Assurance-emploi (AE)

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Comparutions

Le prestataire, C. N., a assisté à l'audience. Sa conjointe était également présente.

Décision

[1] Le Tribunal rejette la demande d'antidatation présentée par le prestataire parce qu'il n'a pas démontré qu'il avait, pendant toute la période écoulée, un motif valable justifiant son retard.

Introduction

[2] Le 26 juillet 2013, le prestataire a présenté une demande initiale de prestations d'assurance-emploi, qui a pris effet le 21 juillet 2013. Le 13 décembre 2013, la Commission de l'assurance-emploi du Canada (la Commission) a refusé de commencer à verser des prestations au prestataire à partir d'une date antérieure, soit le 3 février 2012, parce que celui-ci n'avait pas prouvé qu'il avait un motif valable pour avoir tardé à présenter sa demande de prestations. Le 13 janvier 2014, le prestataire a présenté une demande de réexamen. Le 14 février 2014, la Commission a confirmé sa décision initiale, et le prestataire a interjeté appel devant le Tribunal.

Mode d'audience

[3] Après avoir examiné la preuve versée au dossier et entendu les arguments des parties, le Tribunal a décidé de tenir une audience par téléconférence, pour les raisons figurant dans l'avis d'audience daté du 17 avril 2014.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit déterminer s'il y a lieu d'autoriser l'antidatation de la demande initiale de prestations présentée par le prestataire en vertu du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'assurance-emploi (la Loi) parce que ce dernier avait, durant toute la période écoulée, un motif valable pour tarder à présenter sa demande.

Droit applicable

[5] Le paragraphe 10(4) de la Loi prévoit que lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu'à cette date antérieure, il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu'il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

Preuve

[6] Selon le relevé d'emploi, le prestataire a travaillé pour Sonepar du 20 août 2012 au 2 février 2013. Il a quitté son emploi parce que l'entreprise a été restructurée et qu'il a été congédié.

[7] Le prestataire a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi le 26 juillet 2013.

[8] Le 6 août 2013, le prestataire a demandé que sa demande de prestations soit antidatée afin qu'elle prenne effet le 4 février 2013.

[9] Le 23 octobre 2013, le prestataire a fait savoir à la Commission que sa demande d'antidatation était demeurée sans réponse.

[10] Le 22 novembre 2013, le prestataire a de nouveau indiqué à la Commission qu'il n'avait pas reçu de réponse à sa demande d'antidatation.

[11] Au moment de la cessation de son emploi, le prestataire a reçu 2 788 47 $ à titre de salaire et 3 111.96 $ à titre de paye de vacances, ainsi qu'une prime de 10 000 $ et une indemnité de départ de 11 000 $.

[12] Le 3 mai 2014, le médecin de famille du prestataire, le Dr David Sedran, a envoyé une lettre indiquant que le prestataire vivait un stress hors du commun parce qu'il avait perdu son emploi, qu'il y avait de la maladie dans sa famille et qu'il subissait des pressions financières. D'après le Dr Sedran, le prestataire a dû composer avec cette situation tout au long de l'année 2013. En effet, sa femme souffre d'importants problèmes de santé et doit prendre de nombreux médicaments. Elle est tombée gravement malade en 2013 et certains examens médicaux qu'elle a subis ont donné des résultats inquiétants, ce qui a également eu une incidence sur l'état d'esprit du prestataire. Dans sa lettre, le Dr Sedran a affirmé qu'à son avis et selon son opinion professionnelle, l'état mental du prestataire était profondément affecté par le stress psychologique auquel il était soumis. Sa capacité de prendre des décisions et de composer avec la situation en souffrait beaucoup.

Observations

[13] Le prestataire a fait valoir ce qui suit :

