Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions en personne

Mme A. K., l’appelante (la prestataire) a participé à l’audience.

Introduction

[1] Le 22 octobre 2014, la prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. Le 31 octobre 2014, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a refusé à la prestataire le bénéfice de prestations spéciales au motif qu’elle ne comptait pas suffisamment d’heures d’emploi assurable pour y avoir droit. Le 1er décembre 2014, la prestataire a présenté une demande de révision. Le 16 décembre 2014, la Commission a maintenu sa décision et la prestataire a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada(le « Tribunal »).

[2] L’audience a été tenue par comparution en personne pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la question soulevée en appel;
  • les renseignements au dossier, y compris la nature des renseignements manquants et la nécessité d’obtenir des clarifications;
  • le caractère économique et opportun du choix du mode d’audience.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si la prestataire compte suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible à des prestations d’assurance-emploi en application de l’article 7 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») et du paragraphe 93(1) du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »).

Droit applicable

[4] Le paragraphe 7(1) de la Loi est ainsi libellé :

(1) Les prestations de chômage sont payables, ainsi que le prévoit la présente partie, à un assuré qui remplit les conditions requises pour les recevoir.

[5] Le paragraphe 7(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

(2) L’assuré autre qu’une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois :

  1. a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;
  2. b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures indiqué au tableau qui suit en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable:
Tableau
Taux régional de chômage Nombre d’heures d’emploi assurable requis au cours de la période de référence
6 % et moins 700
plus de 6 % mais au plus 7 % 665
plus de 7 % mais au plus 8 % 630
plus de 8 % mais au plus 9 % 595
plus de 9 % mais au plus 10 % 560
plus de 10 % mais au plus 11 % 525
plus de 11 % mais au plus 12 % 490
plus de 12 % mais au plus 13 % 455
plus de 13 % 420

[6] Le paragraphe 7(3) de la Loi stipule ceci :

(3) L’assuré qui est une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois :

  1. a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;
  2. b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins neuf cent dix heures.

[7] Le paragraphe 7(4) de la Loi prévoit ce qui suit :

(4) La personne qui devient ou redevient membre de la population active est celle qui, au cours de la période de cinquante-deux semaines qui précède le début de sa période de référence, a cumulé, selon le cas :

  1. a) moins de quatre cent quatre-vingt-dix heures d’emploi assurable;
  2. b) moins de quatre cent quatre-vingt-dix heures au cours desquelles des prestations lui ont été payées ou lui étaient payables, chaque semaine de prestations se composant de trente-cinq heures;

[8] Le paragraphe 8(1) de la Loi stipule que, sous réserve des paragraphes (2) à (7), la période de référence d’un assuré est la plus courte des périodes suivantes :

  1. a) la période de cinquante-deux semaines qui précède le début d’une période de prestations prévue au paragraphe 10(1);
  2. b) la période qui débute en même temps que la période de prestations précédente et se termine à la fin de la semaine précédant le début d’une période de prestations prévue au paragraphe 10(1).

[9] Aux termes du paragraphe 8(2), lorsqu’une personne prouve, de la manière que la Commission peut ordonner, qu’au cours d’une période de référence visée à l’alinéa (1)a) elle n’a pas exercé, pendant une ou plusieurs semaines, un emploi assurable pour l’une ou l’autre des raisons ci‑après, cette période de référence est prolongée d’un nombre équivalent de semaines :

  1. a) elle était incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure, d’une mise en quarantaine ou d’une grossesse prévue par règlement;
  2. b) elle était détenue dans une prison, un pénitencier ou une autre institution de même nature et n’a pas été déclarée coupable de l’infraction pour laquelle elle était détenue ni de toute autre infraction se rapportant à la même affaire;
  3. c) elle recevait de l’aide dans le cadre d’une prestation d’emploi;
  4. d) elle touchait des indemnités en vertu d’une loi provinciale du fait qu’elle avait cessé de travailler parce que la continuation de son travail la mettait en danger ou mettait en danger son enfant à naître ou l’enfant qu’elle allaitait.

[10] Le paragraphe 93(1) du Règlement stipule que l’assuré qui ne remplit pas les conditions formulées à l’article 7 de la Loi et qui demande des prestations spéciales remplit les conditions pour les recevoir si, à la fois :

  1. a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;
  2. b) il a accumulé, au cours de sa période de référence, au moins six cents heures d’emploi assurable.

Preuve

[11] Dans son avis d’appel, la prestataire a déclaré que son cas était une circonstance exceptionnelle et qu’elle devrait être admissible à des prestations pour parents d’enfants gravement malades. Elle a déclaré qu’en raison d’une question de pure forme, elle n’est pas admissible à des prestations qui ont été créées précisément pour cette raison. Manifestement, le programme comporte des failles. Elle a déclaré qu’elle n’interjetait pas appel simplement pour son propre fils et sa famille, mais qu’elle le faisait pour toutes les familles du Canada qui font face à une tragédie lorsque leur enfant tombe gravement malade. Dans son cas, il lui faut compter au moins six cents heures d’emploi assurable, ce qu’elle n’a pas accumulé car elle n’est retournée travailler, après son congé de maternité/parental, que pour huit jours avant que son fils tombe malade (GD2-2).

