Assurance-emploi (AE)

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Comparutions

La prestataire a comparu lors de l'audience et avait amené son conjoint et ancien collègue de travail à titre de témoin. La représentante de l'employeur était présente lors de l'audience.

Décision

[1] Le Tribunal rejette l'appel de la prestataire et conclut que cette dernière n'est pas admissible au bénéfice des prestations d'assurance-emploi à compter du 15 septembre 2013, parce qu'elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

Introduction

[2] Le 17 octobre 2013, la Commission de l'assurance-emploi du Canada (la « Commission ») approuve la demande de prestations d'assurance-emploi de la prestataire pour le motif selon lequel l'employeur n'a pas fourni suffisamment de renseignements pour démontrer que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (pièce GD3-19). Le 28 octobre 2013, l'employeur demande la révision de la décision de la Commission de verser le bénéfice des prestations à la prestataire (pièce GD3-21). Dans sa décision révisée suite à la demande de révision de l'employeur, la Commission informe la prestataire que suite à une seconde analyse que le « congédiement de la prestataire constituait de l'inconduite » (sic.) (pièce GD3-34). La prestataire donc fait appel de la décision révisée de la Commission de refuser de lui verser ses prestations dès le 15 septembre 2013.

Mode d'audience

[3] L'audience s'est tenue en personne pour les motifs évoqués dans l'avis d'audience (pièce GD1-1).

Question en litige

[4] Le Tribunal doit déterminer si la prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens de l'article 29 & 30 de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi »).

Droit applicable

[5] Les paragraphes 29a) et b) de la Loi indiquent que pour l'application des articles 30 à 33, un « emploi » (a) s'entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations et que la suspension (b) est assimilée à la perte d'emploi, mais n'est pas assimilée à la perte d'emploi la suspension ou la perte d'emploi résultant de l'affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l'exercice d'une activité licite s'y rattachant.

[6] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite ou s'il quitte volontairement un emploi sans justification à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu'il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures requis, au titre de l'article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage ;
  2. b) qu'il ne soit inadmissible, à l'égard de cet emploi, pour l'une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[7] Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit que sous réserve des paragraphes (3) à (5), l'exclusion doit être purgée au cours des semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent le délai de carence pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n'est pas touchée par la perte subséquente d'un emploi au cours de la période de prestations.

[8] Dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Larivée (2007 CAF 132), la Cour d'appel fédérale établit que c'est à la Commission de s'acquitter du fardeau de la preuve de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'un ou l'autre des gestes d'un prestataire constituait de l'inconduite.

[9] Dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Tucker (A-381-85), la Cour d'appel fédérale (la « Cour ») précise ce qui constitue de l'inconduite, ce que la Loi omet de faire. Ainsi la Cour a établi que pour « (…) constituer de l'inconduite, l'acte reproché doit avoir été volontairement ou du moins procéder d'une telle insouciance ou négligence que l'on pourrait dire que l'employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement. »

[10] Dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Hastings (2007 CAF 372), la Cour qualifie et raffine la notion d'inconduite. Ainsi la Cour à établie qu'il « (…) y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c'est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l'exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu'il soit congédié. »

[11] Dans l'affaire Locke c. Canada (Procureur général) (2007 CAF 262), la Cour met de l'avant que pour que l'acte reproché soit de l'inconduite, il faut que le prestataire puisse avoir su qu'il serait probablement congédié en agissant de la sorte.

[12] Dans l'affaire Canada (Procureur général) c. McNamara (2007 CAF 107) la Cour soutient que le lien entre l'emploi et l'inconduite doit être un lien de causalité et non un lien de simultanéité.

[13] Dans les affaires Canada (Procureur général) c. Cartier (2001 CAF 274) et Smith c. Canada (Procureur général) (A-875-96), entre autre, la Cour soutient qu'il doit y avoir un lien de causalité entre l'inconduite reprochée au prestataire et la perte d'emploi. Il faut que l'inconduite cause la perte d'emploi et qu'elle en soit une cause opérante. Il faut également, en plus de la relation causale, que l'inconduite soit commise par le prestataire alors qu'il était à l'emploi de l'employeur et qu'elle constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail.

