Assurance-emploi (AE)

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Comparutions

Le prestataire, monsieur A. H., a participé à l’audience par téléconférence.

Décision

[1] Le membre conclut que la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a, de bon droit, en application de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi) et de l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision, rejeté la demande du prestataire visant une prolongation du délai de 30 jours pour la présentation d’une demande de révision de sa décision du 18 août 2010.

Introduction

[2] Le 21 août 2010, la Commission a imposé au prestataire une inadmissibilité au bénéfice des prestations pendant une période de deux semaines où il était à l’extérieur du Canada. Le prestataire n’a présenté une demande de révision de cette décision que presque quatre années plus tard, soit le 8 avril 2014.

[3] Le 16 juillet 2014, la Commission a rejeté la demande du prestataire visant une prolongation du délai de 30 jours prévu pour le dépôt d’une demande de révision d’une décision de la Commission.

[4] Le 6 août 2014, le prestataire en a appelé à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

Mode d'audience

[5] Après avoir examiné la preuve et les observations des parties à l’appel, le membre a décidé de tenir l’audience par téléconférence pour les raisons énoncées dans l’avis d’audience daté du 17 octobre 2014.

Question en litige

[6] Il s’agit de déterminer si la demande du prestataire visant une prolongation du délai de 30 jours pour demander une révision de la décision de la Commission datée du 18 août 2010 aurait dû être rejetée.

Droit applicable

[7] Selon le paragraphe 112(1) de la Loi, quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

[8] Selon le paragraphe 112(2), la Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

[9] Le paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision est ainsi libellé : « Pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi et sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision. »

[10] Le paragraphe 1(2) du Règlement sur les demandes de révision est ainsi libellé : « Dans les cas ci-après, la Commission doit aussi être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie :

  1. a) la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de trois cent soixante-cinq jours suivant le jour où l’intéressé a reçu communication de la décision;
  2. b) elle est présentée par une personne qui a fait une autre demande de prestations après que la décision lui a été communiquée;
  3. c) elle est présentée par une personne qui a demandé à la Commission d’annuler ou de modifier la décision en vertu de l’article 111 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Preuve

[11] Le 31 mars 2010, le prestataire a répondu au questionnaire de la Commission concernant son absence du Canada du 10 au 24 juin 2009. Il a alors indiqué que sa mère était décédée alors qu’il était en route pour aller la voir. Il est resté hors du pays pour assister à ses funérailles puis est revenu au Canada (GD3‑17 à GD3‑19).

[12] Le 18 août 2010, la Commission a informé le prestataire qu’il était inadmissible au bénéfice des prestations pour la période de son absence du Canada et lui a fait parvenir un avis de dette (GD3‑14 et GD3‑21). Le prestataire a confirmé que la décision lui a été communiquée le 21 août 2010 (GD3‑16). Il a réitéré cette confirmation lors de l’audience et a déclaré qu’il recevait des avis de dette mais qu’il a complètement oublié de s’en occuper et espérait que sa dette serait [traduction] « compensée » par les sommes qui lui étaient dues par suite de ses déclarations de revenus.

[13] Dans son témoignage, le prestataire a déclaré qu’il n’a communiqué avec la Commission qu’en avril 2014, après qu’il ait appelé l’Agence du revenu du Canada (ARC) au sujet d’un état de compte que la Commission lui avait fait parvenir en mars 2014 (GD3‑20). L’ARC l’a alors informé qu’il pouvait interjeter appel de la décision de la Commission. Le prestataire a déclaré que son intention était tout simplement de payer sa dette envers la Commission.

[14] Le 8 avril 2014, le prestataire a demandé à la Commission de réviser la décision qui lui avait été communiquée le 21 août 2010 et il a fourni des raisons pour son absence du Canada pour la période en question (GD3‑15 et GD3‑16).

[15] Le 16 juillet 2014, le prestataire a confirmé à Commission qu’il était au courant de la dette qu’il lui devait depuis le 21 août 2010. Selon la Commission, le prestataire s’était renseigné au sujet de la dette le 18 novembre 2010. Le prestataire a indiqué à la Commission qu’il avait tardé à demander une révision de sa décision car il avait commencé un nouvel emploi en août 2010 et était trop occupé. Il a oublié cette affaire jusqu’à ce que l’ARC communique avec lui en avril 2014 concernant le remboursement de la dette (G3‑22).

[16] Le 16 juillet 2014, la Commission a informé le prestataire que la demande de révision de sa décision du 18 août 2010 avait été reçue après l’expiration du délai prescrit de 30 jours pour présenter une telle demande. Elle lui a également dit qu’elle avait examiné son explication pour le retard et déterminé qu’elle ne répondait pas aux exigences du Règlement sur les demandes de révision. La Commission a rejeté la demande du prestataire visant à obtenir une prolongation du délai de 30 jours prévu pour présenter une demande de révision de sa décision (GD3‑23).

