Assurance-emploi (AE)

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Comparutions

Personne ne s'est présenté à l'audience en personne du 20 août 2014.

Dans une conversation téléphonique avec l'agent de gestion des cas le 14 août 2014, l'employeur a fait savoir au Tribunal de la sécurité sociale qu'il n'assisterait pas à l'audience.

Le membre de la section de l'assurance-emploi de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») était convaincue que les parties avaient reçu l'avis d'audience (sur la foi des accusés de réception de Postes Canada signés figurant au dossier et de l'affirmation de l'employeur à cet effet dans sa conversation avec l'agent de gestion des cas). Le membre a donc procédé en l'absence des parties en application du paragraphe 12(1) du Règlement sur le tribunal de la sécurité sociale, DORS/2013-60.

Décision

[1] Le Tribunal estime que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. L'appel est donc rejeté.

Introduction

[2] L'appelant a présenté une demande initiale de prestations de maladie le 4 février 2013 (GD3-10). Une période de prestations débutant le 3 février 2013 a été établie à son profit (GD4-1).

[3] Le 16 juillet 2013, la Commission de l'assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a déterminé qu'elle ne pouvait verser de prestations à l'appelant puisque celui-ci avait perdu son emploi en raison de son inconduite (GD3-21).

[4] L'appelant a déposé une demande de réexamen. Le 13 septembre 2013, la Commission est revenue sur sa décision originale et a décidé que l'appelant n'avait pas quitté son emploi volontairement sans justification (en ce qui concerne une autre question). Toutefois, la Commission a décidé de maintenir sa décision en ce qui concerne l'inconduite de l'appelant (GD3-29).

[5] L'appelant a interjeté appel devant le Tribunal le 15 octobre 2013 (GD-2).

[6] Le 20 novembre 2013, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit à l'appelant et lui a demandé une copie de la décision rendue par la Commission à l'issue du réexamen afin que l'appel puisse être instruit (GD2A-5).

[7] Le Tribunal a ajouté l'employeur aux parties le 25 avril 2014. Ce dernier n'a toutefois fait parvenir aucune observation dans le délai indiqué par le Tribunal.

Mode d'audience

[8] L'audience a eu lieu en personne, pour les motifs figurant dans l'avis d'audience daté du 7 juillet 2014.

Question en litige

[9] Il s'agit de déterminer si l'appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite aux termes du paragraphe 30(1) de la Loi sur l'assurance-emploi (L.C. 1996, ch. 23) (la « Loi »).

Droit applicable

[10] En vertu du paragraphe 30(1) de la Loi, un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite. Le paragraphe est ainsi libellé :

30. (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite ou s'il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu'il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures requis, au titre de l'article 7 ou 7,1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu'il ne soit inadmissible, à l'égard de cet emploi, pour l'une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[11] Le paragraphe 30(2) de la Loi dispose que l'exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n'est pas affectée par la perte subséquente d'un emploi au cours de la période de prestations.

Preuve

Preuve de l'appelant au dossier

[12] L'appelant a présenté une demande de prestations de maladie le 4 février 2013. L'appelant a travaillé pour « B. Restaurant Services » (l'« employeur ») du 31 octobre 2011 au 30 janvier 2013 (demande de prestations, GD3-2 à 11).

[13] L'appelant a indiqué qu'il était incapable de travail du 31 janvier 2013 au 7 mars 2013. Un certificat médical daté du 7 mars 2013 figurant dans un formulaire de la Commission montre que le Dr Daniel Solonyne de Pointe-Claire, qui a pour spécialité la psychiatrie, a déclaré le prestataire incapable de travailler du 31 janvier 2013 au 29 avril 2013 (jusqu'à ce que son état s'améliore) (GD3-14).

[14] Le 7 juin 2013, l'appelant a tenté de faire convertir ses prestations de maladie en prestations régulières. Il a fait savoir à la Commission qu'il ne retournerait pas au travail parce qu'il avait été congédié. Il n'avait pas encore fourni de détails quant à la raison de son congédiement. Des prestations de maladie lui étaient accordées jusqu'au 8 juin 2013 et il était redevenu capable de travailler le 9 juin 2013. Il était disponible pour travailler et capable de le faire, et en mesure d'exercer le même travail que dans le cadre de son emploi précédent, dans les mêmes conditions. Son dernier jour de travail avait été le 30 juin 2013 (GD3-15 à 17, réponses de l'appelant dans divers questionnaires).

