Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Sur cette page

Comparutions

Lors de l'audience par questions et réponses écrites, c'est le représentant du prestataire qui a soumis les réponses aux questions du Tribunal.

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel du prestataire et conclut que ce dernier est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi car il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[2] Le Tribunal ne peut se pencher sur la question de l’inadmissibilité du prestataire. En effet le Tribunal n’a pas la juridiction nécessaire pour entendre un appel portant sur une question qui n’a pas été préalablement révisée par la Commission.

Introduction

[3] L’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 12 février 2013 (pièce GD3-16). Après enquête du service d’intégrité de l’intimée, cette dernière a envoyé au prestataire une lettre le 4 avril 2013, pour l’informer de son refus de payer les prestations d’assurance-emploi puisqu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite (pièce GD3-22). Le 14 avril 2013, le prestataire demande à la Commission d’assurance-emploi du Canada (la «Commission») une demande de révision (pièce GD3-24). Cette demande de révision du 11 juin 2013 maintient la décision rendue initialement par la Commission (pièce GD3-48). Dans une nouvelle décision initiale supplémentaire, la Commission ajoute qu’elle ne peut verser des prestations à l’appelant car il est en prison ou dans une institution semblable (pièce GD3-49). L’appelant a porté ces décisions en appel devant le Tribunal le 10 juillet 2013 (pièce GD2-1 à 8).

Mode d'audience

[4] L’audience s’est tenue par fiche de questions et réponses écrites pour les motifs énoncés dans l’avis d’audience daté du 16 octobre 2013 (pièce GD1-1).

Question en litige

[5] Le Tribunal doit déterminer si le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 & 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la «Loi »).

[6] Le Tribunal doit déterminer si le prestataire a droit aux prestations de l’assurance-emploi parce qu’il est incarcéré au sens des articles 37 de la Loi et 54 du Règlement sur l’assurance-emploi (le «Règlement »).

Droit Applicable

[7] Le paragraphe 112(1) de la Loi indique que quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

[8] Le paragraphe 112(2) de la Loi indique que la Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

[9] L’article 113 précise que quiconque se croit lésé par une décision de la Commission rendue en application de l’article 112, notamment une décision relative au délai supplémentaire, peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.

[10] Les paragraphes 29a) et b) de la Loi indiquent que pour l'application des articles 30 à 33,

un « emploi » (a)s'entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations et que la suspension (b) est assimilée à la perte d'emploi, mais n'est pas assimilée à la perte d'emploi la suspension ou la perte d'emploi résultant de l'affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l'exercice d'une activité licite s'y rattachant.

[11] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues  aux articles 31 à 33.

[12] Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit que sous réserve des paragraphes (3) à (5), l’exclusion doit être purgée au cours des semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent le délai de carence pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas touchée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

[13] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Larivée (2007 CAF 132), la Cour d’appel fédérale établit que c’est à la Commission de s’acquitter du fardeau de la preuve de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’un ou l’autre des gestes d’un prestataire constituait de l’inconduite.

[14] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Tucker (A-381-85), la Cour d’appel fédérale (la «Cour») précise ce qui constitue de l’inconduite, ce que la Loi omet de faire. Ainsi la Cour a établi que pour

«(…) constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontairement ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.»

[15] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Hastings (2007 CAF 372), la Cour qualifie et raffine la notion d’inconduite. Ainsi la Cour à établie qu’il

«(…) y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.»

[16] Dans l’affaire Locke c. Canada (Procureur général) (2007 CAF 262), la Cour met de l’avant que pour que l’acte reproché soit de l’inconduite, il faut que le prestataire puisse avoir su qu’il serait probablement congédié en agissant de la sorte.

[17] Dans l’affaire McKay-Eden c. Canada (Procureur général) (A-402-96), la Cour appuie la jurisprudence constante en examinant principalement l’aspect de l’acte volontaire ou de l’insouciance.

[18] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Brissette (A-1342-92) la Cour soutient qu’il faut que l’inconduite soit commise par le prestataire alors qu’il était à l’emploi de l’employeur et qu’elle constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. Il n’est pas nécessaire que cette inconduite soit commise au travail, sur les lieux du travail ou dans le cadre de la relation du travail avec l’employeur.

