Assurance-emploi (AE)

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Comparutions

Le prestataire et l’employeur ont comparus seuls lors de l’audience.

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel du prestataire et conclut qu’il doit être exclu du bénéfice des prestations en vertu de l’application des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

Introduction

[2] Le prestataire a déposé une demande de prestations régulières le 25 juin 2014 (pièce GD3-15). Le 7 août 2014, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») avise l’employeur par écrit que des prestations d’assurance-emploi seront versées au prestataire parce que l’employeur n’a pas fourni suffisamment de renseignements pour démontrer que celui-ci a perdu son emploi en raison de son inconduite (pièce GD3-20). Le 5 septembre 2014, l’employeur a demandé à la Commission que cette décision initiale soit révisée (pièce GD3-22). Le 17 octobre 2014, la Commission communique au prestataire et à l’employeur qu’elle remplace sa décision, ce qui veut dire qu’elle exclut le prestataire des prestations d’assurance-emploi (pièces GD3-70 et 71). Le prestataire fait donc appel de la décision de la Commission auprès de ce Tribunal (pièces GD2).

Mode d'audience

[3] L’audience s’est tenue en personne pour les motifs énoncés dans l’avis d’audience (pièce GD1-1). En outre, parce que la crédibilité des parties figurera peut-être au nombre des questions principales, de l’information au dossier, y compris la nature de l’information manquante ou la nécessité d’obtenir des clarifications et finalement et finalement, du fait que l’employeur a été mis en cause.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit déterminer si le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 & 30 de la Loi.

Droit applicable

[5] Les paragraphes 29a) et b) de la Loi indiquent que pour l'application des articles 30 à 33, un « emploi » (a) s'entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations et que la suspension (b) est assimilée à la perte d'emploi, mais n'est pas assimilée à la perte d'emploi la suspension ou la perte d'emploi résultant de l'affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l'exercice d'une activité licite s'y rattachant.

[6] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[7] Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit que sous réserve des paragraphes (3) à (5), l’exclusion doit être purgée au cours des semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent le délai de carence pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas touchée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

[8] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Larivée (2007 CAF 312), la Cour d’appel fédérale établit que pour décider si les agissements du prestataire constituent une inconduite justifiant son congédiement, il faut essentiellement examiner et apprécier les faits.

[9] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Tucker (A-381-85), la Cour précise ce qui constitue de l’inconduite. Ainsi la Cour a établi que pour « (…) constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement. »

[10] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Hastings (2007 CAF 372), la Cour qualifie et raffine la notion d’inconduite. Ainsi la Cour a établi qu’il « (…) y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié. »

[11] Dans l’affaire McKay-Eden c. Canada (Procureur général) (A-402-96), la Cour appuie la jurisprudence constante en examinant principalement l’aspect de l’acte volontaire ou de l’insouciance.

[12] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. McNamara (2007 CAF 107) la Cour soutient que le lien entre l’emploi et l’inconduite est un lien de causalité et non un lien de simultanéité.

[13] Dans les affaires Canada (Procureur général) c. Cartier (2001 CAF 274) et Smith c. Canada (Procureur général) (A-875-96), entre autre, la Cour soutient qu’il doit y avoir un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte d’emploi. Il faut que l’inconduite cause la perte d’emploi et qu’elle en soit une cause opérante. Il faut également, en plus de la relation causale, que l’inconduite soit commise par le prestataire alors qu’il était à l’emploi de l’employeur et qu’elle constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail.

Preuve

[14] La preuve contenue au dossier est la suivante :

  1. a) une défense demande reconventionnelle du prestataire devant la Cour supérieure (pièce GD2-6 à 10);
  2. b) une demande de prestations régulière datée du 25 juin 2014 (pièce GD3-15);
  3. c) un relevé d’emploi provenant de l’employeur dont la dernière journée travaillée est le 24 février 2014 et dont la cote d’émission est le « M » ou congédiement (pièce GD3-17);
  4. d) une lettre de congédiement provenant de l’employeur adressée au prestataire (pièce GD3-24 à 26);
  5. e) une série de courriels échangés entre le prestataire et différents intervenants dans l’entreprise (pièce GD3-23 à 39);
  6. f) une requête introductive d’instance par l’employeur allant à l’encontre du prestataire entre autre (pièce GD3-40 à 44);
  7. g) une copie du contrat de travail du prestataire qu’il a signé le 15 novembre 2011 (pièce GD3-48 à 52);
  8. h) un addendum au contrat de travail sur les sommes payables au prestataire sur les contrats de l’employeur (pièce GD3-53);
  9. i) un addendum au contrat de travail sur les sommes payables au prestataire sur les contrats de l’employeur (pièce GD3-54 et 55);
  10. j) un « communiqué » provenant de l’employeur qui explique certains « changements » dans certains avantages pécuniaires du prestataire au travail (pièce GD3-56 et 57);
  11. k) un interrogatoire après-défense du représentant de l’employeur (pièce GD7-6 à 111).

