Assurance-emploi (AE)

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Comparutions

Le prestataire, K. G., a assisté à l'audience. Le représentant du prestataire, M. Mark Crawford, était également présent. Enfin, Mme Sarah Mottershead a assisté à l'audience à titre d'observatrice.

Décision

[1] Le Tribunal juge qu'il n'y a pas lieu d'imposer au prestataire une exclusion du bénéfice des prestations pour une période indéterminée parce que celui ci n'a pas perdu son emploi en raison de son inconduite.

Introduction

[2] Le 4 novembre 2012, le prestataire a présenté une demande initiale de prestations d'assurance-emploi. Le 17 décembre 2012, la Commission de l'assurance-emploi du Canada (la Commission) lui a refusé les prestations parce qu'il avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Le prestataire a interjeté appel de cette décision devant un conseil arbitral, qui a rejeté son appel le 31 janvier 2013. Le 30 avril 2014, la division d'appel du Tribunal de la sécurité sociale (TSS) a accueilli l'appel du prestataire et ordonné que la section de l'assurance-emploi de la division générale du TSS tienne une nouvelle audience.

Mode d'audience

[3] Après avoir examiné la preuve et les observations présentées par les deux parties à l'appel, le Tribunal a décidé de tenir une audience en personne pour les motifs indiqués dans l'avis d'audience daté du 23 mai 2014.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit décider s'il y a lieu d'imposer au prestataire une exclusion du bénéfice des prestations pour une période indéterminée en application de l'article 30 de la Loi sur l'assurance-emploi (ci-après la Loi) parce qu'il a perdu son emploi en raison de son inconduite aux termes de l'alinéa 29(1)b) de la Loi.

Droit applicable

[5] L'alinéa 29a) précise qu'aux fins de l'alinéa 30a), « emploi » s'entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations; et l'alinéa 29b) précise que la suspension est assimilée à la perte d'emploi.

[6] Selon le paragraphe 30(1) de la Loi sur l'assurance-emploi : « Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite ».

Preuve

[7] Un relevé d'emploi indique que le prestataire a travaillé pour Turnbull Excavating du 2 avril 2012 au 13 juillet 2013, date à laquelle il a été congédié.

[8] Le relevé d'emploi indique que le prestataire a touché une rémunération assurable de 1 950.91 $ au cours de la première période de paye et de 762.27 $ au cours de la deuxième.

[9] L'employeur a déclaré que le prestataire avait été congédié parce qu'il ne se présentait pas au travail et parce qu'il écourtait ses journées de travail.

[10] La contrôleuse de l'employeur a indiqué que le prestataire avait été rencontré à plusieurs reprises au sujet de ses retards et que la situation était devenue intolérable : on l'avait donc congédié pour absentéisme.

[11] Elle a indiqué qu'aucun avertissement écrit ne figurait au dossier.

[12] Elle a déclaré que l'employeur avait embauché le prestataire et qu'il lui permettait de vivre dans une chambre sur place.

[13] Elle a affirmé que le prestataire avait été un très bon employé d'avril à mai.

[14] Elle a indiqué qu'elle avait mentionné à l'employeur qu'il serait préférable de donner des avertissements écrits au prestataire, mais que l'employeur avait répliqué qu'une fois que le prestataire était au travail, c'était un bon employé.

[15] Elle a déclaré que le prestataire s'était absenté du 25 juin au 4 juillet 2012 et qu'il avait manqué presque une semaine de travail. Le prestataire est revenu au travail par la suite, jusqu'à son congédiement le 13 juillet 2012.

[16] L'employeur a envoyé un certificat médical signé par le Dr Akinsete par télécopieur. Ce document indiquait que le prestataire serait incapable de travailler du 20 au 27 juin 2012 en raison d'une blessure à la main gauche.

[17] Une lettre de l'employeur indique que le prestataire n'a pas été congédié en raison d'un manque de travail et qu'il ne s'est pas présenté au travail pendant la période du 25 juin au 13 juillet 2012. On a indiqué clairement au prestataire qu'il était congédié en raison de ses absences et de son manque de fiabilité.