[19] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. McNamara (2007 CAF 107) la Cour soutient que le lien entre l’emploi et l’inconduite est un lien de causalité et non un lien de simultanéité.

[20] Dans les affaires Canada (Procureur général) c. Cartier (2001 CAF 274) et Smith c. Canada (Procureur général) (A-875-96), entre autre, la Cour soutient qu’il doit y avoir un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte d’emploi. Il faut que l’inconduite cause la perte d’emploi et qu’elle en soit une cause opérante. Il faut également, en plus de la relation causale, que l’inconduite soit commise par le prestataire alors qu’il était à l’emploi de l’employeur et qu’elle constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail.

[21] Dans l’affaire Auclair c. Canada (Procureur général) (2007 CAF 19), la Cour affirme qu’il n'appartenait pas au conseil arbitral de se demander si le congédiement était la mesure disciplinaire appropriée eu égard à l'inconduite reprochée.

[22] Dans l’affaire Fleming c. Canada (Procureur général) (2006 CAF 16), la Cour énonce qu’il ne revient pas au Tribunal de savoir si l'employeur s'est rendu coupable d'inconduite en congédiant le demandeur de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le demandeur s'est rendu coupable d'inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploi.

[23] Dans l’affaire Fakhari c. Canada (procureur général) (A-732-95), la Cour soutient que

«(…) l'appréciation subjective par un employeur du type d'inconduite qui justifie le renvoi pour juste cause ne saurait être considérée comme liant le conseil arbitral. Il n'est pas difficile d'envisager des cas où les actes d'un employé pourraient être régulièrement qualifiés d'inconduite, mais la décision de l'employeur de renvoyer cet employé sera à juste titre considérée comme arbitraire pour ne pas dire déraisonnable. Nous ne croyons pas que le simple fait pour un employeur d'être convaincu que la conduite en question est une inconduite, et que c'était là le motif de la cessation de l'emploi, satisfasse au fardeau de la preuve qui incombe à la commission en application de l'article 28.»

[24] Le paragraphe 37(a) de la Loi indique que sauf les cas prévus par règlement, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est soit détenu dans une prison ou un établissement semblable.

[25] Le paragraphe 54(1) du Règlement indique que le prestataire qui n’est pas un travailleur indépendant et qui est détenu dans une prison ou un établissement semblable et à qui a été accordé, pour chercher et accepter un emploi dans la société, une libération conditionnelle, une semi-liberté, une permission de sortir ou un certificat de disponibilité n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations du seul fait de l’application de l’article 37 de la Loi.

[26] Dans l’affaire Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec c. Maksteel Québec inc. (2003 CSC 68), la Cour suprême du Canada indique que tout contrevenant doit subir les conséquences découlant de son emprisonnement, voire la perte de son emploi en cas d’indisponibilité. Cette indisponibilité est une conséquence inéluctable de la privation de liberté.

[27] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Knee (2011 CAF 301), la Cour d’appel fédérale indique le principe selon lequel il n’est pas permis aux arbitres de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire.

Preuve

[28] La preuve documentaire au dossier est la suivante :

