Assurance-emploi (AE)

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Comparutions

[1] Madame M. A., prestataire, a pris part à l’audience par téléconférence.

Décision

[2]  Le Tribunal conclut que les montants reçus par la prestataire constituent une rémunération en vertu de l’article 35 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »), et qu’il y a lieu de les répartir. La répartition des sommes doit être faite, en vertu de l’article 36 du Règlement.

Introduction

[3]  La prestataire a déposé une demande d’assurance-emploi débutant le 1er avril 2012. Le 28 novembre 2013, la Commission sur l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») indique à la prestataire qu’elle a réajusté le total de son revenu provenant de l’Union des Consommateurs et reçu à titre de salaire pour les semaines commençant du 20 mai 2012 au 2 septembre 2012 et du 13 janvier 2013 au 24 mars 2013. Un trop-payé de 7 130$ a ainsi été créé. Le 20 février 2014, la Commission révise sa décision et indique à la prestataire que la décision rendue le 28 novembre 2013 est maintenue et qu’un trop-payé de 6 971.00$ est établi. La prestataire a porté cette décision en appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »), le 7 mars 2014. Le 2 mai 2014, le Tribunal a considéré rejeter l’appel sommairement mais suite à la réponse fournie par la prestataire le 14 mai 2014, le Tribunal a décidé de poursuivre l’appel par une audience par téléconférence.

Mode d'audience

[4] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience de téléconférence pour les raisons énoncées dans l’avis d’audience daté du 25 août 2014. L’audience par téléconférence a eu lieu le 23 septembre 2014.

Questions en litige

[5] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Les montants reçus constituent-ils une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement ?
  2. b) Si la réponse à la question a) est positive, la question suivante devra aussi être adressée : la répartition de cette rémunération a-t-elle été faite en accord avec l’article 36 du Règlement ?

Droit applicable

[6]  Le paragraphe 35(1) du Règlement indique :

« Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« emploi »

a) Tout emploi, assurable, non assurable ou exclu, faisant l'objet d'un contrat de louage de services exprès ou tacite ou de tout autre contrat de travail, abstraction faite des considérations suivantes :

  1. (i) des services sont ou seront fournis ou non par le prestataire à une autre personne,
  2. (ii) le revenu du prestataire provient ou non d'une personne autre que celle à laquelle il fournit ou doit fournir des services;

b) tout emploi à titre de travailleur indépendant, exercé soit à son compte, soit à titre d'associé ou de cointéressé;

c) l'occupation d'une fonction ou charge au sens du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada. (employment)

« revenu »

Tout revenu en espèces ou non que le prestataire reçoit ou recevra d'un employeur ou d'une autre personne, notamment un syndic de faillite. (income)

[7] La paragraphe 35 (2) du Règlement indique que :

Sous réserve des autres dispositions du présent article, la rémunération qu'il faut prendre en compte pour déterminer s'il y a eu un arrêt de rémunération et fixer le montant à déduire des prestations payables en vertu de l'article 19 ou des paragraphes 21(3), 22(5) ou 23(3) de la Loi, ainsi que pour l'application des articles 45 et 46 de la Loi, est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi, […].

[8] Le paragraphe 36(4) du Règlement indique que :

La rémunération payable au prestataire aux termes d'un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis.

Preuve

[9] Les déclarations électroniques faites par la prestataire pour les semaines en cause, à l’exception des déclarations faites par téléphone avec un agent.

[10] Le 4 juin 2012, la prestataire a contacté la Commission pour modifier ses déclarations originales pour la période du 20 mai 2012 au 2 juin 2012.

[11] Le 16 janvier 2013, la prestataire a contacté la Commission pour faire sa déclaration originales pour la période du 16 décembre 2012 au 22 décembre 2012.

[12] Le 22 janvier 2013, la prestataire a contacté la Commission pour faire ses déclarations originales pour la période du 23 décembre 2012 au 19 janvier 2013.

[13] Le 1er août 2013, une « demande de renseignements – registre de paie » est envoyée par Service Canada à l’Union des consommateurs (employeur) qui retourne le document complété et indique la rémunération brute reçue par la prestataire alors qu’elle travaillait pour les semaines commençant du 20 mai 2012 au 2 septembre 2012 et du 13 janvier 2013 au 24 mars 2013.

[14] Le 9 août 2013, une « demande de renseignements sur l’emploi » est transmise par Service Canada à la prestataire afin d’obtenir ses explications sur les renseignements fournis par son employeur. Elle confirme l’information transmise par l’employeur. La prestataire indique avoir déclaré son salaire horaire en pensant que ce taux était multiplié par le nombre d’heures effectuées. Elle indique que ce n’est pas par hasard que la Commission s’est rendu compte des erreurs. Elle précise qu’elle ne pouvait pas raisonnablement déclarer 24$ par semaine de travail puisque ce n’est pas légal et qu’elle croyait que son taux horaire était multiplié par 21 heures par semaine.

