Assurance-emploi (AE)

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Decision

[1] L'appel est accueilli uniquement sur la question de rémunération selon les nouveaux calculs effectués par l'Appelante aux pièces 28-3 et 28-4 du dossier d'appel.

Introduction

[2] En date du 7 février 2013, un conseil arbitral a conclu que :

  • - L'Intimé avait démontré être en chômage aux termes des articles 9 et 11 de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi »);
  • - Il n'y avait pas lieu de procéder à une répartition de la rémunération aux termes des articles 35 et 36 du Règlement sur l'assurance-emploi (le « Règlement »);
  • - Il n'y avait pas lieu d'imposer une pénalité non monétaire aux termes des articles 38 et 41.1 de la Loi.

[3] L'Appelante a déposé un appel de la décision du conseil arbitral devant le juge- arbitre en date du 27 février 2013.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience en personne pour les motifs mentionnés à l'avis d'audience du 12 mars 2014. L'Appelante était absente lors de l'audience. L'Intimé était présent et représenté par Pierre Céré du Comité Chômage de Montréal.

La loi

[5] La division d'appel du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») est saisie des appels interjetés auprès du bureau du juge-arbitre et non encore entendus avant le 1er avril 2013, conformément aux articles 266 et 267 de la Loi sur l'Emploi, croissance et prospérité durable de 2012. Le 1er avril 2013, le juge-arbitre n'avait pas encore entendu l'appel de l'Appelante ni rendu de décision sur celui-ci. L'appel a été transféré du bureau du juge-arbitre à la Division d'appel du Tribunal. La permission d'en appeler est réputée avoir été accordée par le Tribunal le 1er avril 2013 conformément à l'article 268 de la Loi sur l'Emploi, croissance et prospérité durable de 2012.

[6] Par souci d'équité, la présente demande sera examinée sur la base des attentes légitimes de l'Appelante au moment du dépôt de son appel devant le juge-arbitre. Pour cette raison, le présent appel sera décidé en fonction des dispositions applicables de la Loi en vigueur immédiatement avant le 1er avril 2013.

[7] Conformément au paragraphe 115(2) de la Loi, alors en vigueur au moment de l'appel, les seuls moyens d'appel sont les suivants :

  1. a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
  2. b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[8] Le conseil arbitral a-t-il erré en fait ou en droit en ce qui concerne l'état de chômage, la répartition de la rémunération et finalement la pénalité?

Arguments

[9] L'Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • - Elle ne conteste plus la décision du conseil arbitral relative à l'état de chômage ainsi que la répartition de la rémunération de l'Intimé pour la période précédant le 7 août 2007;
  • - Les revenus d'entreprise de l'Intimé constituent une rémunération aux termes de l'article 35(10)c) du Règlement et selon les dispositions de l'article 36(6) du Règlement, cette rémunération doit être répartie sur la période pendant laquelle les services ont été rendus;
  • - Pour le prestataire qui est travailleur indépendant et qui exploite une entreprise à son compte à titre de propriétaire unique, le revenu net de la société est réparti en tant que rémunération;
  • - Lorsqu'il a été établi qu'un prestataire est un travailleur indépendant, il n'est pas nécessaire que ce dernier ait vraiment touché un revenu pour pouvoir le répartir puisque le simple droit d'en toucher un est suffisant;
  • - Contrairement à la décision du conseil arbitral, l'émission d'un paiement par la compagnie n'était pas nécessaire à la détermination des sommes qui devaient être réparties;
  • - Il y a lieu de procéder à une nouvelle répartition en considérant le bénéfice net de l'entreprise pour la période du 1er août 2007 au 31 juillet 2008 plutôt que le revenu imposable, et répartir la rémunération au prorata des ventes mensuelles selon le document qui a été fourni par le prestataire (pièces 22 et 23);
  • - Le conseil a erré en concluant que l'Intimé n'avait pas agi sciemment dans le présent dossier;
  • - L'Appelante disposait de 72 mois pour réexaminer la demande puisque la demande était liée à une déclaration ou à une représentation fausse ou trompeuse.

