Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

[1] L’appelante, madame C. N., était présente à l’audience tenue le 25 mars 2015. Elle était accompagnée de son représentant, monsieur Jacques Patenaude, du Mouvement Action Dignité Lanaudière et de madame L. D., témoin.

[2] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience En personne pour les raisons énoncées dans l’avis d’audience daté du 10 février 2015.

[3]  Dans ce dossier, le 22 septembre 2014, une inadmissibilité d’une durée indéterminée a été imposée à partir du 3 août 2014. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) avait estimé que l’appelante avait quitté volontairement son emploi sans y être fondée au sens de la Loi sur l’assurance-emploi du Canada ( la Loi).

[4] L’appelante a contesté cette décision. Lors de la demande de révision administrative,  le 5 décembre 2014, la Commission a maintenu sa décision initiale

[5] L’appelante a interjeté appel au Tribunal de la Sécurité sociale le 19 décembre 2014.

Question en litige

[6] Le Tribunal doit décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi du Canada (la Loi) et si l’inadmissibilité imposée s’applique

Droit applicable

[7] Article 29 de la Loi. Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

Preuve

Preuve au dossier de la Commission

[8] Une demande initiale d’assurance-emploi a pris effet le 3 août 2014 (pages GD3-3 à GD3-17).

[9] L’appelante a travaillé pour FMC Recyclage Inc. du 25 mai 2014 au 4 juillet 2014.

[10] Au motif de son départ, l’appelant a déclaré que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé. Elle dit souffrir de maux de dos récurrents attribuables à sa station de travail. Elle mentionne aussi avoir subi une indisposition au mois de juin en raison de la chaleur.

[11] Elle avait fait des représentations auprès de l’employeur en mai 2014 afin d’améliorer les conditions de travail, notamment au niveau de la ventilation et de la position de son plan de travail. Aucune modification n’avait été apportée avant sa démission (pages GD3-26 et 27).

[12] Le 19 juin 2014, elle avait demandé à quitter son travail plus tôt afin de renouveler son permis de conduite. L’employeur avait refusé. L’appelante a passé outre aux directives et a reçu un avis disciplinaire qui lui a été remis en début juillet. Elle a refusé de signer cet avis disciplinaire. C’est alors qu’elle a démissionné.

[13] Interrogée par la Commission, l’appelante a indiqué qu’elle n’avait pas discuté avec l’employeur avant de donner sa démission.

[14] Elle était syndiquée mais n’a pas déposé de grief ou de plainte.

[15] Elle a déclaré avoir entrepris des démarches de recherche d’emploi avant  de démissionner, mais sans résultats (pages GD3-20 à 22).

[16] Pour sa part, l’employeur réfute les affirmations de l’appelante concernant les risques potentiels de l’emploi sur la santé des employés. Une fois par an, les employés passent un test médical afin de détecter la présence de plomb et de mercure. L’employeur fournit les équipements requis pour travailler et respecte les normes de la CSST (page GD3-21).

[17] L’employeur nie que son refus d’accorder un congé à l’appelante ait un lien avec la plainte déposée à la CSST. Il dit qu’il ignorait l’origine de la plainte, celle-ci  étant confidentielle.

[18] Selon sa version, une demande de congé a été refusée à l’appelante, celle-ci a passé outre. Quelques jours plus tard, l’employeur lui a signifié un avis disciplinaire faisant suite  à l’absence non autorisée et l’appelante a donné sa démission (page GD3-44).

Preuve à l’audience :

De l’appelante

[19] Elle était employée depuis 4 ans au centre de FCM Recyclage Inc.

[20] Elle avait demandé la permission de partir plus tôt le 19 juin 2014pour renouveler son permis de conduite. Le directeur L. C. lui avait accordé cette permission. Ce n’est que 15 jours plus tard, soit le 2 juillet, que l’employeur l’a convoqué pour lui remettre un avis disciplinaire à la suite de cet incident

[21] Elle a refusé de signer cet avis, car c’était reconnaître qu’elle s’était absentée du travail sans permission.

[22] Cet incident avec l’employeur a fait en sorte de provoquer sa décision de partir.  Depuis des mois elle travaillait pour faire changer les conditions de travail et sa santé était attaquée.

Du témoin de l’appelante, madame L.D.

[23] Les conditions de travail ont fait l’objet de plainte des employés.

[24] Au moment de la plainte, elle-même et l’appelante travaillaient comme journalières au centre de tri.

[25] Les conditions de travails étaient pénibles et des améliorations ont été apportées, mais après que la plainte ait été déposée.

Arguments des parties

[26] Le représentant de l’appelante a fait valoir que :

  1. Essentiellement, l’appelante est partie afin de préserver sa santé ;
  2. même si elle n’a pas de billet médical, l’appelante a déjà souffert d’entorse dorsale à cause de son travail ;
  3. c’est l’appelante qui est à l’origine de la plainte à la CSST ;
  4. les recommandations du rapport de la CSST confirment que les doléances de l’appelante étaient fondées ;
  5. l’employeur a voulu lui donner un avis disciplinaire alors que le directeur lui avait accordé verbalement la permission demandée. L’appelante a alors compris  qu’il s’agissait d’une manœuvre pour la décourager. Elle a décidé de partir, elle ne pouvait s’attendre à un changement de la part de l’employeur. Sa décision est relative à  la culture de l’appelante qui vient d’un pays ou les patrons sont souverains et les droits de travailleurs souvent bafoués ;

[27] La Commission intimée a soutenu que :

