Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Comparutions

K. P., la prestataire, a participé à l’audience par téléconférence.

Décision

[1]  Le Tribunal conclut que la prestataire a prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi selon les articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance‐emploi (la Loi).

Introduction

[2] La prestataire est devenue chômeuse le 24 octobre 2013. Elle a soumis une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) le 3 novembre 2013. Une demande initiale de prestations a été établie le 20 octobre 2013. La Commission de l’assurance‐emploi du Canada (Commission) a refusé la demande de prestations parce qu’il avait été établi que la prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. La prestataire a demandé le réexamen de la décision de la Commission, laquelle a été maintenue par la Commission dans sa lettre datée du 6 mai 2014. La prestataire en a appelé au Tribunal de la sécurité sociale (TSS).

Mode d'audience

[3] Le présent appel a été instruit par téléconférence pour les raisons indiquées dans l’avis d’audience daté du 10 novembre 2014.

Question en litige

[4] La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la prestataire était fondée à quitter son emploi volontairement selon les articles 29 et 30 de la Loi.

Droit applicable

[5] L’article 30 de la Loi porte, entre autres, que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement un emploi sans justification.

[6] L’alinéa 29c) de la Loi prévoit que le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[7] Dans l’arrêt Tanguay (A-1458-84), la Cour d’appel fédérale (CAF) a fait une distinction entre une « bonne raison » et une « justification » pour un départ volontaire. Selon la CAF (Landry, A-1210-92), il ne suffit pas qu’un prestataire démontre qu’il a agi de manière raisonnable en quittant son emploi. Agir de façon raisonnable peut constituer une bonne raison mais cela ne constitue pas nécessairement une justification. Il faut démontrer, après avoir examiné toutes les circonstances, que le prestataire n’avait d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi.

Preuve

[8] La preuve au dossier est la suivante :