Observations

[18] Le prestataire a fait valoir ce qui suit :

  1. Il n'est pas certain du motif de son congédiement, mais il croit que c'est en raison d'un manque de travail;
  2. Il ne sait pas pourquoi son employeur a déclaré qu'il ne s'entendait pas avec les autres, c'est la première fois qu'il en entendait parler;
  3. Il ne sait pas pourquoi son employeur dit qu'il était en retard ou absent, étant donné qu'il demeure juste derrière son lieu de travail;
  4. Il a déjà été congédié en raison de ses retards ou de ses absences par le passé, mais il en était autrement cette fois-ci;
  5. Il conteste les allégations de l'employeur selon lesquelles il aurait été absent du 25 juin au 4 juillet 2012;
  6. Il était en congé du 20 au 27 juin 2012 en raison d'un accident de travail et il avait fourni à son employeur un certificat médical pour cette période;
  7. Il est retourné au travail le 28 juin et il a travaillé jusqu'à son congédiement, le 13 juillet 2012;
  8. Il n'a pas de permis de conduire et dépend du moyen de transport que lui fournit son employeur;
  9. Lorsqu'il lui est arrivé de terminer sa journée de travail à l'avance, il a toujours obtenu la permission de son contremaître, qui se chargeait aussi de le reconduire chez lui;
  10. Il s'est blessé à la main au travail et il a dû se rendre à l'urgence. Son employeur était au courant de l'accident;
  11. Il n'a reçu aucun avertissement écrit de son employeur;
  12. Il croit que son employeur cherchait un prétexte pour le congédier en raison de l'accident de travail qu'il a subi.

[19] L'intimée a fait valoir ce qui suit :

  1. Le prestataire a été congédié parce qu'il s'est présenté au travail en retard et s'est absenté à de nombreuses reprises;
  2. Comme le parcours professionnel du prestataire a été marqué par un grand nombre de retards et d'absences, la Commission estime que la version de l'employeur est plus crédible;
  3. Cette situation a rompu le lien de confiance entre l'employeur et l'employé;
  4. Les gestes du prestataire constituent une inconduite selon le critère juridique applicable.

Analyse

[20] Le Tribunal doit décider s'il y a lieu d'imposer au prestataire une exclusion du bénéfice des prestations pour une période indéterminée en application des articles 29 et 30 de la Loi parce qu'il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[21] La Cour d'appel fédérale a établi qu'aux fins du paragraphe 30(1) de la Loi, la notion légale d'inconduite se définissait comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu'elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l'inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l'inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l'inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Canada (PG) c. Lemire, 2010 CAF 314).

[22] La partie qui allègue l'inconduite a la lourde charge de la prouver. Or, pour prouver qu'un employé s'est rendu coupable d'inconduite, il faut établir qu'il n'aurait pas dû agir comme il l'a fait. Il ne suffit pas de démontrer que l'employeur considérait que la conduite de l'employé était répréhensible ou qu'il a reproché à l'employé en termes généraux de s'être mal comporté.

[23] Le Tribunal doit d'abord déterminer si le geste reproché constituait de l'inconduite et si ce geste était la raison du congédiement ou plutôt un simple prétexte pour le justifier.

[24] En l'espèce, le Tribunal estime que l'absentéisme que l'on reproche au prestataire constitue bel et bien de l'inconduite; toutefois, le Tribunal ne peut conclure que le prestataire s'est bel et bien rendu coupable d'absentéisme et qu'il s'agissait bien de la cause de son congédiement.

[25] L'intimée soutient que le prestataire a été congédié en raison de son absentéisme. En l'espèce, l'employeur prétend que le prestataire ne s'est pas présenté au travail du 25 juin 2012 au 4 juillet 2014 et qu'il n'a pas motivé son absence. Toutefois, la preuve que l'employeur a versée au dossier montre que le prestataire est bel et bien retourné au travail après son absence et a travaillé jusqu'au 13 juillet 2012. À ce moment, l'employeur a congédié le prestataire, car il estimait qu'il ne pouvait pas compter sur lui. Le prestataire a cependant fourni des preuves documentaires et orales qui remettent en question les allégations de l'employeur. Ainsi, le prestataire a affirmé qu'il avait été absent du 20 au 27 juin 2012 à la suite d'un accident de travail. Il a présenté un certificat médical pour motiver son congé. Il a témoigné de vive voix être retourné au travail le 28 juin et avoir été congédié le 13 juillet 2012. Le prestataire a également souligné que le relevé d'emploi confirme sa version des faits. En effet, selon le relevé d'emploi préparé par l'employeur, le prestataire a été payé 1 950.91 $ dans la période de paye couvrant les deux semaines précédant son congédiement et il a été payé 762.27 $ pour la période de deux semaines comprenant son congé de maladie.

