Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté sur les deux questions en litige.

Introduction

[2] En date +du 25 avril 2013, un conseil arbitral a conclu que :

  • - L’Intimée n’avait pas quitté volontairement son emploi sans motif valable aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »);
  • - L’Intimée avait accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable selon les termes de l’article 7 de la Loi.

[3] L’Appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 15 mai 2013. La demande pour permission d’en appeler a été accordée le 16 janvier 2015.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a déterminé que cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • - la complexité de la ou des questions en litige;
  • - du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • - du caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • - de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’Appelante était présente et représentée par Rachel Paquette. L’Intimée était également présente.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[7] Le Tribunal doit décider si le conseil arbitral a erré en fait ou en droit en concluant que l’Intimée n’avait pas quitté volontairement son emploi sans motif valable aux termes des articles 29 et 30 de la Loi et qu’elle avait accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable selon les termes de l’article 7 de la Loi?

Arguments

[8] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • - Le conseil arbitral a erré en droit lorsqu’il a négligé d’appliquer le test légal du motif valable et ne s’est pas penché sur la question à savoir si le départ de l’Intimée constituait la seule solution raisonnable dans son cas;
  • - La situation de l’Intimée ne satisfait à aucune circonstance décrite dans l’article 29c) de la Loi. Elle a fait un choix personnel en décidant de quitter son emploi permanent afin d’accepter un emploi temporaire.  La prestataire s’est placée dans une situation où elle allait inévitablement vivre une situation de chômage;
  • - Le conseil arbitral a cité les décisions A-328-03 et A-346-03 dans sa décision. L’Appelante soutient que de la jurisprudence plus récente a depuis été émise et vient confirmer sa décision.  La Cour d’appel fédérale est claire à l’effet que quitter un emploi afin d’améliorer son sort sur le marché du travail ne constitue pas en soi un motif valable au sens de la Loi;
  • - L’Appelante fait valoir que l’Intimée devait être exclue du bénéfice des prestations puisqu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification et qu’elle n’a pas exercé depuis son départ un emploi assurable durant le nombre d’heures requis au titre de l’article 7 de la Loi.

[9] L’Intimée a soumis les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelante:

  • - L’Intimée est d’avis que le conseil arbitral n’a pas erré ni en droit ni en fait et qu’il a correctement exercé sa compétence.
  • - L’Intimée soutient qu'elle voyait plus de possibilités d'avancement ou d'accéder à un poste plus intéressant et permanent dans l'avenir avec ce nouvel emploi;
  • - Il est vrai qu’elle n’a reçue aucune garantie de son nouvel employeur mais elle a été avisé que ce serait un remplacement de long terme avec possibilité d’obtenir un autre poste à la fin dudit remplacement;
  • - Elle travaille toujours en date de ce jour pour ce nouvel employeur.

Normes de contrôle

[10] L’Appelante soumet que l’interprétation du critère juridique de justification pour volontairement quitter un emploi est une question de droit et la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. L’application du critère juridique aux faits en l’espèce est une question mixte de fait et de droit et la norme de contrôle est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. White, 2011 CAF 190.

[11] L’Intimée n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[12] Le Tribunal retient que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240.  La norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. White, 2011 CAF 190, Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159,  Hickey c. Canada (PG), 2008 CAF 330.

Analyse

Les faits

[13] Les faits du présent dossier ne sont pas contestés.

[14] L’Intimée a quitté son ancien emploi de technicienne en laboratoire qu’elle a occupé du 28 juin 2010 au 6 décembre 2012 pour un nouvel emploi toujours comme technicienne en laboratoire dans une Commission Scolaire. Ce nouvel emploi a débuté quelques jours après son départ, soit le 11 décembre 2012. Elle avait prévu que l'autre emploi serait permanent ou d'une durée plus longue que celui qu’elle avait quitté. Elle a accepté ce nouvel emploi pour le salaire, les heures de travail, les avantages, les conditions de travail et la possibilité de développer sa carrière.

[15] Le nouvel emploi en est un de remplacement. Elle travaille 28 heures par semaine, 4 jours semaine, de 8:15 à 16:15 heures et son salaire est de $19.66 de l'heure. Elle savait quand elle a décidé de quitter son ancien emploi qu'on ne lui offrait pas un poste permanent immédiatement.  Elle devait prendre la chance d'accepter ce contrat pour avoir la possibilité qu'on lui offre un poste permanent dès qu'il y en aurait un de disponible.