[15] Le 24 septembre 2014, suite à la demande du Tribunal, la Commission transmet le détail du calcul du trop-payé.

[16]  Le 6 octobre 2014, la prestataire transmet des renseignements complémentaires à son audience. Elle soumet une liste de communications téléphoniques qu’elle a eues avec le personnel de l’assurance-emploi et certaines notes liées à ces échanges. Elle transmet aussi une copie de facture pour des soins dentaires. Elle indique que ces frais sont liés au stress qu’elle vit avec cette situation avec l’assurance-emploi.

Arguments des parties

[17] La prestataire a fait valoir que :

  1. a) La prestataire indique contester sa décision car il y a eu négligence de la part des services de l’assurance-emploi. Elle indique avoir contacté à plusieurs reprises les agents de la Commission au cours de la période pendant laquelle les trop-payés ont été établis. Entre autres, elle a contacté la Commission pour s’assurer de bien déclarer ses heures, s'assurer des modalités relatives à son poste de chargée de cours à l’automne 2012, s'assurer des modalités des déclarations en quittant le pays pour 3 semaines en décembre 2012 et janvier 2013 et, à la demande de l'assurance-emploi pour vérifier des détails techniques.
  2. b) Elle indique qu’à chaque appel, les agents qui ont vérifié son dossier n'ont jamais rien vu d'anormal et qu’elle a continué de faire ses déclarations selon les recommandations qui lui ont été fournies. La prestataire soutient qu’il y a eu du « laxisme dans le système du contrôle des montants versés par l’Assurance- emploi, et du manque de clarté des formulaires fournis aux fins des déclarations des prestataires » (GD2-8).
  3. c) Elle soutient que la somme astronomique qui lui est réclamée est le résultat de la négligence des agents de l'assurance-emploi en termes de contrôle, et suite à leurs conseils erronés relatifs à ses déclarations. II est évident que les agents n'ont pas géré son dossier en "bon père de famille" en l’induisant en erreur à plusieurs reprises. La prestataire demande donc que soit réduit le montant de sa dette alléguée à ce qui serait juste et raisonnable considérant toutes les communications effectuées afin de s'assurer de la justesse de ses déclarations.
  4. d) La prestataire soutient que la Commission a toujours eu en sa possession toute l’information nécessaire afin de calculer correctement le montant des prestations auxquelles elle avait droit. En effet, 24$ de salaire hebdomadaire pour 21 heures de travail implique un taux d’à peine plus d’un dollar de l’heure. La prestataire indique avoir cru de bonne foi que les services de l’assurance-emploi calculaient le montant hebdomadaire du salaire plutôt que de conclure que le taux horaire était 10 fois moindre que les taux du salaire minimum en vigueur dans les provinces canadiennes. Elle soutient que le système de déclaration électronique ne devrait pas permettre de déclarer  un salaire horaire à un taux 10 fois inférieur au taux du salaire minimum et que l’assurance-emploi devrait démontrer un minimum de contrôle à propos des montants versés et vérifier auprès des prestataires si une telle déclaration a bien été effectuée ou si les indications sur les montants à déclarer sont suffisamment claires.

[18] L’intimée a soutenu que :

  1. a) La prestataire a reçu de l’argent de l’Union des Consommateurs et cet argent lui a été versé sous forme de salaire. La Commission soutient que cet argent constitue une rémunération aux termes du paragraphe 35(2) du Règlement puisqu’il a été remis à la prestataire à titre de paiement pour salaire. Par conséquent, en vertu du paragraphe 36(4) la Commission a correctement réparti cette rémunération sur la période où les services ont été fournis.
  2. b) La Commission tient à mentionner que, lors du dépôt de sa demande de prestations, la section des « droits et responsabilité » a avisé la prestataire qu’elle devait déclarer adéquatement ses gains.
  3. c) La Commission soutient également, qu’il est bien indiqué de déclarer le montant total de la rémunération avant déductions sur les déclarations complétées par la prestataire. Il n’y a aucune indication ou spécification sur la déclaration à l’effet qu’elle doit déclarer son taux horaire.
  4. d) Dans la présente cause, la prestataire a déclaré son taux horaire au lieu de sa rémunération brute. Comme il est mentionné dans le CUB 78807, les questions posées à la prestataire sont très claires. Il a été demandé à la prestataire de déclarer sa rémunération brute et non son taux horaire.

Analyse

[19] Le paragraphe 35 (2) du Règlement indique qu’un revenu provenant de tout emploi, que ce soit à titre de salaire, d’avantages ou autre rétribution, doit être pris en compte, sauf s’il est visé par une exception telle que prévue au paragraphe 35 (7) du Règlement.