  1. Il croit que sa situation correspond à celle décrite dans l'arrêt Albrecht (A 172-85), dans lequel la Cour a établi qu'il est important de faire preuve de souplesse pour déterminer si un prestataire a démontré qu'il a un « motif valable » pour expliquer son retard à présenter sa demande de prestations. Dans cette affaire, la Cour avait tranché en faveur du prestataire, qui avait tardé à présenter sa demande parce qu'il croyait qu'il devait épuiser les fonds de son indemnité de départ avant d'avoir droit aux prestations;
  2. Il a fait une erreur lorsqu'il a déterminé le moment où ses prestations d'assurance-emploi devaient commencer, car d'après ses calculs, son indemnité ne devait être épuisée que le 25 juin 2013;
  3. La Commission s'efforce de profiter de la loi pour trouver des raisons de l'empêcher de toucher des prestations, plutôt que d'essayer de l'aider à toucher des prestations ou d'examiner avec soin les raisons qu'il invoque afin de déterminer s'il avait bel et bien un motif valable pour présenter sa demande en retard;
  4. Lorsqu'il a déclaré sa prime, son indemnité de départ et sa paye de vacances dans le cadre de la demande d'antidatation qu'il a présentée le 6 août 2013, il l'a fait avec honnêteté, car les montants étaient différents de ceux qui apparaissaient sur son relevé d'emploi;
  5. La Commission aurait dû souligner qu'il avait fait preuve d'honnêteté en révélant les montants exacts de sa prime, de son indemnité de départ et de sa paye de vacances, puisque ce geste témoignait de l'honnêteté et de la bonne foi dont il a fait preuve en présentant sa demande d'antidatation;
  6. La Commission a passé sous silence le fait qu'elle a, à tort, mis un terme à la période de prestations du prestataire lorsque celui ci a présenté une demande d'antidatation, avant même qu'une décision ait été rendue à ce sujet;
  7. Son retard à présenter sa demande de prestations s'explique par plusieurs raisons, qui devraient être prises en compte de façon globale plutôt qu'une par une;
  8. Ses expériences précédentes en matière d'assurance-emploi lui ont fait croire que les sommes seraient réparties en fonction de sa rémunération hebdomadaire normale et qu'il lui faudrait épuiser son indemnité de départ avant d'être admissible aux prestations d'assurance-emploi;
  9. Il croit que la Commission ne devrait pas rejeter du revers de la main le fait qu'il se soit fié à ses expériences passées en matière d'assurance-emploi. Il s'agit, à son avis, d'un facteur très pertinent pour décider s'il a agi de façon raisonnable en remettant à plus tard la présentation de sa demande d'assurance-emploi;
  10. Il s'est appuyé sur le fait que par le passé, la Commission s'était montrée conciliante en ce qui concerne l'antidatation de ses demandes d'assurance-emploi;
  11. Il a touché des prestations d'assurance-emploi par le passé, mais il n'a eu aucun problème étant donné qu'il a présenté ses demandes dans le délai prescrit. Il n'y a eu qu'une seule occasion, il y a plusieurs années, où il a présenté une demande en retard : on lui avait alors accordé une antidatation. Il n'arrivait pas à se souvenir du moment où on lui avait accordé cette antidatation, mais il avait touché des prestations en 2009 et tout s'était bien passé;
  12. Il a communiqué avec Service Canada pour confirmer que les sommes seraient réparties en fonction de sa rémunération hebdomadaire normale et qu'il devait présenter sa demande de prestations une fois l'indemnité de départ épuisée;
  13. Le site Web de Service Canada indique clairement que le salaire, la paye de vacances et l'indemnité de départ constituent une rémunération qui doit être soustraite des prestations d'assurance-emploi et qui retarde le moment où un prestataire commence à toucher des prestations. Cela signifiait qu'il commencerait à toucher des prestations plus tard;
  14. Le service d'assurance-emploi l'a mal renseigné;
  15. Il croit qu'il est raisonnable pour un prestataire de s'attendre à ce qu'en communiquant avec le service d'assurance-emploi pour obtenir de l'aide et de l'information, il obtienne des renseignements exacts et complets pour l'aider à présenter sa demande de prestations;
  16. La Commission s'appuie sur l'arrêt Machel (2012 CAF 202), qui établit qu'un prestataire doit éviter de se fier aveuglément aux renseignements présentés sur le site de Service Canada, car sa situation est unique et les détails de son dossier lui sont propres. Le prestataire a expliqué qu'il ne s'est pas fié au site Web pour se renseigner sur des détails propres à son dossier, mais plutôt pour confirmer les conseils que lui avait donnés Service Canada par téléphone, ainsi que pour confirmer le principe général qu'il avait observé dans ses expériences passées en matière d'assurance-emploi : toute rémunération touchée par un prestataire au moment de la cessation de son emploi retarde le moment de son admissibilité aux prestations d'assurance-emploi;
  17. La Commission s'appuie sur le CUB 73573, qui établit qu'il incombe au prestataire de prendre les mesures nécessaires pour se renseigner sur ses droits et ses responsabilités à l'égard d'une demande de prestations. Le prestataire souligne qu'il s'est bel et bien renseigné et qu'on lui a confirmé qu'il lui fallait épuiser son indemnité de départ avant d'être admissible aux prestations. Le prestataire cite la décision rendue dans l'affaire Stoate (CUB 33900A), qui laisse croire qu'il serait déraisonnable de s'attendre à ce qu'il pose la même question à maintes et maintes reprises puisque les demandes qu'il a présentées par le passé, son expérience du système d'assurance-emploi et le site Web de Service Canada lui confirmaient tous qu'il lui fallait épuiser son indemnité de départ pour pouvoir être admissible au bénéfice des prestations;
  18. Il ne voulait pas être un fardeau pour le système, et il s'attendait à trouver un emploi et à toucher un salaire avant qu'il ne devienne admissible au bénéfice des prestations d'assurance-emploi. Il effectuait une recherche d'emploi très active et il a cru plus d'une fois qu'il était sur le point de recevoir une offre. Malheureusement, il avait du mal à se trouver un nouveau poste et il était resté sans emploi plus longtemps que par le passé, et plus longtemps que prévu;