[12] Un relevé d’emploi indique que la prestataire a été employée par la Fondation du cancer du gouvernement de la Saskatchewan du 12 août au 5 septembre 2014 et qu’elle a quitté son emploi pour s’occuper de sa famille (GD3-19).

[13] Le 24 novembre 2014, la prestataire a déclaré à la Commission qu’elle était retournée travailler pendant huit jours, à l’issue d’un congé parental, puis que son enfant était tombé malade. Elle a déclaré qu’elle vivait beaucoup de stress et a dit croire que si elle n’était pas retournée travailler pendant ces quelques jours, sa période de prestations aurait pu être prolongée ou convertie (GD3-23).

[14] Une autorisation de diffuser un certificat médical aux fins du versement de prestations d’assurance-emploi pour parents d’enfants gravement malades était datée du 18 novembre 2014 (GD3-24 à GD3-25).

[15] Dans sa demande de révision, la prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas cumulé le nombre nécessaire d’heures, mais qu’elle avait travaillé à temps plein pendant de nombreuses années avant son congé de maternité. Elle demande à ce que sa situation soit considérée sous l’angle de circonstances exceptionnelles (GD3-31 à GD3-32).

[16] Le 16 décembre 2014, la prestataire a confirmé à la Commission que son congé de maternité/parental était venu à expiration, qu’elle avait dû retourner au travail, mais qu’elle n’avait pas eu le temps de cumuler suffisamment d’heures pour l’établissement d’une nouvelle demande de prestations lorsque son fils est tombé gravement malade. La Commission a indiqué à la prestataire que si son fils était tombé malade pendant son congé parental, la période de sa demande aurait pu être prolongée (GD3-35).

Observations

[17] L’appelante a plaidé ceci :

  1. Elle comprend que les « prestations pour parents d’enfants gravement malades (PEGM) ont été instaurées très récemment, mais il y a quelques corrections à y apporter.
  2. Les prestations pour PEGM ont été conçues pour aider les familles ayant un enfant gravement malade, or elles ne le font pas.
  3. Elle comprend qu’il lui faut compter six cents heures d’emploi assurable pour être admissible, mais elle n’a pas été en mesure de les cumuler avant que son enfant tombe malade.
  4. Elle avait fini de prendre son congé parental et était retournée travailler pendant huit jours seulement avant que son enfant ne tombe gravement malade.
  5. Si son fils était tombé malade pendant qu’elle était encore en congé parental, sa période de prestations aurait pu être prolongée; toutefois, elle ne pouvait certes pas se douter que son enfant tomberait malade.
  6. Son conjoint travaille à son compte, de sorte qu’il ne lui est pas possible de demander des prestations.
  7. Le gouvernement a fait une bonne chose en instaurant ce programme, mais l’on devrait prendre un peu en considération les cas uniques.
  8. C’est l’enfant qui souffre lorsque les parents se voient refuser des prestations.
  9. Lorsque la vie d’un enfant est en jeu, le système devrait comporter un autre niveau qui tient compte de la compassion et de la compréhension dans des circonstances spéciales.
  10. Ces prestations ne sont peut-être pas une très grande dépense pour le gouvernement, mais elles sont du plus grand secours pour les familles qui ont un enfant gravement malade.

[18] L’intimée a plaidé ceci :

  1. La Commission a déterminé que la prestataire n’était pas une personne devenue ou redevenue membre de la population active car il lui fallait, pour cela, compter au moins quatre cent quatre-vingt-dix heures au sein de la population active au cours des cinquante-deux semaines précédant la période de référence.
  2. En l’espèce, selon l’exigence minimale prévue au paragraphe 7(2) de la Loi, il faudrait à la prestataire sept cents heures d’emploi assurable pour être admissible à des prestations régulières ou six cents heures, comme le stipule l’alinéa 93(1)b) du Règlement, pour avoir droit à des « prestations pour parents d’enfants gravement malades (PEGM) ».
  3. Malheureusement, la prestataire ne satisfait pas à la disposition particulière du paragraphe 93(1) du Règlement, vu qu’elle n’a accumulé que cent trente-neuf heures au cours de sa période de référence, qui va du 20 octobre 2013 au 18 octobre 2014.
  4. Que la prestataire ait versé des cotisations d’assurance-emploi pendant une longue période ou n’ait pas présenté de demandes de prestations ne lui accorde pas automatiquement le bénéfice des prestations, quelque sérieuse que soit sa situation. La prestataire doit d’abord remplir les conditions d’admissibilité énoncées dans la législation. La Commission ne peut faire fi de la législation ni en modifier les exigences, quelles que soient les circonstances individuelles de la prestataire.

