Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Comparutions

Le prestataire a comparu seul en compagnie de son représentant légal lors de l'audience.

Décision

[1] Le Tribunal rejette l'appel du prestataire et conclut que ce dernier peut être exclu du bénéfice des prestations d'assurance-emploi parce qu'il a volontairement quitté son emploi sans justification.

Introduction

[2] Le prestataire a déposé une demande de prestations le 10 avril 2010 (pièce GD3-7). Dans une communication du 13 août 2013, la Commission de l'assurance-emploi du Canada (la « Commission ») indique au prestataire qu'il a quitté son emploi chez Métal Presto le 24 octobre 2012, qu'il ne l'a pas signalé à la Commission et qu'il doit remplir un formulaire pour expliquer la situation à cet effet (pièce GD3-29 à 31). Suite à une enquête, la Commission envoie au prestataire une communication datée du 16 septembre 2013 indiquant que sa demande avait été réexaminée et que la Commission ne peut lui verser de prestations dès le 21 octobre 2012 parce qu'il a quitté son emploi sans motif valable (pièce GD3-39). Le prestataire a fit appel de cette décision initiale et le 22 novembre 2013, la Commission communique au prestataire sa décision révisée qui maintient intégralement sa décision initiale sur le départ volontaire (pièce GD3-49). Le prestataire a donc fait appel de la décision révisée de la Commission devant ce Tribunal (pièces GD2).

Mode d'audience

[3] L'audience s'est tenue pour les motifs invoqués dans l'avis d'audience (pièce GD1-1).

Question en litige

[4] Le Tribunal doit déterminer si le prestataire a volontairement quitté son emploi sans justification conformément à l'article 29 et aux paragraphes 30(1) et 30(2) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi »).

Droit applicable

[5] Le paragraphe 30(1) de la Loi précise qu'un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite ou s'il quitte volontairement un emploi sans justification.

[6] Le paragraphe 30(2) de la Loi précise que l'exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n'est pas affectée par la perte subséquente d'un emploi au cours de la période de prestations.

[7] L'article 7(1) de la Loi qui précise que de prestations de chômage sont payables à un assuré qui remplit les conditions pour les recevoir.

[8] L'article 29 de la indique que pour l'application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s'entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations. (...)
  2. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment celles contenue dans les alinéas i à xiv et au Règlement, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[9] L'arrêt Tanguay c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada) (A-1458-84) explique qu'il revient à la Commission de prouver que le départ était volontaire. Une fois ce point établi, il incombe au prestataire de montrer qu'il était fondé à quitter son emploi.

[10] L'arrêt Canada (procureur général) c. Bois (A-31-00) fait partie d'une série de jurisprudences constantes qui expliquent que le terme justification n'est pas défini dans la Loi. Toutefois, le terme « justification » n'est pas synonyme de « raison valable ». Donc, bien qu'un prestataire puisse avoir une raison valable de quitter son emploi, cette raison ne constitue pas nécessairement une justification au sens de la Loi.

[11] L'arrêt Astronomo c. Canada (Procureur général) (A-141-97) explique que la part du décideur consiste à déterminer si le départ du prestataire « constituait la seule solution raisonnable dans son cas ».

[12] Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Laughland (2003 CAF 129) il est indiqué que la question à traiter ne consiste pas à savoir s'il était raisonnable pour le prestataire de quitter son emploi, mais bien à savoir si la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était qu'il quitte son emploi.

[13] Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Lessard (2002 CAF 469), la Cour explique que l'alinéa 29c)vi) de la Loi suppose l'existence de trois éléments d'analyse, soit une « assurance raisonnable », « un autre emploi » et un « avenir immédiat ». A ce titre, l'emploi à venir conditionnel à une action ou une confirmation ne rencontre pas les éléments menant à l'application de l'alinéa 29c)vi) de la Loi.

[14] Dans l'arrêt Gagnon c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada) (Gagnon [1988] R.C.S. 29), la Cour indique que la Loi sur l'assurance-emploi a pour objet d'indemniser les personnes qui ont perdu volontairement leur emploi et qui n'ont pas de travail.