  1. une transmission par fax qui est une copie de l’engagement datée du 16 décembre 2011, du prestataire envers la Cour, district judiciaire de Rimouski, quant à l’accusation criminelle à laquelle il faisait face (pièce GD3-32 à 35);
  2. que le prestataire a été reconnu coupable le 19 octobre 2012 (pièce GD4-3);
  3. une lettre datée du 15 janvier 2013 provenant de l’unité syndicale représentant le prestataire qui demande, au nom de ce dernier, un congé sans solde à son employeur (pièce GD3-37 & 38);
  4. une lettre datée du 11 février 2013 provenant de l’employeur qui explique au prestataire les raisons de son congédiement (pièce GD3-26 & 27);
  5. que l’incarcération du prestataire a débuté le 11 février 2013 (pièce GD3-47);
  6. le prestataire a déposé une demande de prestations initiale d’assurance-emploi le 12 février 2013 (pièce GD3-16);
  7. Le 25 juillet 2013, la Commission a informé l’employeur Brinks Canada Ltd que l’appelant a reçu un trop-payé de prestations d’assurance-emploi établi à 17 965,00 $. La Commission a demandé à l’employeur de déduire ce montant de toute somme due à l’appelant et de le faire parvenir à ladite Commission (pièce GD3-17) ;
  8. la raison de départ de l’emploi sur le relevé d’emploi numéro W26535723 est la cote M, soit un congédiement (pièce GD3-18);
  9. que la sentence a été prononcée le 22 mars 2013 (pièce GD3-44);
  10. une lettre datée du 28 mars 2013 provenant de l’employeur qui amende les motifs de congédiement du prestataire (pièce GD3-28 & 29);
  11. une lettre datée du 4 avril 2013 provenant de la Commission donnant la décision initiale de refuser les prestations au prestataire pour inconduite (pièce GD3-22);
  12. une lettre datée du 14 avril 2013 provenant du prestataire qui fait une demande de révision auprès de la Commission (pièce GD3-24);
  13. une lettre datée du 11 juin 2013 provenant de la Commission qui maintient sa décision quant à la question de l’inconduite (pièce GD3-48);
  14. ne lettre datée du 11 juin 2013 provenant de la Commission qui avise le prestataire qu’il ne peut recevoir de prestations d’assurance-emploi dès le 18 février 2013 parce qu’il est en prison ou dans une institution semblable (pièce GD3-49).

[29] La preuve recueillie lors de l’audience est la suivante :

  1. le recueil des politiques de gestion du Conseil du trésor (gouvernement du Québec), décrivant la charge d’emploi des agents d’indemnisation de la Commission de la santé et de la sécurité au travail (la «CSST») (pièce GD7-8 à 12);
  2. la fiche de dotation du personnel faisant état d’une évaluation de performance du prestataire datée entre le 25 août 2010 et le 26 août 2010 par les différents intervenants évaluateurs (pièce DG7-13 à 18).

Arguments des Parties

[30] Le prestataire a fait valoir:

  • (a) que la décision est mal fondée en faits et en droits (pièce GD3-24);
  • (b) que même si les actes (criminels) ont eu lieu et que le prestataire a été reconnu coupable, le syndicat et le prestataire ne sont pas en accord que les accusations soient en lien avec les fonctions que le prestataire doit effectuer dans le cadre de ses fonctions (pièce GD3-39);
  • (c) que le syndicat a suggéré une rétrogradation du poste de travail du prestataire (pièce GD3-39);
  • (d) que le syndicat n’a jamais eu vent que les équipements de l’employeur aient pu servir aux actes reprochés au prestataire (pièce GD3-40);
  • (e) que le syndicat invoque l’article 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (pièce GD3-43) et indique que l’employeur aurait pu le rétrograder ou le mettre dans d’autres fonctions s’il jugeait que ses tâches habituelles pouvaient être en lien avec les infractions dont il s’est reconnu coupable;
  • (f) que le prestataire a plaidé coupable aux accusations portées contre lui (pièce GD3-44);
  • (g) qu’il a 21 mois d’incarcération à purger (pièce GD3-44);
  • (h) qu’il doit effectuer une thérapie fermée (sic.) de six mois (pièce GD3-44);
  • (i) qu’il pourrait demander une libération conditionnelle au tiers de sa peine, soit en octobre 2013, mais qu’il doit terminer sa thérapie de six mois au préalable et que celle-ci devrait se terminer vers décembre 2013 (pièce GD3-44);
  • (j) que si sa libération conditionnelle au tiers de la peine est refusée, il pourra demander une libération au deux tiers de sa peine soir à compter du 11 mai 2014 (pièce GD3-44);
  • (k) que son employeur l’a maintenu en emploi pendant même si la Cour l’a soumis à un d’avant procès, (pièce GD3-44);
  • (l) qu’il démontre, dans la période contenue entre le 28 janvier 2011 et le 11 février 2013, avoir effectué les mêmes fonctions sans que les accusations sur les actes commis à l’extérieur de son travail n’affecte ses fonctions (pièce GD3-44);

Arguments provenant du représentant lors de l’audience par questions et réponses écrites