  19. Il vivait une situation difficile, et la Commission n'a pas tenu compte des effets que cette situation avait sur lui : en effet, dans une conversation qu'il a eue avec un représentant de la Commission au téléphone, l'enquête a pris fin dès qu'il n'a pas été en mesure de fournir des dates exactes;
  20. La Commission ne lui a jamais posé de questions de suivi sur sa situation et ne lui a jamais demandé de certificat médical pour appuyer son dossier;
  21. Il était désemparé parce que sa conversation téléphonique avec l'agent de Service Canada s'était déroulée dans des conditions défavorables. Il était au travail et incapable de parler librement : or, tout ce qu'il a dit ou été incapable de dire au cours de cette conversation semble avoir été retenu contre lui;
  22. La Commission l'a mal cité et a fait une déclaration inexacte quant à l'une des raisons pour lesquelles il a tardé à présenter sa demande. En effet, sa déclaration a été prise hors contexte et semble avoir été retenue contre lui. Ainsi, la Commission a affirmé [Traduction] « qu'il n'avait même pas envisagé de présenter une demande de prestations d'assurance-emploi étant donné que son employeur lui avait versé une indemnité de départ ». Or, ce qu'il a vraiment dit, c'est que c'est en raison du stress qu'il vivait qu'il n'a même pas pensé à présenter une demande. Voici son témoignage : [Traduction] « Il est sans doute important de tenir compte du fait que j'ai traversé une période très difficile à partir du moment où j'ai perdu mon emploi, en février 2013 : non seulement je n'avais plus d'emploi et j'essayais désespérément de trouver du travail, mais ma femme était très malade, et elle l'est toujours. À ce moment là, on venait de lui apprendre qu'elle pouvait subir un AVC n'importe quand. J'étais tellement stressé que l'idée de présenter une demande de prestations d'assurance-emploi ne m'a même pas traversé l'esprit. De plus, comme mon employeur m'avait versé une indemnité de départ, je ne croyais pas que je pouvais demander des prestations ».
  23. Il considère que les arrêts invoqués par la Commission, soit Shebib (A 24-01) et Bradford (A 313-11), ne s'appliquent pas à sa situation, et il en veut à la Commission de chercher à le mettre dans le camp de ceux qui cherchent à frauder le régime. En guise de réplique, il invoque le CUB 42826. Dans cette décision, il est question d'une prestataire qui a présenté sa demande de prestations en retard parce qu'elle croyait fermement qu'il ne fallait profiter de l'assurance-emploi qu'en dernier recours et qu'elle avait préféré chercher un emploi sans demander de prestations : or, on lui a donné raison et on lui a accordé l'antidatation qu'elle demandait;
  24. Il s'offusque du fait que la Commission fasse tout un plat parce qu'il a présenté sa demande de prestations avec un mois de retard. De l'avis même de la Commission, la durée du retard serait sans importance s'il était attribuable à un motif raisonnable : il est donc inacceptable que ce facteur ait été critiqué par un agent de la Commission et qu'il ait joué un rôle dans le refus de sa demande d'antidatation, puisqu'il n'était ni important ni pertinent pour rendre une décision dans son dossier;
  25. Il fait allusion au CUB 56969, dans lequel il est indiqué que « [l]e prestataire n'a pas attendu par ignorance de la loi mais parce qu'il était convaincu que sa situation se réglerait rapidement et qu'il ne serait pas en chômage, et donc qu'il n'aurait pas à demander de prestations ». Même s'il lui a fallu plus de temps que ce qu'il avait prévu, la situation du prestataire a fini par s'arranger et il a pu être réintégré dans son poste. Dans cette affaire, le prestataire avait présenté sa demande de prestations d'assurance-emploi en retard et la Cour avait conclu qu'il avait agi comme une personne prudente, précisant que : « L'empêcher de recevoir des prestations équivaudrait à interpréter de façon très restrictive la notion de “caractère raisonnable” ».
  26. Il invoque également le CUB 58234, dans lequel il est question d'un prestataire qui a tardé à présenter sa demande de prestations d'assurance-emploi parce qu'il s'attendait à avoir un emploi sous peu : dans cet arrêt, il a été établi que le prestataire avait agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances et celui ci a obtenu l'antidatation de sa demande;
  27. Les décisions CUB 52237, 13249, 71047, et 7950 appuient son point de vue selon lequel il avait un motif valable pour avoir présenté sa demande en retard, puisque c'est parce que la Commission lui a donné des renseignements inexacts qu'il a tardé à présenter sa demande de prestations.
  28. Les décisions CUB 67043, 46079 et 46663 étayent également sa position selon laquelle il avait un motif valable pour avoir tardé à présenter sa demande d'assurance-emploi, puisqu'il croyait qu'il lui fallait d'abord épuiser son indemnité de départ;
  29. Enfin, le CUB 25870 appuie son argument selon lequel il avait un motif valable pour présenter sa demande en retard en raison de ses expériences passées à l'égard du régime d'assurance-emploi;
  30. La lettre de son médecin de famille, le Dr Sedran, datée du 3 mai 2014, appuie l'appel qu'il a présenté pour faire antidater sa demande de prestations d'assurance-emploi. À la suite de sa mise à pied, en février, il s'est mis à la recherche d'un emploi; puis, en mai, la santé de sa femme s'est dégradée et ses recherches d'emploi sont restées vaines. Sa femme souffrait toujours de problèmes de santé importants en juin et en juillet, et au cours de cette période, il lui semblait qu'il devait faire face à un nombre croissant de problèmes. Les coûts supplémentaires des médicaments venaient s'ajouter aux autres factures à payer, et toutes ces dépenses s'accumulaient. Il croyait qu'à l'été, il aurait épuisé son indemnité de départ et qu'il deviendrait admissible aux prestations d'assurance-emploi;
  31. L'assurance-emploi est censée aider les gens. Tout ce qu'il demande, c'est qu'on lui témoigne un peu de compréhension. Il croit que la Commission a commis une erreur dans le traitement de son dossier lorsqu'il a présenté une demande d'antidatation et qu'elle a choisi d'agir de la façon qui préserverait le plus les apparences, ce qui est injuste;
  32. Comme son dossier démontre qu'il a fait preuve de bonne foi et d'honnêteté, il ne croit pas que le fait de reconnaître l'existence d'un motif valable dans son dossier et de lui accorder les prestations qu'il réclame mettrait en péril l'intégrité du régime d'assurance-emploi et de ses politiques.