[14] Dans l'affaire Auclair c. Canada (Procureur général) (2007 CAF 19), la Cour affirme qu'il n'appartenait pas au conseil arbitral de se demander si le congédiement était la mesure disciplinaire appropriée eu égard à l'inconduite reprochée.

[15] Dans l'affaire Fleming c. Canada (Procureur général) (2006 CAF 16), la Cour énonce qu'il ne revient pas au Tribunal de savoir si l'employeur s'est rendu coupable d'inconduite en congédiant le demandeur de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le demandeur s'est rendu coupable d'inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploi.

[16] Dans l'affaire Fleming c. Canada (Procureur général) (2006 CAF 16) il est indiqué que même en admettant que l'employeur se soit montré zélé, voire acharné, à l'endroit d'un prestataire, ce zèle ou cet acharnement à constater les manquements d'un prestataire n'efface pas leur existence et ne diminue pas leur gravité.

[17] Dans l'affaire Fakhari c. Canada (procureur général) (A-732-95), la Cour soutient que « (…) l'appréciation subjective par un employeur du type d'inconduite qui justifie le renvoi pour juste cause ne saurait être considérée comme liant le conseil arbitral. Il n'est pas difficile d'envisager des cas où les actes d'un employé pourraient être régulièrement qualifiés d'inconduite, mais la décision de l'employeur de renvoyer cet employé sera à juste titre considérée comme arbitraire pour ne pas dire déraisonnable. Nous ne croyons pas que le simple fait pour un employeur d'être convaincu que la conduite en question est une inconduite, et que c'était là le motif de la cessation de l'emploi, satisfasse au fardeau de la preuve qui incombe à la commission en application de l'article 28. »

Preuve

[18] La preuve documentaire contenue au dossier est la suivante :

  1. que le 9 septembre 2013, la prestataire n'est pas entré au travail et n'a pas averti son employeur qu'elle n'entrerait pas au travail (pièce GD3-6) ;
  2. une demande initiale de prestations datée du 11 septembre 2013 (pièce GD3-13) ;
  3. un relevé d'emploi portant le nom de la prestataire et de nom de l'employeur qui inclut la cote M, ou congédiement comme raison d'émission dudit relevé (pièce GD3-14) ;
  4. un rapport pré-intervention de la part des ressources humaines sur l'attitude de la prestataire envers les clients et certains collègues de travail (pièce GD3-25) ;
  5. un résumé de rencontre des ressources humaines avec la prestataire ayant eue lieu à la fin du mois d'août et une note finale affirmant que la prestataire devrait être rencontrée en début de semaine suivant ce courriel daté du 6 septembre 2013 (pièce GD3-26 et 27) ;
  6. un résumé des étapes fournies par les ressources humaines menant au congédiement de la prestataire (pièce GD3-28) ;
  7. l'horaire de travail de l'entreprise sur lequel il est inscrit « A. O. : Je ne veux pas faire partie de cette cédule. Je ne veux plus faire d'urgence. » (pièce GD3-30) ;
  8. une lettre de congédiement signée par la représentante de l'employeur à l'intention de la prestataire (pièce GD3-31) ;
  9. qu'au moment où la prestataire a été embauchée, il n'y avait pas de description de poste signée par la prestataire, mais celle-ci devait être disponible 24h sur 24 et 7 jours sur 7 (pièce GD3-32) ;
  10. que normalement les techniciens sont sur un horaire de jour (pièce GD3-32) ;
  11. que si les techniciens ne sont pas sur un sinistre, ils travaillent à l'entrepôt de l'employeur et qu'après 40 heures, ou au-delà de leur journée normale, les techniciens sont payés en temps supplémentaire (pièce GD3-32) ;
  12. qu'en septembre 2013, l'employeur a fait une modification des horaires de travail pour une période d'essai et comme cet horaire n'a pas «fonctionné», l'employeur est revenu à l'ancien horaire (pièce GD3-32).

