Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La décision du Conseil arbitral est annulée, et la décision de la Commission est modifiée conformément aux présents motifs.

Introduction

[2] Le 28 février 2013, un conseil arbitral (le Conseil) a rendu la décision selon laquelle l’appel de l’intimé interjeté pour la décision précédente de la Commission doit être accueilli en partie. La Commission a porté cette décision en appel devant le Bureau du juge-arbitre le 19 mars 2013.

[3] Le 1er avril 2013, la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) a été saisie de tout appel non instruit par un juge-arbitre à cette date.

[4] Une audience a été tenue par téléconférence le 1er avril 2014. La Commission et l’intimé y ont participé, et ils ont présenté des observations.

Droit applicable

[5] Afin de garantir l’équité, le présent appel sera examiné en fonction des attentes légitimes de l’appelant au moment du dépôt de son appel au Bureau du juge-arbitre. Pour cette raison, la décision relative à cet appel sera rendue en application de la loi dans sa version antérieure au 1er avril 2013.

[6] En vertu du paragraphe 115(2) de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi) dans sa version antérieure au 1er avril 2013, les seuls motifs d’appel sont les suivants :

  1. a) le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) le conseil arbitral a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] La norme de contrôle pour les questions de droit et de compétence est celle de la décision correcte.

[8] Les questions de fait et les questions mixtes de droit et de fait sont revues d’après la norme de la décision raisonnable.

Analyse

[9] J’estime qu’on peut dire à juste titre qu’en temps normal, la Commission n’interjette pas appel à l’encontre de décisions du Conseil rendues en sa faveur. C’est pourtant le cas en l’espèce, et, à la lumière des motifs énoncés ci-dessous, je suis d’avis que la Commission avait raison de le faire.

[10] Les faits en l’espèce ne sont pas contestés. Le 10 juin 2011, l’intimé a présenté une demande de prestations parentales. Après le délai de carence de deux semaines, il a reçu des prestations pendant deux semaines, puis il est retourné au travail. En novembre 2011, l’intimé a perdu son emploi, et il a à nouveau fait une demande de prestations. Bien que sa demande ait été acceptée, l’intimé n’a pas été en mesure de recevoir le montant total des prestations auxquelles il aurait normalement eu droit, en raison de sa demande précédente et de la répartition de son indemnité de cessation d’emploi.

[11] Pour remédier à ce problème, l’intimé a demandé que sa demande précédente soit annulée et que les prestations reçues durant ces deux semaines soient déduites des prestations auxquelles il aurait maintenant droit, de façon à éliminer tout trop-payé.

[12] Dans une lettre de décision datée du 21 novembre 2012, la Commission a informé l’intimé que sa demande précédente ne pouvait pas être annulée [Traduction] « parce que vous ne nous avez pas démontré qu’entre le 22 mars et le 6 novembre 2012, vous aviez un motif valable justifiant votre retard à présenter cette demande ».

[13] L’intimé a interjeté appel de cette décision auprès du Conseil en soutenant qu’il avait effectivement un motif valable justifiant ce retard.

[14] Le Conseil a pris en considération les arguments de l’intimé, et il a conclu qu’il avait un motif valable. Il a ensuite accepté sa [Traduction] « demande d’antidatation », mais il a refusé sa demande d’annuler la période de prestations précédente.

[15] La Commission a interjeté appel au Tribunal en raison de la nature incertaine de cette décision. Bien que les raisons évoquées par le Conseil semblent indiquer que la demande de l’intimé devrait être annulée, la décision définitive indique que l’appel a été refusé et que la période de prestations ne devrait pas être annulée. La Commission a donc demandé au Tribunal de l’orienter afin de déterminer les mesures qui doivent être prises, le cas échéant, relativement à ce dossier.

[16] De son côté, l’intimé est aussi désorienté par la décision, et il convient qu’il est impossible de comprendre ce qu’elle signifie réellement. Il demande que sa période de prestations soit annulée, comme il l’avait demandé initialement.

