Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli, la décision que le conseil arbitral a rendue le 15 mars 2012 est annulée et la décision de l’appelante est rétablie.

Introduction

[2] Le 15 mars 2012, les membres d’un conseil arbitral ont déterminé ce qui suit :

  • - L’intimé a subi un arrêt de rémunération au sens des articles 7 et 11 de la Loi sur l'assurance-emploi (la Loi) et de l'article 14 du Règlement sur l'assurance-emploi (le Règlement).

[3] L’appelante a porté cette décision en appel devant le Bureau du juge arbitre le 3 avril 2012.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience en personne pour les raisons indiquées dans l’avis d’audience daté du 17 décembre 2013. L’appelante, représentée par Gegerly Hegedus, a assisté à l’audience. L’intimé et son représentant, Edward H. Molstad, ont également assisté à l’audience.

Droit applicable

[5] En application des articles 266 et 267 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, la division d’appel du Tribunal est saisie de tout appel interjeté devant le Bureau du juge-arbitre mais non instruit par ce dernier avant le 1er avril 2013. À cette date, le Bureau du juge-arbitre n’avait pas décidé s’il accueillait ou rejetait l’appel de l’appelante. L’appel a donc été transféré du Bureau du juge-arbitre à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) puisque la division d’appel du Tribunal est réputée avoir accordé la permission d’en appeler le 1er avril 2013 en application de l’article 268 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012.

[6] Par souci d’équité, cette affaire sera examinée en fonction des attentes légitimes de l’appelante au moment du dépôt de son appel devant le Bureau du juge-arbitre. Pour cette raison, la décision relative à cet appel sera rendue en application de la Loi dans sa version antérieure au 1er avril 2013.

[7] En application du paragraphe 115(2) de la Loi dans sa version antérieure au 1er avril 2013, les seuls moyens d’appel devant le Tribunal sont les suivants :

  1. le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. le conseil arbitral a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. le conseil arbitral a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[8] Le Tribunal doit déterminer si le conseil arbitral a commis une erreur de fait et de droit lorsqu’il a conclu que l’intimé avait subi un arrêt de rémunération au sens des articles 7 et 11 de la Loi et de l’article 14 du Règlement.

Arguments

[9] L’appelante invoque les arguments suivants pour étayer son appel :

  • - le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  • - le conseil arbitral a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  • - le conseil arbitral a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
  • - La Cour d’appel fédérale a confirmé que lorsqu’il faut déterminer s’il y a eu arrêt de la rémunération quand la personne cesse de travailler pendant la période où elle était liée par contrat à l’employeur, il faut examiner les clauses de l’entente en ce qui concerne la date d’entrée en vigueur et la durée du contrat et la période pendant laquelle la rémunération en cause est payable.
  • - Le contrat de l’intimé a été signé le 15 mai 2008 pour la saison 2010, et l’équipe a décidé de renouveler le contrat-type de joueur de l’intimé le 5 novembre 2010 pour la saison 2011. Ce contrat indique clairement qu’il s’agit d’un contrat annuel et le montant du salaire qui sera versé.
  • - Le conseil arbitral n’a pas tenu compte du témoignage de l’intimé qui a signalé à maintes reprises que l’équipe pouvait mettre fin à son contrat en tout temps.
  • - Ces contrats étaient consécutifs et il n’y a eu aucune cessation d’emploi même si aucun chèque de paye n’a été émis durant la saison morte.
  • - Ces contrats n’ont jamais expiré, et ce, même durant la saison morte.
  • - Le relevé d’emploi sur lequel le conseil arbitral s’est fondé pour rendre sa décision ne concorde pas avec le contrat-type de joueur signé par l’intimé
  • - Le conseil arbitral n’a pas appliqué correctement les dispositions législatives ni la jurisprudence bien établie au cas de l’intimé, notamment les décisions CUB 76213, 42735 et 16774.

[10] L’intimé invoque les arguments suivants pour plaider sa cause : Le conseil arbitral n’a commis aucune erreur de fait ou de droit.

