Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

Introduction

[2] En date du 12 février 2013, un conseil arbitral a conclu que :

  • - Il n’y avait pas lieu d’imposer à l’Intimé une inadmissibilité aux termes de l’article 37 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») et de l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »);
  • - Il n’y avait pas lieu d’imposer à l’Intimé une inadmissibilité aux termes de l’article 18a) de la Loi.

[3] L’Appelante a déposé un appel de la décision du conseil arbitral devant le juge- arbitre en date du 1er mars 2013.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience téléphonique pour les motifs mentionnés à l’avis d’audience du 20 décembre 2013. L’Appelante, représentée par Rachel Paquette, et l’Intimé, étaient présents lors de l’audience.

La loi

[5] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») est saisie des appels interjetés auprès du bureau du juge-arbitre et non encore entendus avant le 1er avril 2013, conformément aux articles 266 et 267 de la Loi sur l’Emploi, croissance et prospérité durable de 2012. Le 1er avril 2013, le juge-arbitre n’avait pas encore entendu l’appel de l’Appelant ni rendu de décision sur celui-ci. L’appel a été transféré du bureau du juge-arbitre à la Division d’appel du Tribunal. La permission d’en appeler est réputée avoir été accordée par le Tribunal le 1er avril 2013 conformément à l’article 268 de la Loi sur l’Emploi, croissance et prospérité durable de 2012.

[6] Par souci d’équité, la présente demande sera examinée sur la base des attentes légitimes de l’Appelante au moment du dépôt de son appel devant le juge-arbitre. Pour cette raison, le présent appel sera décidé en fonction des dispositions applicables de la Loi en vigueur immédiatement avant le 1er avril 2013.

[7] Conformément au paragraphe 115(2) de la Loi, alors en vigueur au moment de l’appel, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[8] Le Tribunal doit décider si le conseil arbitral a erré en fait et en droit en concluant qu’il n’y avait pas lieu de déclarer l’Intimé inadmissible aux termes de l’article 37 de la Loi et de l’article 55 du Règlement ainsi qu’aux termes de l’article 18a) de la Loi.

Arguments

[9] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • - Selon l’article 37b) de la Loi, un prestataire n’est pas admissible aux prestations lorsqu’il est à l’extérieur du Canada sauf si celui-ci rencontre l’un des motifs de l’article 55(1) du Règlement;
  • - L’article 55 du Règlement stipule que le prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu’il est à l’étranger mais cela sous réserve de l’article 18 de la Loi;
  • - Il a été déterminé par l’Appelante que l’Intimé n’était pas disponible aux termes de l’article 18 de la Loi et ce pour toute la durée de son séjour en Roumanie;
  • - L’Intimé a lui-même indiqué sur ses déclarations qu’il n’était pas prêt et disposé à travailler et capable de le faire pour la période du 2 au 17 octobre 2012;
  • - L’Intimé a confirmé de nouveau lors de l’audience devant le conseil arbitral qu’il lui était impossible de revenir au Canada si une offre d’emploi se présentait;
  • - Le conseil arbitral n’a pas expliqué pourquoi il a accepté ou rejeté certains éléments de preuve ce qui constitue une erreur de droit;
  • - Le conseil arbitral a clairement ignoré des éléments de preuve importants rendant sa conclusion déraisonnable.

[10] L’Intimé a soumis les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelante:

  • - Le conseil arbitral n’a commis aucune erreur de fait ou de droit et il n’a pas excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  • - La décision du conseil arbitral est conforme à la législation ainsi qu’à la décision de la Cour d’appel fédérale – Canada (PG) c. Walsh, 2008 CAF 220.

Normes de contrôle

[11] L’Appelante soumet que la norme de contrôle applicable à la question de droit est celle de la décision correcte. La norme de contrôle applicable à la question de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

[12] L’Intimé n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[13] Le Tribunal retient que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240. La norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[14] Les faits au dossier ne sont pas contestés.

[15] L’Intimé s’est absenté du Canada pour la période du 2 au 17 octobre 2012 pour assister aux funérailles de sa belle-mère en Roumanie. Il a pris des dispositions pour être rejoint pour un emploi mais ne pouvait pas revenir au pays dans les 48 heures advenant une offre d’emploi (Pièce 5.1). Il lui a pris soixante (60) heures pour se rendre aux funérailles et ce, compte tenu de la distance à parcourir et du temps d’attente entre chaque moyen de déplacement. (Pièce 10.5).

[16] Les dispositions législatives suivantes sont pertinentes au présent dossier :

« Article 37 de la Loi :

Prestataire en prison ou à l’étranger

37. Sauf dans les cas prévus par règlement, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est :

b) soit à l’étranger.

Article 55 du Règlement :

55. (1) Sous réserve de l’article 18 de la Loi, le prestataire qui n’est pas un travailleur indépendant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations du fait qu’il est à l’étranger pour l’un des motifs suivants :

b) assister, pendant une période ne dépassant pas 7 jours consécutifs, aux funérailles d’un proche parent ou des personnes suivantes :

(2) Pour l’application des paragraphes (1) et (1.1), les personnes ci-après sont considérées comme des proches parents du prestataire:

a) son père ou sa mère, ou le père ou la mère de son époux ou conjoint de fait;»

[17] Lorsqu’il a accueilli l’appel de l’Intimé, le conseil arbitral a déclaré ce qui suit :

« À la lumière des informations contenues au dossier, le Conseil arbitral arrive à la conclusion que le prestataire était à l’extérieur du Canada et qu’il rencontrait une des exceptions prévues à l’article 55 du Règlement.