  1. a) La prestataire a rempli un questionnaire de départ pour des raisons de santé/médicales dans lequel elle indiquait que son emploi était devenu de plus en plus stressant, et qu’une grande quantité de nouvelles tâches s’étaient ajoutées en raison de changements dans l’entreprise. Elle avait de plus en plus de migraines et de maladies comme des rhumes. Elle avait parlé à son médecin de sa situation et essayait de concilier le travail additionnel et le fait d’avoir deux jeunes enfants. Elle pensait qu’un horaire de travail réduit pourrait être une bonne option et son médecin était d’accord. Elle en a fait la proposition à son employeur et, après des discussions, il a été décidé que l’emploi à temps partiel ne fonctionnerait pas pour l’employeur. La prestataire a indiqué qu’elle n’avait d’autre choix que de démissionner, car elle commençait à être dépassée et à être accablée par le poids énorme du stress (page GD3-6).
  2. b) La prestataire a indiqué que son état de santé/médical était causé par les conditions de travail et que cela avait commencé à avoir une incidence sur son travail le 13 juin 2013. Elle ajoute en outre que les fonctions et les heures de travail étaient les conditions de travail qui affectaient sa santé. Son employeur était incapable de lui offrir une charge de travail moins grande, un horaire réduit ou une mutation dans un emploi plus convenable. Elle a indiqué que son état de santé n’était pas temporaire. Elle a effectivement cherché un autre emploi avant de démissionner (pages GD3-5 à GD3-8).
  3. c) La prestataire a été contactée par la Commission et elle a indiqué qu’elle avait quitté son emploi en raison du stress au travail et des longues heures. Elle a parlé à son médecin, qui lui a conseillé de travailler à temps partiel. La prestataire a demandé un horaire à temps partiel à son employeur, qui a essayé de faire approuver le changement par le conseil d’administration. Celui‐ci a refusé, et l’employeur a dit à la prestataire que l’entreprise n’était pas en mesure d’avoir quelqu’un à temps partiel. Elle pensait qu’elle pourrait avoir besoin de prestations de maladie de l’AE. Toutefois, elle a aussi déclaré qu’elle pourrait être capable d’assumer d’autres emplois, mais pas celui qu’elle occupait parce qu’il était trop stressant. Elle ne cherche que du travail à temps partiel pour le moment à cause de son niveau de stress (page GD3-17).
  4. d) La prestataire a été contactée de nouveau par la Commission et elle a confirmé qu’elle avait démissionné pour des raisons de santé, indiquant qu’elle n’avait plus de migraines depuis qu’elle avait quitté cet emploi. Elle a indiqué qu’elle devait travailler 37,5 heures par semaine, mais qu’en réalité elle travaillait en moyenne 45 à 50 heures par semaine. Elle a expliqué qu’elle avait demandé à son employeur si elle pouvait travailler trois jours par semaine au lieu de travailler à temps plein, mais que son employeur exigeait qu’elle travaille à temps plein et qu’il ne pouvait se permettre de la garder seulement à temps partiel. Elle a en outre expliqué qu’elle n’avait pas demandé de congé médical, mais qu’elle aurait peut‐être dû. Cependant, elle aurait tout de même été stressée pendant son congé parce qu’elle aurait été inquiète au sujet de la personne qui faisait son travail. La prestataire a indiqué qu’elle avait cherché du travail à temps complet et à temps partiel et qu’elle serait disposée à accepter n’importe quel poste qui ne comporte pas beaucoup de stress (page GD3-18).
  5. e) La prestataire a indiqué dans sa demande de réexamen qu’elle avait quitté son emploi à cause de la nouvelle administration, que les changements mis en place plaçaient sur elle des attentes irréalistes et qu’elle ne pouvait gérer les responsabilités additionnelles qui lui étaient confiées. En moyenne, elle travaillait 9,5 à 10 heures par jour et n’était payée que pour 7,5 heures, sans mentionner qu’elle était sur appel si quoi que ce soit se produisait. Vu ces exigences additionnelles, sa santé commençait à s’en ressentir. Elle a parlé à son médecin et il a été convenu que le travail à temps partiel, ou au moins une diminution de ses heures, serait préférable. Elle en a fait la demande à son employeur, mais cela lui a été refusé. Elle a quitté son emploi pour protéger sa santé. Elle ne pouvait pas travailler plus d’heures et elle devait quand même veiller à ce que toutes les tâches soient terminées (page GD3-23).