[19] La preuve documentaire fournie lors de l'audience est la suivante :

  1. une feuille de temps de la prestataire et de son conjoint pour la semaine du 9 au 13 septembre 2013 (pièce GD8-2) ;
  2. un document signé par quelques anciens collègues de travail affirmant que la prestataire a organisé une journée de « No show » pour la journée du 10 septembre 2013 (pièce GD8-3).

Arguments des parties

[20] La prestataire a fait valoir :

  1. que l'employeur ne lui a pas expliqué la raison de son congédiement (pièce GD3-16) ;
  2. qu'une semaine avant son congédiement, son employeur l'a rencontrée pour lui faire part de plaintes de clients concernant son comportement (pièce GD3-16) ;
  3. que la prestataire ne s'est pas présentée au travail le 9 septembre 2013 parce qu'elle était à l'extérieur de la région et a décidé de prolonger sa fin de semaine (pièce GD3-16) ;
  4. qu'elle n'a pas avisé son employeur qu'elle serait absente du travail le lundi 9 septembre 2013, parce que son téléphone portable ne fonctionnait pas (pièce GD3-16) ;
  5. qu'elle n'a pas organisée une journée de « No show », mais affirme en avoir entendu parler (pièce GD3-18 et GD3-33) ;
  6. qu'elle ne s'est pas présentée au travail en retard le mardi 10 septembre 2013 (pièce GD3-18) ;
  7. qu'elle est arrivée en retard au travail le mardi 10 septembre 2013 à cause du traffic (pièce GD3-33) ;
  8. qu'il est exagéré de dire qu'elle peut faire vibrer une maison avec un poids de 120 livres (Audience) ;
  9. qu'il n'y avait pas tant d'écart que cela entre son attitude normale et celle qu'elle a eu dans ses dernières semaines de travail pour l'employeur (Audience) ;
  10. que sur les points discutés avec les ressources humaines, elle n'a pas eu de plan de redressement, ni de date pour une rencontre subséquente pour suivi (Audience) ;
  11. qu'elle n'était pas au courant de la rencontre du lundi 9 septembre 2013 présentée par l'employeur (Audience) ;
  12. qu'avoir su qu'elle aurait une sanction disciplinaire le lundi 9 septembre 2013, la prestataire aurait fait acte de présence au travail (Audience) ;
  13. qu'elle demandait parfois des heures d'urgences à ses collègues parce qu'elle aimait son travail (Audience) ;
  14. qu'elle n'est pas l'instigatrice de la journée de « No show » (Audience) ;
  15. que le nouveau type d'horaire l'aurait beaucoup désavantagée financièrement (Audience) ;
  16. que lors de l'embauche, il est vrai qu'elle n'a pas signé de contrat, mais qu'on lui a affirmé qu'elle devait commencer à 8heures le matin, mais qu'elle ne saurait jamais à quelle heure elle finirait (Audience) ;
  17. qu'elle ne voulait pas débuter, selon le nouvel horaire, à midi après une journée d'urgence et qu'à la réunion de présentation de ce nouvel horaire il avait clairement été indiqué aux employés qu'ils pouvaient refuser ce nouvel horaire (Audience) ;
  18. qu'elle est véritablement arrivé au travail en retard le mardi 10 septembre 2013, mais pas de plus d'une heure, mais bien de trente minutes (Audience) ;
  19. qu'elle est allée tout de suite voir son patron après son arrivée le mardi 10 septembre 2013 (Audience) ;
  20. qu'elle était prête à subir les conséquences de la journée où elle n'est pas entrée au travail (Audience) ;
  21. qu'un de ses anciens collègue est venu la rencontrer elle et son conjoint à la maison pour l'inciter à prendre part à une journée de « No show » (Audience) ;
  22. que pour elle, l'employeur n'est pas constant dans son argumentaire parce que celui-ci affirme vouloir, dans un courriel à l'interne, la congédier pour des raisons de non-changement de comportement après une rencontre de ressources humaines et dans une conversation entre l'employeur et Service Canada, ils affirment qu'ils ne l'auraient pas congédié à cause de son comportement (Audience) ;
  23. qu'elle n'a pas été avisée des raisons de son congédiement (Audience) ;
  24. que ce n'était pas son intention de quitter son emploi, mais qu'elle souhaitait tout de même retourner à l'école (Audience) ;
  25. que son supérieur immédiat était reconnu au sein de l'entreprise comme étant une personne au comportement changeant et une personne ayant des difficultés à interagir avec les autres (Audience) ;
  26. qu'elle a déduit qu'elle était la cible du caractère de son supérieur immédiat dans les dernières semaines de travail (Audience) ;
  27. qu'en très peu de temps, on lui a offert deux augmentations de salaire et que cela démontre qu'elle était appréciée de son employeur (Audience) ;
  28. que la seule raison pour laquelle elle a été mise à pied c'est à cause de la présomption selon laquelle elle a préparé la journée de « No show » (Audience) ;
  29. qu'elle n'a pas été mise au courant, lors de son congédiement, que c'est à cause de la prétendue journée du « No show » qu'elle a été mise à la porte (Audience).

