Assurance-emploi (AE)

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Comparution

Seule l'appelante était présente lors de l'audience tenue le 17 février 2014.

Décision

[1] Le Tribunal conclut que l'appelante n'a pas démontré avoir agi comme toute autre personne raisonnable l'aurait fait dans les mêmes circonstances pour s'acquitter de ses obligations et faire valoir ses droits. En conséquence, même si elle semblait rencontrer les conditions d'admissibilité aux prestations à la date du 23 décembre 2012, elle n'avait pas de motif valable au sens de l'article 10(4) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi ») pour retarder la présentation de sa demande.

Mode d'audience

[2] L'audience s'est tenue par téléconférence pour les motifs énoncés dans l'avis d'audience daté du 20 janvier 2014.

Question en litige

[3] L'appelante respecte-t-elle les conditions de l'article 10(4) de la Loi sur l'Assurance-emploi (la « Loi ») pour la présentation d'une demande initiale tardive de prestations (appelée « antidatation »)?

Introduction - exposé des faits

[4] Une demande initiale de prestations a été présentée le 11 juillet 2013 (GD3-2 à GD3-10) sur la base d'un relevé d'emploi indiquant que l'appelante a travaillé jusqu'au 19 décembre 2012 lorsque son emploi a pris fin en raison de la retraite (GD3-11).

[5] Le 23 août 2013, l'appelante a demandé que sa période de prestations débute le 23 décembre 2012 (GD3-12 et GD3-13) puisqu'elle avait cessé de travailler le 19 décembre 2012.

[6] La Commission a conclu que l'appelante n'avait pas fait la preuve qu'elle était admissible à recevoir des prestations d'assurance-emploi à cette date antérieure parce qu'elle n'avançait pas de motif valable de retarder la présentation de sa demande pendant toute la période de retard, soit entre le 23 décembre 2012 et le 23 août 2013 (GD3-17 et GD4-1).

[7] La Commission a également déterminé que l'appelante n'avait pas accumulé le nombre d'heures assurables requises durant sa période de référence établie du 8 juillet 2012 au 6 juillet 2013, pour recevoir des prestations régulières (GD3-14).

[8] L'appelante a présenté une demande de révision de la décision ayant trait à l'antidatation de sa demande (GD3-19 à GD3-25).

[9] Après une révision des faits, la Commission maintient que l'appelante ne prouvait pas être admissible à recevoir des prestations à la date antérieure puisqu'elle n'avait pas avancé un motif valable de retarder la présentation de sa demande pendant toute la période de retard (GD3-30).

[10] L'appelante conteste la décision de la Commission (GD2-1 à GD2-19).

Droit applicable

[11] L'article 10(4) de la Loi sur l'Assurance-emploi (la « Loi ») prévoit qu'un prestataire peut demander des prestations pour une période antérieure à la date de présentation de sa demande, s'il fait la preuve qu'il avait un motif valable de retarder la présentation de sa demande durant toute la période de retard et qu'à cette date antérieure, il remplissait les conditions requises pour présenter une demande.

Preuve

[12] Les éléments de preuve contenus au dossier nous indiquent que :

  1. Les explications de l'appelante sur le retard à présenter sa demande apparaissent aux pièces GD3-12 et GD3-13, GD2-1 à GD2-19.
  2. La décision de la Commission suite à la révision touche la demande d'antidatation (GD3-30). L'argumentation produite au Tribunal (GD4-1 à GD4-5) fait état de la position de la Commission sur les critères d'admissibilité aux prestations à la date antérieure.
  3. L'employeur a déclaré (GD3-33) que l'appelante travaillait à temps partiel et faisait à peu près 340 heures assurables par année et qu'entre le 26 décembre 2010 et le 25 décembre 2011, l'appelante avait travaillé 763.5 heures d'emploi assurable (GD3-35).
  4. Le relevé d'emploi soumis à l'appui de la demande de prestations (GD3-11) indique qu'entre le 21 décembre 2011 et le 19 décembre 2012, l'appelante a effectué 804 heures d'emploi assurable.

[13] La preuve soumise à l'audience par le témoignage de l'appelante révèle que :

  1. L'appelante répète les circonstances de son dossier comme le démontrent les documents qui le composent. Elle relève des différences de dates sur les faits apparaissant dans l'argumentation de la Commission.
  2. Elle affirme qu'elle avait beaucoup de problèmes au travail.
  3. Elle déclare avoir subi une attitude arrogante de la part de la Commission et que les agents ne devraient pas avoir de préjugés.