[15] Au moment où il a été congédié, l'appelant était directeur général et il était chargé de faire le rapport sur la caisse. Il manquait un montant dans le rapport sur la caisse et cette situation échappait à son contrôle. On lui avait donné trois avertissements à la suite de l'incident survenu le 4 février 2013. Il n'avait pas essayé de remédier à la situation parce qu'il était malade et déprimé et il avait demandé des prestations de maladie (GD3-15 à 17, réponses de l'appelant dans divers questionnaires).

[16] Il occupait le poste de directeur et il était responsable d'effectuer le dépôt. On l'a accusé d'avoir volé un montant d'argent. Il lui arrivait souvent de revenir après la fermeture parce qu'il oubliait des choses. La nuit de l'incident, il avait oublié son portefeuille et il était retourné sur les lieux après la fermeture. Il ne voulait pas aller récupérer son portefeuille le lendemain matin parce qu'il n'était pas prévu qu'il travaille à ce moment-là et qu'il savait que s'il entrait, il se verrait forcé de travailler. La police avait fait enquête et il avait fourni les renseignements nécessaires. Il n'avait pas pris l'argent. D'autres directeurs et d'autres employés avaient également accès au coffre-fort et aux dépôts et disposaient eux aussi de la clé et du code d'accès : il se pouvait donc que ce soit quelqu'un d'autre qui ait pris l'argent. Il avait rencontré le directeur régional et le président. Il ne se souvient pas d'avoir avoué qu'il a pris l'argent (10 juillet 2013, notes de la Commission, GD3-20).

[17] Il est retourné au restaurant entre 1 h et 1 h 30 parce qu'il avait oublié son portefeuille. Il avait utilisé sa carte de débit pendant la journée pour faire un essai avec l'appareil Interac parce qu'il ne fonctionnait pas. C'est pourquoi il avait oublié son portefeuille. Dans la vidéo, on le voit seulement entrer et sortir du restaurant. Il n'a pas mentionné son congédiement lorsqu'il a rempli sa demande de prestations de maladie en février 2013 parce que c'était pour toucher des prestations de maladie qu'il avait quitté son emploi à ce moment-là. Il était vraiment très malade. Son employeur lui a parlé du vol avant qu'il ne tombe malade, mais c'est seulement dans une conversation tenue le 4 février 2013 que l'employeur lui a fait savoir que la police lui téléphonerait (notes de la Commission, 5 septembre 2013) (GD3-26).

[18] L'appelant a rencontré le détective en août 2013 et on lui a appris que l'enquête ne serait pas poursuivie parce que c'était la parole de l'appelant contre celle de l'employeur, de sorte que la police ne pouvait rien faire (GD3-26, notes de la Commission, 5 septembre 2013).

[19] Il a reçu un appel à 7 h le lendemain matin. Il a jeté des sacs de pain aux ordures parce qu'il était prévu que l'inspecteur des aliments vienne effectuer une visite (éléments de preuve additionnels tirés de la Demande de réexamen GD3-23 et de l'Avis d'appel GD2).

Plaintes aux normes du travail

[20] Le 23 juillet 2013, la Commission des normes du travail (la « CNT ») a fait parvenir à l'appelant une lettre dans laquelle est indiqué qu'elle a examiné la plainte qu'il a formulée et qu'elle a déterminé qu'elle ferait enquête à ce sujet, après quoi elle communiquerait avec lui (GD3-25).

[21] L'appelant a indiqué que la CNT l'a informé que puisque la police ne pouvait prouver sa culpabilité, la CNT demanderait à son ancien employeur de lui verser sa paie de vacances, qu'il devait à l'appelant et qu'il refusait de lui payer (notes de la Commission, 6 septembre 2013, GD3-28).

Preuve de l'employeur au dossier

[22] Le relevé d'emploi de l'employeur daté du 6 février 2013 précise que l'appelant a travaillé du 19 février 2012 au 3 février 2013 et indique comme raison du départ le code « M » (GD2-24).

[23] L'appelant a été congédié parce qu'il a volé environ 7 000 $ à l'entreprise. Il connaissait le code du coffre-fort parce qu'il était le directeur général. Il s'est introduit dans le commerce pendant la nuit pour voler l'argent (notes de la Commission, 20 février 2013, GD3-13).

