Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Le 11 mai 2010, un conseil arbitral (« le conseil ») a établi que l’appel interjeté par l’appelante à l’encontre de la décision rendue antérieurement par la Commission devrait être rejeté. Le 17 mai 2010, l’appelante a tenté d’en appeler devant un juge-arbitre.

[3] Le 1er avril 2013, la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (« le Tribunal ») a été saisie de tout appel non tranché par un juge-arbitre avant cette date.

[4] Le 4 novembre 2014, une audience a été tenue par téléconférence. L’appelante y a participé et a présenté des observations, mais la Commission n’y a pas participé. Comme j’étais convaincu que toutes les parties avaient été dûment avisées de la tenue de l’audience, j’ai quand même instruit l’affaire.

Droit applicable

[5] Par souci d’équité, l’affaire sera examinée en fonction des attentes légitimes de l’appelante au moment du dépôt de son appel devant un juge-arbitre. Pour cette raison, la décision relative à l’appel sera rendue conformément à la loi en vigueur immédiatement avant le 1er avril 2013.

[6] En application du paragraphe 115(2) de la Loi sur l’assurance-emploi (« la Loi ») dans sa version antérieure au 1er avril 2013, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) le conseil arbitral a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] La norme de contrôle qui s’applique aux questions de droit et de compétence est celle de la décision correcte.

[8] La norme de contrôle qui s’applique aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable.

Analyse

[9] Comme il est indiqué plus haut, l’appelante a d’abord tenté d’interjeter appel devant un juge-arbitre le 17 mai 2010. Malheureusement, pour des raisons qui ne sont pas encore tout à fait claires à mes yeux, l’appel ne s’est jamais rendu devant un juge-arbitre. Il a plutôt été déposé en bonne et due forme devant Service Canada, où le dossier d’appel semble avoir été égaré pendant plus de quatre ans; il a été retrouvé plus tôt cette année et transféré au Tribunal.

[10] Je tiens pour avéré que ce délai n’est aucunement la faute de l’appelante et n’est attribuable qu’à Service Canada. Cependant, j’estime tout compte fait que, pour les motifs exposés ci-dessous, l’appel n’a pas de chance de succès.

[11] L’appelante a déclaré à l’audience du Tribunal qu’elle avait éprouvé un stress considérable en raison de ce délai extrêmement long. Elle a aussi affirmé que le personnel de l’Agence du revenu du Canada (« l’ARC ») lui avait téléphoné maintes fois dans le but de recouvrer le montant qui aurait été versé en trop, ce qui l’avait grandement bouleversée. L’appelante a souligné que le montant en question, environ 435 $, devait être bien moindre que le coût que représentait cet appel, et a ajouté qu’elle avait déjà payé le montant à l’ARC pour ne plus recevoir d’appel de sa part. De plus, elle s’est dite très déçue qu’aucun représentant de la Commission n’ait pris la peine de participer à l’audience.

[12] L’appelante a poursuivi en exposant trois principaux arguments. Elle a allégué premièrement qu’elle n’avait jamais eu l’intention de tromper ni de frauder la Commission; deuxièmement, qu’elle était disponible en tout temps pendant qu’elle était à l’étranger; troisièmement, que le délai à lui seul justifiait que l’appel soit accueilli.

[13] La Commission, dans ses observations écrites, ne présente pas d’excuse pour le délai exceptionnellement long qui s’est écoulé et n’aborde pas les arguments avancés à ce sujet. La Commission se limite plutôt à souligner que l’appel sous-jacent de l’appelante n’est pas fondé et devrait être rejeté. La Commission fait remarquer que l’appelante a admis devant le conseil qu’elle se trouvait en vacances à l’étranger, et qu’elle n’était donc pas admissible aux prestations pendant cette période. Étant donné que la seule décision de la Commission qui fait l’objet de l’appel est la décision de déclarer l’appelante non admissible aux prestations parce qu’elle était à l’étranger, la Commission allègue qu’aucun moyen d’appel n’a été soulevé et que, par conséquent, la décision du conseil devrait être confirmée.