  • - La Cour d’appel fédérale a confirmé que lorsqu’il faut déterminer s’il y a eu arrêt de la rémunération quand la personne cesse de travailler pendant la période où elle était liée par contrat à l’employeur, il faut examiner les clauses du contrat en ce qui concerne la date d’entrée en vigueur et la durée du contrat et la période pendant laquelle la rémunération en cause est payable.
  • - En vertu du contrat-type de joueur et de la convention collective, l’intimé a subi un arrêt de rémunération après la fin de la saison de football.
  • - Le relevé d’emploi de l’intimé confirme qu’il a été mis à pied en raison d’un manque de travail ou qu’il a cessé d’occuper cet emploi à la fin du mois de novembre sans aucune garantie d’emploi futur.
  • - L’intimé n’a fourni aucun service à cet employeur et n’a pas été payé après la fin de la saison. Il était libre de travailler pour un autre employeur, sauf en tant que joueur de football.
  • - Outre la protection contre les blessures assurée en vertu du contrat-type de joueur, l’équipe de football peut mettre un terme au contrat d’un joueur en tout temps. Un joueur n’est payé que s’il dispute un match.
  • - L’équipe de football ne garantit au joueur qu’une entrevue ou un essai avec l’équipe pour la saison suivante.
  • - Le contrat de l’intimé est plutôt considéré comme un contrat d’emploi saisonnier qu’un contrat d’emploi continu annuel.
  • - Le paragraphe 14(1) du Règlement n’exige pas que la personne en cause ne soit pas liée par contrat. Le paragraphe 14(4) du Règlement ne s’applique pas en l’espèce puisque le joueur est payé pour chaque match disputé.
  • - La décision que la Cour canadienne de l’impôt a rendue dans l’affaire Reid c. M.N.R. le 8 novembre 2002 étaye l’interprétation de l’intimé selon laquelle, dans le milieu du football, la relation d’emploi se termine à la fin de la saison de football.

Norme de contrôle

[11] Les parties font valoir que la norme de contrôle judiciaire applicable aux questions de fait et de droit est celle de la décision raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

[12] Le Tribunal reconnaît que la Cour d’appel fédérale a déterminé que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral ou d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte – Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, et que la norme de contrôle judiciaire applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[13] L’intimé était un joueur de football qui travaillait pour les Alouettes de Montréal. Il était engagé en vertu de ce qu’on appelle un contrat-type de joueur de la Ligue canadienne de football, document qui constitue les pièces 8-11 à 8-12. Une copie plus lisible dudit contrat se trouve à l’annexe « A » de la convention collective (pièces 8-14 à 8-24).

[14] L’intimé a signé son contrat le 15 mai 2008 pour la saison 2010. Il était lié par ce contrat jusqu’au 15 février 2011. Il a été payé en dix-huit (18) versements égaux, chacun des versements a été fait dans les quarante huit (48) heures suivant chaque match de la saison régulière et aucun autre paiement n’était requis en vertu de ce contrat. Le 5 novembre 2010, l’équipe a décidé de renouveler le contrat de l’intimé pour la saison 2011 (pièce 8-26).

[15] Le contrat en vertu duquel l’intimé devait jouer au football pour les Alouettes de Montréal contient les clauses suivantes :

[TRADUCTION] « 1. La durée du contrat s'échelonne de la date de signature jusqu'au 15 février suivant la clôture de la saison de football débutant en 20__, sous réserve du droit de dénonciation spécifié dans le présent contrat.

2. Le joueur convient que pendant la durée du présent contrat il jouera au football et participera à des activités liées au football uniquement pour l’équipe et qu’il jouera pour l’équipe au cours de deux matchs d’avant saison et de dix-huit (18) matchs de la saison régulière et au cours des matchs des séries éliminatoires de la Ligue canadienne de football et de tout autre match approuvé par l’Association des joueurs de la Ligue canadienne de football. Sous réserve des clauses du présent contrat, l’équipe, quant à elle, convient d’engager le joueur pour la période indiquée à titre de joueur de football compétent. Le joueur accepte de se présenter à l’heure aux séances d’entraînement de l’équipe et, à la demande de la direction, à participer à toutes les séances de pratique, et ce, pendant toute la durée de son contrat.