Arguments des parties

[15] Le prestataire a fait valoir :

  1. a) que l’employeur n’était pas en mesure de lui offrir du travail et qu’il a accepté du travail de la part d’un ancien collègue (pièce GD3-7);
  2. b) que l’employeur l’a congédié pour « mauvaise attitude » (pièce GD3-7);
  3. c) que l’employeur a refusé toute médiation quand il a déposé une plainte aux normes du travail (pièce GD3-8);
  4. d) qu’il a fait trois heures de travail pendant sa dernière semaine de travail (pièce GD3-9);
  5. e) qu’il a travaillé pour un collègue de travail parce que l’employeur n’avait pas de travail pour lui (pièce GD3-18);
  6. f) qu’il a averti l’employeur qu’il allait travailler ailleurs pendant une semaine et qu’il l’a congédié pour cette raison (pièce GD3-18);
  7. g) que comme l’employeur ne respectait pas le contrat de travail, il le pensait pas qu’il devait lui-même les respecter (pièce GD3-18);
  8. h) qu’il ne savait pas qu’il serait congédié car d’autres employés travaillaient pour d’autres organisations (pièce GD3-18);
  9. i) qu’il ne sollicitait pas les contrats de l’employeur pour une autre firme (pièce GD3-18);
  10. j) que l’employeur a tenté de lui faire signer une nouvelle entente salariale et qu’il a refusé (pièce GD3-18);
  11. k) que l’employeur a tenté de lui faire payer la perte d’une carte de guichet et qu’il a refusé (pièce GD3-18);
  12. l) qu’il a refusé de signer l’entente salariale parce que selon cette nouvelle entente, il pouvait l’envoyer chez un client pour une courte période et ne pas avoir à le payer plus que pour les heures effectuées (pièce GD3-60);
  13. m) que quand il a accepté le contrat de son ancien collègue de travail, il ne savait pas de quel client il s’agissait (pièce GD3-60);
  14. n) que s’il avait su qu’il s’agissait d’un client de l’employeur, il n’aurait pas accepté ce mandat (pièce GD3-61);
  15. o) que l’entente de travail avec l’employeur est caduque, qu’il n’avait pas de travail, qu’il devait travailler (pièce GD3-68);
  16. p) qu’à l’étape de l’analyse est bien avant sa propre tâche de travail pour l’employeur (Audience);
  17. q) qu’il n’a jamais eu d’avis verbaux ou écrits de la part de l’employeur (Audience);
  18. r) que les clauses du contrat sont illégales et que la Commission n’a pas la compétence pour les juger (Audience);
  19. s) qu’entre le 25 janvier 2014 et le 25 mars 2014, l’employeur ne lui a offert que deux journées de travail entières (Audience);
  20. t) que l’employeur a tenté de changer unilatéralement le contrat de travail (Audience);
  21. u) qu’au moment de s’en aller chez le client du concurrent de l’employeur, il ne sait pas que c’est un « prospect » de l’employeur, car il ne connait pas les méthodes de prospection de l’employeur (Audience);
  22. v) qu’il ne voulait pas signer de documents qui le désavantagent et qui sont possiblement illégaux (Audience);
  23. w) qu’il ne voulait pas quitter l’entreprise, mais qu’il voulait travailler (Audience);
  24. x) qu’il est impuissant si un contrat fait un « flop » (Audience).