  1. Les faits au dossier démontrent que l’appelante travaillait pour cette entreprise depuis quatre ans (page GD3-18). L’appelante a expliqué les désagréments reliés à son emploi et le rapport de la Commission de la santé et sécurité du travail (C.S.S.T.) fourni le confirme (pages GD3-30 à GD3-39). Cependant, l’employeur indique que les modifications demandées ont été effectuées (page GD3-46);
  2. dans le présent dossier, l’appelante a discuté avec l’employeur et des employés ont fait une plainte auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.S.S.T.). Par contre, l’appelante est partie immédiatement, sans attendre le résultat ni attendre que l’employeur effectue les correctifs. De plus, le danger n’était pas immédiat;
  3. la Commission est d’avis que l’appelante a quitté son emploi sans avoir épuisé toutes ses solutions raisonnables. Elle aurait dû attendre le résultat et les actions de son employeur face aux recommandations. De plus, elle n’a pas fait de plainte officielle à son syndicat. Elle n’a pas non plus fourni d’attestation médicale confirmant qu'un médecin l’a avisée de quitter son emploi parce que les conditions de travail étaient nuisibles à la santé (pages GD3-8 et GD3-20);

Analyse

[28] Dans la plupart des cas, le prestataire a l’obligation de tenter de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi (White 2011 CAF 190; Murugaiah 2008 CAF 10; Hernandez 2007 CAF 320; Campeau 2006 CAF 376).

[29] Le critère visant à déterminer si le prestataire est fondé à quitter son emploi aux termes de l’article 29 de la Loi consiste à se demander si, eu égard à toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi (White 2011 CAF 190; Macleod 2010 CAF 301; Imran 2008 CAF 17; Astronomo  A-141-97).

[30] La question ne consiste pas à savoir s’il était raisonnable pour le prestataire de quitter son emploi, mais bien à savoir si la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était qu’il quitte son emploi (Laughland 2003 CAF 129).

[31] Se demander si le prestataire a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans des circonstances similaires ne constitue pas le bon critère relativement à la justification (Imran 2008 CAF 17).

[32] Il incombe à la Commission de prouver que le départ était volontaire et il appartient au prestataire de démontrer qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi (Green 2012 CAF 313; White 2011 CAF 190; Patel 2010 CAF 95).

[33] Ces grands principes jurisprudentiels étant rappelés voyons maintenant les  circonstances de la présente affaire.

[34] L’appelante soutient avoir quitté son emploi pour des raisons de santé et sécurité au travail. Elle prétend avoir été incitée à partir en raison d’un avis disciplinaire non justifié.

[35] De son côté, l’employeur soutient que l’appelante est partie de son propre chef après avoir reçu un avis disciplinaire pour s’être absentée du travail sans permission.

[36] Il est évident que nous sommes ici en présence de versions contradictoires.

[37] J’ai examiné les éléments du dossier et écouté l’appelante et son témoin. Je  peux concevoir que les conditions de travail qu’elles m’ont décrites sur la chaîne de tri pouvaient s’avérer pénibles.

[38] Il est vrai que le rapport de la CSST daté du 22 août 2014 pointe plusieurs éléments sujets à amélioration.

[39] Je note que l’employeur a apporté les changements suggérés à la suite du dépôt du rapport d’intervention de la CSST.

[40] Le témoin m’a confirmé que l’appelante était une des représentantes des employés pour exiger des changements de l’environnement de travail auprès de l’employeur.

[41] Mais, pour autant, cela ne démontre pas que l’appelante ait été incitée par l’employeur à quitter son travail ou que ses conditions de travail aient été intenables et représentaient un risque pour sa santé.

[42] J’écarte les arguments voulant que l’appelante, en raison de sa culture, ait conclu que l’employeur n’apporterait aucun changement et qu’il valait mieux pour elle de démissionner.

[43] Il est ici question d’une employée syndiquée comptant environ 4 ans d’ancienneté  dans son emploi, de surcroît représentante d’autres employés pour faire valoir des revendications en matière de de santé et sécurité au travail. L’appelante, de toute évidence, était au fait de ses droits et son origine ethnique ne peut constituer une excuse pour prétendre que sa situation s’avérait sans issue.

[44] Il ressort de la preuve que l’appelante a démissionnée sans essayer de trouver d’autres solutions que celle de se placer en situation de chômage.

[45] J’écarte les prétentions de l’appelante voulant que sa santé ait été menacée.

[46] La preuve ne démontre aucunement que l’appelante ait subi au travail des séquelles préjudiciables à santé.

[47] En l’espèce, il apparaît que l’appelante a décidé de quitter son emploi après avoir été avisée d’un avis disciplinaire. Elle n’a pas cherché d’autres solutions avant de prendre cette décision.

[48] Des solutions alternatives auraient pu être envisagées, notamment, de discuter plus avant d’une situation qu’elle estimait problématique avec l’employeur. Ou encore de consulter son syndicat si elle jugeait l’avis disciplinaire injustifié. L’appelante aurait pu aussi consulter un médecin afin de vérifier si un congé s’imposait ou bien demander un congé pour se chercher au préalable un autre emploi avant de quitter celui qu’elle occupait.

[49] Dans le présent dossier, l’appelante n’a pas rencontré son fardeau de preuve afin de justifier qu’elle était fondée de quitter son emploi et qu’il s’agissait pour elle de la seule solution raisonnable compte tenu des circonstances.

[50] Le Tribunal conclut qu’il s’agit d’un départ volontaire au sens des articles 29 et 30 de la Loi. De ce fait, l’inadmissibilité imposée s’applique.

Conclusion

[51] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.