Assurance-emploi (AE)

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Comparutions

L’appelante, Madame N. S., était présente à l’audience. Elle était représentée par Me Gilbert Nadon. Gaël Morin-Greene, stagiaire en droit, était également présent.

Décision

[1] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi. Les éléments de preuve présentés lors de l’audience permettent de conclure qu’elle a plutôt été congédiée. Le Tribunal conclut, en outre, que l’appelante n’a pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi).

Introduction

[2] L’appelante a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi en maladie prenant effet le 9 mars 2014 (GD3-2 à GD3-16). Le 28 mars 2014, l’appelante a demandé une conversion de ses prestations d’assurance-emploi maladie à des prestations d’assurance-emploi régulières. Elle a présenté un billet médical justifiant un arrêt de travail jusqu’au 28 mars 2014 (GD3-17).

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a déterminé que l’appelante avait volontairement quitté son emploi chez Alimentation St- Onge le 29 mars 2014 sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi. La Commission a donc imposé une exclusion d’une durée indéterminée à compter du 23 mars 2014 (GD3-26 et GD3-27).

[4] L’appelante a fait une demande de révision de la décision de la Commission rendue le 16 mai 2014. Le 2 juillet 2014, la Commission a informé l’appelante qu’elle maintenait sa décision initiale concernant le départ volontaire (GD3-37 et GD3-38).

[5] L’appelante en appelle au Tribunal de la décision révisée de la Commission (GD2-1 à GD2-20). Le 23 octobre 2014, la Commission a informé le Tribunal qu’elle concédait l’appel sur le litige après avoir procédé à l’examen des informations additionnelles présentées par le représentant de l’appelante (GD11-1).

Mode d’audience

[6] L’audience a été tenue par comparution en personne des parties pour les motifs énoncés dans l’Avis d’audience daté du 24 octobre 2014.

Question en litige

[7] L’appelante interjette appel concernant une exclusion d’une durée indéterminée qui lui a été imposée en vertu des articles 29 et 30 de la Loi parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification.

Droit applicable

[8] En vertu de l’article 30 de la Loi, un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement un emploi sans justification sauf dans les exceptions prévus à l’article 29c) de le Loi.

[9] Le paragraphe 29c) de la Loi prévoit qu’un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Cet article énonce également que la justification peut être prouvée lorsque l’existence de l’une ou l’autre des situations qui y sont énumérées peut être établie.

[10] Le paragraphe 49(2) de le Loi prévoit qu’il faut accorder le bénéfice du doute à l’appelant dans l’éventualité où les éléments de preuve présentés de part et d'autres sont équivalents. La CAF a réitéré cette notion dans l’affaire Alcuitas A-472-03.

Preuve

[11] L’appelante a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi en maladie prenant effet le 9 mars 2014 (GD3-2 à GD3-16). Le 28 mars 2014, l’appelante a demandé une conversion de ses prestations d’assurance-emploi maladie à des prestations d’assurance-emploi régulières. Elle a présenté un billet médical justifiant un arrêt de travail jusqu’au 28 mars 2014 (GD3-17).

[12] La Commission a déterminé que l’appelante avait volontairement quitté son emploi chez Alimentation St-Onge le 29 mars 2014 sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi. La Commission a donc imposé une exclusion d’une durée indéterminée à compter du 23 mars 2014 (GD3-26 et GD3-27).

[13] L’appelante a fait une demande de révision de la décision de la Commission rendue le 16 mai 2014. Le 2 juillet 2014, la Commission a informé l’appelante qu’elle maintenait sa décision initiale concernant le départ volontaire (GD3-37 et GD3-38).

[14] L’appelante en appelle au Tribunal de la décision révisée de la Commission (GD2-1 à GD2-20).

[15] L’appelante a fait suivre au Tribunal une plainte pour pratique interdite qu’elle a déposée à la Commission des normes du travail (GD8-1 à GD8-38).

[16] Le 23 octobre 2014, la Commission a informé le Tribunal qu’elle concédait l’appel sur le litige après avoir procédé à l’examen des informations additionnelles présentées par le représentant de l’appelante (GD11-1).