[16] L’employeur a fait valoir :

  1. a) que le prestataire a été congédié pour refus de travailler, refus de se conformer aux politiques, méconduite (sic.) et concurrence illégale (pièce GD3-22);
  2. b) que le prestataire a été congédié car il a été trouvé à faire son travail pour un concurrent chez un client de l’employeur (pièce GD3-45);
  3. c) que le mois de février 2014 a été une période très creuse pour l’entreprise (pièce GD3-45);
  4. d) que s’il avait eu à congédier le prestataire à cause de son attitude, il l’aurait fait depuis longtemps (pièce GD3-45);
  5. e) qu’il avait eu l’information selon laquelle ses employés étaient chez ce client et qu’il a voulu aller confirmer cette information (pièce GD3-62);
  6. f) quel le client en question n’était contractualisé, mais que des « analyses » avaient été faites par sa société (pièce GD3-62);
  7. g) que si le prestataire avait été disponible pour travailler pour l’employeur dans la semaine où il s’est déclaré indisponible, qu’il aurait eu quatre ou cinq mandats à effectuer (pièce GD3-62);
  8. h) qu’il n’y a qu’un seul de ses consultants qui pouvait travailler à l’extérieur de l’entreprise et que l’employeur a contrat particulier avec lui (pièce GD3-63);
  9. i) que le prestataire a été congédié parce qu’il travaillait pour un concurrent de l’employeur, qu’il effectuait des tâches qu’il aurait effectué pour l’employeur mais chez ce concurrent et finalement, qu’il effectuait son travail pour ce concurrent chez un client de l’employeur (pièce GD3-63);
  10. j) que lors de l’embauche, il n’a jamais été mentionné au prestataire qu’il devait acquérir une voiture, mais bien qu’il devait se déplacer (Audience);
  11. k) que lors de l’embauche, qu’il a été promis un prestataire entre 50 et 70k $ par année de salaire selon un horaire normal (Audience);
  12. l) que durant la période entre le 25 janvier et le 25 mars 2014, le prestataire s’est vu octroyé trois contrats qui ont avortés dès la première journée et que c’est très rare (Audience);
  13. m) qu’un mandat rapporte plus ou moins 100 heures de travail pour 3500 $ en deux semaines (Audience);
  14. n) que la seule personne qui a refusé de signer le communiqué, c’est le prestataire (Audience);
  15. o) que le communiqué a été créé pour conforter les consultants (Audience);
  16. p) que l’attitude du prestataire n’était pas telle qu’elle aurait justifié un congédiement (Audience);
  17. q) que l’élément déclencheur de son congédiement, c’est d’avoir rencontré le prestataire chez un client de l’employeur (Audience);
  18. r) que le dossier sur lequel le prestataire travaillait pour quelqu’un d’autre, a été volé à l’employeur (Audience);
  19. s) que le contrat d’emploi de l’entreprise indique que si un employé quitte les services de l’employeur, il ne peut travailler sur le territoire de la province de Québec dans le même domaine pendant une période d’un (1) an (Audience);
  20. t) que le prestataire n’a jamais dit qu’il quittait, mais qu’il est parti quitter pour un concurrent direct de l’employeur (Audience);
  21. u) que le concurrent en question est un noyau d’ancien employés de l’employeur et qu’ils font affaire avec les clients ou anciens clients de l’employeur (Audience);
  22. v) que l’employeur n’a pas émis le contrat qui est en partie en litige aujourd’hui par mauvaise foi, à l’époque de l’ouverture de la compagnie, il s’agissait d’un contrat qu’il avait lui-même signé chez son ancien employeur et qu’il le croyait légal (Audience).

[17] L’intimée a soutenu :

  1. a) que le congédiement a été provoqué parce que le 25 mars 2014 le prestataire a travaillé pour une entreprise concurrente à son employeur, il a fait le même travail qu’il aurait fait pour son employeur pour un client appartenant à son employeur (pièce GD4-6);
  2. b) que l’entente de travail de l’employeur prévoyait des clauses de non-concurrences et que le prestataire avait signé et connaissait son entente de travail (pièce GD4- 7);
  3. c) que le prestataire a indiqué lors de sa première déclaration qu’étant donné que l’employeur ne respectait pas son entente de travail, qu’il ne verrait pas pourquoi il la respecterait lui-même (pièce GD4-7).

Analyse

Arguments des parties

La Commission

[18] Dans cette cause, la Commission argue que le congédiement a été « provoqué » le 25 mars 2014, parce que le prestataire a travaillé pour une entreprise concurrente à son employeur. Selon la Commission, le prestataire aurait fait le même travail qu’il aurait fait pour son employeur, mais pour un concurrent qui avait décroché un contrat chez un client appartenant à son employeur. Pour la Commission, l’entente de travail de l’employeur prévoyait des clauses de non-concurrences que le prestataire avait signées et qu’il connaissait. Il est de l’avis de la Commission que le prestataire a indiqué lors de sa première déclaration que comme l’employeur ne respectait pas son entente de travail, qu’il ne verrait pas pourquoi il la respecterait lui-même.