[24] Il s'est introduit le 30 ou le 31 janvier entre 2 et 3 heures du matin. Il a été filmé par les caméras de sécurité pendant qu'il se trouvait dans le commerce. Comme celui-ci était fermé, il était seul à l'intérieur. Une enquête policière est encore en cours. L'employeur a téléphoné à la police le jour suivant. Le code d'accès utilisé était celui de l'appelant et la vidéo a montré que l'appelant se trouvait dans le commerce en dehors des heures d'ouverture. Une somme de 7 000 $ est disparue. Au début, l'appelant a nié avoir pris l'argent, mais quand on lui a présenté la preuve, il a avoué à l'employeur que c'était lui qui avait pris l'argent. L'employeur était représenté par « WS », le président de l'entreprise, ainsi que par le directeur régional, « RV ». Ils ont renvoyé l'appelant sur-le-champ (19 juillet 2013, notes de la Commission, GD3-19).

[25] L'employeur ne sait pas si l'enquête policière se poursuit toujours. L'employeur n'a pas de vidéo de ce qui s'est passé à l'intérieur du restaurant cette nuit-là parce que le voleur a emporté le magnétoscope avec lui. L'employeur a obtenu une vidéo d'un autre endroit dans le quartier. On y voit la voiture de l'appelant stationnée devant le restaurant aux environs de 2 h du matin. L'employeur a répété que l'appelant a avoué avoir commis le vol devant le président, « RV » le directeur régional et elle (10 septembre 2013, notes de la Commission, GD3-27).

[26] La Commission a fourni la preuve suivante : lorsque l'appelant a demandé des prestations, il a invoqué la maladie et pas l'inconduite comme raison de son départ. Il touché des prestations de maladie pendant 15 semaines.

Observations

[27] L'appelant a fait valoir qu'il n'avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite en invoquant les motifs suivants :

  1. a) l'employeur n'a pas de preuve que c'est bien lui qui a volé l'argent; le détective l'a acquitté et ne l'a pas accusé de quoi que ce soit (GD2 et GD3-23);
  2. b) d'autres gestionnaires et d'autres employés avaient aussi accès au coffre-fort et aux dépôts et disposaient également de la clé et du code d'accès, de sorte que quelqu'un d'autre aurait pu voler l'argent (GD3-20).

[28] L'intimée a fait valoir que l'appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite en invoquant les motifs suivants :

  1. a) le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit une exclusion du bénéfice des prestations pour une période indéterminée si le prestataire perd son emploi en raison de son inconduite. Pour que la conduite en question puisse constituer de l'inconduite au sens de l'article 30 de la Loi, elle doit être volontaire ou délibérée, ou résulter d'une insouciance telle qu'elle frôle le caractère délibéré (Mishibinijima 2007 CAF 36). Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l'inconduite et le congédiement et l'inconduite doit constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail du prestataire. (Lemire 2010 CAF 314) (GD4-3 et 4);
  2. b) la preuve de l'inconduite est suffisante selon la prépondérance des probabilités. En effet, la nuit de l'incident, l'appelant s'est rendu au restaurant entre 1 h et 2 h du matin, pendant qu'il était fermé. Une vidéo en atteste. L'appelant ne le nie pas (GD4-3);
  3. c) le code d'accès utilisé était celui de l'appelant. L'explication donnée par l'appelant, selon laquelle il serait retourné sur les lieux parce qu'il avait oublié son portefeuille, n'est pas crédible. De plus, le fait que l'appelant a invoqué la maladie comme raison de son départ lorsqu'il a présenté sa demande de prestations le 4 février 2013 laisse croire qu'il préférait ne pas raconter exactement ce qui s'était passé (GD4-3);
  4. d) l'argument au sujet de la plainte à la CNT est sans valeur parce que cette plainte ne portait pas sur le congédiement sans une cause juste et suffisante (GD4-3);
  5. e) la Commission n'est pas tenue d'enquêter sur les allégations et de les prouver hors de tout doute raisonnable. Le retrait de l'accusation n'a aucune incidence sur l'affaire : il signifie simplement que la Couronne ne dispose peut-être pas de suffisamment d'éléments de preuve pour prouver le geste posé hors de tout doute raisonnable (GD4-3).

Analyse

La Loi ne définit pas la notion d'inconduite. Le critère à appliquer dans les cas d'inconduite consiste à déterminer si l'acte reproché était volontaire ou procédait à tout le moins d'une insouciance ou d'une négligence telle que l'on pourrait dire que l'employé a volontairement fait abstraction des conséquences que ses actes auraient sur son rendement au travail (Tucker A-381-85) ou qu'il ne répondait pas à une norme que l'employeur avait le droit d'exiger de ses employés (Brisette A-1342-92, [1994] 1 CF 684). Pour qu'une conduite soit considérée comme une inconduite aux termes de la Loi, elle doit être délibérée ou si insouciante qu'elle frôle le caractère délibéré (Mackay-Eden A-402-96; Tucker A-381-85).