[17] Dans son avis d’audience ainsi que durant l’audience, le prestataire a répété ses raisons pour n’avoir pas demandé dans le délai prévu une révision de la décision du 21 août 2010. Il a déclaré qu’il était bouleversé du décès de sa mère (juin 2009) et de son beau‑frère (octobre 2009) et qu’il avait dû aller soutenir sa sœur au Pakistan (novembre 2009). Le membre a fait remarquer au prestataire que ces événements étaient survenus plusieurs mois avant que la Commission rende sa décision. Le prestataire a dit que lorsqu’il a reçu la décision, en août 2010, il venait de commencer un nouvel emploi pour lequel il ne touchait pas de salaire (il n’était payé qu’à la commission) et que pendant les quatre années qui ont suivi, il travaillait désespérément fort pour subvenir aux besoins de sa famille. Il a déclaré qu’il avait des ennuis financiers, qu’il a perdu la notion du temps et a oublié d’interjeter appel. Il a déclaré qu’il était trop occupé et n’avait absolument pas le temps de le faire.

[18] Concernant son absence du Canada, le prestataire a répété l’objet du voyage, faisant remarquer que les circonstances étaient indépendantes de sa volonté, qu’il est revenu au Canada aussi rapidement que possible et qu’il n’a pas abusé du système.

Observations

[19] Le prestataire soutient ce qui suit :

  1. a) il était au courant de la décision de la Commission datée du 18 août 2010; toutefois, comme il avait des problèmes financiers et qu’il travaillait fort, il était trop occupé, a perdu la notion du temps et a oublié de demander une révision de la décision;
  2. b) son voyage à l’extérieur du Canada était pour des raisons indépendantes de sa volonté, il a assisté aux funérailles de sa mère et est revenu au pays aussi rapidement que possible.

[20] L’intimée soutient ce qui suit :

  1. a) le prestataire était au courant de sa décision du 18 août 2010 et avait reçu les avis de dette; son explication, selon laquelle il a oublié la dette jusqu’à ce que l’ARC le contacte pour faire des arrangements en vue de son remboursement et qu’il était trop occupé pour demander une révision plus tôt, n’est pas une explication raisonnable et ne se rapporte pas à des circonstances spéciales qui justifieraient la prolongation du délai d’appel;
  2. b) il n’y a pas d’indication au dossier comme quoi le prestataire aurait communiqué avec la Commission pour chercher à régler la dette : le prestataire n’a donc pas manifesté l’intention constante de remédier à la situation;
  3. c) elle n’est pas convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne porterait préjudice à aucune autre partie;
  4. d) elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en application de l’article 112 de la Loi lorsqu’elle a rejeté la demande du prestataire visant à faire prolonger le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision.

Analyse

[21]  Selon l’article 112 de la Loi, quiconque – prestataire, employeur d’un prestataire ou autre – fait l’objet d’une décision de la Commission peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, demander à la Commission de réviser sa décision initiale.

[22] L’article 1 du Règlement sur les demandes de révision énonce les critères auxquels une personne doit répondre pour obtenir un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision en vertu du paragraphe 112(1) de la Loi.

[23] En l’espèce, puisque le prestataire a présenté sa demande de révision plus de 365 jours après que la décision du 18 août 2010 a été rendue et lui a été communiquée, la Commission peut accorder un délai plus long pour présenter une demande de révision si elle est convaincue que la demande répond aux quatre critères énoncés à l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision. Autrement dit, la Commission doit être convaincue que toutes les conditions suivantes sont réunies :

  1. a) il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai;
  2. b) le prestataire a manifesté l’intention constante de demander la révision;
  3. c) la demande de révision a des chances raisonnables de succès, et
  4. d) l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie.

[24] Le membre souligne que la décision initiale de la Commission au sujet du séjour à l’étranger du prestataire n’est pas la question devant le Tribunal. Le membre doit plutôt déterminer si la demande du prestataire visant à obtenir un délai plus long que la période prévue de 30 jours pour présenter une demande de révision de la décision de la Commission datée du 18 août 2010 devrait être accueillie.

[25] Le membre a examiné la jurisprudence relative aux anciennes dispositions législatives régissant la prolongation du délai pour interjeter appel devant les conseils arbitraux (article 114 de la Loi dans sa version antérieure au 1er avril 2013). La jurisprudence a établi a) que le pouvoir de la Commission de reporter à plus tard la date limite pour interjeter appel est de nature discrétionnaire; b) que la décision de la Commission d’accorder ou de refuser la prolongation du délai est susceptible d’être annulée uniquement si ce pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon non judiciaire (Knowler A-445-93; Chartier A-42-90; Plourde A-80-90).

