Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli et la décision rendue par le conseil arbitral le 24 juillet 2012 est annulée et l’appel de l’Intimée devant le conseil arbitral est rejeté.

Introduction

[2] En date du 24 juillet 2012, un conseil arbitral a conclu que :

  • - L’Intimée n’avait pas à servir un délai de carence, selon les exigences de l’article 13 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »), au moment où elle a réclamé des prestations en maladie même si la demande d’assurance-emploi avait été établie en travail partagé.

[3] L’Appelante a déposé un appel de la décision du conseil arbitral devant le juge- arbitre en date du 10 août 2012.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience téléphonique pour les motifs mentionnés à l’avis d’audience du 15 janvier 2014.  L’Appelante était représentée lors de l’audience par Guylaine Boudrias et Me Stéphanie Lauriault.  L’Intimée était absente mais représentée par Marc La Rue.

La loi

[5] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») est saisie des appels interjetés auprès du bureau du juge-arbitre et non encore entendus avant le 1er avril 2013, conformément aux articles 266 et 267 de la Loi sur l’Emploi, croissance et prospérité durable de 2012. Le 1er avril 2013, le juge-arbitre n’avait pas encore entendu l’appel de l’Appelante ni rendu de décision sur celui-ci. L’appel a été transféré du bureau du juge-arbitre à la Division d’appel du Tribunal.  La permission d’en appeler est réputée avoir été accordée par le Tribunal le 1er avril 2013 conformément à l’article 268 de la Loi sur l’Emploi, croissance et prospérité durable de 2012.

[6] Par souci d’équité, la présente demande sera examinée sur la base des attentes légitimes de l’Appelante au moment du dépôt de son appel devant le juge-arbitre. Pour cette raison, le présent appel sera décidé en fonction des dispositions applicables de la Loi en vigueur immédiatement avant le 1er avril 2013.

[7] Conformément au paragraphe 115(2) de la Loi, alors en vigueur au moment de l’appel, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  • a) le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  • b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  • c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[8] Le Tribunal doit décider si le conseil arbitral a erré en fait ou en droit en concluant que l’Intimée n’avait pas à servir un délai de carence, conformément à l’article 13 de la Loi, au moment où elle a réclamé des prestations en maladie alors que sa demande d’assurance-emploi avait été établie en travail partagé.

Arguments

[9] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • - Le délai de carence de l’Intimée ne pouvait être supprimé.
  • - Le conseil arbitral a erré en droit dans sa décision notamment en appliquant l’article 40(1) (6) du Règlement ainsi que les décisions Abrahams et Hills;
  • - À la fin du travail partagé, l’Intimée n’a pu établir une nouvelle demande de prestations.  L’Intimée a alors été obligée de déposer une demande renouvelée de prestations d’assurance-emploi, laquelle avait été initiée dans le cadre d’une demande de travail à temps partagé;
  • - L’arrêt de rémunération ayant servi à l’établissement de la période de prestations de l’Intimée est survenu le 30 octobre 2011 et non au terme du paragraphe 14(2) ni de l’article 14.01 du Règlement.  Ce faisant, elle ne rencontre pas la condition prévue au paragraphe 40(6)a) du Règlement qui traite de la suppression du délai de carence;
  • - Les arrêts Abrahams et Hills ne s’appliquent pas au présent dossier car la Loi est claire et ne souffre d’aucune ambiguïté.

[10] L’Intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelante:

  • - La décision du conseil arbitral est raisonnable et ne contient aucune erreur en fait ou en droit;
  • - L’Intimée a réactivé sa demande de prestations suite à un arrêt de travail lié à la maladie;
  • - Il faut interpréter de façon libérale les dispositions de la Loi, tel qu’enseigné par la Cour Suprême du Canada dans les arrêts Abrahams et Hills;
  • - Rien dans la Loi ne permet de retirer des droits aux travailleurs qui se retrouvent en temps partagé;
  • - Le CUB 75541 cité par l’Appelante ne s’applique pas au présent dossier puisque le travail partagé n’était pas terminé dans cette affaire.

Normes de contrôle

[11] L’Appelante soumet que la norme de contrôle applicable à la question de droit est celle de la décision correcte et la norme de contrôle applicable à la question mixte de fait et de droit est celle de la décision raisonnable - Hickey c. Canada (PG), 2008 CAF 330.

[12] L’Intimée n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[13] Le Tribunal retient que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240.  La norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[14] Les dispositions législatives suivantes sont pertinentes au présent appel :

Article 10. (1) de la Loi

10. (1) La période de prestations débute, selon le cas :

  1. a) le dimanche de la semaine au cours de laquelle survient l’arrêt de rémunération;
  2. b) le dimanche de la semaine au cours de laquelle est formulée la demande initiale de prestations, si cette semaine est postérieure à celle de l’arrêt de rémunération.

Article 13 de la Loi : Délai de carence

13. Au cours d’une période de prestations, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations tant qu’il ne s’est pas écoulé, à la suite de l’ouverture de cette période de prestations, un délai de carence de deux semaines qui débute par une semaine de chômage pour laquelle des prestations devraient sans cela être versées.