Arguments des parties

[14] L'appelante a fait valoir que :

  1. Elle a tardé à déposer sa demande parce qu'elle ne savait pas avoir le droit de soumettre une demande de prestations. Elle ne pensait pas à l'assurance-emploi. Ce sont des collègues qui l'en ont informée et suite à cela, elle a commencé ses démarches.
  2. Lorsqu'il lui a été indiqué que son contrat auprès de l'employeur ne serait pas renouvelé, sa vie en a été bouleversée et son état de santé affecté, comme le démontre le billet médical indiquant un état de stress provoquant des problèmes de pression instable et de palpitations cardiaques.
  3. Son employeur ne lui a jamais fourni l'information pertinente concernant l'assurance-emploi et ne lui a jamais envoyé de lettre l'informant qu'elle pouvait recevoir des prestations d'assurance-emploi. Son relevé d'emploi a été fourni électroniquement.
  4. Elle a toujours travaillé et cotisé à l'assurance-emploi. Elle n'a jamais quitté son emploi depuis 2004. La Commission n'a pas tenu compte de toutes les explications qu'elle a données depuis le 11 juillet 2013.
  5. La position de la Commission n'est pas un argument valable et la décision a été prise à la légère. Elle prétend que cette décision de la Commission est la conséquence de sa décision de faire valoir ses droits parce que selon elle, elle a droit aux prestations.

[15] La Commission intimée a soutenu que :

  1. L'appelante devait démontrer qu'elle a agi comme toute personne raisonnable placée dans la même situation l'aurait fait pour s'acquitter de ses obligations et faire valoir ses droits aux termes de la Loi.
  2. L'appelante n'a pas fait la preuve qu'elle était admissible à recevoir des prestations à la date antérieure puisqu'elle n'avait pas avancé un motif valable de retarder la présentation de sa demande de prestations pendant toute la période de retard.
  3. L'appelante n'était pas admissible à recevoir des prestations à la date antérieure parce qu'elle travaillait à temps partiel et que le dossier montre qu'elle avait accumulé 804 heures assurables au cours des deux dernières années de son emploi.
  4. Page GD4-3 : « …la prestataire ne peut être admissible aux prestations régulières à compter du 23 décembre 2012 parce qu'elle avait accumulé 804 heures d'emploi assurable au cours de la période de référence …, dans la mesure où la Commission octroyait la demande d'antidate. En plus, l'employeur nous a avisés que la réclamante avait accumulé 763.5 heures assurables du 26 décembre 2010 au 25 décembre 2011 (GD3-35). Pour cette raison elle ne peut être considérée comme étant membre de la population active étant donné qu'elle détenait un emploi à temps partiel depuis 2004. »

Analyse

[16] Malgré la prétention de l'appelante selon laquelle elle aurait droit aux prestations pour avoir versé des contributions au régime d'assurance-emploi, nous nous devons de souligner que le paiement de prestations ne dépend pas seulement du versement de cotisations au régime, mais aussi du respect des conditions prévues dans la Loi et la Règlementation pour recevoir ces prestations.

[17] L'article 10(4) de la Loi, permettant d'établir une période de prestations à une date antérieure, pose deux conditions cumulatives : 1- que le demandeur de prestations remplisse les conditions requises pour l'admissibilité aux prestations à cette date antérieure; et, 2- qu'il ait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[18] La Cour d'Appel Fédérale a confirmé [Canada (PG) c. Read, John, A-371-93] que l'individu présentant cette demande doit d'abord démontrer qu'il avait le droit de recevoir des prestations à la date antérieure pour ensuite prouver qu'il avait un motif valable justifiant son retard. Si cet individu ne remplit pas les conditions d'admissibilité à la date antérieure demandée, il est inutile d'analyser s'il y a motif valable justifiant le retard à présenter la demande.

[19] L'appelante rencontrait-elle les conditions d'admissibilité aux prestations au 23 décembre 2012? La Commission prétend que non mais son argumentation sur cette prétention peut être qualifiée de nébuleuse, contradictoire et incomplète.

[20] L'appelante a présenté sa demande le 11 juillet 2013 et a demandé l'antidatation de sa demande au 23 décembre 2012.

[21] Au 23 décembre 2012, la période de référence de l'appelante courait du 26 décembre 2011 au 19 décembre 2012 selon ce qui est indiqué au dossier. Le relevé d'emploi révèle que du 21 décembre 2011 au 19 décembre 2012, l'appelante a accumulé 804 heures d'emploi assurable. Même si le taux régional de chômage au 23 décembre 2012 n'a pas été fourni au Tribunal, le nombre de 804 heures dépasse le nombre maximal d'heures requises selon le taux de chômage durant la période de référence indiqué au tableau de l'article 7(2)b) de la Loi.

[22] La Commission a prétendu que, selon l'article 7(3), l'appelante était une personne qui devient ou redevient membre de la population active étant donné qu'elle occupait un emploi à temps partiel (GD4-3) et que de ce fait, elle devait avoir accumulé 910 heures au cours de sa période de référence.