[26] De même, le membre remarque que le paragraphe 112(1) de la Loi et l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision portent que la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision. Il s’agit d’un libellé semblable à celui d’une précédente version de l’article 114 de la Loi. Le membre conclut, par conséquent, qu’une décision rendue par la Commission au titre du Règlement sur les demandes de révision est de nature discrétionnaire.

[27] Ainsi dans cette affaire, le membre doit établir si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande visant à prolonger le délai de 30 jours pour la présentation d’une demande de révision de sa décision initiale. Autrement dit, le membre doit déterminer si la Commission a agi de bonne foi, à des fins et pour des motifs légitimes, si elle a tenu compte de tous les éléments pertinents à la cause sans prendre en considération des éléments non pertinents, et si elle a agi de façon non discriminatoire (Sirois, A-600-95, Knowler A‑445-93; Chartier, A-42-90; Dunham A-708-95; Purcell A-694-94).

[28] Le membre conclut qu’il n’y a pas matière à intervenir dans la décision de la Commission en l’espèce, pour les raisons suivantes.

[29] En premier lieu, la Commission a tenu compte des quatre conditions énoncées dans le Règlement sur les demandes de révision. Elle fait observer que le prestataire a confirmé avoir reçu la décision de la Commission datée du 18 août 2010 et qu’il a ensuite reçu les avis de dette. Le prestataire a fait valoir qu’il avait oublié la dette jusqu’à ce que l’ARC cherche à en obtenir le remboursement en avril 2014, et qu’il était trop occupé pour demander une révision de la décision plus tôt. La Commission a conclu que le prestataire n’a pas fourni une explication raisonnable et que ses raisons ne constituaient pas des circonstances spéciales justifiant de prolonger le délai de présentation d’une demande de révision. En outre, la Commission a considéré le fait qu’aucun élément au dossier n’indiquait que le prestataire a communiqué avec la Commission pour chercher à régler la question de la dette. Elle a par conséquent conclu que le prestataire n’a pas établi qu’il avait eu une intention constante de régler cette affaire. En dernier lieu, la Commission a indiqué qu’elle n’est pas convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne porte pas préjudice. Par conséquent, la Commission soutient qu’elle a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu’elle a donc exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. La Commission soutient également que puisque le prestataire ne répondait pas aux conditions énoncées au paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision, elle se devait de rejeter la demande du prestataire visant à prolonger le délai de 30 jours pour la présentation d’une demande de révision. Le membre remarque que la Commission a indiqué qu’elle n’était pas convaincue que les conditions énoncées au paragraphe 1(2) du Règlement sur les demandes de révision n’étaient pas respectées, mais elle n’a pas expliqué en quoi. Cependant, le membre conclut que selon le libellé de l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision, la Commission doit être convaincue que toutes les conditions énoncées sont réunies avant d’accorder une prolongation. Puisque la Commission n’était pas convaincue que les conditions énoncées au paragraphe 1(1) dudit règlement n’étaient pas réunies, elle pouvait à ce seul motif rejeter (comme elle l’a fait) la demande de révision.

[30] En deuxième lieu, le prestataire n’a fourni à l’audience aucun élément de preuve qui n’avait pas déjà été porté à la connaissance de la Commission lorsqu’elle a refusé une prolongation du délai de 30 jours. Le prestataire n’a fourni au membre aucune autre raison et le membre n’a pu cerner aucune circonstance atténuante ou spéciale. Le prestataire a confirmé qu’il n’a pas contacté la Commission pendant ce retard de presque quatre années. Dans son témoignage, il a déclaré qu’il n’a effectivement pas communiqué avec la Commission au sujet des avis de dette, puisque son intention était de tout simplement payer sa dette. Il n’a pas contesté la décision de la Commission jusqu’à ce qu’un agent de l’ARC l’informe, en avril 2014, de son droit de le faire. Pour expliquer son absence du Canada, le prestataire a fourni au Tribunal les mêmes raisons que celles qu’il avait fournies à la Commission le 31 mars 2010. Ces raisons ont été prises en compte par la Commission lorsqu’elle a rendu sa décision originale le 18 août 2010 ainsi que lorsqu’elle a déterminé que la demande de révision du prestataire n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[31] Le membre conclut, par conséquent, que la Commission a agi de bonne foi, a tenu compte de tous les facteurs pertinents et a exclu tout facteur non pertinent lorsqu’elle a rejeté la demande du prestataire visant à obtenir un délai plus long que 30 jours pour la présentation d’une demande de révision de sa décision du 18 août 2010 au titre de l’article 112 de la Loi et de l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision. Le membre conclut que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire et ne peut, par conséquent, modifier cette décision.

Conclusion

[32] L’appel est rejeté.

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