Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

  • M. D.

Introduction

[1]   L’appelante a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 13 janvier 2015.

[2]   L’appelante a demandé que sa demande de prestations déposée le 13 janvier 2015 soit antidatée afin qu’elle prenne effet le 31 décembre 2013, date à laquelle il a cessé de travailler.

[3]   Le 13 mars 2015, l’intimée a rejeté la demande de révision de l’appelante, car elle n’a pas réussi à démontrer un motif valable, durant toute la période écoulée, pour tarder à présenter sa demande. L’appelante en a appelé de cette décision au Tribunal de la sécurité sociale le 27 mars 2015.

[4]   L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. l’appelante serait la seule partie présente à l’audience
  2. la crédibilité des parties
  3. la complexité de l’appel

Question en litige

[5]   Il s’agit de déterminer si la demande initiale de prestations peut être considérée comme ayant été présentée par la prestataire à une date antérieure en application du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

Droit applicable

[6]   Le paragraphe 10(4) de la Loi énonce les conditions requises pour permettre qu’une demande initiale de prestations soit considérée comme ayant été faite à une date antérieure.

[7]    Pour qu’une demande initiale de prestations soit antidatée afin de prendre effet à une date antérieure, le prestataire doit démontrer :  

  1. qu’à cette date antérieure, il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations,
  2. qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il a présenté sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[8] Déterminer un motif valable pour antidater une demande de prestations est une question mixte de fait et de droit (Procureur général du Canada c. Burke, 2012 CAF 139; Procureur général du Canada c. Innes, 2010 CAF 341; Procureur général du Canada c. Albrecht, A-172-85).

Preuve

[9]   L’appelante a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 13 janvier 2015.

[10] L’appelante a demandé que sa demande de prestations déposée le 13 janvier 2015 soit antidatée afin qu’elle prenne effet le 31 décembre 2013, date à laquelle elle a cessé de travailler.

[11] L’appelant a déclaré qu’elle a tardé à déposer sa demande parce qu’elle était à la recherche d’un emploi et qu’elle n’avait jamais fait de demande de prestations d’assurance-emploi auparavant et n’était donc pas familière avec le processus. Elle était à la recherche d’un emploi à temps plein et n’avait plus d’argent dans son compte d’épargne.

[12] L’intimée a conclu que l’appelante n’a pas réussi à démontrer un motif valable, durant toute la période écoulée, pour tarder à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[13] Dans sa demande de révision de décision, l’appelante a écrit qu’elle n’a pas rempli une demande immédiatement, car elle croyait se trouver un emploi, et pendant qu’elle était à la recherche d’un emploi, elle vivait de ses économies. Lorsque ses économies se sont épuisées, elle a eu besoin de présenter une demande de prestation d’assurance-emploi. Elle a déclaré qu’elle n’avait jamais fait de demande de prestations auparavant et qu’elle ne savait pas qu’elle était admissible, et elle estime que sa demande ne devrait pas être rejetée en raison de sa tardiveté.

[14] L’appelante estime que le système n’est pas favorable envers les gens qui essaient d’être autonomes et qu’elle a été une mère au foyer pour la majeure partie de sa vie. Elle a postulé pour des emplois, mais elle a reçu seulement deux appels d’employeurs. Elle est en procédure de divorce, son ex-mari lui a laissé des dettes et elle a dû emménager avec sa mère.

[15] À l’audience, l’appelante a affirmé qu’après avoir perdu son emploi, elle a commencé à se chercher un emploi. Elle a également suivi un cours. Elle a vendu sa maison et emménagé avec sa mère, et elle vivait de ses économies. Elle n’avait jamais fait de demande de prestations d’assurance-emploi auparavant.

[16] En avril 2013, elle a eu une chirurgie, et un ami lui a suggéré de présenter une demande de prestations. Elle n’a pas poursuivi ses recherches d’emploi.

[17] Elle se sent punie pour avoir utilisé ses propres ressources financières.