[10] L'Intimé soumet les motifs suivants à l'encontre de l'appel de l'Appelante:

  • - L'interprétation de l'Appelante à l'effet que le prestataire a fait des déclarations fausses ou trompeuses ouvrant son droit de prolonger le délai de révision de 36 à 72 mois est contestée. L'Intimé n'a pas fait de fausses déclarations, sinon qu'il a suivi les instructions qui lui ont été dictées;
  • - L'Appelante retient le revenu net de 22 951$ de la compagnie comme étant un revenu imputable à l'Intimé alors qu'il n'a jamais touché à cette somme, la conservant plutôt comme fonds de roulement;
  • - L'Appelante a établi une rémunération fictive pour une période débutant avant la création de la compagnie voir même avant le premier jour de l'année financière;
  • - Le prestataire était en chômage pour la période entre mai 2007 et mars 2008 à la recherche active d'emploi;
  • - Il n'y a pas lieu pour le Tribunal d'intervenir sur la question de la pénalité;
  • - Le conseil arbitral n'a commis aucune erreur en fait et en droit.

Normes de contrôle

[11] L'Appelante soutient que la norme de contrôle applicable à la question de droit est celle de la décision correcte - Chaulk c. Canada (PG), 2012 CAF 190 et celle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240.

[12] L'Intimé n'a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[13] Le Tribunal retient que la Cour d'appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d'un conseil arbitral et d'un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240 et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[14] L'Appelante ne conteste plus la décision du conseil arbitral relative à l'état de chômage ainsi que la répartition de la rémunération de l'Intimé pour la période précédant le 7 août 2007.

[15] Pour sa part, l'Intimé a contesté devant le conseil arbitral et conteste devant le Tribunal la possibilité pour l'Appelante de prolonger le délai de révision de la demande de 36 à 72 mois en vertu du paragraphe 52(5) de la Loi parce qu'il n'a pas fait de déclarations fausses ou trompeuses.

Prolongation du delai d'examen

[16] En ce qui a trait à la prolongation du délai d'examen de la demande de prestations de l'Intimé, le paragraphe 52(5) de la Loi est libellé comme suit :

« 52(5) Lorsque la Commission estime qu'une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d'un délai de soixante-douze mois pour réexaminer la demande.

(Soulignement du soussigné)

[17] La Cour d'appel fédérale a déterminé dans Langelier (A-140-01), Lemay (A-172-01) et Dussault (A-646-02) que, pour bénéficier de la prolongation du délai de réexamen prévue au paragraphe 52(5) de la Loi, la Commission n'a pas à établir que le prestataire visé a fait des déclarations fausses ou trompeuses mais doit plutôt simplement démontrer qu'elle pouvait raisonnablement estimer qu'une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite relativement à une demande de prestations.

[18] L'Appelante pouvait-elle, dans les circonstances du présent dossier, en venir raisonnablement à la conclusion qu'il y avait eu déclaration ou représentation fausse ou trompeuse de la part de l'Intimé?

[19] En l'espèce, l'Appelante a estimé que l'Intimé avait fourni de faux renseignements en omettant de déclarer pendant sa période de prestations qu'il travaillait pour son entreprise alors qu'il était propriétaire unique et administrateur de sa compagnie depuis août 2007 et en omettant de déclarer ses revenus d'entreprise.

[20] L'Intimé a déclaré que l'entreprise a démarré en août 2007 et qu'elle avait fait l'objet d'enregistrement auprès des autorités fiscales appropriées par la même occasion. L'Intimé a admis avoir participé au démarrage de l'entreprise et avoir été personnellement impliqué dans les opérations de l'entreprise. Il a personnellement investi dans l'entreprise et avait comme objectif de bâtir l'entreprise pour le futur. Le chiffre d'affaires de l'entreprise se chiffrait à 96205$ pour la période du 1er août 2007 au 31 juillet 2008 (Pièces 6-1 à 6-7).

[21] Le Tribunal considère de la preuve que l'Appelante pouvait raisonnablement en venir à la conclusion qu'il avait eu déclaration ou représentation fausse ou trompeuse de la part de l'Intimé de façon à bénéficier d'une période de 72 mois pour réexaminer la demande de prestations de l'Intimé.

Remunération

[22] Lorsqu'il a accueilli l'appel de l'Intimé sur la question de la rémunération, le conseil arbitral a déclaré ce qui suit :

« En ce qui concerne la rémunération, le Conseil arbitral constate que les montants qui ont été mentionnés par la Commission représentent le bénéfice net de l'ENTREPRISE qu'il a fondée (Pièce 19-1) et non un salaire versé. Or, cette société est une personne morale et le bénéfice net qu'elle a ne peut être considéré comme appartenant à son principal actionnaire, à moins que celui-ci se verse un salaire ou des dividendes, ce qui n'est pas le cas, en vertu des informations contenues dans la déclaration d'impôt et les états financiers de l'entreprise.