Arguments des parties

[17] La prestataire a fait valoir que :

  1. a) Lorsqu’elle était en congé de maladie, elle a appris que son employeur avait affiché son poste. Elle est d’avis que son employeur a décidé de mettre fin à son emploi dès qu’elle est partie en congé de maladie.
  2. b) La veille de son retour au travail, elle est allée consulter l’horaire de travail. Elle a toujours travaillé le weekend mais elle n’était pas sur l’horaire. Son nom avait été rayé et on lui a recommandé d’aller rencontrer A. S.
  3. c) Elle travaillait en environ 25 à 30 heures par semaine. Elle était superviseur quelques jours par semaine, ensuite caissière.
  4. d) Elle a été informée que pour être superviseur, il faut être disponible 7 jours par semaine. Son employeur ne voulait pas de quelqu’un qui pouvait être malade.
  5. e) Elle ne soupçonnait pas qu’elle perdrait son emploi suite à son congé de maladie. Elle a été convoquée pour récupérer sa cessation d’emploi mais elle n’a jamais compris pourquoi.
  6. f) Elle a déposé une plainte aux Normes du Travail pour pratique interdite.
  7. g) Elle n’a jamais quitté son emploi.  Il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’un abandon. Il s’agit d’une séquence d’évènements. Son employeur a décidé de mettre fin à son emploi de superviseur et elle n’a jamais été rappelée comme caissière.
  8. h) Souffrant de surdité, ses communications avec la Commission au téléphone étaient problématiques. Elle n’avait aucuns appareils auditifs à cette période, donc il est probable qu’elle parlait fort.

[18] L’intimée a soutenu que :

  1. a) Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit une exclusion indéfinie lorsque la prestataire quitte volontairement son emploi sans justification. Il y a lieu de vérifier si la prestataire avait une autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.
  2. b) La Commission a traité le dossier comme un départ volontaire étant donné que la perte d'emploi est dû à sa disponibilité plus restreinte à cause de son horaire de cours car la prestataire a préféré continuer sa formation et a pris le risque de perdre son emploi.
  3. c) Il importe peu qu'il s'agisse d'une perte d'emploi en raison d'inconduite ou d'un départ sans justification si l'exclusion du bénéfice des prestations se justifie pour l'un et l'autre motif; l'agent responsable peut invoquer en ce cas les deux motifs dans l'avis d'exclusion. La Commission a donc conclu que la prestataire n’était pas justifiée de quitter son emploi puisqu’elle n’a pas démontré avoir épuisé toutes les solutions raisonnables avant de quitter. La Commission est persuadée, après avoir pris tous les éléments en considération, qu’une solution raisonnable pour le prestataire aurait été de ne pas faire ce choix personnel de continuer sa formation. Conséquemment, la prestataire n’a pas réussi à prouver qu’elle était justifiée de quitter son emploi au sens de la Loi.
  4. d) En priorisant sa formation, la prestataire a perdu son emploi et c’est elle-même qui a, par le fait même, créé sa propre situation de chômage. Si elle n’avait pas poursuivi sa formation, elle serait toujours à l’emploi chez son employeur.

Analyse

Départ volontaire :

[19] La Commission a procédé à l’examen des informations additionnelles fournies et a conclu que le bénéfice du doute doit être accordé à l’appelante dans les circonstances. Le 23 octobre 2014, elle a informé le Tribunal qu’elle concédait l’appel sur le litige présenté. Bien que le litige fût concédé par la Commission, le Tribunal doit quand même évaluer la légalité de cette concession et rendre une décision sur le litige dont il est saisi.

[20] Le paragraphe 29c) de la Loi stipule qu’une personne est fondée à quitter volontairement son emploi si elle n’a d’autre solution raisonnable que de partir, compte tenu de toutes les circonstances (Canada (Procureur général) c. Hernandez 2007 CAF 320).

[21] Il incombe donc à l’appelante de démontrer que les raisons la poussant à quitter volontairement son emploi satisfont aux exigences de la Loi. Il s’agit d’une question de faits que le Tribunal doit trancher selon les circonstances particulières de chaque cas.

