Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelante, madame Y. C., était présente en compagnie de son représentant monsieur Dany Pascazio de la CSN.

[2] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience En personne pour les raisons énoncées dans l’avis d’audience daté du 2 septembre 2014.

[3] La Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a déterminé que l’appelante avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite et a imposé une exclusion à compter du 9 mars 2014.

[4] L’appelante a présenté une demande de révision et le 23 juillet 2014, la Commission a maintenu la décision initiale.

[5] L’appelante a logé un appel au Tribunal de la Sécurité sociale(le Tribunal) le 5 août 2014.

Question en litige

[6] Le Tribunal doit déterminer si l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi).

Droit applicable

[7] Les paragraphes 29 a) et b) de la Loi prévoient que:

Pour l'application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s'entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d'emploi, mais n'est pas assimilée à la perte d'emploi la suspension ou la perte d'emploi résultant de l'affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l'exercice d'une activité licite s'y rattachant;

[8] Et le paragraphe 30(1) de la Loi quant à lui prévoit que:

Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite ou s'il quitte volontairement un emploi sans justification

Preuve

De la Commission au dossier

[9] Une demande initiale de prestations d’assurance-emploi a été établie à compter du 9 mars 2014.

[10] L’appelante était préposée aux bénéficiaires.  L’employeur Résidences N. a mis fin à son emploi à la suite d’une altercation avec une collègue de travail (pages GD3-3 à GD3-20, GD3-21 et GD3-22).

[11] L’employeur fournit 3 documents décrivant le comportement reproché à l’appelante dans le cadre de son travail.

  1. 27 août 2013 : avertissement écrit, comportement agressif envers une collègue de travail. Référence faite au code d’éthique en vigueur chez l’employeur (GD3-25);
  2. 17 décembre 2013 : comportement violent (frappé une résidente le 02 décembre 2013. Suspension de trois (3) jours pour non-respect des politiques et règlements en vigueur chez l’employeur. En cas de récidive, fin d’emploi sans autre avis (GD3-24);
  3. i05 mars 2014 : comportement violent envers une collègue de travail devant une résidente. Le code d’éthique de la résidence ne tolère en aucun cas la violence au travail. Le lien de confiance est rompu définitivement (GD3-23).

[12] Pour sa part, l’appelante nie les faits qui lui sont reprochés et déclare que c’est sa collègue de travail, avec laquelle elle ne s’entendait pas, qui a initié le différend en lui donnant un coup de coude (page GD3-26 et GD3-37).

Preuve de l’appelante à l’audience

[13] Le matin de l’évènement, l’appelante se préparait à donner un bain à un résident. Une employée madame M. J. était déjà dans la salle des bains avec une résidente. L’appelante a voulu l’aider, l’autre employée l’a poussé.

[14] L’appelante a voulu appeler de l’aide avec son téléphone cellulaire et madame M. J. lui a arraché des mains. Elle n’a jamais frappé sa collègue avec la porte battante.

[15] L’appelante nie aussi les 2 autres évènements apparaissant à son dossier soit ceux du 27 août  et du 17 décembre 2013.

[16] Elle déclare avoir été nommée Employée Coup de Cœur en 2013 comme le démontre l’attestation remise par l’employeur (page GD8-2).

[17] Elle affirme être victime de persécution, d’abus et de dénonciations mensongères de la part de ses collègues de travail.

[18] L’appelante déclare que l’employeur aurait ouvert sa case en coupant le cadenas et qu’on lui aurait pris 500$. Cet argent lui aurait été restitué par chèque par l’employeur en janvier 2014

[19] Elle a fait un rapport de d’évènement  accidentel le jour de l’évènement.