[14] L'intimée a fait valoir ce qui suit :

  1. Le prestataire n'a pas agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour se renseigner au sujet des droits et obligations que lui reconnaît la Loi;
  2. Le prestataire a cessé de travailler le 2 février 2013 et le relevé d'emploi a été produit le 6 février 2013;
  3. Le relevé d'emploi donnait au prestataire toutes les informations nécessaires sur la façon de demander des prestations d'assurance-emploi et précisait que s'il attendait plus de quatre semaines après son arrêt de travail pour présenter une demande, il pourrait perdre des prestations;
  4. La Commission ne trouve rien dans ses dossiers qui indique que le prestataire a essayé de demander des prestations ou de se renseigner avant le 26 juillet 2013, date où il a présenté sa demande;
  5. Au départ, le prestataire a indiqué que s'il avait présenté sa demande en retard, c'était parce qu'il avait essayé de s'en sortir le plus longtemps possible sans réclamer d'assurance-emploi, afin de ne pas être un fardeau pour le régime. Il n'avait même pas envisagé de demander des prestations d'assurance-emploi étant donné que son employeur lui avait donné une indemnité de départ;
  6. La situation du prestataire n'était pas exceptionnelle et il n'a pas démontré que sa décision de ne pas demander de prestations était raisonnable dans les circonstances.

Analyse

[15] Conformément à la législation, il est possible d'accueillir l'antidatation d'une demande initiale de prestations si le prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à une date antérieure et s'il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il a présenté sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[16] En l'espèce, la preuve au dossier montre que le prestataire remplissait les conditions requises pour avoir droit aux prestations à la date antérieure.

[17] Il s'agit donc de déterminer si le prestataire avait un motif valable, pendant toute la période écoulée, pour tarder à présenter sa demande. Tout au long du processus, soit la présentation de la demande initiale d'antidatation, la demande de réexamen et l'appel au Tribunal, le prestataire a présenté plusieurs arguments pour appuyer sa demande d'antidatation.

[18] Le prestataire a affirmé qu'il croit que sa situation correspond à celle décrite dans l'arrêt Albrecht (A-172-85), dans lequel on soulignait l'importance de faire preuve de souplesse pour déterminer si un prestataire avait démontré qu'il avait un « motif valable » pour expliquer son retard à présenter sa demande de prestations. Dans cette affaire, la Cour avait tranché en faveur du prestataire, qui avait tardé à présenter sa demande parce qu'il croyait qu'il devait épuiser les fonds de son indemnité de départ avant d'avoir droit aux prestations. En l'espèce, le prestataire soutient qu'il a reçu une indemnité de départ et qu'il a essayé de se débrouiller le plus longtemps possible sans réclamer d'assurance-emploi pour ne pas être un fardeau pour le régime.

[19] Dans l'affaire qui nous occupe, le prestataire a mentionné de vive voix qu'il ne voyait pas l'urgence de présenter sa demande de prestations, puisqu'il avait touché une indemnité de départ et que ses expériences passées en matière d'assurance-emploi lui avaient appris que ces sommes seraient réparties en fonction de sa rémunération hebdomadaire normale et qu'il lui faudrait les épuiser avant d'avoir droit aux prestations. Il affirme qu'il a communiqué avec Service Canada pour confirmer que son indemnité serait répartie en fonction de sa rémunération hebdomadaire normale et qu'il devait présenter sa demande une fois que ces sommes seraient épuisées, ce qui correspondait à la fin juin, d'après ses calculs.

[20] En l'espèce, le Tribunal constate que comme dans l'arrêt Albrecht, le prestataire a présenté sa demande en retard parce qu'il a touché une indemnité de départ, mais il constate également que certains faits viennent réfuter l'argumentation du prestataire. Ainsi, dans l'arrêt Albrecht, il est établi que le prestataire n'a pas présenté de demande de prestations parce que son ex-employeur lui a indiqué qu'il ne pouvait pas le faire avant d'avoir épuisé son indemnité de départ. De plus, dans cette affaire, il est indiqué que le prestataire n'avait jamais eu affaire à l'assurance-emploi au cours de ses 33 années d'emploi. Or, en l'espèce, la situation est différente : le prestataire n'a pas été mal renseigné par son employeur et il a une grande expérience en matière d'assurance-emploi. De son propre aveu, il a même déjà demandé une antidatation par le passé. Dans la preuve documentaire et orale qu'il a fournie, le prestataire a indiqué que parce que ce n'était pas la première fois qu'il demandait une antidatation et qu'on la lui avait toujours accordée sans problème, il s'était appuyé sur le fait que la Commission s'était montrée conciliante par le passé envers les prestataires qui voulaient obtenir une antidatation de leur demande. Dans son témoignage, le prestataire a également indiqué qu'il avait présenté des demandes de prestations d'assurance-emploi en 2009 et en 2010 sans problèmes, et qu'il avait présenté les demandes en question dans le délai prévu de quatre semaines.