[23] Le Tribunal se doit de rectifier le tir. Nulle part dans la Loi il est fait de distinction entre un emploi à temps partiel et un emploi à temps plein. Ce dont il doit être tenu compte, c'est du nombre d'heures d'emploi assurable accumulées durant des périodes définies. L'article 7(4) de la Loi définit la personne qui devient ou redevient membre de la population active comme celle qui a accumulé moins de 490 heures au cours des 52 semaines qui précèdent la période de référence et que dans ce cas, cette personne doit, selon l'article 7(3), accumuler 910 heures durant sa période de référence.

[24] Comme il est établi, en raison de sa demande d'antidatation, que la période de référence de l'appelante courrait du 26 décembre 2011 au 19 décembre 2012, la période des 52 semaines précédant la période de référence va du 26 décembre 2010 au 25 décembre 2011. Durant cette dernière période, l'employeur a déclaré que l'appelante avait effectué 763.5 heures d'emploi assurable, soit plus que les 490 exigées par l'article 7(4) de la Loi. Il faut donc conclure que l'appelante n'était pas une personne qui devient ou redevient membre de la population active au sens de cet article 7(4) et que l'on n'a pas à exiger d'elle qu'elle ait accumulé 910 heures durant sa période de référence.

[25] Conséquemment à ce qui précède, l'appelante remplit la première condition de l'article 10(4) de la Loi pour demander une antidatation. Il faut maintenant analyser la deuxième condition prévue à cet article.

[26] Le Tribunal doit estimer si l'appelante avait, pendant toute la période de retard à présenter sa demande de prestations, un motif valable au sens de la Loi pour ne pas avoir présenté sa demande plus tôt. L'appelante doit démontrer au Tribunal qu'elle avait un tel motif qui équivaut à agir comme l'aurait fait une personne raisonnable, placée dans la même situation, pour s'acquitter de ses obligations et faire valoir ses droits aux termes de la Loi.

[27] La Cour d'Appel Fédérale a déjà établi que la bonne foi et l'ignorance de la Loi ne constituent pas en elles-mêmes un motif valable pour justifier le retard à déposer une demande, quoiqu'elles n'excluent pas l'existence d'un tel motif valable si le prestataire est en mesure de démontrer qu'il a agi comme toute autre personne raisonnable aurait fait dans les mêmes circonstances pour s'acquitter de ses obligations et faire valoir ses droits. Les motifs valables de l'article 10(4) les plus souvent répertoriés pour antidater une demande sont le fait de travailler à temps plein, d'avoir été malade durant cette période de retard ou le fait de s'être occupé d'une personne gravement malade.

[28] Il ressort du dossier que le principal motif invoqué par l'appelante pour avoir retardé à présenter sa demande de prestations, est qu'elle ignorait pouvoir soumettre une demande et que c'est par ses collègues qu'elle l'a appris. Même si elle dit qu'elle ne pensait pas alors à l'assurance-emploi, rien ne l'empêchait de s'enquérir de ses droits et obligations. Il est également bien établi en droit qu'un prestataire est tenu de vérifier assez rapidement s'il a droit à des prestations et de s'assurer des droits et obligations que lui reconnaît la Loi (Canada (PG) c. Carry, 2005 CAF 367, 344 N.R. 142 (Carry)). Cette obligation implique un devoir de prudence sévère et strict. Quant au certificat médical que l'appelante a produit, celui-ci ne fait pas état d'une santé débilitante au point qu'elle ne pouvait faire aucune démarche ou fonctionner normalement dans sa vie quotidienne. Que l'appelante ait été bouleversée et déprimée durant cette période est concevable mais ce fait ne répond pas à la condition établie par la Loi et interprétée par la jurisprudence.

[29] En terminant, le Tribunal note que la cessation d'emploi de l'appelante fait suite à une entente avec son employeur à l'effet qu'elle prenait sa retraite et c'est ce qui est indiqué au relevé d'emploi. Nous nous devons de souligner, sans se prononcer sur ce fait, que lorsqu'il est démontré qu'une personne est retraitée ou a pris sa retraite, il lui est difficile de répondre aux critères d'admissibilité prévus à la Loi sur l'assurance-emploi.

[30] Le Tribunal considère que l'appelante n'a pas démontré avoir agi comme toute autre personne raisonnable l'aurait fait dans les mêmes circonstances pour s'acquitter de ses obligations et faire valoir ses droits et qu'en conséquence, même si elle semblait rencontrer les conditions d'admissibilité aux prestations à la date du 23 décembre 2012, elle n'avait pas de motif valable au sens de l'article 10(4) de la Loi pour retarder la présentation de sa demande.

Conclusion

[31] L'appel est rejeté.

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