
  4. En conclusion, la prestataire signale que la Loi ne fait pas référence à un prestataire qui « ne se trouve pas physiquement au Canada » [Traduction] mais simplement à un prestataire qui est « à l'étranger ». Elle soutient donc que compte tenu du fait qu'elle était disponible pour travailler au sens de l'article 18 de la Loi au cours des périodes visées, il est possible d'en déduire qu'elle était « au Canada » aux fins de l'application de la Loi. De plus, si l'alinéa 37b) avait pour but d'établir un équilibre entre l'objet de la Loi et les personnes qui essaient de profiter du système, cette disposition ne permet peut-être plus, en 2013, d'atteindre l'objectif pour lequel elle a été adoptée initialement. Actuellement, la mesure dans laquelle une personne cherche un emploi devrait être le facteur permettant de déterminer sa présence au Canada.

[21] L’intimée a fait valoir ce qui suit :

  1. La prestataire n'est pas admissible à des prestations d'assurance-emploi pendant les périodes où elle était à l'étranger, soit du 1er au 5 avril 2013 et du 18 au 23 avril 2013, aux termes de l'alinéa 37b) de la Loi.
  2. Les raisons que la prestataire a fournies pour justifier son absence ne sont pas visées par l'article 55 du Règlement.

Analyse

[22] La prestataire était en vacances en Floride du 1er au 5 avril 2013 et du 18 au 23 avril 2013, fait qui n’est pas contesté.

[23] Le membre conclut donc que ni les faits ni les éléments de preuve ne sont contestés en l'espèce, mais que l'appel de la prestataire est fondé sur l'interprétation de l'alinéa 37b) de la Loi et sur l'application qui en découle.

[24]    L’article 37 de la Loi indique clairement que le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations lorsqu’il est à l’étranger, sauf dans les cas prévus expressément à l’article 55 du Règlement (Procureur général du Canada c. Bendahan 2012 CAF 237 (CanLII), ). De plus, il incombe au prestataire de prouver qu’il répond aux exigences  du Règlement (Peterson A-370-95).

[25] Le membre signale que la prestataire a indiqué clairement dans ses observations qu'elle ne tentait pas d'invoquer l'argument selon lequel l'article 55 du Règlement s'appliquait à sa situation. En fait, le membre partage l'avis de la prestataire et estime que les raisons qu'elle a fournies pour justifier son absence du Canada durant les périodes en cause n'est visée par aucune des exceptions prévues à l'article 55 du Règlement.

[26] Le membre a plutôt estimé que la prestataire invoquait l'argument selon lequel elle satisfaisait aux véritables exigences de l'alinéa 37b) de la Loi en étant, en pratique, « au Canada » [Traduction] alors que physiquement elle se trouvait en Floride. Pour étayer sa position, la prestataire a soutenu que l'alinéa 37b) devait être appliqué dans le contexte de l'objet de la Loi et qu'il ne devait pas être interprété de manière à donner lieu à des conséquences absurdes, et elle a cité le paragraphe 27 de l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., (1998) reflex, 1 R.C.S 27. Essentiellement, la prestataire a présenté des arguments sur la façon dont elle estime que l'alinéa 37b) devrait être interprété.

[27] Le membre a donc tenu compte de ce que les tribunaux soutiennent depuis longtemps en ce qui concerne l’interprétation législative. La Cour suprême du Canada a souvent fait référence au « principe moderne » d’interprétation de Driedger selon lequel l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. Selon ce principe : « Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution: il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. » (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., (1998) reflex, 1  R.C.S. 27, au paragraphe 21)

[28] Compte tenu de cette approche à l'égard de l'interprétation législative, qui est la même que celle proposée par la prestataire, le membre a examiné les observations de cette dernière concernant l'alinéa 37b) telles qu'elle les a présentées. Il s'agit notamment (i) de l'alinéa 37b) en rapport avec l'article 18; (ii) de l'interprétation de l'alinéa 37b) qui ne doit pas avoir le sens de « présence physique au Canada » [Traduction]; (iii) de l'alinéa 37b) en rapport avec l'intention de la Loi.