[21] Dans l'arrêt Albrecht, l'ignorance de la loi constituait un motif valable, mais le Tribunal ne voit pas comment l'on pourrait justifier ou invoquer l'ignorance de la loi dans la présente affaire. L'arrêt Albrecht établit que lorsqu'un prestataire omet de présenter sa demande dans le délai imparti et qu'en dernière analyse, l'ignorance de la loi est le motif de cette omission, on devrait considérer qu'il a prouvé l'existence d'un « motif valable » s'il réussit à démontrer qu'il a agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s'assurer des droits et obligations que lui impose la Loi. En l'espèce, le Tribunal conclut que le prestataire n'a pas prouvé qu'il a agi de façon raisonnable et n'a pas démontré qu'il avait un motif valable pour présenter sa demande en retard : son argument fondé sur l'ignorance de la loi est donc invalide et injustifié.

[22] Le prestataire soutient que la Commission a tort d'invoquer les arrêts Shebib (A-24-01) et Bradford (A-313-11), car ils ne correspondent pas à sa situation. Il en veut à la Commission de chercher à le mettre dans le camp de ceux qui cherchent à frauder le régime. En guise de réplique, il invoque le CUB 42826. Dans cet arrêt, il est question d'une prestataire qui a présenté sa demande de prestations en retard parce qu'elle croyait fermement qu'il ne fallait profiter de l'assurance-emploi qu'en dernier recours et qu'elle avait préféré chercher un emploi sans demander de prestations : or, on lui a donné raison et on lui a accordé l'antidatation qu'elle demandait.

[23] Dans l'arrêt Shebib (A-24-01), le juge Rothstien s'est exprimé en ces termes : « Le demandeur dit qu'il n'est pas nécessaire de demander des prestations d'emploi tant que la personne en cause n'est pas prête à présenter une demande; or, aussi raisonnable que cela semble être, cela n'est pas conforme à la jurisprudence. Cela n'est pas non plus conforme à l'approche générale de la Commission, à savoir qu'elle devrait savoir à quel moment une personne cesse d'être employée, de façon à avoir la possibilité de déterminer que cette personne est disponible pour exercer un emploi et de connaître les démarches que celle ci fait pour trouver un nouvel emploi dès qu'elle cesse d'être employée. »

[24] En l'espèce, le Tribunal considère qu'à la lumière du témoignage que le prestataire a livré, les conclusions de Shebib s'appliquent : en effet, le prestataire a indiqué qu'il ne voyait pas l'urgence de présenter sa demande de prestations parce qu'il avait touché une indemnité de départ, qu'il cherchait un emploi et qu'il ne voulait pas être un fardeau pour le régime. Le Tribunal conclut que les raisons pour lesquelles le prestataire a tardé à présenter sa demande et le fait d'avoir entrepris de déterminer par lui même le moment où il devait la présenter constituaient peut être de bonnes raisons, mais que ces raisons ne sont pas conformes à la jurisprudence et ne constituent pas un motif valable. Tout comme dans l'arrêt Shebib, le prestataire a délibérément choisi de ne pas présenter de demande de prestations avant que son indemnité de départ ne soit épuisée, et s'est vu refuser l'antidatation qu'il réclamait.

[25] Le prestataire soutient que la Commission s'appuie sur le CUB 73573, qui établit qu'il incombe au prestataire de prendre les mesures nécessaires pour se renseigner sur ses droits et ses responsabilités à l'égard d'une demande de prestations. Le prestataire affirme qu'il s'est bel et bien renseigné et qu'on lui a confirmé qu'il ne serait admissible aux prestations qu'une fois son indemnité de départ épuisée. La décision rendue dans l'affaire Stoate (CUB 33900A) laisse croire qu'il serait déraisonnable de s'attendre à ce qu'il pose la même question à maintes et maintes reprises puisque les demandes qu'il a présentées par le passé, son expérience du système d'assurance-emploi et le site Web de Service Canada lui confirmaient tous qu'il lui fallait épuiser son indemnité de départ pour pouvoir être admissible au bénéfice des prestations. Le site Web de Service Canada indique clairement que le salaire, la paye de vacances et l'indemnité de départ constituent une rémunération qui doit être soustraite aux prestations d'assurance-emploi et qui retarde le moment où un prestataire commence à toucher des prestations. Cela signifiait qu'il commencerait à toucher des prestations plus tard. Il croit qu'il est raisonnable pour un prestataire de s'attendre à ce qu'en communiquant avec le service d'assurance-emploi pour obtenir de l'aide et de l'information, il obtienne des renseignements exacts et complets pour l'aider à présenter sa demande de prestations. Il a affirmé que l'agent d'assurance-emploi lui avait communiqué des renseignements inexacts.