  • (m) que contrairement à l’opinion de la Commission, les représentants du prestataire sont d’avis qu’en l’espèce, le prestataire n’a pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens de l’article 30(1) de la Loi (pièce GD7-4);
  • (n) que les représentants du prestataire, en se basent sur les arrêts Canada (Procureur général) c. Langlois (A-94-95) et Canada (Procureur général) c. Edward (A-96-95) qui constatent qu’il s’agit d’inconduite lorsque le prestataire a perdu normalement son emploi en raison d’un manquement d’une gravité telle qu’il devait normalement s’attendre à ce que son lien d’emploi puisse être affecté. Le manquement en question doit faire en sorte que le prestataire ne réponde plus à une obligation fondamentale de son contrat de travail (pièce GD7-4);
  • (o) que les infractions criminelles commises par le prestataire et pour lesquelles l’employeur a mis un terme à son emploi n’ont en rien affecté la capacité du prestataire à exercer ses fonctions (pièce GD4-8);
  • (p) que selon la preuve au dossier, il est démontré qu’il était possible pour l’employeur de garder le salarié à son emploi et ce, malgré le fait que des accusations aient été portées contre lui et pour lesquelles il a plus tard plaidé coupable (pièce GD4-8);
  • (q) que malgré les engagements pris par le prestataire envers la Cour du Québec, le prestataire a continué à exercer ses fonctions pour l’employeur (pièce GD7-5);
  • (r) que de l’aveu même de l’employeur, celui-ci a pris les moyens nécessaires afin que le prestataire puisse respecter lesdits engagements et continuer d’exercer ses fonctions (pièce GD7-5);
  • (s) ’en effet, comment le prestataire pouvait-il s’attendre à ce que la Commission des infractions criminelles pour lesquelles il a plaidé coupable était susceptible d’affecter son lien d’emploi alors même que l’employeur, par ses agissements, a démontré que ses gestes n’avaient pas pour effet de rendre impossible sa prestation d’emploi (pièce GD7-6);
  • (t) que rien dans la preuve au dossier ne permet de soutenir que la réputation de l’employeur était affectée d’autant plus que le prestataire a continué à exercer ses fonctions après avoir été arrêté et accusé en décembre 2011 (pièce GD7-6);
  • (u) que la Commission ne fait pas la preuve que la perpétration des actes criminels pour lesquels le prestataire a plaidé coupable est une inconduite au sens de la Loi (pièce GD7-6);
  • (v) que le prestataire est incarcéré depuis le 11 mars 2013 (pièce GD7-6);
  • (w) qu’il pourrait toutefois être libéré aux deux tiers de sa peine, soit le 11 mai 2014 ou sinon à la fin de sa peine le 6 décembre 2014 (pièce GD7-6).

[31] L’intimée a soutenue :

  1. que le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit l’imposition d’une exclusion d’une durée indéterminée s’il est établi que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telles qu’il frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement (pièce GD4-6);
  2. que les gestes reprochés au prestataire constituaient des gestes d’inconduite au sens de la Loi. Le prestataire a été reconnu coupable d’actes criminels (avoir incité une adolescente à des contacts sexuels; utilisation d’un leurre informatique dans le but d'établir des contacts sexuels avec une personne mineure; attouchements sexuels sur une jeune fille de moins de 14 ans) et a même plaidé coupable le 19 octobre 2012 (pièce GD4-6);
  3. que le prestataire a perdu son emploi à cause de ces actions. Par sa conduite, l’employeur a soutenu que le prestataire a entaché l'image de la CSST; que par sa position, il devait traiter des dossiers, notamment à l'aide d'un ordinateur, impliquant des employeurs œuvrant auprès d'une clientèle composée de mineurs ou d'employeur embauchant des travailleurs d'âge mineur; que par ses actions, il a brisé le lien de confiance avec l'employeur, les travailleurs et les intervenants autant à l'interne qu'à l'externe; qu’il a perdu la confiance du public et son intégrité; qu’il a été à l'encontre des règles et valeurs énoncés dans la Loi sur la Fonction Publique du Québec, le règlement sur l'éthique et la discipline dans la Fonction Publique, la déclaration de valeurs de l’administration publique québécoise, le guide de l'éthique et de la discipline de la CSST et la déclaration de services de la CSST; et que la gravité de ses actes criminels commis et leur médiatisation ont causé à l’employeur ou sont susceptibles de lui causer, à titre d'organisme public, un préjudice important et ce, en nuisant à ses activités, son image, sa crédibilité, sa réputation, sa mission et sa vision (pièce GD4-6 & 7)
  4. que l'employeur ait conservé à l'emploi le prestataire dans son poste pendant une bonne partie de la période suivant la première arrestation du prestataire est attribuable au fait que le prestataire n'était pas encore reconnu coupable jusqu’à preuve du contraire (pièce GD4-7);
  5. que le paragraphe 37 de la Loi et le paragraphe 54 du Règlement prévoient l’imposition d’une inadmissibilité définie ou indéfinie s’il est établi que le prestataire est en prison ou dans une institution semblable (pièce GD4-7);
  6. que dans le cas en l’espèce, le prestataire a été incarcéré pour une période maximale de 21 mois à compter du 11 février 2013 et que conséquemment, la Commission maintient que le prestataire doit être rendu inadmissible au bénéfice des prestations puisqu’il est incarcéré (pièce GD4-7).