Preuve

[15] La preuve au dossier est la suivante :

  1. une demande initiale de prestations régulières d'assurance-emploi datée du 10 avril 2012 (pièce GD3-7);
  2. qu'il n'y a pas eu d'émission de préavis de mise à pied dans le dossier du prestataire (pièce GD3-45);
  3. que le prestataire a cessé de se présenter au travail (pièce GD3-45);
  4. que le prestataire a retravaillé pour un autre employeur trois semaines après qu'il ait quitté son emploi (Audience).

Arguments des parties

[16] Le prestataire a fait valoir :

  1. qu'il a démissionné en raison de discrimination, de harcèlement ou de conflit personnel au travail (pièce GD3-14);
  2. qu'il avait des conflits grave de personnalité avec son seul collègue et qu'il faisait face a du dénigrement de sa part (pièce GD3-15);
  3. qu'il savait qu'avant de quitter son emploi il avait un emploi sur un autre chantier (pièce GD3-32);
  4. que le collègue de travail échappait ses outils à côté de lui pour lui faire peur (pièce GD3-46);
  5. qu'il n'avait pas de nouvel emploi en vue lors lorsqu'il a quitté (pièce GD3-46);
  6. que l'employeur est une compagnie de Québec et qu'un seul employé de la compagnie travaillait avec lui sur le chantier de Valleyfield (Audience);
  7. qu'il n'y avait pas de supérieur de la compagnie sur place (Audience);
  8. qu'il a travaillé avec son collègue quelques mois sans problèmes jusqu'à ce que le collègue débute une forme de « harcèlement psychologique » (Audience);
  9. que le collègue a fait tomber marteau dans la cage d'escalier au moment où le prestataire y travaillait qu'il croit qu'il l'a fait exprès (Audience);
  10. qu'il l'intimidait indirectement à travers ses paroles en choisissant ses mots (sic.) (Audience);
  11. qu'il a parlé de la situation avec son syndicat et qu'il n'en a parlé avec personne de la compagnie (Audience);
  12. que son syndicat lui a parlé d'un emploi à Fermont lorsqu'il a parlé de ses problèmes avec son collègue de travail (Audience);
  13. que l'emploi à Fermont était supposé débuter une semaine après avoir quitté son emploi, mais que le syndicat attendait une confirmation de la part d'Arcelor Mittal (Audience);
  14. qu'il a accepté un emploi chez Béton Brunet, plutôt que d'aller à Fermont pour aider son syndicat (Audience);
  15. que pour lui l'important c'était de travailler (Audience);
  16. que son collègue de travail le faisait sentir comme un bon à rien (Audience);
  17. qu'il pouvait travailler avec d'autres corps de métier et qu'il les voyait qu'il parlait de lui, il ne savait pas ce qu'ils disaient, mais ce n'était pas une bonne atmosphère (Audience);
  18. que son collègue de travail lui aurait dit qu'il n'était pas un bon travailleur, que lui était supérieur et qu'il pourrait lui arriver « des affaires » (sic.) (Audience);
  19. qu'il a fait 100 « jobs » depuis huit ans sur la construction (Audience);
  20. que la réalité du milieu de la construction n'est pas la stabilité auprès d'un seul employeur, mais bien de plusieurs (Audience).

[17] L'intimée a soutenu :

  1. que lorsque le problème se situe au niveau par exemple des relations de travail, des modalités d'emploi, des relations humaines au travail, l'on s'attend, règle générale, à ce que la personne assurée ne quitte pas spontanément son emploi avant d'avoir utilisé les solutions usuelles raisonnables qui s'imposent pour remédier à la situation (pièce GD4-4);
  2. que le prestataire a d'abord allégué avoir quitté son emploi en raison de conflit personnel et que par la suite, il a indiqué avoir quitté pour un autre emploi et qu'il avait l'assurance de cet emploi avant de quitter (pièce GD4-4);
  3. que le prestataire a indiqué ensuite avoir quitté en raison de conflit avec son collègue de travail et que la situation empirait de jour en jour, soit le dénigrement à son égard (pièce GD4-4);
  4. que le prestataire a allégué avoir préféré quitter avant de « péter les plombs » plutôt qu'en parler avec son employeur (pièce GD4-4);
  5. que le prestataire démontre qu'il n'a pas utilisé toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi, mais également qu'il n'avait pas l'assurance d'un autre emploi avant son départ (pièce GD4-4);
  6. que compte tenu de l'ensemble de la preuve, une solution raisonnable aurait été de discuter de sa situation avec l'employeur avant de quitter cet emploi et/ou de s'assurer d'avoir un autre emploi avant de quitter (pièce GD4-5).