L’employeur

[19] L’employeur quant à lui affirme que le prestataire a été congédié pour refus de travailler, pour refus de se conformer aux politiques, pour méconduite (sic.) et finalement, pour concurrence illégale. L’employeur affirme en outre que le prestataire avait généralement une attitude souvent opposée aux propositions de l’employeur. Toutefois, c’est parce qu’il a été trouvé à faire son travail pour un concurrent chez un client de l’employeur qu’il a été congédié. L’employeur affirme que s’il avait eu à congédier le prestataire à cause de son attitude, il l’aurait fait depuis longtemps.

[20] L’employeur explique que le mois de février 2014 a été une période très creuse pour l’entreprise. Pour « rassurer » (sic.) ses employés, l’employeur a émis un « communiqué » par lequel il expliquait une nouvelle façon de se faire payer si l’entreprise n’attribuait pas de travail à son personnel. Le prestataire aurait refusé de signer ce communiqué parce qu’il affirme que cela aurait été à son désavantage et qu’il s’est déclaré indisponible pendant une semaine. L’employeur déclare à la Commission et au Tribunal que lors de la semaine où le prestataire était indisponible, le prestataire se serait vu octroyé quelques contrats.

[21] Sur la question du salaire, l’employeur affirme qu’il a été dit au prestataire que s’il travaillait pour l’entreprise, il ferait entre 50 et 70 000 $ par année, ce que le prestataire a fait dans une année où il a pris près de deux mois de vacances. Sur la question du contrat de travail, le contrat d’emploi de l’entreprise indique que si un employé quitte les services de l’employeur, il ne peut travailler sur le territoire de la province de Québec dans le même domaine pendant une période d’un (1) an. L’employeur n’aurait pas émis le contrat dont certains termes sont en litige aujourd’hui par mauvaise foi. L’employeur explique qu’à l’époque de l’ouverture de la compagnie, il s’agissait d’un contrat qu’il avait lui-même signé chez son ancien employeur et qu’il le croyait légal.

Le prestataire

[22] Le prestataire pour sa part indique que l’employeur n’était pas en mesure de lui offrir du travail et qu’il a accepté du travail de la part d’un ancien collègue. Selon le prestataire, l’employeur l’a congédié pour « mauvaise attitude » et que ce dernier a refusé toute médiation quand il a déposé une plainte aux normes du travail. Selon le prestataire, il a averti l’employeur qu’il allait travailler ailleurs pendant une semaine et qu’il l’a congédié pour cette raison. Le prestataire déclare que comme l’employeur ne respectait pas le contrat de travail, il le pensait pas qu’il devait lui-même le respecter.

[23] Le prestataire affirme qu’il ne savait pas qu’il serait congédié s’il allait travailler ailleurs, car d’autres employés travaillaient pour d’autres organisations. Il affirme en outre ne pas avoir sollicité de contrats de l’employeur pour une autre firme. Le prestataire affirme ne pas avoir su que le client de son collègue de travail, devenu travailleur indépendant, était un « prospect » de son employeur. Il déclare par ailleurs qu’il y avait un certain cloisonnement entre les différentes professions dans l’entreprise et que la prospection ne lui était pas familière.

[24] Sur le contrat de travail, le prestataire affirme qu’il est caduc et que comme il n’avait pas de travail, il devait travailler. Il croit les clauses du contrat de travail illégales et que la Commission n’a pas la compétence pour les juger. Pour le prestataire, l’employeur a tenté de changer unilatéralement le contrat de travail et que lui, n’a pas accepté cela. Le prestataire confirme qu’il ne voulait pas signer de documents qui le désavantagent et qui sont possiblement illégaux. Le prestataire affirme qu’entre le 25 janvier 2014 et le 25 mars 2014, l’employeur ne lui a offert que deux journées de travail entières et qu’il ne voulait pas quitter l’entreprise, mais qu’il voulait travailler.

L’analyse du Tribunal

[25] Dans cette cause, le Tribunal est d’avis que la Commission a prouvé une inconduite de la part du prestataire. Le Tribunal est d’avis qu’en évaluant les faits, il serait périlleux d’en venir à la conclusion que le prestataire n’a pas commis une inconduite au sens de la Loi.

