Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen conformément aux présents motifs.

Introduction

[2] Le 25 août 2014, un membre de la division générale a avisé l’appelant qu’il envisageait de rejeter sommairement son appel. Aux termes de l’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, un délai a été accordé à l’appelant pour lui permettre de présenter des observations supplémentaires sur les raisons pour lesquelles son appel ne devrait pas être rejeté de façon sommaire.

[3] En réponse, l’appelant a présenté des observations additionnelles. Après avoir examiné l’affaire, le membre de la division générale a décidé de rejeter sommairement l’appel de l’appelant le 24 septembre 2014.

[4] Dans les délais, l’appelant a interjeté appel de cette décision devant la division d’appel.

[5] Cet appel a été tranché sur la foi du dossier.

Droit applicable

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Comme l’a déjà déterminé la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Jewett,2013 CAF 243, Chaulk c. Canada (Procureur général) 2012 CAF 190, et bien d’autres décisions, la norme de contrôle applicable aux questions de droit et de compétence dans les appels relatifs à l’assurance-emploi est celle de la décision correcte, tandis que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit dans les appels relatifs à l’assurance-emploi est celle de la raisonnabilité.

Analyse

[8] Bien que la détermination initiale de la Commission faisant l’objet de l’appel ait trait à la question de savoir si l’appelant avait ou non un motif valable de quitter volontairement son emploi, la véritable question qui se pose dans la présente affaire est de savoir si le membre de la division générale a correctement ou non déterminé et appliqué le critère juridique à employer lors du rejet sommaire d’un appel. Pour les motifs qui suivent, je conclus que non.

[9] Le paragraphe 53(1) de la Loi prévoit que « [l]a division générale rejette de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[10] L’appelant demande à ce que son appel soit accueilli et à ce que des prestations lui soit accordées.

[11] La Commission soutient que la décision de la division générale était tout à fait raisonnable et que l’appelant n’était pas admissible à des prestations. Elle demande le rejet de l’appel.

[12] Bien que la Loi n’explicite pas ce qui constitue une chance raisonnable de succès dans le contexte d’un rejet par voie sommaire, j’admets d’office le fascicule no 19 de la publication du Sénat intitulée « Délibérations du Comité sénatorial permanent des finances nationales ». À l’audience du matin, le 15 mai 2012, un témoin a fait valoir que l’intention du Parlement était de limiter les rejets par voie sommaire aux causes pour lesquelles « il est totalement impossible d’aller de l’avant ».

[13] Bien que la Cour d’appel fédérale ne soit pas encore penchée sur la question des rejets sommaires dans le contexte du cadre législatif et réglementaire du Tribunal de la sécurité sociale, elle s’est maintes fois penchée sur cette question dans le contexte de sa propre procédure de rejet par voie sommaire. Les affaires Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 147, et Breslaw c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 264, sont des exemples représentatifs de cet ensemble de décisions.

[14] Dans Lessard-Gauvin, la Cour fait l’observation suivante :

« La norme pour rejeter de façon préliminaire un appel est rigoureuse. Cette Cour ne rejettera sommairement un appel que lorsqu’il est évident que le fondement de celui-ci n’a aucune chance raisonnable de succès et est manifestement voué à l’échec […] »

[15] La Cour a exprimé des sentiments similaires dans Breslaw :

« […] le seuil lié au rejet sommaire d’un appel est très élevé, et bien que je doute sérieusement de la validité de la position de l’appelant, les observations écrites qu’il a déposées soulèvent une cause défendable. L’appelant est donc autorisé à poursuivre son appel. »

[16] Je note que la décision de rejeter sommairement ou non un appel repose sur un critère lié à un seuil. Il n’est pas approprié d’examiner l’affaire sur le fond en l’absence des parties, puis de rejeter l’affaire au motif que l’appelant ne peut obtenir gain de cause. Plutôt, à la lumière de la jurisprudence citée plus haut, je conclus que le bon critère à appliquer dans les cas de rejet sommaire est celui-ci :

Est-il évident et manifeste, sur la foi du dossier, que l’appel est voué à l’échec?

[17] Pour être clair, la question n’est pas de savoir si l’appel doit échouer à l’issue de l’exposition complète des faits, de la jurisprudence et des observations. Plutôt, la véritable question est de savoir si l’échec est inéluctable, peu importe les éléments de preuve ou arguments pouvant être présentés à l’audience. Presque par définition, un rejet sommaire ne devrait pas commander une longue décision.

[18] Dans l’affaire en instance, le membre de la division générale était saisi d’un appel initial qui renfermait une explication des raisons pour lesquelles l’appelant a volontairement quitté son emploi. Dans ses observations est aussi exprimée l’opinion de l’appelant selon laquelle la Commission n’a pas tenu compte des facteurs qui expliquaient le départ volontaire de l’appelant.

[19] Bien que je ne tire pas de conclusion sur l’affaire, je note que, si ces observations avaient été retenues, l’appel aurait eu une chance de succès sur le fond.

[20] Dans sa décision, le membre de la division générale a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

La question dont le Tribunal est saisi consiste à déterminer si cet appel a une chance raisonnable de succès. Pour déterminer cela, le Tribunal doit examiner les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence applicables concernant les départs volontaires d’emploi […] En l’instance, il est clair que le demandeur a volontairement quitté son emploi. Il affirme qu’il avait un motif valable de le faire.

[21] Le membre a ensuite examiné la jurisprudence et la preuve, et a déterminé que l’appelant n’avait pas produit de motif valable, comme il le devait. Aucune autre mention des chances raisonnables de succès de l’appel n’a été faite, si ce n’est à la toute fin de la décision, où l’absence de chance raisonnable de succès est simplement énoncée sans explication ni motif donné.

[22] Je conclus que le membre de la division générale n’a pas, comme il aurait dû le faire, retenu le bon critère à appliquer pour déterminer s’il y avait lieu ou non de rejeter l’appel de façon sommaire, mais a plutôt tranché l’affaire sur le fond et sur la foi du dossier. Cela constitue une erreur de droit qui est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte.

[23] Je note que le Parlement a instauré un cadre législatif et réglementaire qui n’autorise pas la section de l’assurance-emploi de la division générale à rendre des décisions sur dossier, bien qu’il soit permis de le faire à la section de la sécurité du revenu de la division générale.

[24] Comme le législateur ne parle pas pour ne rien dire, je dois en conclure qu’il était de l’intention du Parlement de s’assurer que les appelants, dans les causes d’assurance-emploi dont la division générale est saisie, aient la possibilité d’être entendus. L’application des dispositions relatives au rejet sommaire ne devrait pas être élargie au point de contourner cette intention.

[25] Comme la division générale n’a pas déterminé ni appliqué le bon critère, le présent appel doit être accueilli. Le redressement approprié en l’espèce consiste à renvoyer l’affaire à la division générale pour un nouvel examen.

Conclusion

[26] Par conséquent, l’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen conformément aux présents motifs.

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