[20] Elle a aussi appelé la police pour un constat et a fait effectuer un rapport d’examen par l’infirmière auxiliaire de la résidence madame N. M. afin de prouver qu’elle avait des ecchymoses (page GD3-34)

Arguments des parties

[21] Le représentant de l’appelante a fait valoir a fait valoir que

  1. Il existe un climat de travail malsain chez l’employeur;
  2. par le passé, l’appelante a dénoncé des comportements inadéquats de ses collègues de travail et depuis elle est victime de représailles;
  3. les collègues de travail de l’appelante ont menti en prétendant qu’elle avait déjà frappé une résidente et menacé une collègue ;
  4. l’employeur n’a jamais été témoin des faits reprochés mais il accrédite la version des autres employés plutôt que celle de l’appelante ;
  5. l’appelante a vécu une situation d’abus de la part de la collègue de travail, madame M. J., avec laquelle a eu lieu l’altercation qui a causé son congédiement. C’est cette même personne qui l’avait accusé de menaces et de comportement violent en 2013;
  6. l’appelante n’as pas parlé avec son employeur de la situation qu’elle décrit, elle croyait que tout allait se replacer, que c’était des enfantillages et elle n’a rien fait ;
  7. l’employeur prétend avoir une vidéo de la scène mais ne l’a jamais fourni en preuve. De plus, l’appelante et son représentant syndical nient avoir visionné la dite bande vidéo ;
  8. le rapport d’évènement accidentel démontre la présence d’ecchymoses sur le corps de l’appelante, elle ne peut donc être l’assaillante mais bien la personne qui a subi des violences.

[22] La Commission intimée a soutenu que :

  1. La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel il y a inconduite lorsque le comportement du prestataire était délibéré, dans le sens où les gestes ayant mené au congédiement étaient conscients, délibérés ou intentionnels ;
  2. l’employeur est disposé à fournir une preuve de l’enregistrement de l’évènement et a soumis à la Commission les avis versés au dossier de l’appelante ;
  3. selon la déclaration de l’employeur, l’appelante et le représentant syndical ont été invités à visionner la bande vidéo (page GD3-39) ;
  4. l’appelante a été congédiée suite à une altercation physique avec une résidente et une collègue de travail survenue le 05 mars 2014. L’évènement fait suite à des avertissements précédents de l’employeur, le 27 août 2013 un avertissement écrit au dossier et le 17 décembre 2013 une suspension de trois (3) jours, les 11, 12 et 13 décembre 2013 pour non-respect des politiques et règlements en vigueur chez l’employeur ;
  5. l’appelante avait été avisée le 17 décembre 2013 qu’un autre évènement de la sorte la mènerait au congédiement sans autre avis, elle n’en  n’a pas tenu compte ;
  6. dans le présent dossier, la Commission estime que l’employeur rencontre son fardeau de preuve, les fautes de l’appelante entrent en conflit d’intérêt avec les activités de l’employeur et portent atteinte à la relation de confiance entre les parties

Analyse

[23] Il n’y a pas de définition d’inconduite dans la Loi. La jurisprudence l’a toutefois définie ainsi : Pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement du travail (Tucker A-381-85).

[24] En matière d’inconduite, les Tribunaux ont maintes fois souligné que les manquements à la conduite reprochée doivent être graves. Une conduite répréhensible ne constitue pas nécessairement une inconduite. L’inconduite est un manquement d’une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement (Locke 2003 CAF 262; Cartier 2001 CAF 274; Gauthier A-6-98; Meunier A 130 96).

[25] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, il n’est pas nécessaire que le comportement en cause résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’acte répréhensible ou l’omission reproché à l’intéressée soit « volontaire », c’est-à-dire conscient, délibéré ou intentionnel (Caul 2006 CAF 251; Pearson 2006 CAF 199; Bellavance 2005 CAF 87; Johnson 2004 CAF 100; Secours A-352-94; Tucker A-381-85).

[26] Il incombe à la Commission et/ou à l’employeur (seulement si l’employeur est l’appelant) de prouver (selon la prépondérance des probabilités) que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Pour ce faire, le Tribunal doit être convaincu que l’inconduite était le motif et non l’excuse du congédiement, et pour satisfaire à cette exigence, il doit arriver à une conclusion de fait après avoir examiné attentivement tous les éléments de preuve (Bartone A-369-88; Davlut A-241-82, [1983] C.S.C.R. 398).

