Assurance-emploi (AE)

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Decision

[1] L’appel est accueilli, la décision du conseil arbitral du 22 octobre 2012 est annulée et l’appel de l’Intimé devant le conseil arbitral est rejeté.

Introduction

[2] En date du 22 octobre 2012, un conseil arbitral a conclu que :

  • - L’Intimé était fondé de quitter volontairement son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[3] L’Appelante a déposé un appel de la décision du conseil arbitral devant le juge- arbitre en date du 7 novembre 2012.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience en personne pour les motifs mentionnés à l’avis d’audience du 2 avril 2014. L’Appelante était absente. L’Intimé était également absent mais représenté par Aline Caron.

La loi

[5] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») est saisie des appels interjetés auprès du bureau du juge-arbitre et non encore entendus avant le 1er avril 2013, conformément aux articles 266 et 267 de la Loi sur l’Emploi, croissance et prospérité durable de 2012. Le 1er avril 2013, le juge-arbitre n’avait pas encore entendu l’appel de l’Appelante ni rendu de décision sur celui-ci. L’appel a été transféré du bureau du juge-arbitre à la Division d’appel du Tribunal. La permission d’en appeler est réputée avoir été accordée par le Tribunal le 1er avril 2013 conformément à l’article 268 de la Loi sur l’Emploi, croissance et prospérité durable de 2012.

[6] Par souci d’équité, la présente demande sera examinée sur la base des attentes légitimes de l’Appelante au moment du dépôt de son appel devant le juge-arbitre. Pour cette raison, le présent appel sera décidé en fonction des dispositions applicables de la Loi en vigueur immédiatement avant le 1er avril 2013.

[7] Conformément au paragraphe 115(2) de la Loi, alors en vigueur au moment de l’appel, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[8] Le Tribunal doit décider si le conseil arbitral a erré en fait ou en droit en concluant que l’Intimé était fondé de quitter volontairement son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Arguments

[9] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • - La Cour d’appel fédérale indique que le fait d’avoir de bonnes raisons personnelles de quitter un emploi ne constitue pas une justification au sens de la Loi;
  • - Le conseil arbitral a conclu que l’Intimé était fondé de quitter son emploi puisqu’il avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi. Compte tenu des faits au dossier, la décision du conseil est déraisonnable;
  • - L’Intimé a volontairement quitté son emploi parce qu’il avait terminé ses études et il désirait retourner chez ses parents dans sa ville natale;
  • - Au moment de son départ, l’Intimé était toujours en processus d’embauche aux Ambulances de Rimouski et il n’avait aucune offre d’emploi, puisqu’il lui restait les tests médicaux et physiques à passer. De plus, il s’agissait d’un emploi à temps partiel sur appel;
  • - L’Intimé n’a pas démontré qu’il devait quitter son emploi au moment où il l’a fait ou encore qu’il y avait urgence de le faire au moment où il l’a fait.

[10] L’Intimé soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel :

  • - Le conseil arbitral n’a commis aucune erreur en fait ou en droit et sa décision est raisonnable;
  • - Le juge-arbitre ne peut substituer son évaluation des faits à celle du conseil, sauf s’il juge qu’il n’était pas raisonnablement loisible au conseil d’arriver à cette évaluation.

Normes de contrôle

[11] L’Appelante soumet que la norme de contrôle judiciaire applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. White, 2011 CAF 190. L’Intimé n’a fait aucune représentation concernant la norme de contrôle applicable en l’instance.

[12] Le Tribunal retient que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Martens c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 240 et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[13] Il y a lieu de reproduire ci-dessous l’article 29c) vi) de la Loi qui est pertinent au présent litige :

« 29c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :

(vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,

[14] La Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (PG) c. Lessard, 2002 CAF 469, nous enseigne ce qui suit sur la notion d’« assurance raisonnable d’un autre emploi »:

  1. « [13] La situation décrite à l'alinéa 29c) (vi) suppose l'existence de trois éléments: une « assurance raisonnable », « un autre emploi » et un « avenir immédiat ».
  2. [14] Je doute qu'il puisse y avoir « assurance raisonnable d'un autre emploi » au sens du sous-alinéa quand l'obtention d'un emploi est conditionnelle à la réussite d'un stage non encore commencé de treize semaines. Il ne m'est pas nécessaire, cependant, d'en décider puisqu'il est de toute façon certain, selon moi, que la condition d'« avenir immédiat » n'est pas rencontrée en l'espèce.
  3. [15] En ce qui concerne, en effet, l' « avenir immédiat », nous savons d'une part que l'emploi à venir était conditionnel à la réussite du stage et d'autre part que le délai était de treize semaines. L'une et l'autre de ces constatations sont incompatibles avec le concept d'« avenir immédiat ».
  4. [16] Le Grand Robert de la langue française, 2001, définit « immédiat » comme suit :
  5. II. 1. Qui précède ou suit sans intermédiaire, dans l'espace ou le temps.
  6. 2. Qui suit sans délai; qui est du moment présent, a lieu tout de suite.
  7. [17] The Canadian Oxford Dictionary, 2001, définit « immediate » comme suit:
  8. 1. occurring or done at once or without delay (an immediate reply).
  9. 2a. nearest in time or space (the immediate future; the immediate vicinity)
  10. [18] Dans Canada (Procureur général) c. Traynor (C.A.F.) (1995), 185 N.R. 81, le juge Marceau utilisait fort à propos l'expression « peu de temps après » (« in the near future »).
  11. [19] Il est dès lors évident qu'un emploi qui ne se concrétisera qu'à l'expiration d'un stage non encore commencé, d'une durée de treize semaines, n'est pas un emploi « dans un avenir immédiat ».»

[15] Conformément aux enseignements de la Cour d’appel fédérale, le Tribunal considère qu’il ne peut y avoir « assurance raisonnable d'un autre emploi » au sens de l’article 29(c) vi) de la Loi quand l'obtention d'un emploi est conditionnelle à la réussite de tests physiques et médicaux.

[16] En ce qui concerne l’élément d’« avenir immédiat », le Tribunal constate que l’emploi à venir était conditionnel à la réussite desdits tests et d'autre part que la date d’embauche était inconnue. L'une et l'autre de ces constatations sont incompatibles avec le concept d'« avenir immédiat ».

[17] Une solution raisonnable pour l’Intimé aurait été de conserver son emploi dans l’attente de la confirmation officielle et non conditionnelle de son embauche par son nouvel employeur.

[18] De plus, la jurisprudence est constante à l’effet que de quitter son emploi pour des raisons personnelles, soit en l’espèce revenir dans sa région natale (Pièce 2-10), ne constitue pas une justification au sens de la Loi- Tanguay c, Canada (CAC), A-1458-84.

[19] Le Tribunal se doit de conclure que le conseil arbitral a commis une erreur de droit en décidant que l’Intimé était fondé de quitter volontairement son emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[20] L’appel est accueilli, la décision du conseil arbitral du 22 octobre 2012 est annulée et l’appel de l’Intimé devant le conseil arbitral est rejeté.

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