[29] L'inconduite peut se manifester par une violation de la loi, d'un règlement ou d'une règle de déontologie, et il doit être démontré que la conduite reprochée constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail et que ce manquement est d'une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu'il serait susceptible de provoquer son congédiement (Brisette; Nolet A-517-91; Langlois A-94-95).

[30] Il doit également être établi que l'inconduite a été la cause du congédiement de l'appelant (Cartier A-168-00; Namaro A-834-82). En fait, il faut que l'inconduite soit une cause opérante de la perte d'emploi et non un simple prétexte pour justifier le renvoi (Bartone A-369-88; Davlut A-241-82, [1983] C.S.C.R 398; McNamara A-239-06, 2007 CAF 107; CUB 38905; 1997).

[31] À cet égard, il incombe à la Commission de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite (Larivee 2007 CAF 312, Falardeau A-396-85).

[32] En ce qui a trait à la question de savoir si le congédiement de l'appelant était une sanction appropriée, la Commission, le Tribunal et la cour ne sont pas en mesure d'évaluer ou d'examiner la sévérité de la sanction imposée par l'employeur. La seule question dont le Tribunal doit se préoccuper consiste à savoir si le geste reproché constitue de l'inconduite au sens de l'article 30 de la Loi (Secours A-352-94; Marion 2002 CAF 185, A-135-01; Jolin 2009 CAF 303; Roberge 2009 CAF 336; Lemire 2010 CAF 314).

[33] À ce titre, le Tribunal doit se demander s'il a clairement été établi, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant a contrevenu à une règle ou à une norme établies par l'employeur ou a, en quelque sorte, enfreint une condition d'emploi explicite ou implicite (Tucker A-381-85).

[34] L'appelant a été accusé de vol. Le Tribunal estime que si celui-ci a bel et bien posé le geste qu'on lui reproche, il s'agit d'une violation de la loi et d'un manquement à des obligations implicites ou explicites de son contrat de travail, à savoir le respect en général, l'honnêteté et la confiance. Le Tribunal croit que la portée d'un tel geste et d'un tel manquement serait si importante que l'appelant pouvait normalement prévoir qu'il serait susceptible de provoquer son congédiement (Brisette; Caul 2006 CAF 251; Nolet A-517-91; Langlois A-94-95).

[35] Le prestataire a-t-il commis le geste reproché?

[36] Le Tribunal estime que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a commis le vol. Comme personne ne s'est présenté à l'audience en personne, le Tribunal a dû apprécier les faits en s'appuyant sur les éléments de preuve de la nature du ouï-dire qui figuraient au dossier. Même si ce genre de preuve n'est pas idéale, le Tribunal était à l'aise de se fier entièrement à la preuve par ouï-dire étant donné qu'elle n'avait pas d'autre choix et que les déclarations que l'employeur a faites à la Commission semblaient fiables. De plus, l'employeur semble avoir répété sa version des faits pendant une période plutôt longue sans que l'on ne relève d'incohérences dans son témoignage, ou très peu, ce qui vient renforcer sa crédibilité (la première entrevue de l'employeur aurait eu lieu en février 2013 et la dernière, en septembre 2013, et il semble n'y avoir que peu d'incohérences, voire aucune.) (Morris A-291-98, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée [1999] C.S.C.R. no 304; Mills A-1873-83).

[37] Par ailleurs, le Tribunal estime que la preuve de l'appelant n'était pas assez détaillée et manquait de crédibilité.

[38] Si le prestataire ne paraît pas crédible, c'est en partie en raison de la manière dont il s'y est pris pour présenter sa demande de prestations et du fait qu'il a omis de mentionner son congédiement et les événements connexes dans sa demande (GD3-2 à GD3-11). Le Tribunal reconnaît volontiers que cette démarche ne prouve aucunement que le prestataire a commis le vol selon la prépondérance des probabilités ou qu'il n'a pas été accusé à tort de ce geste, mais il estime qu'il peut tirer une inférence raisonnable de ces omissions. Le Tribunal estime qu'il peut en déduire que le prestataire connaissait les rouages du système d'assurance-emploi et a agi de façon stratégique pour toucher des prestations, et que sa préoccupation première n'était pas de se montrer honnête et transparent et de révéler toute la vérité à la Commission le 4 février 2013. Ainsi, le fait pour l'appelant d'avoir fait ces omissions dans sa demande de prestations influe de façon défavorable sur l'idée que le Tribunal se fait de sa personnalité, de sa capacité à agir de façon stratégique et de sa crédibilité.