Analyse

Exclusion / Inconduite

[32] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite et le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit quant à lui que l’exclusion doit être purgée au cours des semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent le délai de carence pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations. L’arrêt Larivée (2007 CAF 132) a établi que c’est à la Commission de s’acquitter du fardeau de la preuve que l’un ou l’autre des gestes d’un prestataire constituait de l’inconduite. Mais comme la Loi n’établit pas ce qu’est de l’inconduite, l’arrêt Tucker (A 381-85) se charge de le définir en instruisant que l’acte reproché doit avoir été volontairement ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement. Plus récemment, l’arrêt Hastings (2007 CAF 372), ajoute qu’il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[33] Dans l’affaire Locke (2007 CAF 262), la Cour met de l’avant que pour que l’acte reproché soit de l’inconduite, il faut que le prestataire puisse avoir su qu’il serait probablement congédié en agissant de la sorte. De plus, les arrêts Auclair (2007 CAF 190) et Flemming (2006 CAF 16) indiquent qu’il n’appartient pas au Tribunal de se demander si le congédiement était la mesure disciplinaire appropriée eu égard à l'inconduite reprochée ou de savoir si l'employeur s'est rendu coupable d'inconduite en congédiant le demandeur de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le demandeur s'est rendu coupable d'inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploi.

[34] Au surplus, dans l’affaire Fakhari (A-732-95), la Cour soutient que

«(…) l'appréciation subjective par un employeur du type d'inconduite qui justifie le renvoi pour juste cause ne saurait être considérée comme liant le conseil arbitral. Il n'est pas difficile d'envisager des cas où les actes d'un employé pourraient être régulièrement qualifiés d'inconduite, mais la décision de l'employeur de renvoyer cet employé sera à juste titre considérée comme arbitraire pour ne pas dire déraisonnable. Nous ne croyons pas que le simple fait pour un employeur d'être convaincu que la conduite en question est une inconduite, et que c'était là le motif de la cessation de l'emploi, satisfasse au fardeau de la preuve qui incombe à la commission en application de l'article 28.»

[35] Dans ses représentations, l’intimée affirme qu’elle d’avis que le prestataire a perdu son emploi à cause de ses actions. L’intimée maintient que par sa conduite, le prestataire a entaché l'image de la CSST et que par sa position, il devait traiter des dossiers notamment à l'aide d'un ordinateur, impliquant des employeurs œuvrant auprès d'une clientèle composée de mineurs ou d'employeur embauchant des travailleurs d'âge mineur. Que même par ses actions, le prestataire a brisé le lien de confiance avec l'employeur, les travailleurs et les intervenants autant à l'interne qu'à l'externe, qu’il a perdu la confiance du public et son intégrité, qu’il a été à l'encontre des règles et valeurs énoncés dans la Loi sur la Fonction Publique du Québec, le règlement sur l'éthique et la discipline dans la fonction publique, la déclaration de valeurs de l’administration publique québécoise, le guide de l'éthique et de la discipline de la CSST et la déclaration de services de la CSST. L’intimée va jusqu’à mentionner que la gravité de ses actes criminels commis et leur médiatisation ont causé à l’employeur ou sont susceptibles de lui causer, à titre d'organisme public, un préjudice important et ce, en nuisant à ses activités, son image, sa crédibilité, sa réputation, sa mission et sa vision.