[29] Le membre s'est tout d'abord penché sur l'argument de la prestataire selon lequel l'interprétation de la Commission de l'alinéa 37b) a produit le résultat absurde de son inadmissibilité au bénéfice des prestations pendant les périodes où elle était physiquement à l'étranger, alors qu'elle avait été considérée comme disponible pour travailler au sens de l'article 18 de la Loi au cours des mêmes périodes. Elle soutient qu'il est absurde d'interpréter l'alinéa 37b) de la Loi de manière à conclure qu'elle doit être déclarée non admissible au bénéfice des prestations, mais qu'une personne qui est en vacances (et présente) au Canada et qui ne fait peut-être pas autant de recherches qu'elle pour trouver un emploi puisse recevoir des prestations. Elle fait valoir qu'elle a été considérée comme une personne qui est « moins au Canada » [Traduction] qu'un prestataire qui se trouve dans une autre partie du Canada où il y a un décalage horaire de trois heures et qui ne fait peut-être pas autant de recherches qu'elle pour trouver un emploi. Cette interprétation laisse également entendre qu'un prestataire qui se trouve physiquement au Canada risque moins de profiter ou d'abuser du système. La prestataire soutient que compte tenu des technologies actuelles, la disponibilité d'un prestataire doit être prise en compte, tout comme d'autres facteurs, lorsqu'une personne ne se trouve pas physiquement au Canada et que l'alinéa 37b) de la Loi doit être pris en considération dans ce contexte. La prestataire prétend que l'alinéa 37b) ne tient pas compte de la recherche d'emploi d'un prestataire et affirme que la disponibilité d'un prestataire devrait être le facteur permettant de déterminer s'il se trouve à l'étranger.

[30] Le membre signale que la prestataire laisse entendre que l'alinéa 37b) est ou doit être assujetti aux dispositions de l'article 18 de la Loi. Cependant, l'article 18 et l'alinéa 37b) de la Loi sont deux dispositions distinctes concernant l'inadmissibilité aux prestations et ne doivent pas être confondues. L'alinéa 37b) de la Loi n'est pas assujetti à l'article 18 de la Loi puisqu'il s'agit d'une disposition relative à l'inadmissibilité tout comme l'article 18 de la Loi. Chacune de ces dispositions prévoit des exigences distinctes auxquelles il faut satisfaire pour pouvoir être admissible au bénéfice des prestations.

[31] Par ailleurs, l'article 55 du Règlement, qui contient une liste exhaustive d'exceptions à l'alinéa 37b), est assujetti à l'article 18 de la Loi. En d'autres termes, un prestataire peut se trouver à l'étranger pendant une certaine période pour un motif prévu à l'article 55 du Règlement. Cependant, pour avoir droit à des prestations, le prestataire doit également prouver qu'il était disponible pour travailler conformément à l'article 18 de la Loi (Procureur général du Canada c. Elyoumni 2013 CAF 151 (CanLII); CUB 78175).

[32] Le membre signale qu'il n'a pas la compétence ni le pouvoir discrétionnaire requis pour faire abstraction de la législation telle qu'elle est libellée actuellement ou pour la modifier. Compte tenu du fait que l'inadmissibilité au bénéfice des prestations en vertu de l'article 18 de la Loi et que l'inadmissibilité au bénéfice des prestations en vertu de l'alinéa 37b) de la Loi sont deux dispositions relatives à l'inadmissibilité qui sont distinctes, le membre estime qu'il n'est pas absurde d'interpréter l'alinéa 37b) de la Loi en l'absence d'exigences (telle qu'une recherche d'emploi) concernant l'application de l'article 18 de la Loi. Le fait de conclure qu'il faut imposer une inadmissibilité au bénéfice des prestations si l'exigence de l'alinéa 37b) n'est pas satisfaite n'est pas un résultat absurde non plus. C'est l'interprétation de l'exigence de l'alinéa 37b) qui est à l'étude.

[33] Le membre a donc examiné ensuite la position de la prestataire au sujet de l'interprétation de l'exigence de l'alinéa 37b) de la Loi. Elle soutient que selon la décision de la Commission, il faut être présent physiquement au Canada alors qu'en fait cette exigence n'est pas spécifiée ni prescrite à l'alinéa 37b) de la Loi. La prestataire a également cité des décisions faisant jurisprudence rendues en application de la Loi sur la citoyenneté et de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a soutenu que, malgré leur libellé plus prescriptif, les tribunaux ont interprété de façon plus souple les exigences de ces lois concernant la présence physique au Canada.