[21] Le témoin a fait valoir :

  1. que le comportement du supérieur de la prestataire était très changeant, il manquait beaucoup de tact, il était impoli et donnait des ordres sur un ton sec (Audience) ;
  2. que le supérieur de la prestataire a suivi une formation spécifique pour interagir avec les autres (Audience).

[22] L'employeur a soutenu :

  1. que la prestataire a été rencontrée une semaine avant son congédiement à cause de son comportement inadéquat au domicile d'un client (pièce GD3-17) ;
  2. que la prestataire s'est présentée plus d'une heure en retard au travail le mardi 10 septembre 2013, mais qu'elle n'aurait pas été congédiée pour ça (pièce GD3-17) ;
  3. que la prestataire a tenté de préparer une journée de « No show » pour protester contre les nouvelles mesures d'urgences (pièce GD3-17) ;
  4. que l'employeur a reçu plusieurs plaintes à l'égard du comportement et du travail effectué par la prestataire par des clients, collègues ou supérieurs (pièce GD3-20) ;
  5. que tous les employés sont sur appel et obligés d'être disponibles pour travailler de nuit et lors de fins de semaine, mais que la prestataire a inscrit sur l'horaire «Je ne veux pas faire partie de cette scédule. Je ne veux plus faire d'urgence.»(sic) (pièce GD3-22) ;
  6. que lors de la rencontre prévue le lundi 9 septembre 2013, la prestataire aurait été rencontrée pour lui mentionner que si elle ne voulait plus faire d'urgence, elle ne pourrait plus travailler pour l'entreprise (pièce GD3-22) ;
  7. que seul elle et son conjoint ont mis en œuvre la journée de « No show » finalement (pièce GD3-22) ;
  8. que le mardi 10 septembre 2013, une heure après l'heure normale de début de la journée, elle est entrée au travail sans aller voir son superviseur pour lui parler de son retard de la veille ou celui de la journée en cours en particulier (pièce GD3-22) ;
  9. que la prestataire a envoyé des textos/SMS aux techniciens de l'employeur pour les inciter à ne pas entrer au travail (pièce GD3-22) ;
  10. que lors de la rencontre avec la prestataire le 11 septembre 2013, la prestataire était au courant du sujet de la rencontre et qu'elle a avisé l'employeur de son intention de retourner aux études (pièce GD3-22) ;
  11. que l'employeur a rencontré la prestataire à la fin août après dix plaintes à son propos, déposées par des clients ou des collègues de travail (Audience) ;
  12. qu'il est vrai que la prestataire ne savait pas que l'employeur préparait une rencontre de ressources humaines le lundi 9 septembre 2013 (Audience) ;
  13. que l'employeur n'a pas vu d'amélioration dans l'attitude de la prestataire suite à la première rencontre de ressources humaines qui avait eu lieu à la fin du mois d'août (Audience) ;
  14. qu'il n'y avait plus de contact entre la prestataire et son supérieur immédiat (Audience) ;
  15. qu'en voyant que les collègues de travail entraient au travail malgré la journée de « No show » préparée par la prestataire, elle et son conjoint ont décidés d'entrer au travail (Audience) ;
  16. qu'il est faux de dire que la prestataire a tenté de reprendre son emploi (Audience) ;
  17. qu'il est vrai que le superviseur immédiat de la prestataire a reçu une formation pour aider à son caractère, qu'il peut avoir des changements d'humeurs, mais que ce n'est jamais braqué envers quelqu'un en particulier (Audience) ;
  18. que l'employeur remet en cause l'intégrité de la prestataire dans cette cause (Audience) ;
  19. que des plans d'amélioration ne sont appliqués que depuis très récemment auprès des employés de l'entreprise (Audience) ;
  20. que la prestataire a véritablement commis de l'inconduite et qu'elle ne devrait pas avoir droit aux prestations (Audience).