[26] Le prestataire désapprouve également le fait que la Commission s'appuie sur l'arrêt Machel (2012 CAF 202), qui établit qu'un prestataire doit éviter de se fier aveuglément aux renseignements présentés sur le site de Service Canada, car sa situation est unique et les détails de son dossier lui sont propres. Le prestataire a expliqué qu'il ne s'est pas fié au site Web pour se renseigner sur des détails propres à son dossier, mais plutôt pour confirmer les conseils que lui avait donnés Service Canada par téléphone, ainsi que pour confirmer le principe général qu'il avait observé dans ses expériences passées en matière d'assurance-emploi : toute rémunération touchée par un prestataire au moment de la cessation de son emploi retarde le moment de son admissibilité aux prestations d'assurance-emploi.

[27] Le Tribunal estime que selon les faits qui lui ont été présentés, on ne peut affirmer que la Commission a induit le prestataire en erreur, d'autant plus que de son propre aveu, le prestataire s'est seulement renseigné de façon générale sur son indemnité de départ et sa répartition, plutôt que de demander à la Commission des détails sur sa situation particulière. On ne peut donc pas affirmer que le prestataire a été mal renseigné au sujet de ses droits et de ses obligations quant à la présentation d'une demande de prestations d'assurance-emploi et à son admissibilité aux prestations : il ne s'est pas renseigné à ce sujet. Le Tribunal conclut qu'il n'incombe pas à la Commission d'informer les éventuels prestataires de leur droit de toucher des prestations d'assurance-emploi lorsqu'ils perdent leur emploi, et qu'il revient plutôt à la personne qui perd son emploi de façon involontaire de faire le nécessaire pour informer la Commission de son chômage et pour demander des détails sur les conséquences de la présentation de sa demande, surtout lorsque cette personne a déjà eu à demander une antidatation.

[28] Le Tribunal s'appuie sur le CUB 78128, dont voici un extrait : « Tant qu'aucune modification ne sera apportée aux dispositions législatives ou que la Cour d'appel fédérale ne permettra pas une interprétation plus souple du terme “motif valable”, les juges arbitres seront tenus d'appliquer la loi, telle qu'elle est interprétée par la Cour. À l'heure actuelle, le défaut d'un prestataire de se renseigner sur ses droits et obligations au moment de sa mise à pied ou peu de temps après, sans explication valable, empêchera l'octroi d'une antidatation. Le fait qu'un prestataire décide d'attendre à la fin de ses semaines visées par l'indemnité de cessation d'emploi pour présenter une demande ne peut représenter un motif valable en vertu de la jurisprudence dominante à l'heure actuelle ».

[29] Le Tribunal considère que comme le prestataire a lui même reconnu qu'il avait une grande expérience du régime d'assurance-emploi et qu'il s'était fié à ses propres suppositions quant au fonctionnement du programme, en agissant comme il l'a fait, il a fait un choix personnel. À la lumière de la preuve au dossier et des raisons que le prestataire a invoquées au départ pour justifier son retard, le Tribunal conclut que celui ci a délibérément fait le choix, à ce moment là, de chercher un emploi et d'attendre que son indemnité de départ soit épuisée pour ne pas être un fardeau pour le régime au lieu de demander des prestations.

[30] Le Tribunal constate que le prestataire a lui même reconnu avoir présenté ses demandes de prestations à temps par le passé. Le Tribunal considère que comme le prestataire avait l'expérience du régime d'assurance-emploi, il aurait dû savoir qu'il devait présenter sa demande dans le délai prévu de trente jours. Le Tribunal conclut que d'après le témoignage du prestataire, celui-ci croyait qu'une antidatation ne représentait que quelques papiers de plus à remplir et qu'il était convaincu qu'il n'aurait aucun mal à obtenir une antidatation, étant donné que la Commission lui en avait déjà accordé par le passé. Le Tribunal estime que l'on s'attendrait à ce qu'une personne qui connaît bien le programme d'assurance-emploi fasse preuve de plus de diligence et effectue les démarches nécessaires pour se renseigner sur son droit aux prestations, tout particulièrement quand cette personne a déjà demandé une antidatation par le passé.

[31] Le prestataire a également fait valoir que sa situation personnelle l'avait empêché de présenter sa demande, car au moment où il aurait dû le faire, sa femme était très malade et c'est ce qui accaparait toutes ses pensées. Le prestataire a indiqué dans son témoignage qu'à la suite de sa mise à pied, en février, il s'était mis à la recherche d'un emploi; ensuite, en mai, la santé de sa femme s'était dégradée et ses recherches d'emploi étaient restées vaines. L'état de santé de sa femme avait continué à se détériorer en juin et en juillet, et au cours de cette période, il lui semblait qu'il devait faire face à un nombre croissant de problèmes. Les coûts supplémentaires des médicaments venaient s'ajouter aux autres factures à payer, et toutes ces dépenses s'accumulaient. Il croyait qu'à l'été, il aurait épuisé son indemnité de départ et qu'il deviendrait admissible aux prestations d'assurance-emploi. Le prestataire a affirmé qu'il vivait un stress hors du commun et que l'état de santé de sa femme avait un effet important sur sa capacité de prendre des décisions et de composer avec la situation. Le prestataire a fourni une lettre de son médecin de famille, le Dr David Sedran, datée du 3 mai 2014. Cette lettre indiquait que le prestataire vivait un stress hors du commun parce qu'il avait perdu son emploi, qu'il y avait de la maladie dans sa famille et qu'il subissait des pressions financières. D'après le Dr Sedran, le prestataire a dû composer avec cette situation tout au long de l'année 2013. En effet, sa femme souffrait d'importants problèmes de santé et devait prendre de nombreux médicaments. Elle était tombée gravement malade en 2013 et certains examens médicaux qu'elle avait subis avaient donné des résultats inquiétants, ce qui a également eu une incidence sur l'état d'esprit du prestataire. Dans cette même lettre, le Dr Sedran a affirmé qu'à son avis et selon son opinion professionnelle, l'état mental du prestataire était profondément affecté par le stress psychologique auquel il était soumis, et que sa capacité de prendre des décisions et de composer avec la situation en souffrait beaucoup.