[34] Le membre a passé en revue les lois et la jurisprudence que la prestataire a citées pour étayer sa position. Le membre estime toutefois que cet examen n'a guère de poids dans l'interprétation de l'alinéa 37b) de la Loi. Premièrement, le membre a signalé que le Tribunal n'est pas lié par la façon dont les tribunaux ont interprété les dispositions d'autres lois. Deuxièmement, les termes utilisés dans ces lois et l'objet de ces dispositions sont très différents de ceux utilisés par le Parlement dans la Loi. Troisièmement, l'interprétation de la prestataire de la mesure dans laquelle les lois citées sont « prescriptives » est discutable. Enfin, le membre note que même dans les arrêts cités à l'appui d'une « interprétation plus souple » [Traduction] des tribunaux concernant une présence physique au Canada, l'importance de la présence physique au Canada a été soulignée par les tribunaux, tout comme la nécessité que ces dispositions soient enchâssées dans ces lois (Hsu (Re), 1998 (T-2044-97) et Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Wang, 1999 (T-1068-98)).

[35] Cependant, il est plus pertinent de tenir compte du fait que la jurisprudence qui se rapporte à la Loi permet de conclure que les simples termes « à l’étranger » indiquent clairement que le prestataire n’est pas présent physiquement au Canada. La jurisprudence justifie constamment une interprétation rigoureuse qui n’est pas censée être appliquée et qui n’est pas appliquée d'une façon large et généreuse (CUB 73316 et 27413).

[36] De plus, le membre a également estimé que même après que le Parlement eut ajouté à l'article 55 du Règlement une liste d'exceptions à l'application de l'alinéa 37b) de la Loi, il était indiqué clairement au paragraphe 55(1) qu'un prestataire n'est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu'il est « à l'étranger » pour l'un des motifs énoncés. Ce paragraphe renforce la position selon laquelle l'expression « à l'étranger » suppose une absence physique du Canada. Si le Parlement avait voulu verser des prestations aux prestataires qui étaient physiquement à l'étranger mais qui, « en pratique » [Traduction], se trouvaient au Canada, il aurait ajouté une exception à ce sujet dans le Règlement. Dans la décision CUB 27413, le juge Rothstein précise que « […] même s'il était possible d'adopter une approche libérale quand il s'agit d'interpréter les mots « à l'étranger » contenus à l'alinéa 32b) [maintenant l'alinéa 37b)] [de la Loi], on en est empêché par les premiers mots du paragraphe (sauf prescription contraire) et l'article 54 [maintenant l'article 55] du Règlement. »

[37] Le membre a ensuite examiné l'observation de la prestataire selon laquelle l'alinéa 37b) de la Loi devrait être interprété en tenant compte de l'objet de la Loi et que l'alinéa 37b) visait à établir un équilibre entre l'objet de la Loi et les personnes qui essaient de profiter du système et que cette disposition ne permettait peut-être plus d'atteindre l'objectif pour lequel elle avait été adoptée initialement.

[38] Le membre souligne toutefois que de donner à l'expression « à l'étranger » le sens de « physiquement absent du Canada » [Traduction] ne signifie pas nécessairement que l'objet de la Loi n'est pas respecté. La prestataire soutient que le fait d'interpréter l'alinéa 37b) de cette façon laisse entendre qu'un prestataire qui est physiquement présent au Canada est moins susceptible de profiter ou d'abuser du système qu'un prestataire qui n'est pas au pays. Le membre signale que l'alinéa 37b) a peut-être été enchâssé dans la Loi dans le but vraisemblablement d'empêcher les prestataires d'abuser du système et de les dissuader de voyager indûment aux frais des contribuables. Cependant, le membre ajoute que tous les prestataires, lorsqu'ils se trouvent au Canada, sont également assujettis à tous les autres articles de la Loi et du Règlement, y compris l'article 18 qui indique que le prestataire est tenu de prouver sa disponibilité. L'alinéa 37b) est une des nombreuses dispositions relatives à l'inadmissibilité au bénéfice des prestations qui constituent la Loi.

[39] Dans un cas très similaire (CUB 70090B) à celui qui nous occupe, un prestataire a invoqué des arguments semblables à ceux de la prestataire. En l’espèce, la position du membre est étayée par la décision rendue par le juge-arbitre Shore dans cette affaire, qui a rejeté l’appel pour les motifs suivants :

« Le paragraphe 37b) de la LAE énonce que sauf dans les cas prévus par le Règlement, le prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est à l'étranger. Le paragraphe 37b) de la LAE a pour but d'éviter que des prestataires malhonnêtes n'abusent du système et voyagent indûment aux frais des contribuables.

Le paragraphe 55(1) du Règlement vient tempérer l'obligation de demeurer au Canada, tel que prévu au paragraphe 37b), et exprime la reconnaissance du législateur qu'en certaines circonstances, un prestataire peut légitimement aller à l'étranger sans perdre le bénéfice de ses prestations.