[27] La preuve de l’élément psychologique est nécessaire. La conduite du prestataire doit être délibérée ou à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré (McKay-Eden A-402-96; Jewell A-236-94; Brissette A-1342-92; Tucker A-381-85; Bedell A-1716-83

[28] Dans (Mishibinijima c. Canada (P.G.) 2007 CAF 36,) la Cour d’appel fédérale écrit: il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[29] C’est à la lumière de ces grands principes jurisprudentiels que je ferai mon analyse dans cette cause.

[30] Tout d’abord, je dispose des arguments des deux parties sur l’existence d’une vidéo que l’employeur détient et qui prouverait que l’appelante a commis la faute reprochée.

[31] Cette vidéo n’ayant pas été déposée en preuve au dossier, je n’en tiendrai pas compte.

[32] J’écarte aussi les arguments du représentant de l’appelante voulant que la présence d’ecchymoses sur le corps de l’appelante signifie qu’elle n’a pas agressé une collègue de travail mais bien qu’elle était la personne agressée.

[33] Que l’appelante ait produit un rapport d’évènement accidentel en demandant à l’infirmière auxiliaire de constater qu’elle avait des ecchymoses ne prouvent pas que l’appelante n’a pas posé les gestes reprochées. On peut simplement en déduire qu’elle a donné cette version des faits à l’infirmière en poste et que cette dernière a constaté la présence d’ecchymoses.

[34] J’ai examiné la pièce GD8-1 déposée en preuve par l’appelante lors de l’audience. Il d’agit d’une copie d’un rapport d’évènement des services de police de la Ville de Montréal, mais sans date ou autre indication.

[35] Sur ce même document, on y voit copie de ce qui semble être le versement d’une somme de 300$ à l’appelante, mais sans autre précision. Je n’accorde pas de valeur probante à ce document.

[36] Pour que le Tribunal puisse conclure à l’inconduite, il doit disposer des faits pertinents et d’une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre, d’abord, de savoir comment l’employé a agi et, ensuite, de juger si ce comportement était répréhensible (Meunier A-130-96; Joseph A-636-85).

[37] Qu’en est-il dans le présent dossier ?

[38] En réfléchissant aux prétentions de l’appelante, le Tribunal en vient à comprendre que celle-ci prétend être une victime à répétition de collègues de travail.

[39] S’il faut en croire l’appelante, ces collègues et plus  particulièrement  la dénommée madame M. J. ont convaincu l’employeur à 3 reprises que l’appelante avaient posé des gestes violents sur les lieux de son travail.

[40] Mais il ressort de la preuve que l’appelante n’aurait pas discutée de cette situation avec l’employeur. Ainsi, elle n’aurait pas contesté les précédents avis émis le 27 août 2013 et 17 décembre 2013, ni auprès de l’employeur ni auprès de son syndicat et ce, malgré qu’elle ait été suspendue de son travail pour de tels manquements.

[41] Ce n’est qu’en juin 2014, après son congédiement, que l’appelante aurait fait appel à son syndicat  pour la représenter.

[42] Les explications de l’appelante ne m’ont pas convaincu.  La situation qu’elle me décrit est plus qu’improbable et ne repose sur aucun élément de preuve. Je note aussi qu’aucun témoin ne peut corroborer sa version des faits.

[43] Je constate que l’employeur a présenté une preuve circonstanciée s’échelonnant du mois d’août 2013 au mois de mars 2014, démontrant que l’appelante avait un comportement violent inacceptable dans son cadre de travail.

[44] J’estime que l’appelante savait qu’elle risquait le congédiement si de tels gestes se répétaient.  Elle en avait été formellement avisée par l’employeur.

[45] La preuve de l’élément psychologique est ici faite et l’ensemble de la preuve démontre que les gestes posés par l’appelante étaient volontaires, délibérés ou relevaient d’une telle insouciance qu’elle a volontairement décidé de ne pas tenir comptes des répercussions de ces actes sur son rendement du travail. Tout ceci constitue clairement de l’inconduite au sens de la Loi.

[46] Le Tribunal conclut que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite aux termes des articles 29 et 30 de la Loi. De ce fait, l’exclusion imposée s’applique

Conclusion

[47] L’appel est rejeté.

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