[36] Dans ses représentations, le prestataire, ou son représentant, indiquent à moult reprises, et de façon très détaillée, que le prestataire pouvait effectuer son travail d’une manière ou d’une autre et que l’employeur a prouvé qu’il pouvait lui offrir des tâches qui auraient pu satisfaire les demandes de la Cour. Le représentant du prestataire ajoute qu’il n’était pas possible pour le prestataire ne pouvait s’attendre à ce que le lien d’emploi soit affecté quand l’employeur a pris des mesures qui n’avaient pas pour effet de rendre impossible sa prestation d’emploi.

[37] Le Recueil des politiques de gestion du Conseil du Trésor du gouvernement du Québec (le «Recueil»), soumis par le représentant du prestataire à la demande du Tribunal, explique les attributions d’un agent d’indemnisation, la section 2, au paragraphe 3, explique que (NB. le soulignement de certains passages est de la main du Tribunal) :

«(…) les attributions principales et habituelles des agents d’indemnisation consistent à établir la recevabilité des demandes d’indemnisation et à déterminer la nature et le quantum de l’indemnité ou de la compensation à verser, le cas échéant, aux personnes susceptibles de toucher une indemnité ou une compensation en vertu de la Loi sur les accidents de travail, de la Loi sur l’assurance automobile, de la Loi de l’indemnisation des victimes d’amiantose ou de silicose dans les mines et les carrières, de la Loi de l’indemnisation des victimes d’actes criminels ou de la Loi visant à favoriser le civisme : il s recueil lent, par des travaux d’enquêtes, tout es les informations pertinentes à l’ établissement d’indemnités accordées en vertu de l’une ou l’autre des lois susmentionnées.»

Dans ses tâches à proprement parler, l’article 4 de la section 2 du Recueil explique que :

«(…) L’agent d’indemnisation est chargé d’établir, selon les normes législatives, réglementaires et administratives en vigueur, la recevabilité et la nature des demandes d’indemnisation entraînant une indemnité, une compensation ou de l’assistance médicale, selon la Loi de laquelle découle le droit à l’indemnisation. Il est chargé de recueillir des renseignements sur les faits et les circonstances entourant l ’événement visé à la Loi concernée; il communique entre autre avec les parties intéressées, leurs mandataires ou toute personne concernée, afin de clarifier certains points en particuliers tels les faits à l’origine des preuves médicales et les conditions préexistantes chez la victime; il complète le dossier d’une demande d’indemnisation auprès des personnes concernées au moyen d’affidavits si cela est nécessaire; il est appelé à fournir des renseignements aux requérants et autres intéressés et peut être également appelé à témoigner devant le Tribunal. (…)»

[38] Dans la cause devant le Tribunal, le prestataire a commis des gestes qui, de son aveu de culpabilité même, mènent à croire que le prestataire ne peut, en tout ou en partie, plus satisfaire à sa description de tâches telle qu’elle a été présentée au Tribunal par les représentants du prestataire.

[39] Toutefois, à titre d’agent d’indemnisation de la CSST, le Tribunal croit que le prestataire devait savoir qu’il serait congédié si sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur. Comme le Recueil le mentionne à la section 2, paragraphes 3 et 4, cette catégorie d’emploi a les attributions principales d’établir la recevabilité (entre autre mais ne s’en limitant pas) de l’indemnité versée dans le cadre de la Loi de l’indemnisation des victimes d’actes criminels de la province de Québec selon les normes en vigueur. Les actions demandées à un agent d’indemnisation par l’article 4 du Recueil sont clairs. Les capacités d’un agent d’indemnisation est de recueillir et de communiquer avec les parties intéressée, leurs mandataires et les personnes concernées. Il n’est mention à aucune occasion dans le Recueil que l’agent d’indemnisation de cette catégorie d’emploi n’aura pas à entrer en contact directement ou indirectement avec des personnes mineures et de quelle façon il doit le faire, pour mener à bien la tâche qui lui est dévolue.