[22] Dans le présent cas, l’appelante a présenté un témoignage clair et crédible lors de l’audience. Plusieurs informations additionnelles ont été présentées permettant ainsi au Tribunal de mieux comprendre les circonstances entourant la perte d’emploi de l’appelante. Notamment, l’appelante a fait valoir qu’elle n’a jamais quitté volontairement son emploi. Elle s’est absentée pour cause de maladie et la veille de son retour elle a appris qu’elle avait été écartée de l’horaire de travail. Les circonstances entourant sa disponibilité n’ont pas changé et elle souhaitait continuer à travailler.

[23] Le Tribunal est d’accord avec la position révisée de la Commission qu’il y a lieu d’accorder le bénéfice de doute à l’appelante en l’espèce. En vertu du paragraphe 49(2) de la Loi, la Commission doit accorder le bénéfice du doute au prestataire lorsque les éléments de preuve présentés de part et d'autres sont équivalents. D’ailleurs, la CAF a réitéré cette notion dans l’affaire Alcuitas (A-472-03). Or, le Tribunal est d’avis que les faits tel que présentés par l’appelante ne permettent pas de conclure que l’appelante a quitté volontairement son emploi. L’appelante a présenté un témoignage crédible à l’effet qu’elle souhaitait reprendre le travail à la suite de son congé de maladie. Le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a jamais eu l’intention de quitter volontairement son emploi.

[24] Le Tribunal s’appuie sur les affaires Deasson et Easson pour conclure que l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi, il a plutôt été congédié. (Desson 2004 CAF 303 et Easson A-1598-92). Dans l’affaire Easson, la CAF a affirmé :

« En termes juridiques, l'objet de l'appel soumis au conseil arbitral était l'exclusion des prestations en vertu de l'article 28. En interprétant les faits d'une façon légèrement différente, de façon à conclure qu'il s'agissait d'un départ volontaire sans justification plutôt que d'un congédiement, le conseil arbitral ne s'est pas éloigné de la question qui lui était soumise. Le principe selon lequel la compétence du conseil arbitral se limite à traiter de la décision rendue par la Commission, confirmé de nouveau par cette Cour dans l'arrêt Michael Hamilton v. A.G.C. (1989), 91 N.R. 144, a été respecté. » (Easson A-1598-92).

[25] Or, le Tribunal a examiné le présent litige sous l’angle de l’inconduite

Inconduite :

[26] Pour démontrer qu’il y eu de l’inconduite, le fardeau incombe à l’employeur et la Commission de démontrer que l’appelant savait ou devait savoir que son comportement était répréhensible et incompatible avec son emploi. Or, dans le présent cas, le Tribunal est d’avis que l’employeur et la Commission ne se sont pas déchargés de ce fardeau avec la preuve présentée. Les éléments de preuve dans le dossier démontrent que l’appelante a été congédiée pour s’être absentée de son emploi pour cause de maladie.

[27] Le Tribunal s’appuie sur la CAF qui précise que dans un cas d’inconduite, le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur (Canada (Procureur Général) c. Mishibinijima 2007 CAF 85. La preuve présentée lors de l’audience ne permet pas de conclure que l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur. Compte tenu du fait que l’appelante s’est présentée au travail pour connaître son horaire de travail et qu’elle était disponible pour reprendre ses tâches de superviseure ou caissière, le Tribunal est d’avis que l’appelante ne pouvait pas s’attendre à perdre son emploi.

[28] Le Tribunal s’appuie sur la CAF qui a déterminé que pour constituer de l’inconduite en vertu de la Loi, il faut que l’acte reproché ait un caractère volontaire ou délibéré ou résulte d’une insouciance telle qu’il frôle le caractère délibéré. Il s’agit donc d’un comportement répréhensible, délibéré et, par définition, le caractère délibéré implique l’entêtement à agir comme bon lui semble (Canada (Procureur Général) c. Tucker 1986 CAF 381. Le Tribunal est d’avis que la preuve présentée par les parties ne permet pas de conclure que le comportement de l’appelante était insouciant, frôlant ainsi le caractère volontaire.

[29] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas perdu son emploi suite à sa propre inconduite en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli.

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