3. Pour les services du joueur en tant que joueur de football compétent pendant la durée de ce contrat, et pour avoir renoncé à jouer au football, et à participer à des activités liées au football, pour toute autre personne, entreprise, équipe ou société pendant la durée de ce contrat ou pour les options établies ci-après donnant à l'équipe le droit de renouveler ce contrat et pour les autres engagements du joueur ci-inclus, l'équipe promet de payer au joueur la somme de _______$ de la façon suivante :

100 pour cent de ladite somme divisée en 18 versements égaux et payée au joueur dans les quarante-huit heures suivant chaque match de la saison régulière, lorsque le calendrier de l'équipe le permet et dans la mesure du possible. Les deux parties acceptent que le versement, en ce qui a trait aux matchs des séries éliminatoires, sera effectué par l'équipe au joueur conformément aux conditions énoncées ci-dessous.

15. Le ou avant la date d’expiration du présent contrat, l’équipe peut renouveler le présent contrat pour une autre année jusqu’au 15 février suivant sa date d’expiration en envoyant au joueur un avis écrit à son adresse domiciliaire permanente qui est indiquée ci dessous, et ce, aux mêmes conditions que celles énoncées dans le présent contrat sauf que : 1) l’équipe peut fixer le taux de rémunération qu’elle versera au joueur durant ladite période de renouvellement et que ce taux de rémunération ne sera pas inférieur à cent pour cent (100 %) du montant indiqué au paragraphe 3 du présent contrat et à cent pour cent (100 %) de toute prime ou paiement payable, à l’exception d’une prime à la signature, et 2) le renouvellement du présent contrat ne prévoit pas aucune autre option de renouvellement du contrat. Il est entendu que le renouvellement du présent contrat englobe toutes les clauses relatives aux primes quelle que soit l’année indiquée et la prime ou les versements de quelque nature que ce soit, à l’exception des primes à la signature qui ne sont pas incluses. »

[16] L’intimé a indiqué que, après la fin de la saison 2010, même s’il était lié par contrat aux Alouettes de Montréal, du 27 novembre 2010 au 5 juin 2011 il n’avait pas travaillé pour cette équipe et celle-ci ne lui avait versé aucune somme d’argent. Il était libre de chercher un autre emploi durant la « saison morte », mais il ne pouvait pas jouer au football pour aucune autre équipe, quel que soit le moment (pièce 8-32).

[17] Le conseil arbitral a accueilli l’appel de l’intimé et a tiré les conclusions suivantes :

[TRADUCTION] « Le conseil estime que le contrat-type de joueur de l’appelant n’est pas un contrat garantissant un emploi à une date ultérieure comme le contrat de travail des enseignants, mais qu’il lui garantissait une entrevue avec l’équipe de football les Alouettes ou un essai au sein de cette équipe.

Le conseil estime qu’à la fin de la saison de football de l’équipe, l’appelant ne fournissait plus de services et n’était plus rémunéré.

Le conseil estime que le contrat-type de joueur constituait une entente permettant à l’équipe de football les Alouettes de passer sous contrat les droits de jeu de l’appelant.

Le conseil estime que le relevé d’emploi délivré le 15 décembre 2010 indique qu’il y avait un manque de travail en raison de la fin de la saison.

Le conseil constate qu’avant 2010 l’appelant avait réussi à trouver, après la saison de football, un emploi chez Ranch Ehrlo, à Regina, pendant quatre années consécutives. Après la saison 2010, il est devenu le principal fournisseur de soins de son père et, par la suite, de sa mère.

Le conseil estime qu’il y a eu arrêt de la rémunération après la saison de football de 2010.