Observations

[18] L’appelante a fait valoir ce qui suit :

  1. Elle n’a jamais présenté de demande de prestation auparavant et elle ne savait pas qu’elle était admissible. Elle estime que sa demande ne devrait pas être rejetée en raison de sa tardiveté.
  2. Elle n’a pas fait sa demande immédiatement, car elle croyait se trouver un emploi, et entre-temps, elle vivait de ses économies. Lorsque ses économies se sont épuisées, elle a présenté sa demande de prestations d’assurances-emploi.
  3. Elle estime avoir agi de façon responsable et avec de bonnes intentions. Elle ne voulait pas abuser du système ou profiter de celui-ci. Elle a déployé tous ses efforts et épuisé ses fonds avant de recevoir de l’aide gouvernementale, et a fait preuve de diligence dans sa recherche d’emploi. 

[19] L’intimée a fait valoir ce qui suit :

  1. L’appelante n’a pas agi comme l’aurait fait une « personne raisonnable » dans la même situation pour se renseigner au sujet des droits et obligations que lui reconnaît la Loi. Précisément, elle n’a pas communiqué avec la Commission afin de se renseigner sur ses droits et obligations, et rien ne l’empêchait de présenter sa demande dans les délais impartis. Elle était autonome sur le plan financier tout au long de sa recherche d’emploi, ce qui est louable. Toutefois, ce n’est pas un motif valable justifiant son retard.
  2. L’appelante a expliqué qu’elle avait des problèmes dans sa vie personnelle. Cependant, elle a été en mesure de suivre une formation pour une profession nouvelle et a exercé ces fonctions, donc, il est raisonnable de supposer qu’elle serait en mesure de présenter une demande de prestations.
  3. La jurisprudence appuie depuis longtemps le fait que ne pas vouloir encombrer le système et choisir de se chercher un emploi au lieu de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi est en soi admirable, mais qu’il ne s’agit pas d’un motif valable pour présenter une demande tardive, surtout qu’il s’agit d’un retard de plus d’un an.

Analyse

[20] Pour que sa demande initiale de prestations soit antidatée au 31 décembre 2013, il incombe à l’appelante d’établir :

  1. qu’elle était admissible aux prestations en date du 31 décembre 2013; 
  2. qu’elle avait un motif valable, durant toute la période écoulée, pour tarder à présenter sa demande initiale de prestations.

[21]  Selon la Cour d’appel fédérale (CAP), pour démontrer qu’ils avaient un motif valable pour tarder à présenter leur demande initiale de prestations, les prestataires doivent démonter qu’ils ont fait ce qu’une personne raisonnable et prudente se trouvant dans la même situation aurait fait pour se renseigner sur ses droits et obligations en vertu de la Loi (Mauchel c. Procureur général du Canada 2012 CAF 202; Bradford c. Commission de l’assurance-emploi du Canada 2012 CAF 120; Procureur général du Canada c.
Albrecht A-172-85).

[22]  La CAF a également constaté qu’à  moins de circonstances exceptionnelles, une personne raisonnable est tenue de vérifier assez rapidement si elle a droit à des prestations et de s’assurer des obligations que lui impose la Loi (Procureur général du Canada c. Kaler 2011 CAF 266; Procureur général du Canada c. Innes 2010 CAF 341; Procureur général du Canada c. Somwaru 2010 CAF 336).

[23] Les éléments de preuve soumis au Tribunal révèlent que l’appelante n’a pris aucune mesure pour communiquer avec Service Canada afin de se renseigner au sujet des prestations avant le 13 janvier 2015. La raison invoquée par l’appelante est qu’elle n’avait jamais fait de demande de prestations auparavant et qu’elle ne savait pas qu’elle était admissible à ces prestations. De plus, elle croyait être en mesure de se trouver un emploi, et pendant ce temps, elle vivait de ses économies. Une fois ses économies épuisées, elle a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi.

[24] L’intimée a fait valoir que l’appelante n’a pas agi comme une personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait agi pour se renseigner sur ses droits et obligations en vertu de la Loi. Elle aurait pu communiquer avec Service Canada et demander s’il était admissible aux prestations.