En effet, l’article 55 du Règlement permet de reconnaître comme admissible au bénéfice des prestations, le prestataire à l’étranger pour assister aux funérailles d’un proche parent.

Concernant la question de disponibilité, le Conseil arbitral tient à mentionner toutefois, que cet article mentionne « sous réserve de l’article 18 de la Loi ». La jurisprudence CUB 66891 semble avoir interprété cette réserve en donnant au prestataire l’obligation de prouver « qu’il pouvait revenir dans un délai de 48 heures, s’il avait recu une occasion d’emploi au cours de son absence ». Cette interprétation nous semble détruire l’avantage donné au prestataire dans ces cas de deuil.

Comment peut-on autoriser une absence de sept (7) jours à l’étranger pour vivre avec sa famille un deuil, alors qu’il serait peut-être obligé de revenir rapidement et même être absent le jour des funérailles?

On doit aussi tenir compte de tous les délais occasionnés par des déplacements à l’étranger.

Il nous semble que l’article 55 du Règlement ne peut être contourné de cette facon.

Le prestataire dans ce dossier, devrait pouvoir bénéficier d’une absence de sept

(7) jours à l’étranger sans perte, durant cette période, du droit à ses prestations.

Nous n’avons pu retracer l’exigence d’un retour dans 48 heures ailleurs que dans la décision plus haut mentionnée.

Le prestataire, à l’improviste, a obtenu une envolée vers les Pays-Bas, une autre vers la Roumanie et enfin, un périple en train vers l’endroit des funérailles.

Compte tenu de ces faits et du temps d’attente entre chaque moyen de déplacement, il ne pouvait surement pas revenir dans les 48 heures, ayant pris 60 heures pour s’y rendre. »

[18] Dans une décision récente, Canada (PG) c. Elyoumni, 2013 CAF 151, la Cour d’appel fédérale est venue préciser l’interprétation de l’article 18(1) de la Loi et 55(1) du Règlement et plus particulièrement, comment le premier doit être interprété en cas d’application du second. La Cour nous indique ce qui suit :

« [13] La notion de disponibilité que l’on retrouve à l’alinéa 18(1)a) de la Loi n’est pas définie et doit s’interpréter selon le contexte. L’alinéa 55(1)a) du Règlement maintient l’admissibilité au bénéfice des prestations malgré le fait qu’un prestataire soit à l’étranger – voir l’article 37 de la Loi – si le but du voyage est d’assister aux funérailles d’un proche parent. Cette disposition a ses effets pendant sept jours.

[14] Compte tenu du principe selon lequel la loi n’est jamais sensée ne rien dire, le législateur – plus précisément le gouverneur en conseil – a nécessairement envisagé qu’un prestataire qui se prévaut de cette disposition puisse demeurer disponible aux fins du paragraphe 18(1) de la Loi malgré le fait qu’il soit à l’extérieur du pays.

[15] La disponibilité du prestataire bénéficiant de l’exception prévue au paragraphe 55(1) du Règlement s’évalue selon les circonstances de chaque cas. Dans le contexte de ce dossier, le prestataire devait, à tout le moins, démontrer qu’il avait pris les moyens pour être rejoint durant son absence du Canada si un emploi lui était offert. »

[19] Le Tribunal constate que le conseil arbitral n’a pas bénéficié des directives de la Cour d’appel fédérale lorsqu’il a rendu sa décision le 12 février 2013 puisque la décision de la Cour a été rendue le 6 juin 2013.

[20] Tel qu’indiqué par la Cour, la notion de disponibilité d’un prestataire bénéficiant de l’exception prévue au paragraphe 55(1) du Règlement n’est pas définie et s’évalue selon les circonstances de chaque cas.

[21] Dans le présent contexte, le Tribunal considère que la preuve devant le conseil arbitral a démontré que l’Intimé avait pris les moyens pour être rejoint durant son absence du Canada si un emploi lui était offert (Pièce 5.1). Il était déraisonnable d’exiger que l’Intimé puisse revenir au Canada dans un délai de 48 heures suivant une offre d’emploi dans les circonstances du présent dossier.

[22] Le Tribunal considère que le conseil arbitral n’a pas erré en fait et en droit lorsqu’il en venu à la conclusion que l’Intimé avait prouvé sa disponibilité à travailler selon les termes de l’article 18a) de la Loi et qu’il devait bénéficier d’une absence de sept (7) jours à l’étranger aux termes de l’article 55(1)b) du Règlement.

[23] Cependant, le conseil arbitral a erré en fait et en droit lorsqu’il n’a pas déclaré l’Intimé inadmissible au bénéfice des prestations pour le reste de la période pendant laquelle il était hors du Canada conformément à l’article 37b) de la Loi puisqu’aucune autre exception prévue à l’article 55 du Règlement ne trouvait application.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli en partie.

[25] L’Intimé est déclaré admissible au bénéfice des prestations pour une période de sept (7) jours à l’étranger aux termes de l’article 55(1)b) du Règlement.

[26] L’Intimé est déclaré inadmissible au bénéfice des prestations pour le reste de la période pendant laquelle il était hors du Canada conformément à l’article 37b) de la Loi.

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