  6. f) L’employeur a indiqué que la prestataire avait quitté son emploi lorsqu’on lui a refusé une augmentation, le travail à temps partiel et la possibilité de travailler de chez elle. L’employeur a de plus indiqué que la prestataire n’avait pas demandé de congé ou fait savoir qu’elle ne pouvait pas travailler à cause du stress. La prestataire avait plutôt admis que gérer le travail et une jeune famille était difficile et qu’elle avait espéré pouvoir travailler à la maison pour composer avec ses obligations familiales. En premier, la prestataire a envoyé une lettre de démission, mais après discussion elle est revenue sur sa décision. Elle a alors exigé que son salaire soit augmenté à environ 70 000 $ par année, qu’on lui donne un horaire à temps partiel et qu’elle puisse travailler à la maison. L’employeur a indiqué qu’il avait transmis les demandes de la prestataire au conseil d’administration, mais que le conseil n’était pas capable de satisfaire à ses exigences et qu’elle devait travailler à temps plein. L’employeur a expliqué que la prestataire n’avait pas à travailler 10 heures par jour mais qu’il y avait toujours des tâches à faire. L’employeur a indiqué que c’était donnant-donnant et que si elle avait besoin de partir plus tôt, qu’elle pouvait le faire, tout comme il arrivait qu’elle parte tard. L’employeur a nié que la prestataire était sur appel, car ce n’était pas dans ses responsabilités. L’employeur a de plus indiqué qu’un congé médical aurait été possible s’il avait été nécessaire et que des mesures pouvaient être prises en cas d’invalidité de longue durée. La prestataire ne les a pas avisés de la situation pas plus qu’elle n’a demandé de congé. L’employeur a nié qu’il y avait eu des changements importants dans le travail ou que la prestataire était submergée de tâches déraisonnables, disant qu’elle était relativement nouvelle dans l’entreprise, qu’il y a toujours une courbe d’apprentissage et que les procédures étaient en cours de mise à jour ou de modification. Il a réitéré que la démission était liée spécifiquement au désir de la prestataire de travailler à temps partiel et à la maison (page GD3-26).
  7. g) La prestataire a été contactée par la Commission après sa demande de réexamen et elle a confirmé qu’elle avait quitté son emploi en raison du stress découlant de modifications à ses fonctions au travail ainsi que parce qu’elle voulait équilibrer travail et famille. Elle a nié qu’elle avait quitté lorsqu’on lui a refusé une augmentation, la permission de travailler à la maison et un horaire à temps partiel. Elle a indiqué que lorsque ces conditions n’ont pas été satisfaites, elle n’avait d’autre choix que de partir par mesure préventive pour sa santé. Elle a confirmé qu’elle n’avait pas demandé de congé ou demandé de congé médical pour stress ou autre raison médicale. Elle a en outre confirmé que son médecin ne lui avait pas conseillé de quitter son emploi. La prestataire a expliqué que son employeur plaçait sur elle de plus grandes exigences, déplaçait des fonctions et réduisait les heures de son assistante, ce qui lui donnait plus de travail. Elle a reconnu qu’elle avait des journées de travail plus longues et que les changements étaient ce qui l’affectaient le plus. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas cherché ou obtenu un autre emploi avant de quitter (page GD3-27).
  8. h) La prestataire a indiqué qu’après qu’elle eut remis sa lettre de démission, son employeur est venu la voir et lui a demandé de reconsidérer sa décision et lui a offert un emploi à temps partiel et plus d’argent; elle a demandé si elle pourrait travailler une partie de ce temps à la maison, si possible. Elle a démissionné de son poste à cause de la charge de travail additionnelle qu’on lui imposait et parce qu’elle savait qu’elle ne pouvait pas tout faire. Cela lui causait beaucoup de stress et les choses allaient en empirant. Elle a pris la décision de partir parce qu’elle ne voulait pas se retrouver malade et elle savait qu’elle ne pourrait faire ce qu’on exigeait d’elle. Depuis qu’elle est partie, elle s’est rendu compte à quel point elle était stressée en réalité. Elle avait des migraines toutes les semaines ou toutes les deux semaines, mais depuis qu’elle est partie, elle n’en a eu qu’à peu près deux en six mois (pages GD2-4 et GD2-6).
  9. i) La prestataire a présenté un billet de médecin daté du 22 avril 2014 qui dit qu’elle ne pouvait demeurer dans son poste en raison du stress important au travail et des changements dans son poste. La prestataire a indiqué qu’il n’y avait pas d’autre emploi disponible pour elle dans l’entreprise (page GD3-37).
  10. j) L’employeur a déposé la lettre de démission de la prestataire, datée du 10 octobre 2013, dans laquelle elle indique que sa démission entrait en vigueur le 24 octobre 2013. La lettre ne fournissait pas de raisons pour sa démission (page GD3-30).
  11. k) L’employeur a déposé un courriel daté du 15 octobre 2013 contenant les changements proposés par la prestataire pour son poste. Elle demandait de travailler à temps partiel sans avantages sociaux et son salaire passerait de 29,88 $ l’heure avec avantages sociaux à 38,55 $ l’heure sans avantages. Elle demandait de travailler les lundis, mercredis et jeudis – huit heures par jour, et certaines journées pouvant être travaillées à la maison (page GD3-31).
  12. l) L’employeur a déposé un courriel envoyé par la prestataire après avoir appris que les changements qu’elle proposait n’avaient pas été acceptés par le conseil d’administration. Elle exprimait sa déception face à cette décision et estimait que l’entreprise n’appréciait pas sa contribution puisqu’on ne lui était pas revenu avec un compromis quelconque. Elle disait que, comme il n’y avait aucune souplesse par rapport au travail à domicile, elle devrait maintenir sa décision originale et démissionner (page GD3-35).