[26] Dans ce litige, soulever la légalité d’un contrat de travail peut avoir une influence certaine à l’issue d’une cause, mais faut-il encore que la partie qui soulève ce doute puisse faire la preuve de ce qu’il avance. Dans cette cause, le prestataire ne fait pas la preuve que le contrat de l’employeur est illégal ou « caduc » tel qu’il l’entend. Le Tribunal reconnait par ailleurs qu’il est un droit de gestion de l’employeur de modifier un contrat de travail à l’intérieur des balises que lui confèrent les lois territoriales applicables. Toutefois, il est aussi du droit d’un employé de refuser d’exécuter un contrat de travail s’il le souhaite. Cependant, il doit être clair que le refus d’un employé de se conformer à ce contrat de travail modifié crée des contraintes, dont celle ultime qui est le congédiement. Quant à la compétence de la Commission, le Tribunal juge que cette dernière a l’autorité de juger de toute documentation pertinente qui lui est présentée par les parties dans le cadre d’une demande de prestations. Dans quel cas, ci-inclus ledit contrat dans cette cause par exemple.

[27] Dans la cause devant le Tribunal, ce sont les actes du prestataire à dans la transgression des limitations qu’instaure ce contrat de travail qui créent, ou non, le litige d’inconduite. Dans ce contrat de travail, il est mention que le prestataire ne doit pas directement ou indirectement exercer sa profession sur le territoire où il a travaillé pour l’entreprise (pièce GD3-51). Selon la définition qu’en fait l’employeur, il semble que ce soit l’entièreté de la province de Québec et du Nouveau-Brunswick qui soit visé par cette clause.

[28] Même s’il est d’avis du Tribunal que cette clause est extrêmement limitative d’un point de vue de l’emploi, le mandat du Tribunal n’est pas de juger ou de reconnaitre si oui ou non le contrat de travail du prestataire est légal ou illégal en vertu d’une loi provinciale. Le rôle du Tribunal dans cette cause est de décider si oui ou non le prestataire savait ou devait savoir que s’il faisait le geste qu’il a fait, il serait congédié à cause de l’application des clauses de ce contrat.

[29] Le Tribunal est convaincu que de violer ladite condition de son contrat, dans les circonstances propres à cette cause, au moment d’écrire ces lignes, revient à dire que le prestataire a commis un geste d’inconduite. Le prestataire ayant eu peu d’assignations de la part de son employeur s’est obligé, il est son droit, de rechercher de l’emploi le temps que l’employeur puisse lui offrir une tâche adéquate. Toutefois, le prestataire a fait fi du libellé de son contrat de travail et a accepté du travail chez un concurrent de l’employeur dans une tâche tout à fait similaire à la sienne.

[30] Pour le Tribunal, le simple fait d’avoir été découvert, par l’employeur, à travailler pour un concurrent de l’entreprise dans le même champ d’activité où il intervenait habituellement, compose les motifs d’une inconduite. Le prestataire devait fort bien savoir qu’il transgressait le contrat de travail qu’il avait signé avec son employeur. Le prestataire y va d’ailleurs d’une affirmation, non-contestée lors de l’audience, au début de l’enquête de la Commission qui laisse à penser qu’il est tout à fait conscient de ses gestes :

« Il (le prestataire) dit qu’on spécifie sur le contrat de travail qu’il n’a pas le droit de travailler pour la concurrence, cependant on spécifie qu’il gagnerait 70 000 $ par année. Comme l’employeur ne respectait pas les clauses du contrat, il ne pensait pas qu’il devait les respecter. » (Troisième paragraphe GD3-18)

[31] Pour le Tribunal, chercher un autre emploi que celui que l’on détient n’est pas une inconduite, chercher à faire un salaire n’est pas capricieux et travailler pour un concurrent d’un ex-employeur n’est pas anormal. Là n’est pas la question. Toutefois, le prestataire devait savoir que son geste, soit de travailler avec d’anciens collègues de travail dans un domaine concurrentiel à celui de l’employeur, pourrait le voir congédié au terme de son contrat de travail avec son employeur. Pour le Tribunal, le prestataire n’a pas tenu compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement tel que l’arrêt Tucker (A-381-85) l’exprime et savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié tel que l’arrêt Hastings (2007 CAF 372) l’expose.

[32] Outre les motifs précédents, et l’employeur le confirme, ce n’est ni l’attitude du prestataire, ni sa non-disponibilité lors d’une période précise qui déclenche sa mise à pied, mais bien le fait que le prestataire se retrouve sur les lieux d’une rencontre où ce dernier accompagne et travaille pour des concurrents de l’employeur au moment où il est encore à l’emploi de ce dernier. Pour le Tribunal, l’inconduite du prestataire est donc une cause opérante de son congédiement au terme de l’arrêt Cartier (2001 CAF 274).

Conclusion

[33] L’appel est rejeté.

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