[23] L'intimée a soutenu :

  1. qu'il est de la responsabilité de la Commission de rassembler tous les renseignements pertinents pour déterminer si une personne a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite (pièce GD4-6) ;
  2. qu'elle s'attend à ce que l'employeur fasse connaître les actions ou omissions précises qui sont à l'origine du renvoi et sur quels renseignements il s'appuie pour dire que la personne nommée a fait ces actions ou omissions (pièce GD4-6) ;
  3. qu'il ne revient pas à l'employeur de démontrer que ces actions ou omissions constituent de l'inconduite au sens de la loi et la Commission ne doit pas se fier uniquement sur la conviction de l'employeur que la conduite en question est de l'inconduite (pièce GD4-6) ;
  4. que de nombreuses situations se présentent où les versions données par les parties diffèrent sensiblement, quand elles ne sont pas carrément opposées et qu'il s'agit alors de s'en remettre à la bonne foi des personnes interrogées et d'évaluer la crédibilité des renseignements et des témoignages reçus (pièce GD4-7) ;
  5. qu'elle a accordé la crédibilité à l'employeur plutôt qu'à celle de la prestataire car l'employeur fournit les détails et les preuves démontrant tous les agissements de la prestataire qui a amené son congédiement (pièce GD4-7) ;
  6. que les explications de la a prestataire sont peu crédibles puisque lors de la première version, elle a nié être arrivée en retard le 10 septembre 2013 (pièce GD4-7) ;
  7. que la prestataire ne fournit aucune preuve pour contredire toutes les informations fournies et détaillées par l'employeur (pièce GD4-7 et 8) ;
  8. que la seule preuve que la prestataire peut fournir est le témoignage de son conjoint qui travaillait pour la même compagnie qu'elle et qu'il n'y travaille plus, ce qui peut laisser un fort doute sur les informations qu'il peut fournir pour que la prestataire puisse en tirer un avantage (sic.) (pièce GD4-8) ;
  9. que dans la présente cause, l'employeur a fourni tous les détails et toutes les preuves pouvant démontrer que la prestataire a agi de façon délibérée pour perdre son emploi (pièce GD4-8).

Analyse

[24] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit qu'un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite et le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit quant à lui que l'exclusion doit être purgée au cours des semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent le délai de carence pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations. L'arrêt Larivée (2007 CAF 132) a établi que c'est à la Commission de s'acquitter du fardeau de la preuve que l'un ou l'autre des gestes d'un prestataire constituait de l'inconduite. Mais comme la Loi n'établit pas ce qu'est de l'inconduite, l'arrêt Tucker (A 381-85) se charge de le définir en instruisant que l'acte reproché doit avoir été volontairement ou du moins procéder d'une telle insouciance ou négligence que l'on pourrait dire que l'employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement. Plus récemment, l'arrêt Hastings (2007 CAF 372), ajoute qu'il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c'est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l'exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu'il soit congédié.