Le conseil se fonde sur la décision CUB 56362 dont voici un extrait :

« Je souscris aux conclusions du conseil arbitral parce que, dans la présente affaire, il n'y avait pas encore de signes de régularité. Il s'agissait d'un premier emploi pour le prestataire dans cette entreprise et de sa première mise à pied. Rien n'indiquait qu'il serait réembauché pour des voyages futurs. La seule preuve présentée au conseil concernait les deux voyages effectués et la mise à pied subséquente. Dans les circonstances, je suis convaincu que le conseil n'a été saisi d'aucune preuve indiquant un horaire de travail particulier qui ferait intervenir le paragraphe 11(4) de la Loi. Pour ces motifs, l'appel de la Commission est rejeté. »

Le conseil constate que l’équipe de football les Alouettes exerce ses activités pendant les 52 semaines de l’année et qu’elle emploie des personnes dont l’appelant ne faisait plus partie en raison d’un manque de travail et juge également que ce dernier n’avait aucune garantie d’emploi futur.

Le conseil estime que s’il faut considérer le contrat de travail de l’appelant comme un contrat, les paragraphes 36(4) et 36(5) du Règlement sur l’assurance emploi doivent donc s’appliquer. Le relevé d’emploi indique qu’il a été mis à pied en raison d’un manque de travail. »

[18] La Commission, en l’occurrence l’appelante, estime que le conseil arbitral a commis une erreur de fait et de droit lorsqu’elle a conclu que l’intimé avait subi un arrêt de rémunération au sens de l’article 14 du Règlement. L’appelante prétend que le conseil arbitral s’est fondé sur la dernière période de paye indiquée sur le relevé d’emploi et sur la fin de la saison 2010 et qu’il a fait abstraction des autres éléments de preuve qui confirmaient que l’intimé avait été engagé comme joueur de football professionnel en vertu d’un contrat qui prenait fin le 15 février 2011, que ledit contrat avait été renouvelé pour l’année suivante et qu’il avait été rémunéré pour ses services pendant la durée de son contrat. Le fait que le conseil arbitral n’ait pas appliqué le critère prévu à l’article 14 du Règlement aux éléments de preuve pertinents versés au dossier constitue une erreur de droit.

[19] Le Tribunal estime, d’une part, que le conseil arbitral n’a pas tenu compte des éléments de preuve portés à sa connaissance qui indiquent clairement que le contrat de l’intimé ne prenait fin que le 15 février 2011 et, d’autre part, qu’il a commis une erreur de fait et de droit lorsqu’il a conclu que compte tenu du fait que l’intimé n’était pas payé jusqu’à la date d’expiration de son contrat, il avait subi un arrêt de rémunération à la suite du versement de sa dernière paye le 26 novembre 2010. Cette conclusion du conseil arbitral va à l’encontre des clauses du contrat (pièces 8-11 à 8-24) qui indiquent ce qui suit :

[TRADUCTION] « 1. La durée du contrat s'échelonne de la date de signature jusqu'au 15 février suivant la clôture de la saison de football débutant en 20__[...]

2. Le joueur convient que pendant la durée du présent contrat il jouera au football et participera à des activités liées au football uniquement pour l’équipe et qu’il jouera pour l’équipe au cours de deux matchs d’avant saison et de dix huit (18) matchs de la saison régulière et au cours des matchs des séries éliminatoires de la Ligue canadienne de football et de tout autre match approuvé par l’Association des joueurs de la Ligue canadienne de football.

3. Pour les services du joueur en tant que joueur de football compétent pendant la durée de ce contrat, et pour avoir renoncé à jouer au football, et à participer à des activités liées au football, pour toute autre personne, entreprise, équipe ou société pendant la durée de ce contrat ou pour les options établies ci-après donnant à l'équipe le droit de renouveler ce contrat et pour les autres engagements du joueur ci-inclus, l'équipe promet de payer au joueur la somme de _______$ de la façon suivante : 100 pour cent de ladite somme divisée en 18 versements égaux et payée au joueur dans les quarante-huit heures suivant chaque match de la saison régulière, lorsque le calendrier de l'équipe le permet et dans la mesure du possible. Les deux parties acceptent que le versement, en ce qui a trait aux matchs des séries éliminatoires, sera effectué par l'équipe au joueur conformément aux conditions énoncées ci-dessous.