[9] La preuve à l’audience est la suivante :

  1. a) La prestataire a déclaré dans son témoignage qu’elle avait travaillé pour cette entreprise pendant 13 ans et qu’elle avait été en congé de maternité jusqu’en mai 2013. Elle a de plus indiqué que c’était son deuxième enfant; elle était revenue au travail plus tôt après la naissance de son premier enfant.
  2. b) La prestataire a aussi déclaré que son employeur avait été congédié en mars 2013. Son nouveau patron insistait pour que son adjointe passe à temps partiel. Elles n’étaient que deux dans le bureau, ce qui voulait dire qu’on attendait d’elle qu’elle fasse le travail que son adjointe ne pourrait faire à cause de la diminution de ses heures de travail et qu’en conséquence, on lui donnait 20 heures de travail de plus à faire chaque semaine. En plus de cela, son nouveau patron voulait qu’elle refasse le site Web et les bases de données. La prestataire a indiqué qu’elle devait faire un nombre excessif d’heures supplémentaires.
  3. c) La prestataire a expliqué qu’elle est revenue de congé de maternité en mai 2013 et qu’elle a rencontré son employeur qui l’a informée que le travail à temps partiel n’était pas une option. Elle travaillait 9,5 à 10 heures par jour et commençait à être dépassée. Elle n’avait pas idée qu’elle était aussi malade. Elle avait des migraines, mais elle n’avait pas fait le lien et ne s’était pas rendu compte que ses migraines étaient causées par son travail. Elle a dit qu’elle avait eu sa première migraine après la naissance de son deuxième enfant, mais qu’elles avaient augmenté lorsqu’elle était retournée au travail. Elle avait alors des migraines à peu près aux deux semaines. Lorsqu’elle a cessé de travaillé, elle a eu une migraine le lendemain et, ensuite, seulement par rapport à l’appel concernant l’AE.
  4. d) La prestataire a déclaré dans son témoignage qu’elle était allée voir son médecin en septembre 2013 et le médecin avait suggéré qu’elle travaille à temps partiel, mais elle savait que le temps partiel n’était pas une option parce que son employeur le lui avait déjà dit. Elle a attendu jusqu’en octobre 2013 pour présenter sa lettre de démission afin de prendre le temps d’essayer de faire le travail. La prestataire a dit que son employeur, après qu’il eut reçu sa lettre de démission, lui avait offert de travailler à temps partiel et lui avait donné le week-end pour y penser. Elle était enchantée parce qu’elle aimait vraiment son emploi et qu’elle voulait simplement réduire ses heures de travail.
  5. e) La prestataire a expliqué que l’employeur faisait entrer un employé technique pour travailler à un autre projet. Cette personne allait refaire les cours et manuels de formation. Elle a dit être préoccupée par l’idée que cette personne allait être payée plus qu’elle, mais qu’ils seraient considérés comme des égaux. Son employeur lui a dit qu’il travaillait au budget et qu’il avait déjà demandé pour elle une hausse de 10 000 $ par année parce qu’il considérait qu’elle n’était pas assez payée. L’employeur l’a informée qu’il devait s’adresser au conseil d’administration pour faire approuver le budget et sa demande de travail à temps partiel. Lorsque l’horaire à temps partiel n’a pas été approuvé par le conseil, elle a dit à son employeur qu’ils étaient de retour à la case départ et qu’elle pensait qu’elle devrait démissionner. Sa réponse fut [traduction] « fais ce que tu dois faire ». On lui a annoncé la décision du conseil d’administration le matin du 24 octobre 2013, la journée prévue pour sa démission dans sa lettre. Elle n’avait plus d’emploi à 14 h le même jour.
  6. f) La prestataire a expliqué que sa journée normale de travail était très occupée et qu’avec le travail que son adjointe ne pouvait plus faire, il n’y avait pas assez de temps dans la journée. Bien que les projets du site Web et des bases de données n’aient pas eu d’échéances, on lui a dit qu’il s’agissait de projets prioritaires. Elle en a discuté avec son employeur, mais il n’avait pas de solutions. Elle pensait que travailler à la maison lui permettrait d’en faire davantage, car il n’y aurait pas autant de distractions. Elle a expliqué que sa mère vit à côté et s’occupe de ses enfants.
  7. g) La prestataire a déclaré dans son témoignage qu’elle avait parlé à son ancien patron avant de quitter son emploi. Il lui avait dit qu’il avait un poste pour elle à son nouveau travail. Elle connaissait le lieu de travail de son ex-employeur et ses patrons parce qu’ils avaient fait partie de comités ensemble. Son plan était de quitter son emploi actuel et de commencer le nouvel emploi dans quelques semaines. Malheureusement, lorsqu’elle a contacté son ancien patron, le poste n’était plus disponible.
  8. h) La prestataire a aussi dit qu’elle avait immédiatement commencé à chercher du travail après avoir donné sa démission.
  9. i) La prestataire a expliqué qu’elle était sur appel pour le centre d’intervention avant son congé de maternité. Elle devait assurer la relève lorsqu’il y avait des appels d’urgence et son téléphone cellulaire était fourni par l’employeur. On lui avait dit que, parce qu’ils fournissaient le téléphone, ils devaient pouvoir la contacter lorsqu’ils en avaient besoin.