[25] Dans l'affaire Locke (2007 CAF 262), la Cour met de l'avant que pour que l'acte reproché soit de l'inconduite, il faut que le prestataire puisse avoir su qu'il serait probablement congédié en agissant de la sorte. De plus, les arrêts Auclair (2007 CAF 190) et Flemming (2006 CAF 16) indiquent qu'il n'appartient pas au Tribunal de se demander si le congédiement était la mesure disciplinaire appropriée eut égard à l'inconduite reprochée ou de savoir si l'employeur s'est rendu coupable d'inconduite en congédiant le demandeur de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le demandeur s'est rendu coupable d'inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploi.

[26] Dans ce dossier, la Commission argue qu'elle a accordé la crédibilité à la version de l'employeur plutôt qu'à celle de la prestataire car l'employeur fournit les détails et les preuves démontrant tous les agissements de la prestataire qui a amené son congédiement. La Commission ajoute que les explications de la prestataire sont peu crédibles puisque lors de la première version de ceux-ci, elle a nié être arrivée en retard le 10 septembre 2013 et qu'elle n'a fournit aucune preuve pour contredire toutes les informations détaillées fournies par l'employeur. La Commission indique que la seule preuve que la prestataire peut fournir est le témoignage de son conjoint qui travaillait pour la même compagnie qu'elle, qu'il n'y travaille plus, ce qui peut laisser un fort doute sur les informations qu'il peut fournir. Finalement, la Commission insiste sur le fait que dans la présente cause, l'employeur a fourni tous les détails et toutes les preuves pouvant démontrer que la prestataire a agi de façon délibérée pour perdre son emploi.

[27] L'employeur pour sa part, indique que la prestataire a été rencontrée à la fin du mois d'août 2013, parce qu'une dizaine de personnes, dont des clients, s'étaient plaints de l'attitude de la prestataire. L'employeur affirme que la prestataire n'est pas entrée au travail le 9 septembre 2013, mais qu'elle n'aurait pas été congédiée pour cela si ce n'avait été de l'organisation par la prestataire d'une journée de « No show », que les autres employés n'ont pas observé. L'employeur soulève le fait que la prestataire avait indiqué sur l'horaire de travail qu'elle voulait pas faire partie de l'horaire et qu'elle ne voulait plus faire d'urgence. L'employeur ajoute que lors de l'embauche de la prestataire il était convenu qu'elle devait être disponible 24h/7jours pour le travail. L'employeur affirme que la journée où il voulait rencontrer la prestataire, elle ne s'est pas présentée au travail et que la journée suivante elle n'a pas tenté d'expliquer son absence de la veille ni celle de la journée même. L'employeur affirme que la prestataire a envoyé des textos/SMS aux autres employés pour les inciter à ne pas entrer au travail le mardi 10 septembre 2013. L'employeur affirme que lors de la rencontre avec la prestataire le mercredi 11 septembre 2013, la prestataire semblait savoir pourquoi elle était rencontrée et qu'il est faux de dire que la prestataire a tenté de reprendre son emploi après cette journée. L'employeur explique aussi qu'il est vrai que le superviseur immédiat de la prestataire a reçu une formation pour aider à la gestion du personnel, qu'il peut avoir des changements d'humeurs, mais que ce n'est jamais braqué envers quelqu'un en particulier. Finalement, l'employeur affirme que des plans de suivi ne sont appliqués aux employés que depuis très récemment dans l'entreprise.