Le Conseil arbitral considère que la Commission n'a pas fait la preuve que le prestataire s'est versé un salaire mais que le prestataire a, quant à lui, démontré clairement que les sommes mentionnées ne lui avaient pas été versées. On peut par ailleurs en avoir une preuve supplémentaire en consultant déclaration d'impôt personnelle du prestataire (Pièce 9). »

[23] Il est manifeste que le Conseil arbitral a annulé la détermination de l'Appelante aux motifs que l'Intimé n'avait pas touché ses revenus d'entreprise pendant qu'il recevait ses prestations. De l'avis du Tribunal, c'est à tort qu'il a décidé de cette façon.

[24] La Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada (PG) c. Drouin, A-348-96, nous enseigne ce qui suit sur cette question:

« Dans mes motifs de jugement dans le dossier A-136-96, après avoir fait remarquer combien obscurs étaient ces textes de la Loi et des Règlements relatifs aux travailleurs indépendants, surtout au niveau de la prise en considération des revenus qu'ils peuvent retirer de leur entreprise ou exploitation pendant qu'ils sont en chômage et ont droit à des prestations, j'ai noté que, malgré tout, trois constantes s'étaient dégagées dans la jurisprudence arbitrale quant à la mise en oeuvre de ces textes. Premièrement, le statut juridique de l'exploitation ou de l'entreprise à laquelle le travailleur autonome s'emploie n'importe pas.

Deuxièmement, le temps plus ou moins important consacré à l'exploitation ou à l'entreprise ne change rien. Troisièmement, la réception présente de revenus venant de l'exploitation ou de l'entreprise n'est pas requise, seul un droit à tel revenu suffit.

Il s'agissait là, ai-je souligné, de constantes qui avaient semblé requises pour mettre en oeuvre la volonté du législateur qui voulait rejoindre tout revenu rattaché directement ou indirectement au travail par opposition au revenu de pur placement.»

(Soulignement du soussigné)

[25] L'Intimé n'a peut-être pas perçu de revenus venant de l'exploitation de son entreprise mais il est évident qu'il y avait droit. L'interprétation des articles 35 et 36 du Règlement est une question de droit et les revenus d'entreprise de l'Intimé constituent une rémunération aux termes de l'article 35(10)c) du Règlement. De plus, aux termes de l'article 36(6) du Règlement, cette rémunération doit être répartie sur les semaines où ont été fournis les services qui y ont donné lieu.

[26] Quant à la répartition de la rémunération modifiée soumise par l'Appelante (Pièces 28-3 et 28-4), celle-ci n'a pas vraiment été contestée par l'Intimé et le Tribunal est satisfait que les nouveaux calculs respectent les exigences du Règlement.

Penalité

[27] La preuve relative à la connaissance doit être évaluée par le conseil arbitral, qui doit tirer des conclusions quant aux faits et à la crédibilité du prestataire - Canada (PG) c. Gates, A-600-94.

[28] Dans la présente affaire, le conseil arbitral a eu la chance d'entendre le témoignage de l'Intimé et a conclu qu'il a fourni une explication raisonnable pour démontrer qu'il n'avait pas sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses.

[29] La jurisprudence est depuis longtemps constante à l'effet qu'à moins de circonstances particulières évidentes, la question de crédibilité doit d'abord être laissée aux membres du conseil arbitral qui sont mieux en mesure d'en décider. Le Tribunal n'interviendra que s'il devient manifeste que le prononcé du conseil sur cette question est déraisonnable, dans le contexte de la preuve des faits mis devant le conseil arbitral pour lui permettre d'en décider.

[30] Le Tribunal ne trouve aucune raison d'intervenir ici quant aux conclusions de faits tirés et sur la question de crédibilité telle qu'évaluée par le conseil arbitral.

Conclusion

[31] L'appel est accueilli uniquement sur la question de la rémunération selon les nouveaux calculs effectués par l'Appelante aux pièces 28-3 et 28-4 du dossier d'appel.

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