Observations

[10] La prestataire fait valoir ce qui suit :

  1. a) Elle a pris les mesures nécessaires pour protéger sa santé et sa famille. Elle n’était pas arrivée au point où elle aurait pu partir en congé lié au stress. Elle ne voulait pas se rendre jusque-là et elle ne voulait pas être inutile pour son employeur et sa famille. Elle savait qu’elle était incapable d’en donner davantage à son employeur pour satisfaire à ses attentes irréalistes face à elle (page GD3-25).
  2. b) Lorsque le conseil d’administration a refusé de lui permettre de réduire ses heures, il ne lui restait d’autre choix que de partir. Elle n’a pas démissionné parce qu’on n’avait pas accédé à ses demandes. Elle a démissionné parce qu’elle avait besoin de réduire ses heures et que ce n’était pas possible. Elle n’était pas disposée à renoncer au seul temps qu’il lui restait avec sa famille pour que le travail soit fait. Cette solution ‒ qui n’avait pas à être permanente ‒ était ce dont elle avait besoin maintenant.
  3. c) La Commission a indiqué qu’elle aurait dû bénéficier de l’invalidité de courte durée, mais l’entreprise avait annulé le programme d’invalidité de courte durée en juin 2013.
  4. d) Elle n’a pas eu un accès de colère et quitté son emploi. Elle a donné sa démission parce qu’on lui a dit que le travail à temps partiel n’était pas une option et qu’elle a été incapable de trouver une solution avec son employeur concernant ses heures de travail. C’était son employeur qui avait suggéré qu’elle travaille à temps partiel et, lorsque cela n’a pas été approuvé par le conseil, il ne lui restait d’autre choix que de démissionner. Son employeur a présenté les choses comme si elle avait soumis ses exigences et que, parce qu’on n’y accédait pas, elle avait quitté précipitamment. Ce n’est pas ce qui est arrivé et elle trouve ses observations très blessantes.

[11] L’intimée a fait valoir ce qui suit :

  1. a) La prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi le 24 octobre 2013 parce qu’elle n’avait pas épuisé toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. À la lumière de l’ensemble de la preuve, une solution raisonnable aurait été de prendre un congé pour des raisons médicales, ou de trouver un travail plus favorable avant de partir. En conséquence, la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi au sens de la Loi (page GD4-4).
  2. b) La prestataire n’était pas obligée de quitter son emploi à cause du stress et il existait des solutions raisonnables pour protéger son emploi, comme de prendre un congé pour raisons médicales. La Commission affirme que l’information médicale est contradictoire, car la prestataire a indiqué à toutes les étapes que son médecin lui avait simplement conseillé de réduire ses heures de travail en raison du stress lié au travail et à la famille, et non pas de quitter son emploi. Il est en outre soulevé que la lettre médicale du 24 avril 2014 a été écrite après coup, six mois après le fait, et n’est rien de plus qu’un avis médical rétroactif. La prestataire a elle-même affirmé qu’elle n’était pas au point où elle devait cesser de travailler à cause du stress, et que son départ volontaire était [traduction] « préventif » pour sa santé (page GD4-4).
  3. c) La prestataire avait de la difficulté à équilibrer ses obligations professionnelles et familiales, et il est reconnu qu’elle a fait un effort pour réduire ses heures de travail afin de parvenir à un équilibre qui serait bénéfique pour elle et sa famille; cependant les raisons de la prestataire ne constituent pas une justification, alors qu’il existait des solutions raisonnables. Il est évident que la cessation d’emploi a eu lieu à l’initiative de la prestataire, lorsqu’on ne lui a pas accordé un horaire à temps partiel, ou la souplesse de travailler chez elle. Les demandes de la prestataire relativement au salaire et aux avantage sociaux appuient la raison de la fin d’emploi; cependant, la preuve ne suffit pas à établir s’il s’agissait de plus que des facteurs contributifs (page GD4-5).

Analyse

[12] La prestataire doit démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, elle n’avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi (Tanguay A-1458-84).