[28] Pour sa part, la prestataire affirme qu'elle n'a pas connu, la journée de son congédiement, les raisons pour lesquelles elle était congédiée. Elle affirme qu'il est vrai qu'elle n'est pas entrée au travail le lundi et qu'elle était prête à en subir les conséquences. La prestataire affirme ne pas avoir joint son employeur le lundi 9 septembre 2013, ni le mardi 10 septembre 2013 au matin pour l'avertir de son retard potentiel. Plus encore, la prestataire affirme qu'elle n'a pas organisée la journée de « No show », mais qu'elle s'en est plutôt fait parler par son collègue instigateur de cette journée. La prestataire souligne le fait que la version de l'employeur semble contenir des contradictions quant à leur intention de la congédier et à quel moment ils croyaient bon de le faire. La prestataire affirme que d'une part, l'employeur affirme que si ce n'avait pas été de l'organisation de la journée de « No show » elle aurait été gardée à l'emploi et que de l'autre, l'employeur affirme qu'elle aurait été congédié tout de même parce qu'il était de l'avis de l'employeur que son attitude n'avait pas changé depuis sa rencontre avec les ressources humaines. La prestataire confirme que c'est bien elle qui a signé la feuille de temps affirmant qu'elle refusait le nouveau type d'horaire, mais qu'il est exagéré de dire qu'elle peut faire vibrer une maison au poids qu'elle a et qu'il n'y avait pas tant d'écart entre son attitude des dernières semaines de travail et celles qui les précédaient. La prestataire affirme qu'elle n'a pas reçu de l'employeur de plan de redressement, ni date de rencontres subséquentes pour faire le suivi de la rencontre de ressources humaines de la fin août. Finalement, la prestataire affirme qu'elle aimait son travail et qu'elle était apprécié. Elle apporte comme preuve le fait qu'on lui a offert deux augmentations de salaire en peu de temps et que cela démontre qu'elle était appréciée, mais qu'elle a été la cible du comportement changeant de son supérieur immédiat dans les semaines précédant son congédiement.

[29] Dans le dossier qui incombe au Tribunal, il est évalué par ce dernier que la Commission a bel et bien prouvé l'inconduite de la prestataire. Toutefois, dans un cas d'inconduite comme celui-ci, il importe peu pour le Tribunal de connaître ou reconnaître ce que signifie la notion d'inconduite dans le cadre de l'entreprise. L'ensemble des actes de la prestataire ayant mené à son congédiement sera plutôt analysé par le Tribunal dans cette cause comme l'arrêt Fakhari (A-732-95) le propose.

[30] En ce sens, il est clair pour le Tribunal que la prestataire ne pouvait ignorer que faire des gestes dérogeant de la promptitude ou d'une attitude collaboratrice pouvait la faire congédier suite à sa rencontre avec l'employeur à la fin août 2013. Les gestes ou omissions de la prestataire lors des journées du lundi 9 septembre et du mardi 10 septembre 2013 sont de nature à constituer de l'inconduite pour le Tribunal.

[31] Avisée de changer son attitude dès la fin du mois d'août, la prestataire ne devait pas douter que l'employeur ferait un suivi ressources humaines serré sur ces agissements et ce, même sans cadre d'analyse précis ou objectif. Le Tribunal ne peut pas évaluer la pertinence de la mise en place d'un cadre de suivi dans l'entreprise tel que la prestataire le fait valoir parce que les méthodes et procédures de ressources humaines de l'entreprise ne peuvent fait l'objet d'un examen sous la Loi et il ne revient pas au Tribunal de les critiquer.

[32] En ce qui a trait à la journée dite de « No show », l'employeur fournit une déclaration signée de la part d'employés qui déclarent que la prestataire a organisé cette journée de contestation. Il n'est pas du ressort du Tribunal de critiquer une approche de contestation des procédures de l'employeur par un ou une employée. Toutefois, il revient au Tribunal d'évaluer à savoir si le geste, dans le cadre du travail de la prestataire, constituait de l'inconduite. Comme il appert que cette journée de contestation n'a finalement pas eu lieu et que l'employeur n'a pas fourni de preuve probante à ce sujet, il appert que la paternité/maternité de cette journée ne peut être imputée à la prestataire à la lumière de simples soupçons ou délation d'un très petit groupe de personnes qui auraient peut-être intérêt à rejeter la faute sur une ex-collègue déjà congédiée. Lors de l'audience, la prestataire affirme d'ailleurs que la paternité de cette journée de contestation ne lui revient absolument pas. Elle reviendrait uniquement à un ancien collègue de travail qu'elle nomme au cours de l'audience, dont le Tribunal taira le nom pour des raisons de confidentialité évidentes, et qui semble toujours travailler pour l'entreprise. Pour toutes ces raisons, l'argument de l'organisation de la journée de « No show » n'est pas un aspect concluant qui peut être retenu dans l'analyse des aspects entourant l'inconduite présumée de la prestataire dans ce dossier.