15. Le ou avant la date d’expiration du présent contrat, l’équipe peut renouveler le présent contrat pour une autre année jusqu’au 15 février suivant sa date d’expiration en envoyant au joueur un avis écrit à son adresse domiciliaire permanente qui est indiquée ci dessous […]. »

(Soulignement ajouté par le soussigné)

[20] L’expression « arrêt de rémunération » est définie comme suit au paragraphe 14(1) du Règlement :

« 14(1)

Sous réserve des paragraphes (2) à (7), un arrêt de rémunération se produit lorsque, après une période d’emploi, l’assuré est licencié ou cesse d’être au service de son employeur et se trouve à ne pas travailler pour cet employeur durant une période d’au moins sept jours consécutifs à l’égard de laquelle aucune rémunération provenant de cet emploi, autre que celle visée au paragraphe 36(13), ne lui est payable ni attribuée. »

[21] L’appelante estime que le paragraphe 14 (4) du Règlement, qui est libellé comme suit, s’applique :

« 14 (4)

Lorsque l’assuré exerce un emploi aux termes d’un contrat de travail selon lequel sa rétribution habituelle est payable pour une période dépassant une semaine, aucun arrêt de rémunération ne se produit au cours de cette période, quelle que soit la quantité de travail accomplie durant cette période et quel que soit le moment ou le mode de versement de la rétribution. »

[22] Une multitude de décisions faisant jurisprudence ont été rendues par des juges arbitres au sujet de la question relative à l’arrêt de rémunération soulevée dans l’appel dont le Tribunal est présentement saisi.

[23] Dans la décision CUB 5541, le juge-arbitre s’est exprimé en ces termes :

« Si son contrat se terminait à la fin de la saison, le joueur serait admissible au bénéfice des prestations à condition qu’il démontre, en effectuant des recherches suffisantes qu’il ne se limite pas à un emploi lié au sport constituent son occupation principale mais qu’il est disposé à accepter un autre emploi convenable dont il est en mesure d’assumer les fonctions et qu’il en cherche un. Cependant, si le prestataire reste assujetti à un contrat, il ne peut se prétendre en chômage, même s’il n’a aucune fonction à exercer en vertu dudit contrat durant la saison morte. Si à la fin de la saison, les dirigeants d’un club décidaient de ne pas renouveler le contrat d’un joueur pour la saison suivante, celui-ci pourrait peut-être obtenir la résiliation de son contrat avant son expiration et entrer ainsi sur le marché du travail, mais rien n’indique que le prestataire ait été dans ce cas. Le renouvellement de son contrat, n’était pas assuré, mais il restait néanmoins en vigueur pendant l’automne. La saison de football se terminait le 15 novembre 1977 pour l’équipe dont faisait partie le prestataire. Celui-ci n’a reçu aucune rémunération après le dernier versement, mais il n’a présenté sa demande de prestations que le 19 janvier 1978. Il a été déclaré inadmissible du 15 janvier 1978 au 15 avril 1978, date de la résiliation du contrat. »

[24] Dans la décision CUB 16774, le juge-arbitre a écrit ce qui suit :

« Le prestataire de l’espèce n’était pas rémunéré à la semaine ou à toute autre période régulière. Son contrat portait sur une année et prévoyait expressément un salaire annuel. Le prestataire savait qu’il y aurait des semaines, dans la saison ou hors saison, où il ne recevrait aucune somme parce que le moment des versements dépendait du calendrier des parties, sans aucune autre considération temporelle. Ainsi, "sa rémunération habituelle" était-elle payée selon un système qui comprenait des semaines où il ne recevait aucun versement de salaire parce qu’aucune partie ne se jouait ces semaines-là. Cette irrégularité du salaire était prévue par l’échéancier des versements. Je ne crois donc pas que le prestataire a prouvé avoir subi un arrêt de rémunération. Les semaines au cours desquelles il n’a reçu aucun versement de salaire faisaient partie du régime salarial qui déterminait "sa rémunération habituelle" ».