[32] Le Tribunal compatit à la situation du prestataire, qui devait certes être très éprouvante, mais aucun élément de preuve ne montre que le prestataire s'est trouvé dans cette situation pendant toute la période du retard. À la lumière du témoignage oral du prestataire, le Tribunal constate que le prestataire s'est mis à chercher du travail après avoir perdu son emploi en février et que ce n'est qu'en mai que l'état de santé de sa femme s'est aggravé. Le prestataire a indiqué dans son témoignage qu'il vivait un stress hors du commun qui nuisait à sa capacité de prendre des décisions et de composer avec la situation. Il a fourni des preuves médicales pour en attester. Cependant, le Tribunal estime que la preuve n'est pas concluante quant à la mesure dans laquelle l'état mental du prestataire était perturbé. Dans sa lettre, le Dr Sedran indique qu'il a constaté que le prestataire vivait une situation stressante et que le stress psychologique que ce dernier vivait avait une profonde incidence sur son état mental et sur sa capacité de prendre des décisions et de composer avec la situation. Cependant, rien ne prouve que ce stress a empêché le prestataire de présenter sa demande plus tôt. Le prestataire a lui même reconnu que ce n'est qu'en mai que sa femme est devenue gravement malade. Le Tribunal conclut qu'il n'y a rien dans la preuve qui indique que son état l'empêchait de communiquer avec Service Canada, puisqu'il était capable, pendant cette même période, d'effectuer une recherche d'emploi et de passer des entrevues. Le Tribunal conclut que le prestataire n'a pas démontré qu'il avait, pendant toute la période où il a tardé à présenter sa demande de prestations, un motif valable pouvant expliquer son retard.

[33] Le prestataire fait valoir qu'il a fait preuve d'honnêteté lorsqu'il a déclaré sa prime, son indemnité de départ et sa paye de vacances dans le cadre de sa demande d'antidatation, car les montants étaient différents de ceux qui apparaissaient sur son relevé d'emploi. Il soutient que la Commission aurait dû souligner qu'il avait été honnête en révélant les montants exacts de sa prime, de son indemnité de départ et de sa paye de vacances, puisque ce geste témoignait de la franchise et de la bonne foi dont il avait fait preuve dans cette affaire.

[34] Le Tribunal estime que la question qu'il doit trancher porte sur une antidatation et que l'honnêteté du prestataire n'est pas en cause. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que l'argument du prestataire n'est pas pertinent en l'espèce.

[35] Le prestataire soutient que la Commission n'a pas tenu compte de l'ensemble de sa situation et des difficultés qu'il éprouvait, et qu'elle ne lui a pas donné l'occasion d'expliquer suffisamment sa situation à un moment où il aurait été plus à l'aise de le faire. Le prestataire avait l'impression que la Commission utilisait contre lui tout ce qu'il disait ou qu'il était incapable de dire dans la conversation.

[36] Le prestataire a indiqué qu'il vivait une situation difficile, mais la Commission n'a pas tenu compte des effets que cette situation avait sur lui : en effet, dans une conversation qu'il a eue avec un représentant de la Commission, l'enquête a pris fin dès qu'il n'a pas été en mesure de fournir des dates exactes. Il affirme que la Commission ne lui a jamais posé de questions de suivi sur sa situation et ne lui a jamais demandé de certificat médical pour appuyer son dossier. Il a dit qu'il était désemparé parce que sa conversation téléphonique avec l'agent de Service Canada s'était déroulée dans des conditions défavorables. Il était au travail et incapable de parler librement : or, tout ce qu'il a dit ou été incapable de dire au cours de cette conversation lui semblait avoir été retenu contre lui. Enfin, il soutient que la Commission l'a mal cité et a fait une déclaration inexacte quant à l'une des raisons pour lesquelles il a tardé à présenter sa demande. En effet, sa déclaration a été prise hors contexte et semble avoir été retenue contre lui. Ainsi, la Commission a affirmé [Traduction] « qu'il n'avait même pas envisagé de présenter une demande de prestations d'assurance-emploi étant donné que son employeur lui avait versé une indemnité de départ ». Or, ce qu'il a vraiment dit, c'est que c'est en raison du stress qu'il vivait qu'il n'a même pas pensé à présenter une demande. Voici son témoignage : [Traduction] « Il est sans doute important de tenir compte du fait que j'ai traversé une période très difficile à partir du moment où j'ai perdu mon emploi, en février 2013 : non seulement je n'avais plus d'emploi et j'essayais désespérément de trouver du travail, mais ma femme était très malade, et elle l'est toujours. À ce moment là, on venait de lui apprendre qu'elle pouvait subir un AVC n'importe quand. J'étais tellement stressé que l'idée de présenter une demande de prestations d'assurance-emploi ne m'a même pas traversé l'esprit. De plus, comme mon employeur m'avait versé une indemnité de départ, je ne croyais pas que je pouvais demander des prestations ».