[17] Je suis d’accord avec les parties sur le fait que la décision est confuse et que l’issue n’est pas claire. Il s’agit là de la définition même d’une décision mal motivée et d’un manquement à la justice naturelle. Par conséquent, la décision ne peut pas être maintenue.

[18] La Commission demande que je rende la décision que le Conseil aurait dû rendre. Je conviens qu’en l’espèce il s’agit de la bonne façon de faire, car bien que le Conseil n’a pas présenté de conclusions claires, les faits sous-jacents de la preuve ne sont pas contestés. Il ne servirait à rien de renvoyer l’affaire devant la division générale.

[19] Une période de prestation peut être annulée si les conditions énoncées aux alinéas 10(6)a) ou b) de la Loi sont respectées. Les voici :

« Annulation de la période de prestation

10(6) Lorsqu’une période de prestations a été établie au profit d’un prestataire, la Commission peut :

  1. a) annuler cette période si elle est terminée et si aucune prestation n’a été payée, ou ne devait l’être, pendant cette période;
  2. b) à la demande du prestataire, que la période soit ou non terminée, annuler la partie de cette période qui précède la première semaine à l’égard de laquelle des prestations ont été payées ou devaient l’être si :
    1. (i) d’une part, une nouvelle période de prestations, commençant cette semaine-là, est […] établie à son profit au titre de la présente partie […];
    2. (ii) d’autre part, le prestataire démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre la date à laquelle des prestations lui ont été payées ou devaient l’être et la date de sa demande d’annulation, un motif valable justifiant son retard.

[20] Tel que susmentionné, dans la lettre de la décision initiale de la Commission, la seule raison justifiant le refus de la demande de l’intimé était l’absence de motif valable. La Commission reconnaît maintenant candidement que cela était une erreur, mais elle n’interjette pas appel à l’encontre de la conclusion tirée par le Conseil selon laquelle il y avait un motif valable. La Commission maintient plutôt qu’en aucune circonstance la période de prestations de l’intimé ne peut être annulée, aux termes du libellé du paragraphe 10(6), et elle concède que la décision du Conseil affirmant le contraire était une erreur.

[21] La Commission souligne à juste titre que l’alinéa 10(6)a) est applicable uniquement si aucune prestation n’a été payée ou n’est payable. Cela ne s’applique pas à l’intimé, car il a déjà reçu des prestations pour sa demande. La Commission note également que l’alinéa 10(6)b) permet seulement l’annulation de la partie de la période de prestation qui précède immédiatement la première semaine pour laquelle des prestations ont été versées. Or, en l’espèce, cette partie de la période est inexistante puisque l’intimé a reçu ses prestations au tout début de sa période de prestations.

[22] Durant les discussions sur ces questions en litige, l’intimé a semblé accepter cette interprétation de la Loi comme étant correcte, mais il était frustré du fait qu’on ne lui ait pas expliqué cela initialement. Il a indiqué que des ressources considérables ont été gaspillées en raison de l’erreur initiale de la Commission, de la décision peu claire du Conseil, et du fait que la Commission a été incapable de corriger l’explication de sa décision tout au long du processus jusqu’à maintenant.

[23] Je partage la déception de l’intimé, et je reconnais que des erreurs ont été commises à diverses étapes du processus. Mais malheureusement, comme il a été dit avec justesse par la Commission, je n’ai pas le pouvoir d’agir de manière contraire à la Loi, même si j’estime que cela est dans l’intérêt de la justice.

[24] Sur la base des motifs exposés ci-dessus, j’estime que la seule décision qu’il m’est possible de rendre est de conclure qu’aucune partie de la période de prestations de l’intimé ne peut être annulée, aux termes du paragraphe 10(6) de la Loi, comme l’indiquait la décision initiale de la Commission, quoique pour des raisons très différentes.

Conclusion

[25] Par conséquent, pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli. La décision du Conseil est annulée et celle de la Commission est modifiée conformément à ces motifs.

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