[14] En ce qui concerne le premier et le deuxième arguments de l’appelante, je suis du même avis que la Commission. Rien n’indique dans le dossier ni dans la décision du conseil que l’appelante a trompé la Commission ou n’était pas disponible pendant la période en question. Il s’agit seulement de trancher ici si l’appelante avait droit à des prestations pendant qu’elle était à l’étranger pendant cette période. Comme il a été souligné par la Commission (et le conseil), l’appelante a admis à l’audience du conseil et par écrit qu’elle était bel et bien en vacances à l’étranger comme il était allégué. Dans ces circonstances, je suis aussi d’avis que, selon le paragraphe 37b) de la Loi, l’appelante n’avait pas droit à des prestations pendant cette période. Ces moyens d’appel doivent être rejetés.

[15] L’appelante allègue comme dernier moyen d’appel que le délai à lui seul justifie que son appel soit accueilli. Elle souligne qu’elle a reçu de nombreux appels de l’ARC, qui cherchait à recouvrer le montant, et qu’elle a subi un stress additionnel parce que l’affaire n’a pas été réglée assez rapidement d’une manière ou d’une autre. Pour cette raison, l’appelante soutient qu’il serait juste et équitable que son appel soit accueilli.

[16] Comme il a déjà été mentionné, la Commission n’a pas présenté d’observations écrites au sujet du délai et n’a pas participé à l’audience par comparution en personne. Étant donné que l’appelante n’était pas représentée, j’ai dû examiner la jurisprudence sans pouvoir bénéficier d’une représentation juridique de l’une ou l’autre des parties. Après avoir effectué des recherches, je suis d’avis que l’arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission) (2000 CSC 44) et la décision Canada (Procureur général) c. Norman (2002 CAF 423) s’appliquent en l’espèce. Je me fonde sur la décision Norman plutôt que sur l’arrêt Blencoe parce qu’elle interprète la manière dont l’arrêt Blencoe s’applique au régime d’appel des décisions en assurance-emploi.

[17] Dans la décision Norman, la Cour d’appel fédérale souligne que la Cour suprême du Canada a établi dans l’arrêt Blencoe que, dans certains cas, un délai pouvait constituer un abus de procédure. Pour le montrer, la Cour d’appel fédérale a notamment soutenu ce qui suit :

[…] le [demandeur] doit démontrer que le délai était inacceptable au point d’être oppressif et de vicier les procédures. La question de savoir si un délai est excessif dépend de la nature de l’affaire et de sa complexité, des faits et des points litigieux, de l’objet et de la nature des procédures, de la question de savoir si le [demandeur] a contribué ou renoncé au délai et d’autres circonstances de l’affaire.

[…]

En outre, le préjudice réel causé par le délai doit être d’une telle ampleur qu’il heurte le sens de la justice et de la décence du public. 

[18] Selon moi, il ressort de la décision Norman que, bien qu’il soit possible d’accueillir un appel seulement en raison d’un délai, il doit s’agir d’une occurrence extrêmement rare ou presque unique.

[19] Je conviens volontiers que l’appelante a été très mal traitée. Je suis aussi d’avis qu’un délai de quatre ans entièrement attribuable à une erreur administrative du gouvernement pourrait bien heurter le sens de la justice et de la décence du public, d’autant plus que, pendant cette période, une autre organisation gouvernementale cherchait activement à recouvrer le trop-payé allégué avant d’avoir le droit de le faire.

[20] Toutefois, je ne constate aucun préjudice réel à l’endroit de l’appelante en ce qui concerne les procédures. L’appelante n’a pas été empêchée de présenter un nouvel élément de preuve parce que les années ont passé. Indépendamment du délai qui s’est écoulé, la preuve présentée au conseil a été consignée adéquatement au dossier et, à ma connaissance, il ne manque aucun document pertinent.

[21] Bien que je sois tout à fait disposé à conclure que le délai était inacceptable et oppressif, surtout compte tenu de la manière dont il a affecté l’appelante, je ne peux conclure qu’il a vicié les procédures. Par conséquent, ce moyen d’appel doit également être rejeté.

[22] Comme je n’ai trouvé aucune preuve étayant le moyen d’appel invoqué par l’appelante ou un autre moyen d’appel, je n’ai pas le pouvoir de modifier les conclusions du conseil.

Conclusion

[23] L’appel est rejeté pour les motifs exposés ci­-dessus.

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