[25] Dans la décision CUB 22887, le juge-arbitre a mentionné ceci :

« Il est un principe bien établi que lorsqu'il y a contrat de travail entre employeur et employé, toute semaine comprise dans ce contrat faisant l'objet d'une rémunération ne devient pas une semaine de chômage aussitôt que l'employé n'a aucune fonction à remplir au cours de cette semaine. »

[26] Dans la décision CUB 42735, le juge-arbitre s’est exprimé en ces termes :

« Le conseil arbitral, en jugeant que le contrat du prestataire ne prenait pas fin avant le 15 février 1998, a commis une erreur de fait et de droit en concluant qu'étant donné qu'il n'était pas rémunéré jusqu'à la date de la fin de son contrat, soit le 15 février 1998, il avait subi un arrêt de rémunération à la suite de sa dernière paye, le 1er novembre 1997. Cette conclusion du conseil arbitral est contraire aux dispositions du contrat, qui précise que : La durée du contrat s'échelonne de la date de signature jusqu'au 15 février suivant la clôture de la saison de football débutant en 19__ ... » (pièce 5-2)

[27] Dans la décision CUB 47852, le juge-arbitre a indiqué ce qui suit :

« Le fait que le prestataire n'était pas obligé de « jouer au football » pour son employeur du 30 novembre au 15 février, période qui accordait une « conjoncture favorable » à son employeur en vertu de son contrat, ne signifie pas qu'il n'était pas « lié par contrat » pouvant permettre de conclure qu'il y a eu arrêt de rémunération conformément à la Loi et au Règlement.

Je comprends très bien la frustration du prestataire. Néanmoins, il était lié par contrat lorsqu'il a présenté sa demande de prestations. Le fait que le prestataire n'était pas obligé, comme il le déclare, de remplir quelque fonction que ce soit pour son employeur ne me permet pas de conclure qu'il y a eu arrêt de rémunération. »

[28] Dans la décision CUB 76213, le juge-arbitre s’est exprimé en ces termes :

« Les juges-arbitres se sont maintes fois penchés sur la question en litige dans le présent appel. Ils ont examiné les cas de joueurs de football professionnels embauchés en vertu de contrats similaires à celui du prestataire (pièce 7), contrats qui prévoient que les joueurs sont payés en entier à la fin de la saison mais qui couvrent la période de 52 semaines en entier. Les juges-arbitres ont statué, contrairement à la décision rendue par le conseil arbitral dans la présente instance, que même si le dernier jour de paie inscrit sur le relevé d’emploi est antérieur à l’expiration du contrat, le salaire est un salaire annuel qui englobe toute la durée du contrat. »

[29] Dans le cas qui nous occupe, les éléments de preuve indiquent clairement que le contrat de l’intimé prenait fin le 15 février 2011, même si son salaire a été versé pendant la saison de football. Sa « rétribution habituelle » était versée en fonction d’un système selon lequel il ne recevait aucun versement de salaire pendant les semaines où aucun match n’était disputé. Il n’y a eu aucun arrêt de la rémunération au cours de la période visée par ce contrat au sens du paragraphe 14(4) du Règlement, quelle que soit la quantité de travail accomplie durant cette période et quel que soit le moment ou le mode de versement de la rétribution payée à l’intimé.

[30] Le Tribunal estime que lorsqu’un joueur est encore lié par contrat, il ne peut prétendre qu’il est en chômage, même s’il n’a aucune fonction à exercer en vertu dudit contrat durant la « saison morte ».

[31] L’intimé s’est fondé sur la décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Reid c. M.N.R. le 8 novembre 2002 pour étayer son interprétation selon laquelle, dans le milieu du football, la relation d’emploi se termine à la fin de la saison de football. Cependant, ladite décision ne lie pas le conseil arbitral ni le Tribunal, et elle porte sur une question relative aux « heures d’emploi assurable » qui est différente. Cela ne change rien aux précédents juridiques susmentionnés que des juges arbitres ont établis en ce qui concerne la question de l’arrêt de rémunération.

[32] Avec tout le respect que je lui dois, et malheureusement pour l’intimé, le conseil arbitral a commis une erreur de fait et de droit au sens des alinéas 115(2) b) et c) de la Loi lorsqu’il a conclu que l’intimé avait subi un arrêt de rémunération aux termes de l’article 11 de la Loi et de l’article 14 du Règlement.

Conclusion

[33] L’appel est accueilli. La décision que le conseil arbitral a rendue le 15 mars 2012 est annulée et la décision de l’appelante est rétablie.

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