Le fait qu'un prestataire est disponible pour travailler au Canada, soit par l'habilité de rentrer au Canada tout de suite ou soit par voie de l'internet, n'est pas pertinent (CUB 54131; CUB 16871; CUB 5940, conf. par Canada (P.G.) (20 octobre 1980) No. A-442-80 (C.A.F.)). C'est-à-dire, même si le prestataire a fourni des preuves qu'il était disponible et activement à la recherche d'un emploi, la Cour ne peut pas considérer des facteurs qui ne figurent pas dans le texte de la loi ou du Règlement. « [Le juge-arbitre] ne peut pas corriger ce que certains considèrent comme des faiblesses, des erreurs ou des injustices dans les lois adoptées par le Parlement ou les Règlements adoptés par le gouverneur en conseil » (CUB 11077). Le prestataire croit que la loi est injuste à son égard, mais c'est la fonction du juge-arbitre d'appliquer la loi telle qu'elle est écrite. C'est à la branche législative et à ceux qui délèguent ce pouvoir d'établir les Règlements de la loi.

De plus, la méthode d'interprétation moderne s'applique en espèce : « il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur » (Dossier 31476 Canada (Agence du revenu), 2007 CSC 42 (CanLII) au par. 16; E. A. Dreidger, Construction of Statutes (2e éd. 1983) à la p. 87). En l’absence d'ambiguïté, il n'y a pas lieu d'interpréter le texte de loi autrement.

Dans le CUB 27413, ci-dessus, le juge Rothstein a trouvé que les mêmes dispositions qui sont en question dans ce cas ne sont pas ambiguës. L'analyse du juge Rothstein est autant valable aujourd'hui que lors de sa décision en 1995. Donc, en espèce, il n'est aucunement requis de faire référence aux règles d'interprétation législative considérant qu'aucun concept ou terme utilisé dans la LAE ou le Règlement nécessite une interprétation. »

[40] Les juges-arbitres Rothstein et Shore (CUB 27413 et 70090B) ont tous deux conclu que l'exigence prévue à l'alinéa 37b) n'est pas ambigüe et qu'elle ne nécessite aucune interprétation, et qu'il est donc inutile de faire référence aux règles d'interprétation législative. Cependant, compte tenu de la position de la prestataire au sujet de la façon dont l'alinéa 37b) devrait être interprété, le membre a tenu compte du « principe moderne » d'interprétation législative dans le cas qui nous occupe. Le membre estime que le fait d'interpréter l'exigence de l'alinéa 37b) de manière à conclure que le prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations parce qu'il n'est pas présent physiquement au Canada consiste à lire les termes de la Loi en suivant le sens simple, ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur. Le fait d'interpréter l'exigence de l'alinéa 37b) et de conclure que le prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations parce qu'il n'est pas présent physiquement au Canada respecte également le « principe moderne » d'interprétation législative. Le membre juge qu'une telle interprétation n'entraîne pas de résultat absurde, mais bien la conséquence attendue de l'inadmissibilité au bénéfice des prestations lorsqu'un prestataire se trouve physiquement à l'extérieur du Canada. Le membre estime donc que l'expression « à l'étranger » est simple et claire et qu'on lui a toujours donné le sens de « physiquement absent du Canada » [Traduction].

[41] Enfin, le membre a examiné l'argument subsidiaire de la prestataire selon lequel elle prétend que si le membre conclut que l'alinéa 37b) signifie qu'un prestataire doit se trouver physiquement au Canada, cet alinéa est simplement une exigence procédurale et que, par conséquent, le paragraphe 50(10) de la Loi s'applique à sa situation. Cependant, le membre ne partage pas le point de vue de la prestataire et juge que l'exigence relative à la présence physique au Canada conformément à l'alinéa 37b) n'est pas une simple procédure. Le paragraphe 50(10) indique que la Commission peut suspendre ou modifier les exigences du présent article, notamment l'article 50 de la Loi, ou des règlements. L'exigence de se trouver au Canada figure à l'article 37 de la Loi et, par conséquent, le paragraphe 50(10) ne peut être interprété de manière à permettre la suspension de cette exigence. De plus, ce paragraphe confère un pouvoir discrétionnaire à la Commission et ne relève pas du champ de compétence du Tribunal.

[42] Le membre estime que la prestataire n'a pas réussi à démontrer qu'elle était à l'étranger pour des motifs prévus à l'article 55 du Règlement.

[43] Le membre conclut donc que la prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pendant les deux périodes où elle était à l'étranger, soit du 1er au 5 avril 2013 et du 18 au 23 avril 2013.

Conclusion

[44] L'appel est rejeté.

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