Paragraphe 14. (2) du Règlement :

14. (2) Un arrêt de la rémunération provenant d’un emploi se produit au début de la semaine où l’assuré subit une réduction de rémunération représentant plus de quarante pour cent de sa rémunération hebdomadaire normale du fait qu’il cesse d’exercer cet emploi en raison d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine, d’une grossesse, des soins à donner à un ou plusieurs enfants visés au paragraphe 23(1) de la Loi ou des soins ou du soutien à donner à un membre de la famille visé au paragraphe 23.1(2) de la Loi ou à un enfant gravement malade.

Paragraphe 40(6) du Règlement :

40(6) La Commission peut supprimer le délai de carence de la période de prestations du prestataire si les conditions suivantes sont réunies :

  1. a) le prestataire remplit les conditions requises pour recevoir des prestations au cours de cette période parce qu’il a subit un arrêt de rémunération aux termes du paragraphe 14(2);
  2. b) après sa cessation d’emploi, des allocations, versements ou autres sommes lui sont payables par son employeur ou son ancien employeur à titre de congé de maladie payé.

Paragraphe 46 du Règlement :

46. Lorsque le prestataire commence à exercer un emploi en travail partagé et que le délai de carence prévu à l’article 13 de la Loi n’est pas écoulé ou que les déductions visées au paragraphe 19(1) de la Loi n’ont pas été effectuées, le délai de carence ou la partie non écoulée de celui-ci ou les déductions sont reportés jusqu’à la fin de l’emploi en travail partagé.

[15]  Lorsqu’il a accueilli l’appel de l’Intimée, le conseil arbitral a déclaré ce qui suit :

« Le test légal lié à la décision de la Commission est de savoir si le paragraphe 40(6) du Règlement peut être utilisé pour supprimer le délai de carence dans le présent cas.

Compte tenu que le Travail partagé était terminé, le conseil est d’avis que la Commission pouvait supprimer le délai de carence tel que le prévoit l’article 40(1)(6) du règlement, et ce même si la demande initiale de prestations avait comme motif le travail partagé.

Le Conseil Arbitral en arrive à ces conclusions à la suite des arguments du représentant de la prestataire à l’effet que l’on ne peut donner une interprétation trop restrictive à la loi et au règlement sur l’assurance- emploi lesquels visent à donner des avantages aux travailleurs et non à les limiter dans leurs droits. Pour étoffer notre argumentation nous citons entre autre les jugements de la cour suprême Abraham (16698) et Hills (19094) qui mentionnent qu’il faut préférer opter pour une interprétation libérale des dispositions relatives à la réadmissibilité aux prestations plutôt qu’une interprétation restrictive de la Loi.

Pour toutes ces raisons, le Conseil Arbitral ne retient pas les jurisprudences retenues par la Commission.»

[16] Avec respect, le Tribunal doit conclure que la décision du conseil arbitral ne peut être maintenue.

[17] Le paragraphe 40(6) du Règlement se veut une exception à la règle générale de l’article 13 de la Loi qui oblige un prestataire à observer un délai de carence de deux semaines.  Cependant, faut-il encore que le prestataire rencontre les conditions requises par le Règlement afin que l’exception s’applique.

[18] En l’espèce, les faits au dossier ne sont pas contestés.

[19] L’Intimée a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi en travail partagé prenant effet le 30 octobre 2011 (Pièce 2).  Le délai de carence de l’Intimée a été reporté jusqu’à la fin de son emploi en travail partagé.  Le travail partagé s’est terminé le 7 janvier 2012 (Pièces 2, 3 et 7).

[20] Par la suite, l’Intimée a demandé des prestations en maladie à compter du 8 janvier 2012 (Pièces 4 et 7).  Il n’était cependant pas possible d’établir une nouvelle demande en janvier 2012 puisque l’Intimée n’avait pas accumulé suffisamment d’heures entre octobre 2011 et janvier 2012.  L’Intimée a alors été obligée de renouveler sa demande de prestations initiée dans le cadre d’une demande de travail à temps partagé.

[21] Contrairement à la position du représentant de l’Intimée, le Tribunal considère que le paragraphe 40(6)a) du Règlement est clair et ne souffre d’aucune ambiguïté: La Commission peut supprimer le délai de carence de la période de prestations du prestataire si le prestataire remplit les conditions requises pour recevoir des prestations au cours de cette période parce qu’il a subit un arrêt de rémunération aux termes du paragraphe 14(2).

[22] Le paragraphe 14 (2) du Règlement prévoit notamment que l’arrêt de la rémunération provenant d’un emploi doit se produire en raison d’une maladie. Or, la période de prestations, dans le présent dossier, a été établie non pas en raison d’une maladie mais suite à un arrêt de rémunération en travail partagé le 30 octobre 2011.  Il est donc manifeste que l’Intimée ne rencontre pas les exigences du paragraphe 40(6) du Règlement.

[23] Le travail partagé ayant pris fin le 7 janvier 2012, le délai de carence devait être servi à cette date selon le paragraphe 46 du Règlement.

[24] Pour les motifs ci-dessus mentionnés, le Tribunal est justifié d’intervenir et de rendre la décision qui aurait dû être rendue par le conseil arbitral.

Conclusion

[25] L’appel est accueilli et la décision rendue par le conseil arbitral le 24 juillet 2012 est annulée et l’appel de l’Intimée devant le conseil arbitral est rejeté.

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