[20] La prestataire a confirmé avoir déclaré son taux horaire au lieu de sa rémunération brute au moment de faire ses déclarations. Elle a indiqué qu’étant Européenne, elle n’a pas compris que c’était sa rémunération totale qui lui était demandée comme les termes nets ou bruts n’apparaissent pas à la question. Elle a pensé qu’elle devait y inscrire son taux horaire. Elle indique avoir communiqué à plus de 7 reprises avec la Commission avant qu’un agent ne s’aperçoive de l’erreur et se demande pourquoi le système ne bloque pas ses déclarations lorsqu’une telle erreur est faite puisque le calcul permettait d’établir qu’elle gagnait à peine plus de 1$ par heure.

[21] La Commission soutient que les questions sont claires et qu’il n’y a aucune indication à l’effet que ce soit le taux horaire qui doit être déclaré.

[22] Dans McLaughlin, la Cour d’appel fédérale a affirmé le principe selon lequel « le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi » doit être pris en considération lors du calcul du montant à déduire des prestations (McLaughlin c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 365).

[23] La Cour d’appel fédérale a aussi confirmé le principe selon lequel les sommes qui constituent une rémunération aux termes de l’article 35 du Règlement doivent être réparties aux termes de l’article 36 du Règlement (Boone et al c. Canada (Procureur Général), 2002 CAF 257).

[24] La prestataire ne conteste pas avoir reçu la rémunération à titre de salaire de la part de son employeur. L’employeur a confirmé la rémunération brute de la prestataire (GD3-19). La rémunération a été payée à la prestataire à titre de salaire. L’erreur réside plutôt dans les déclarations faites par la prestataire et par le fait que la Commission ne se soit pas rendu compte de ces erreurs, malgré les multiples appels de la prestataire. Ainsi, la nature de la rémunération n’est pas en cause dans le présent appel.

[25] Par conséquent, le Tribunal est satisfait, que comme la nature des montants n’est pas remise en question, qu’il s’agit bien d’une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement et que cette rémunération doit être répartie en vertu du paragraphe 36 (4) du Règlement.

[26] Ce dernier paragraphe indique que la rémunération payable au prestataire aux termes d'un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis. Le Tribunal est donc satisfait que la rémunération doit être répartie sur les semaines pour laquelle elle a été reçue.

[27] La Commission a réparti la rémunération en tenant compte des montants déclarés par la prestataire. Le tableau présenté aux pages GD10-1 et GD10-2 permet de comprendre adéquatement la répartition de la rémunération ainsi que le trop-payé lié. Par conséquent, le Tribunal est satisfait que la rémunération a été répartie conformément au paragraphe 36 (4) du Règlement.

[28] La prestataire a aussi demandé au Tribunal de défalquer son trop-payé étant donné les préjudices qu’elle a subis. En effet, elle a contacté à plusieurs reprises la Commission afin de s’assurer d’être dans les règles de l’assurance-emploi. Bien que ces appels n’aient pas toujours été liés à ses déclarations, il apparaît surprenant que la Commission ne se soit pas rendue compte de son erreur avant avril 2013. La prestataire a démontré un nombre élevé de démarches et de contacts auprès de la Commission afin de s’assurer que tout est correct mais aucun agent n’ayant eu accès à son dossier ne s’est rendu compte de cette erreur. D’autant plus que l’erreur apparaît évidente puisque le taux horaire est invraisemblable. Elle indique avoir aussi eu un préjudice et subi un stress élevé ayant causé du bruxisme liée à cette situation et soumet les frais dentaires liés à cette situation. Elle soutient aussi qu’étant Européenne, la question posée lors de ses déclarations ne lui a pas semblé claire d’autant plus qu’elle s’était informé au préalable des façons de faire. Elle croyait en toute bonne foi que le nombre d’heures seraient multiplié par le taux horaire.

[29] La prestataire a indiqué qu’elle aurait voulu qu’une partie du trop-payé soit annulé. Cette demande a été présentée à la Commission le 31 décembre 2013 puisque la prestataire indique « C’est pourquoi, Madame, Monsieur, je demande que votre Commission prenne acte que la situation actuelle n’est pas le fait de ma volonté, ni d’erreurs de ma part et je demande que votre Commission m’exonère de la dette qui m’est alléguée » (GD3-215).

[30] Or, la Commission n’a pas rendue de décision à ce sujet.

[31]  Le Tribunal n’a pas l’autorité de se prononcer sur une décision qui n’a pas fait l’objet d’une révision. De plus, le Tribunal n’a pas juridiction sur la question de défalcation. Une demande spécifique doit être faite par la prestataire à ce sujet, afin que la Commission se penche sur la question et rende une décision.

Conclusion

[32] L’appel est rejeté.

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