[40] La jurisprudence constante en matière d’exclusion, nous apprend que pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontairement ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement (Tucker A-381-85). Pour sa part, l’arrêt Hastings (2007 CAF 372) est clair et spécifie qu’il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié. En s’appuyant sur l’arrêt Locke (2007 CAF 262), le Tribunal croit que le prestataire a perdu son emploi à cause de sa propre inconduite parce qu’il aurait dû savoir qu’il serait probablement congédié en agissant comme il l’a fait et surtout à cause des tâches qu’il avait à effectuer comme agent d’indemnisation.

[41] Plus encore, les affaires Brissette (A-1342-92) et Cartier (2001 CAF 274), mentionnent entre autre que pour qu’elle soit reconnue comme telle, il faut que l’inconduite soit commise alors que le prestataire était à l’emploi de l’employeur et qu’elle constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement de son contrat de travail. Ces jurisprudences expliquent entre autre qu’il n’est pas nécessaire que cette inconduite soit commise dans le cadre de la relation du travail avec l’employeur. Dans l’affaire devant le Tribunal, le prestataire devait savoir que ses actes pouvaient entraver la bonne démarche de ses actes professionnels. À en comprendre la description de tâches du prestataire, ce dernier devait faire affaire avec les «personnes susceptibles de toucher une indemnité». Ceci ne disqualifie en rien le prestataire à engager des discussions avec des personnes d’âge mineur, bien au contraire. Quant à la position du prestataire portant sur le fait qu’il ne pouvait savoir que son geste pouvait être qualifié d’inconduite quand son employeur l’a gardé à l’emploi, le Tribunal soumet que les règles de justice qui prévalent au Canada sont de nature à ne pas priver une personne de ses droits tant et aussi longtemps qu’il n’est pas reconnu coupable par une instance judiciaire de ce dont il est accusé. Que l’employeur ait pu souffrir de l’image négative que renvoyait l’affaire du prestataire sur l’organisation est une chose qui ne peut être reçue par le Tribunal. Une mauvaise presse, dont fait l’objet le prestataire, n’est pas du contrôle du prestataire dans les limites de ses fonctions. Que l’employeur ait pu remarquer officiellement que le prestataire s’était rendu coupable du geste qu’il a fait, peut toutefois, selon les critères d’emploi et des critères administratifs propres à la CSST, être qualifié d’inconduite selon la Loi et la jurisprudence.

Inadmissibilité

[42] Le paragraphe 37(a) de la Loi indique qu’un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est soit détenu dans une prison ou dans un établissement semblable. L’article 54(1) du Règlement, indique quant à lui qu’un prestataire n’est inadmissible au bénéfice des prestations du seul fait de l’application de l’article 37 de la Loi s’il est détenu dans une prison une prison ou un établissement semblable et à qui a été accordé, pour chercher et accepter un emploi dans la société, une libération conditionnelle, une semi-liberté, une permission de sortir ou un certificat de disponibilité.

[43] Dans l’affaire Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec c. Maksteel Québec inc. (2003 CSC 68), la Cour suprême du Canada indique que tout contrevenant doit subir les conséquences découlant de son emprisonnement, voire la perte de son emploi en cas d’indisponibilité. Cette indisponibilité est une conséquence inéluctable de la privation de liberté.

[44] Dans l’affaire devant le Tribunal, le prestataire est incarcéré depuis le 11 mars 2013 et il est toujours emprisonné (pièce GD7-6).

[45] L’arrêt Knee (2011 CAF 301), est clair, la Cour d’appel fédérale indique le principe selon lequel il n’est pas permis aux arbitres de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire.

[46] Étant donné l’absence de révision en vertu des paragraphes 112(1), 112(2) et de l’article 113 de la Loi en regard de la décision initiale de la Commission sur l’article 37(a), le Tribunal n’a pas la juridiction nécessaire pour entendre un appel portant sur une question qui n’a pas été révisée par la Commission et ne peut donc pas se pencher sur la question de l’inadmissibilité du prestataire.

Conclusion

[74] Sur la question de l’exclusion, l’appel est rejeté.

[75] Le Tribunal ne peut pas se pencher sur la question de l’inadmissibilité du prestataire, comme la décision initiale de la Commission n’a pas été révisée en vertu des paragraphes 112(1), 112(2) et de l’article 113 de la Loi.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.