[33] La prestataire fait référence, au cours de l'audience, au fait que l'employeur change sa version de son intention de la congédier au cours du processus de discussion avec la Commission. Pour la prestataire cette intention passe du non-congédiement pour ne pas s'être présenté au travail sans aviser son supérieur le lundi 9 septembre 2013, au congédiement pur et simple quelques jours plus tard. Malheureusement pour la prestataire, le Tribunal ne peut pas retenir cet argumentaire car le fait pour un employeur de retenir ou non des faits pour la congédier ou que la réflexion menant à son congédiement puisse évoluer est hors du contrôle du Tribunal et de sa juridiction. Le simple fait que la réflexion de l'employeur puisse évoluer, ou changer, ne change pas la somme des actes commis par la prestataire à l'égard de son employeur. La suite subjective des conséquences entourant la somme des actes commis par la prestataire est uniquement entre les mains seules de l'employeur.

[34] La prestataire amène lors de l'audience un argument, appuyé par son témoin d'ailleurs, selon lequel elle a vécu deux semaines difficiles avec son supérieur avant son congédiement. Ce supérieur au tempérament changeant aurait été plus irritable à son égard, qu'à l'égard de d'autres employés. Même s'il est reconnu par l'employeur que le supérieur en question a des comportements parfois acariâtres, il n'en demeure pas moins comme il est indiqué dans l'affaire Fleming (2006 CAF 16) que même « même en admettant que l'employeur se soit montré zélé, voire acharné, à l'endroit d'un prestataire, ce zèle ou cet acharnement à constater les manquements d'un prestataire n'efface pas leur existence et ne diminue pas leur gravité ». Autrement, des comportements excessifs de ce supérieur aux yeux de la prestataire auraient pu être rapportés à la plus haute autorité dans l'entreprise, qui aurait pu prendre action en temps et lieu envers ce cadre.

[35] Finalement, le Tribunal croit que les gestes de la prestataire entourant les journées du lundi 9 septembre 2013 et du mardi 10 septembre 2013 sont de nature à être considérés comme de l'inconduite au sens de la Loi et de la jurisprudence.

[36] La prestataire était sous surveillance par son employeur et celui-ci lui avait demandé un changement d'attitude et d'action depuis la fin août 2013. Il n'était alors certainement pas exclu que si la prestataire, en agissant délibérément en n'entrant pas au travail le lundi et en n'avertissant pas son employeur de son absence, pouvait en subir les conséquences disciplinaires de ses choix. Le Tribunal croit que la prestataire pouvait s'attendre à une sanction, ce qu'elle prévoyait elle-même d'ailleurs, ou à une sanction pouvant culminer jusqu'au congédiement suite à la discussion avec l'employeur dès la fin août 2013. Comme la prestataire prévoyait elle-même avoir une conséquence disciplinaire de ses actes du lundi 9 septembre 2013, le cas de la prestataire pour cette journée se colle aux définitions de l'inconduite des arrêts Tucker (A 381-85) et Hastings (2007 CAF 372). Le Tribunal croit que son retard à entrer au travail le mardi 10 septembre 2013, avec ou sans journée de « No show », a scellé la décision de l'employeur de la congédier. Comme la prestataire l'a mentionné au Tribunal précédemment, elle a un téléphone portable, ce qui lui permettait d'appeler sur la route, ou avant son départ de la maison, son employeur pour lui indiquer son retard probable ainsi que les raisons de son retard. En reconnaissant son retard de la veille comme étant délibéré, la prestataire devait savoir qu'en arrivant en retard au travail le mardi sans en aviser son employeur qu'elle serait probablement congédiée en agissant de la sorte comme l'affaire Locke (2007 CAF 262) le soutient.

[37] Finalement, le Tribunal croit que la prestataire a commis des gestes d'inconduite au regard de la Loi et de la jurisprudence et qu'en conséquence elle doit être exclue des prestations d'assurance-emploi.

Conclusion

[38] L'appel est rejeté.

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