[26] À la lumière de la preuve médicale et de l'information figurant sur le relevé d'emploi, le Tribunal conclut que le prestataire s'est bel et bien absenté du travail, mais pendant d'autres journées que celles indiquées par l'employeur. La preuve confirme que l'employeur devait être au courant de l'absence du prestataire, puisque ce dernier lui a fourni un certificat médical. De plus, c'est l'employeur lui-même qui a faxé le certificat médical au représentant du prestataire quand celui-ci en a fait la demande (GD2-70), ce qui confirme qu'il avait bel et bien reçu ce document. Le Tribunal estime que les montants qui figurent sur le relevé d'emploi indiquent que le prestataire a travaillé plus de 40 heures par semaine dans les deux semaines qui ont précédé son congédiement, et plus de 40 heures dans la période de paye précédente. Le Tribunal estime que la deuxième période comprend la période d'une semaine où le prestataire était en congé de maladie. Comme l'employeur n'a pas assisté à l'audience, le Tribunal ne sait pas pourquoi l'employeur a omis de mentionner l'absence du prestataire pour raisons médicales ou pourquoi il n'a pas remis en question la rémunération figurant dans le relevé d'emploi.

[27] Le Tribunal conclut que les faits au dossier fournis par l'employeur ne correspondent pas à ceux fournis par le prestataire, et il semble au Tribunal que la preuve médicale et le relevé d'emploi tendent à démontrer que le prestataire ne s'est pas rendu coupable de l'absentéisme qu'on lui reproche et qui constituerait de l'inconduite. Le représentant du prestataire a affirmé que son client et lui étaient persuadés que l'employeur voulait simplement se débarrasser du prestataire en raison de l'accident de travail de ce dernier. Le Tribunal est d'avis qu'aucun élément de preuve n'appuie les déclarations du représentant selon lesquelles c'est en raison de son accident de travail que le prestataire a été congédié. La seule raison que l'employeur a invoquée pour congédier le prestataire est son absentéisme, et comme la preuve ne démontre pas que le prestataire s'est absenté sans permission, la preuve ne permet pas de conclure à l'inconduite.

[28] L'intimée fait valoir que comme le parcours professionnel du prestataire est marqué par un grand nombre d'absences et de retards, elle juge les déclarations de l'employeur plus crédibles. La preuve au dossier montre que le prestataire convient du fait qu'il a déjà eu des problèmes de retards et d'absentéisme, et qu'il a même déjà été congédié pour ces raisons. Toutefois, il a indiqué qu'il en était autrement cette fois puisqu'il n'avait pas été absent, contrairement à ce que son employeur affirmait. Le prestataire a témoigné de vive voix qu'il vivait sur place dans une chambre fournie par son employeur, de sorte que ce dernier était toujours en mesure de le joindre. Il a indiqué qu'il n'avait pas de permis de conduire et ne disposait d'aucun moyen de transport, et que c'était son employeur qui se chargeait de l'amener sur les lieux et de le ramener chez lui. Il a précisé qu'il lui était arrivé de partir plus tôt, mais que son contremaître était au courant puisque c'était lui qui devait le reconduire.

[29] Le Tribunal n'a pas eu l'avantage d'entendre le témoignage de l'employeur, mais les faits au dossier révèlent qu'il se montrait clément avec le prestataire en dépit de ses habitudes de travail. La preuve au dossier laisse croire que l'employeur avait l'habitude de congédier le prestataire puis de l'embaucher à nouveau. De plus, selon la preuve de l'employeur, le prestataire n'a reçu aucun avertissement écrit dans le cadre de son emploi, à quelque moment que ce soit, et aucune mesure disciplinaire progressive n'a été prise à son égard. L'employeur fournissait au prestataire le logement et le transport vers les chantiers et de son propre aveu, une fois qu'il était au travail, le prestataire était un bon employé. Le Tribunal estime que sur la foi de la preuve au dossier, l'argumentation de l'intimée soutient bel et bien la crédibilité des déclarations de l'employeur.

[30] Comme l'a écrit le juge Nadon dans la décision Mishibinijima c. Canada 2007 CAF 36, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l'exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu'il soit congédié.

[31] En l'espèce, le Tribunal ne peut pas trouver d'éléments de preuve qui démontrent que le prestataire s'est bien rendu coupable de l'absentéisme qu'on lui reproche et qui aurait constitué de l'inconduite. Par conséquent, le prestataire ne pouvait pas savoir que son congé de maladie, qu'il avait motivé au moyen d'un certificat médical, aurait pu mener à son congédiement deux semaines après son retour au travail.

[32] L'intimée soutient que le comportement du prestataire a brisé le lien de confiance qui existait entre l'employeur et l'employé. Comme le Tribunal a déterminé qu'il n'y avait pas eu inconduite, il ne peut conclure que le lien de confiance qui doit exister dans une relation employeur-employé a bel et bien été rompu.

Conclusion

[33] L'appel est accueilli.

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