[37] Le Tribunal estime que rien dans la preuve au dossier ne vient étayer l'argument du prestataire selon lequel il a été traité de manière inéquitable ou injuste aux termes de la Loi, ou que la Commission aurait agi de façon contraire à l'éthique pendant la recherche des faits. Le Tribunal s'appuie sur l'arrêt Beaudin (A-341-04) : « Il n'est pas inutile de rappeler que le paragraphe 10(4) de la Loi n'est pas le produit d'un simple caprice législatif. Il renferme une politique, sous forme d'exigence, qui participe d'une saine et efficiente administration de la Loi. Car d'une part, cette politique permet de “veiller à la bonne gestion et au traitement efficace des demandes de prestations” ainsi qu'à la Commission “de vérifier constamment l'admissibilité continue des prestataires à qui des prestations sont versées” : voir les CUB 18145, le 29 juin 1999 par le juge arbitre Joyal et CUB 23803, le 27 juin 1994 par le juge arbitre Rouleau. Le fait d'antidater la demande de bénéfices peut porter atteinte à l'intégrité du système en ce qu'il accorde à un prestataire un octroi rétroactif et inconditionnel du bénéfice des prestations, sans possibilité de vérification des critères d'admissibilité durant la période de rétroactivité : voir les CUB 13007, le 12 décembre 1986 et CUB 14019, le 7 août 1987 par le juge arbitre Joyal. En outre, une saine et équitable administration du système requiert que la Commission se livre à une vérification rapide et la plus contemporaine possible des événements et des circonstances qui génèrent la demande de bénéfices : voir CUB 15236A, le 30 avril 1987 par le juge arbitre Strayer. Sans quoi, la Commission se retrouve dans la difficile position de devoir se livrer à un travail ou à un processus de reconstruction des événements, avec les coûts et les aléas afférents à un tel processus. C'est ce qui explique le principe, depuis longtemps établi par la jurisprudence de notre Cour, que l'ignorance de la Loi n'excuse pas le retard à produire une demande initiale de bénéfices ».

[38] Le Tribunal s'appuie également sur le CUB 17192, dont voici un extrait : « On ne gagne rien en refusant des prestations à des personnes qui y seraient admissibles au seul motif qu'elles n'ont pas présenté leur demande au bon moment. C'est pour cette raison que le Parlement a édicté les dispositions sur l'antidatation ».

[39] Enfin, le Tribunal s'appuie sur le CUB 9958, où il est dit : « La politique de la Loi est d'offrir des prestations pour lesquelles les prestataires ont payé leurs cotisations et non pas chercher des excuses pour retenir ces prestations. Ici encore, dans cette perspective, l'intention du Parlement lorsqu'il a décrété le paragraphe 20(4) semble assez claire : le juge arbitre n'a qu'à déterminer si ce prestataire, dans ces circonstances particulières, a fait valoir “un motif justifiant son retard” lorsqu'il a formulé sa demande de prestations ».

[40] Le prestataire a fait valoir que d'après ses estimations, il n'avait présenté sa demande qu'un mois en retard puisqu'il l'avait fait le 26 juillet 2013. En l'espèce, le Tribunal considère qu'il ne s'agit pas d'un argument valable, puisque le dossier montre que le dernier jour d'emploi du prestataire était le 4 février 2013 et qu'il a attendu au 26 juillet 2013 pour présenter sa demande. Il est donc plutôt question d'un retard de presque six mois. D'après les faits consignés au dossier, le prestataire a fait le choix personnel de calculer lui même sa période de prestations plutôt que de présenter une demande de prestations à la suite de sa mise à pied et de laisser le soin à la Commission de déterminer la période de prestations et de répartir son indemnité de départ en conséquence. Dans la présente affaire, le prestataire n'était pas admissible au bénéfice des prestations pendant la période de répartition de l'indemnité de départ. Néanmoins, pour préserver les heures d'emploi assurable accumulées pendant sa période de référence, il était tenu de demander des prestations qui ne seraient pas versées avant un bon moment.

[41] En l'espèce, le prestataire a présenté plusieurs décisions CUB qui, à son avis, étayent ses arguments. Toutefois, le Tribunal estime que la jurisprudence qu'il invoque ne s'applique pas à sa situation. Le Tribunal compatit à la situation du prestataire, mais après avoir examiné toutes les circonstances propres à cette affaire, il conclut que ce dernier n'a pas agi comme une personne raisonnable placée dans la même situation l'aurait fait pour s'informer de ses droits et obligations aux termes de la Loi et qu'il n'a pas démontré qu'il avait, pendant toute la période écoulée, un motif valable justifiant son retard.

Conclusion

[42] L'appel est rejeté.

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