[25]  Après avoir pris en compte tous les éléments de preuve des deux parties, le Tribunal conclut que l’appelante aurait pu s’informer auprès de l’intimée afin de déterminer son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi, et cela, en visitant son bureau local de Service Canada, en appelant Service Canada ou en visitant le site Web de Service Canada.

[26] Le Tribunal conclut, sur la prépondérance des probabilités, qu’une personne raisonnable et prudente n’aurait pas attendu aussi longtemps que l’a fait l’appelante avant de se renseigner sur ses droits et obligations en vertu de la Loi. Une personne qui perd son emploi et qui a besoin d’aide financière aurait pris des mesures pour se renseigner auprès de la Commission afin de se renseigner sur la marche à suivre pour présenter une demande.

[27] En outre, le Tribunal conclut que les circonstances de l’appelante, c’est-à-dire, qu’elle a présenté une demande tardive, car elle ne savait pas qu’il aurait pu présenter sa demande le 31 décembre 2013, ne sont pas des circonstances exceptionnelles.

[28] Le Tribunal souscrit à l’argument de l’intimée selon lequel ne pas vouloir encombrer le système et choisir de se chercher un emploi au lieu de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi est en soi admirable, mais il ne s’agit pas d’un motif valable pour présenter une demande tardive, surtout qu’il s’agit d’un retard de plus d’un an.

[29] L’appelante a également déclaré se sentir pénalisée par son manque d’information. Le Tribunal ne peut tenir compte de cet argument, car les tribunaux indiquent depuis longtemps que l’ignorance de la loi et une bonne volonté ne constituent pas des motifs valables.

[30] La conclusion du Tribunal est appuyée par la CAP dans l’affaire Canada c. Carry, 2005 CAF 367. Aux paragraphes 4 et 5, le juge Linden a clairement précisé qu’un prestataire a une obligation formelle de vérifier ses obligations en vertu de la Loi :  

« Le juge-arbitre a confirmé la décision du conseil arbitral au motif qu’il n’était pas déraisonnable de considérer qu’un motif valable existait en l’espèce. Or, la jurisprudence de la Cour interdit clairement une telle conclusion en l’espèce car l’on s’attend à ce qu’une personne raisonnable vérifie assez rapidement si elle a droit à des prestations d’assurance-emploi. La Cour a déjà statué que l’ignorance de la loi et la bonne foi, qui ont été invoquées en l’espèce pour justifier le délai de neuf mois, ne constituent pas des motifs valables. »

[31] Aussi, dans l’affaire CAF A-549-92, la Cour confirme que d’agir de bonne foi et choisir de se chercher un emploi au lieu de recevoir des prestations ne constituent pas des motifs valables.

« Nous arrivons à cette conclusion avec une certaine répugnance puisque, comme le juge-arbitre, nous sommes convaincus que M. Smith a toujours agi de bonne foi. En tardant à formuler sa demande, il était poussé par le meilleur motif possible, celui de chercher un nouvel emploi plutôt que d’avoir recours aux prestations d’assurance-chômage. De tels motifs, aussi purs soient-ils, ne permettent pas, dans l’état actuel du droit, d’antidater sa demande du fait qu’il avait un “motif justifiant” son retard. »

[32] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas réussi à démontrer un motif valable, durant toute la période écoulée, pour tarder à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[33] Le critère pour déterminer si la demande initiale peut être antidatée à une date antérieure en vertu du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’AE comporte deux volets. La preuve doit établir si l’appelante satisfait aux deux volets du critère, satisfait à seulement un des volets ou ne satisfait à aucun des deux volets du critère. Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que l’appelante n’a pas réussi à démontrer un « motif valable », durant toute la période écoulée du retard (deuxième volet du critère). Par conséquent, le Tribunal n’a pas tiré de conclusion au sujet du premier volet du critère.

[34] Enfin, le Tribunal conclut que l’intimée a tenu compte de l’ensemble de la preuve qui lui avait été présenté avant de déterminer si l’appelante était admissible aux prestations.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

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