Analyse

[19] Dans cette affaire, la preuve au dossier ainsi que le témoignage oral de la prestataire confirment qu’elle a présenté une demande de prestations spéciales, en l’occurrence des prestations pour parents d’enfants gravement malades (PEGM). Il ressort de la preuve que la période de référence a été établie comme allant du 20 octobre 2013 au 18 octobre 2014 et que la prestataire avait cumulé cent trente-neuf heures d’emploi assurable.

[20] Le Tribunal constate que la prestataire n’a pas été considérée comme une personne devenue ou redevenue membre de la population active au motif que, selon le paragraphe 7(4), il lui fallait compter au moins quatre cent quatre-vingt-dix heures au sein de la population active au cours des cinquante-deux semaines ayant précédé la période de référence. Par conséquent, en application de l’alinéa 93(1)b) du Règlement, pour être admissible à des prestations pour PEGM, la prestataire aurait besoin de six cents heures d’emploi assurable. Il est extrêmement regrettable que la prestataire n’ait cumulé que cent trente-neuf heures d’emploi assurable et qu’elle ne soit donc pas admissible à ces prestations.

[21] La prestataire présente l’argument que, compte tenu de ses circonstances, si son fils était tombé malade pendant qu’elle était encore en congé parental, elle aurait été admissible à une prolongation de sa demande.

[22] Le Tribunal constate, à la lumière de la preuve orale de la prestataire, qu’elle a été en congé de maternité/parental et que son droit à des prestations est venu à expiration. Elle a déclaré être alors retournée travailler mais que, huit jours seulement après son retour au travail, son fils est tombé gravement malade. Elle a déclaré que son employeur lui a accordé une forme de congé de compassion, mais qu’après avoir terminé de prendre ce congé son fils n’avait toujours pas récupéré et que le pronostic prévoyait une longue période de rétablissement.

[23] Le Tribunal compatit très sincèrement à l’épreuve que traverse la prestataire, mais, comme la prestataire avait épuisé la période de sa précédente demande, sa période de référence ne pouvait être prolongée en application des paragraphes 8(1) et 8(2) de la Loi. Le Tribunal reconnaît la déception et la frustration que ressent la prestataire à l’égard d’un détail de pure forme concernant le moment auquel son fils est tombé malade, et le Tribunal comprend bien que l’on ne peut choisir le moment auquel une maladie se déclare; toutefois, le Tribunal n’a pas le pouvoir de modifier la loi.

[24] Le Tribunal conclut que la prestataire avait reçu des prestations parentales et de maternité sur la base de sa précédente période de référence et que, par conséquent, elle n’est pas autorisée à recevoir une nouvelle fois des prestations en lien avec la même période de référence. Le Tribunal fait valoir que l’on ne peut se servir plus d’une fois des mêmes semaines d’emploi assurable pour établir des périodes de prestations.

[25] La prestataire déclare être consciente de ne pas avoir cumulé suffisamment d’heures pour être admissible, mais elle dit croire que sa situation est exceptionnelle, que ses circonstances devraient être examinées sous un angle différent et que, dans son libellé actuel, la loi devrait comporter une certaine souplesse d’application. Elle affirme que le gouvernement a instauré un très bon programme, mais qu’il y a quelques lacunes qui doivent être corrigées.

[26] La Cour d’appel fédérale a confirmé que ni la Commission, ni le Tribunal, ni une cour n’a le pouvoir de soustraire un prestataire à l’application des dispositions de la Loi relatives à l’admissibilité, peu importe le degré de compassion éprouvé ou le caractère inhabituel des circonstances (Lévesque, 2001 CAF 304 (CanLII)).

[27] La prestataire fait valoir qu’elle a versé des cotisations d’assurance-emploi pendant de nombreuses années et que, jusqu’à ce qu’elle prenne son congé de maternité/parental, elle n’avait jamais demandé de prestations et que, par conséquent, on devrait tenir compte de ses antécédents.

[28] Le Tribunal compatit à la situation de la prestataire, mais il ne peut faire fi de la loi ni en modifier le libellé afin d’y prévoir le fait qu’un prestataire a accumulé des années de rémunération assurable. La Cour d’appel fédérale a confirmé que les heures de travail accumulées en dehors de la période de référence ne peuvent pas être utilisées pour rendre le prestataire admissible au bénéfice des prestations (Haile, 2008 CAF 193 (CanLII)).

[29] Le Tribunal comprend le caractère extrêmement stressant et le fardeau financier de la situation que vit la prestataire; cependant, et c’est regrettable, la prestataire n’est pas admissible à des prestations pour parents d’enfants gravement malades au motif qu’elle n’a pas accumulé les six cents heures d’emploi assurable que prescrivent l’article 7 de la Loi et l’article 93 du Règlement pour déclarer l’admissibilité.

Conclusion

[30] L’appel est rejeté.

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