[39] Le Tribunal estime également qu'en l'espèce, l'employeur ne se lance pas dans de simples allégations qui ne s'appuient sur rien. Si, par exemple, le montant d'argent était disparu et que la preuve démontrait seulement que l'appelant était la dernière personne sur les lieux parce que c'était lui qui avait fermé le restaurant, ce serait une autre histoire. Toutefois, les faits au dossier indiquent que le voleur a utilisé le code d'accès de l'appelant et qu'une vidéo tournée par une caméra de surveillance du voisinage montre que la voiture de l'appelant se trouvait au restaurant de l'employeur la nuit de l'incident. L'appelant lui-même a reconnu que sa voiture était garée à cet endroit au moment où s'est produit le vol (GD3-26, GD2 et GD3-23). L'explication qu'a donnée l'appelant pour justifier sa présence au restaurant cette nuit-là (il dit avoir oublié son portefeuille) n'était pas assez crédible pour réfuter les allégations formulées à son égard sans explications plus approfondies. La raison qu'il a invoquée pour ne pas avoir attendu au lendemain pour récupérer son portefeuille (à savoir qu'il ne voulait pas se présenter au travail et se voir obligé de régler des questions de gestion alors que ce n'était pas son quart de travail) manquait elle aussi de crédibilité et aurait nécessité plus de détails.

[40] L'appelant a insisté sur le fait qu'aucune accusation n'avait été portée contre lui à la suite de l'enquête policière portant sur ses observations. Il semblait convaincu que cet élément de preuve le disculpait entièrement aux fins de son admissibilité aux prestations (GD3-23 et GD2).

[41] Le Tribunal n'a pas accordé une très grande importance à ce fait pour tirer ses conclusions, parce qu'il existe de nombreuses raisons qui peuvent faire en sorte que des accusations ne sont pas portées à l'issue d'une enquête : il arrive notamment que l'on détermine qu'il sera impossible de prouver les allégations hors de tout doute raisonnable dans le contexte du droit pénal. À cet effet, le Tribunal rappelle que dans le contexte de la législation sur l'assurance-emploi, il suffit de démontrer qu'il y a eu inconduite selon la prépondérance des probabilités. Le fardeau de la preuve dans ces deux contextes est bien différent. Rien n'indique, par exemple, que l'enquêteur n'aurait pas poursuivi son enquête ou n'aurait pas porté des accusations si la norme criminelle de la preuve était moins stricte (Larivee 2007 CAF 312).

[42] Ce qui importe ici, c'est que l'appelant a été accusé de vol et que le Tribunal pouvait s'appuyer sur des éléments solides, crédibles et fiables montrant qu'il a bel et bien commis le vol selon la prépondérance des probabilités (Meunier A-130-96, 1996 CanLII 8983 CAF). Le Tribunal ne croit pas que l'appelant est parvenu à réfuter la preuve en dépit de ses observations claires à cet effet.

[43] Le Tribunal estime que le comportement reproché à l'appelant constitue de l'inconduite parce qu'il s'agit d'une violation de la loi et d'un manquement à des obligations implicites ou explicites de son contrat de travail (Tucker A-381-85; Brisette A-1342-92). Les conséquences de ce comportement étaient prévisibles parce que l'appelant savait ou aurait dû savoir ce qu'on attendait de lui dans le contexte de son emploi, d'autant plus que le geste en question était illégal et contrevenait gravement à la sécurité économique de l'employeur et aux normes d'honnêteté et de confiance, des normes qui faisaient partie des attentes à son égard (Caul 2006 CAF 251; Lemire, 2010 CAF 314; Nolet A-517-91; Langlois A-94-95). En ce qui concerne l'aspect de la cause du congédiement, le Tribunal estime qu'il ne fait aucun doute que le geste posé a provoqué le congédiement et le chômage, y a contribué ou a fini par y mener (Brisette; Caul 2006 CAF 251; Nolet A-517-91; Langlois A-94-95).

Conclusion

[44] Pour les raisons susmentionnées, l'appel est rejeté.

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