Analyse

[18] Le paragraphe 30(1) de la Loi précise qu'un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite ou s'il quitte volontairement un emploi sans justification. À ce titre, l'arrêt Tanguay explique qu'il revient à la Commission de prouver que le départ était volontaire et qu'une fois ce point établi, il incombe au prestataire de montrer qu'il était fondé à quitter son emploi.

[19] L'article 29 de la Loi établit une liste non-exhaustive de circonstances qui doivent être prises en considération pour déterminer si le départ volontaire constituait la seule solution raisonnable dans le cas d'un prestataire. Comme le rappelle l'arrêt Bois, le terme « justification » n'est pas un synonyme de « raison valable ». Ce n'est pas parce qu'un prestataire a une raison valable de quitter son emploi que cela signifie qu'il avait une justification de le faire au terme de la Loi. Finalement, l'arrêt Astronomo explique très clairement que la part du décideur consiste à déterminer dans tous les cas si le départ du prestataire constituait « la seule solution raisonnable dans son cas ».

[20] En substance, le prestataire, mentionne au Tribunal les raisons qui l'ont poussé à quitter son emploi. En somme, le prestataire indique qu'il faisait face a du harcèlement psychologique de la part de son collègue de travail. Le prestataire mentionne au Tribunal qu'il a travaillé quelques mois sans problèmes avec ce collègue jusqu'à ce que celui-ci débute une forme de « harcèlement psychologique ». Le prestataire affirme que son collègue de travail a fait tomber un marteau dans la cage d'escalier au moment où le prestataire y travaillait et il affirme au Tribunal « qu'il croit qu'il l'a fait exprès » (sic.). Le prestataire affirme en outre que le collègue de travail l'intimidait « indirectement à travers ses paroles, en choisissant ses mots » (sic.). À titre d'exemple, le prestataire indique que le collègue de travail disait qu'il n'était pas un bon travailleur, qu'il lui était supérieur et qu'il voyait ce même collègue parler de lui avec d'autres travailleurs, qu'ils « ne savait pas ce qu'ils disaient, mais ce n'était pas une bonne atmosphère » (sic.). Le prestataire indique qu'il n'a parlé de cette situation qu'avec son agent de placement syndical et non avec l'employeur, car il n'a jamais rencontré l'employeur et que son seul contact avec ce dernier était à travers le collègue de travail problématique en question.

[21] Selon le prestataire, dès qu'il a discuté avec son syndicat de ses problèmes, le représentant syndical a mentionné une « jobs » future à Fermont, dont ils n'avaient pas encore eu une confirmation de la part du donneur d'ordre, mais qui était due pour débuter dès la semaine suivante. Mais, comme ce contrat était repoussé, il a répondu présent à une demande de son syndicat et a accepté un emploi pour l'entreprise Béton Brunet à l'intérieur d'une période de trois (3) semaines suivant son départ de chez l'employeur. Finalement, le prestataire indique que la stabilité en emploi n'est pas la réalité du milieu de la construction et qu'il a fait près de cent (100) « jobs » depuis huit ans sur la construction.