[13] La prestataire a déclaré qu’elle travaillait un nombre excessif d’heures supplémentaires. Le sous-alinéa 29c)(viii) de la Loi prévoit que le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, y compris l’excès d’heures supplémentaires ou la non-rémunération de celles-ci, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable.

[14] Le Tribunal accepte le témoignage de la prestataire voulant qu’elle travaillait 9 à 10 heures par jour; que son adjointe était retournée à un horaire à temps partiel et que son employeur lui avait demandé de refaire le site Web et les bases de données. Le Tribunal accepte en outre qu’elle n’était pas nouvelle dans le poste comme l’a affirmé l’employeur, mais qu’elle travaillait pour cette entreprise depuis 13 ans et avait pris un congé de maternité avant de revenir en mai 2013.

[15] Le Tribunal a cherché des pistes de solution dans la décision CUB 74625, où le juge Goulard écrit :

Il a été établi dans la jurisprudence que le mécontentement d’un employé à l’égard de ses conditions de travail ne constitue pas une justification pour quitter son emploi, à moins que l’employé puisse démontrer que les conditions étaient si intolérables qu’elles ne lui laissaient d’autre choix que de démissionner, et qu’il avait entrepris certaines démarches pour régler la situation (décisions CUB 26616, 25700 et 40783). En l’instance, le prestataire aurait pu essayer de régler son mécontentement au sujet de son salaire au lieu d’offrir sa démission. Il aurait pu également chercher un autre emploi tout en gardant celui qu’il avait. Comme il a souvent été dit, le régime d’assurance-emploi a été mis en place pour aider les travailleurs qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, se retrouvent au chômage et non pour verser des prestations à ceux qui créent leur propre condition de chômeur alors qu’ils avaient d’autres solutions raisonnables pour éviter cette situation. 

[16] Le Tribunal conclut que la prestataire était effectivement fondée à quitter volontairement son emploi. La prestataire se sentait accablée par ses conditions de travail et a démontré qu’il ne lui restait d’autre choix que de partir. Elle a tenté de remédier à la situation en discutant avec son employeur, elle a tenté de réduire ses heures pour travailler à temps partiel et elle a tenté de trouver un autre travail en parlant à son ancien patron concernant un poste dans une autre entreprise. En outre, la prestataire était revenue au travail après un congé de maternité dans le passé, avait pris des arrangements fiables pour la garde d’enfants et avait du soutien familial. Cela appuie davantage l’affirmation de la prestataire selon laquelle son employeur avait des attentes irréalistes.

[17] L’employeur a déclaré que la prestataire n’avait pas à travailler 10 heures par jour; toutefois, la prestataire a dit qu’elle était incapable de terminer le travail attendu d’elle dans une journée normale de travail. L’employeur a de plus déclaré que la prestataire avait quitté son emploi après qu’on lui eut refusé une augmentation, un horaire à temps partiel et le travail à la maison. Le Tribunal conclut que la prestataire n’a pas quitté son emploi après que ses demandes eurent été refusées. Le Tribunal accepte le témoignage de la prestataire voulant que son employeur avait initié la demande d’une hausse de salaire et lui avait offert un horaire à temps partiel après qu’elle eut remis sa lettre de démission. Ces modifications étaient toutes conditionnelles à l’approbation du conseil d’administration et n’ont pas été approuvées.

[18] La prestataire a aussi déclaré que tout ce qu’elle voulait c’était trouver une solution; qu’elle aimait son emploi et ne voulait pas partir, mais qu’elle n’avait pas eu d’autre choix, car le stress de l’emploi était en train de la rendre malade. Bien que la Commission ait indiqué que la prestataire avait la possibilité de prendre un congé pour des raisons médicales, la prestataire a dit que le programme d’invalidité de courte durée n’était plus disponible. Même si l’employeur a déclaré que le programme d’invalidité de longue durée était disponible, le Tribunal accepte l’affirmation de la prestataire voulant qu’elle avait pris les devants pour protéger sa santé et sa famille, et qu’elle n’était pas rendue au point où elle ne pouvait plus travailler à cause du stress.

[19] Bien qu’il incombe à un prestataire de réduire le risque de chômage, le Tribunal ne croit pas qu’éviter le risque de chômage devrait l’emporter sur la santé personnelle et les responsabilités envers la famille.

Conclusion

[20] Pour ces raisons, le Tribunal conclut que la prestataire a prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

[21] L’appel est accueilli.

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