[22] Quant à la Commission, elle indique que lorsque le problème se situe au niveau par exemple des relations de travail, des modalités d'emploi, des relations humaines au travail, l'on s'attend, règle générale, à ce que la personne assurée ne quitte pas spontanément son emploi avant d'avoir utilisé les solutions usuelles raisonnables qui s'imposent pour remédier à la situation. La Commission indique alors que le prestataire a d'abord allégué avoir quitté son emploi en raison de conflit personnel et que par la suite, il a indiqué avoir quitté pour un autre emploi et qu'il avait l'assurance de cet emploi avant de quitter. La Commission indique que le prestataire ne s'est pas arrêté là et qu'il a indiqué ensuite avoir quitté en raison de conflit avec son collègue de travail et que la situation empirait de jour en jour, soit le dénigrement à son égard (sic.). La Commission indique que le prestataire démontre qu'il n'a pas utilisé toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi, mais également qu'il n'avait pas l'assurance d'un autre emploi avant son départ et que compte tenu de l'ensemble de la preuve, une solution raisonnable aurait été de discuter de sa situation avec l'employeur avant de quitter cet emploi et/ou de s'assurer d'avoir un autre emploi avant de quitter.

[23] Dans ce dossier, le Tribunal est d'avis que la Commission a prouvé que le départ était volontaire. Il est clair même dans les arguments du prestataire qu'il a pris la décision seul de quitter son emploi au moment où il l'a fait et que cette décision doit être assimilée à un départ volontaire au sens de la Loi.

[24] Pour le Tribunal, les gestes du prestataire ne se conforment pas à la justification contenue à l'alinéa 29c)vi) de la Loi car il n'avait pas l'assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat. Il est de l'avis du Tribunal que le prestataire n'avait pas l'assurance-raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat car même s'il a discuté d'une possibilité pour le futur avec son agent de placement syndical, celui-ci lui aurait dit, et je cite le prestataire « que le syndicat attendait une confirmation de la part d'Arcelor Mittal ». Des obstacles comme l'attente d'une confirmation et la possibilité de se voir attribué ce travail, même par patronage, ne donne pas l'assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat. Sur les considérations du prestataire selon lesquelles il a reçu un autre emploi par patronage dans les trois semaines qui ont suivi, et non dans les deux à trois mois comme la Commission le mentionne dans son argumentaire, le Tribunal ne peut affirmer qu'il s'agit là non plus d'un « avenir immédiat ». En fait le Tribunal s'appuie sur l'arrêt Lessard, pour affirmer qu'en constatant que l'emploi à venir étant conditionnel, dans la présente cause, à la confirmation de la part de l'entreprise basée à Fermont, il est incompatible avec le concept « d'avenir immédiat » contenu à l'alinéa 29c)vi) de la Loi.

[25] Sur les considérations du prestataire à savoir que le milieu de la construction est instable et qu'il a fait cent (100) « jobs » en huit (8) ans, le Tribunal est d'avis qu'il est raisonnable de croire que le régime d'assurance-emploi est disponible pour les assurés qui perdent leur emploi par inadvertance comme l'arrêt Gagnon le propose.

[26] Sur la question du harcèlement de la part du collègue de travail, le Tribunal est d'avis que le prestataire n'a pas prouvé qu'il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour régler les problèmes de comportement supposés de son collègue avant de quitter son emploi. Le prestataire a certes fait appel à son agent de placement syndical, mais l'agent de placement avec lequel il a discuté n'était pas son employeur. Même si le prestataire a fait référence à ces situations supposément problématiques avec son agent de placement syndical, ce dernier n'aurait pu que tenter de lui trouver un autre emploi et non tenter de trouver une solution au problème présumé sur les lieux de travail comme un employeur a l'obligation de faire moralement, sinon en vertu des lois du travail de la province de résidence du prestataire. Il est d'avis du Tribunal que ce qu'avance le prestataire dans cette cause quant aux questions de harcèlement dont il aurait été la cible (le marteau échappé dans les marches, les discussions sur les capacités de travail du prestataire, discussions entre corps de métier le visant personnellement, etc.) peuvent porter à interprétation personnelle et ne constituent pas séparément, ou ensemble, une justification pour quitter son emploi comme il l'a fait.

[27] Malheureusement pour le prestataire, ce dernier avait peut-être, selon lui, une raison valable de quitter son emploi, mais pas une justification de le quitter comme le propose l'arrêt Bois. Pour le Tribunal, le prestataire n'a pas prouvé qu'il ait usé de la seule solution raisonnable dans les circonstances comme l'arrêt Astronomo le propose.

Conclusion

[28] L'appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.