[16] Son nouvel employeur lui a cependant donné l’assurance que son remplacement serait de longue durée et qu’il y avait de bonne chance que des postes seraient disponibles à la fin de son remplacement.

[17] Elle travaillait toujours pour ladite Commission scolaire lors de son audience devant le conseil arbitral en date du 25 avril 2013 et lors de l’audience devant la division d’appel en date du 21 mai 2015.

Départ volontaire

[18] Il y a lieu de reproduire ci-dessous l’article 29c) vi) de la Loi qui est pertinent au présent litige :

« 29c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :

(vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

[19] L’Appelante soutient que la situation de l’Intimée ne satisfait à aucune circonstance décrite dans l’article 29c) de la Loi. L’Appelante est d’avis que l’Intimée a fait un choix personnel en décidant de quitter son emploi permanent afin d’accepter un emploi temporaire. L’Appelante, plaide- t-elle, s’est placée dans une situation où elle allait inévitablement vivre une situation de chômage.

[20] Elle soutient également que le conseil arbitral ne s’est pas penché sur la question à savoir si le départ de l’Intimée constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[21] Le conseil arbitral, lorsqu’il a accueilli l’appel de l’Intimée, a conclu ce qui suit :

« Le Conseil Arbitral est d'avis que la Loi n'exige pas des prestataires qu'ils fassent l'impossible pour justifier le départ volontaire. La Loi exige tout simplement qu'ils agissent de façon raisonnable dans les circonstances.

Le Conseil Arbitral est d'avis que la prestataire pouvait accepter ce nouvel emploi temporaire pour les raisons suivantes :

  1. a) la prestataire voyait dans ce nouvel emploi un moyen de délaisser un emploi avec de moins bonnes conditions de travail, sans possibilité d'avancement ou de pouvoir accéder a un peste plus intéressant;
  2. b) le nouvel emploi à la Commission Scolaire, était mieux rémunéré et comportait des conditions de travail plus avantageuses qu'a son emploi permanent;
  3. c) le nouvel emploi était pour le compte d'un employeur bien établi et reconnu (CSBE), dans un domaine d'activités offrant des possibilités de carrière, une chance raisonnable de postuler pour un autre peste et de voir son poste prolongé ou d'être réembauché en permanence.

Pour ces raisons, le Conseil Arbitral est d'avis que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

Les Conseil Arbitral appuient sur les jurisprudences suivantes : A-328-03 et A- 346-03.

DÉCISION: Pour la première et la deuxième question en litige le Conseil Arbitral, a l'unanimité, accueille l'appel de la prestataire.  »

[22] La Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (PG) c. Lessard, 2002 CAF 469, nous enseigne que la notion d’« assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat » suppose l'existence de trois éléments: une «  assurance raisonnable », « un autre emploi » et un « avenir immédiat ».

[23] La preuve non contredite devant le conseil arbitral démontre que l’Intimée avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat lorsqu’elle a quitté son ancien emploi.  Elle a effectivement débuté son nouvel emploi que quelques jours après son départ.  Elle avait prévu que l'autre emploi serait permanent ou d'une durée plus longue que celui qu’elle avait quitté. De plus, son nouvel employeur lui a donné l’assurance que son remplacement serait de longue durée et qu’il y avait de bonne chance que des postes seraient disponibles à la fin de son remplacement.

[24] L’Intimée ne s’est aucunement placée dans une situation où elle allait inévitablement vivre une situation de chômage en quittant son ancien emploi. Et, contrairement aux prétentions de l’Appelante, le conseil arbitral s’est effectivement penché sur la question à savoir si le départ de l’Intimée constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[25] Dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc., A- 547-01, le juge Létourneau indiquait que le rôle du Tribunal se limite « à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier ».

[26] Le Tribunal n'est donc pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui du conseil arbitral. Les compétences du Tribunal sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.  À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel – Canada (PG) c. Ash, A-115-94.

[27] Le Tribunal ne peut conclure que le conseil arbitral a erré de la sorte. Le conseil a conclu de la preuve devant lui que l’Intimée avait toutes les raisons de croire que son nouvel emploi continuerait et que, par conséquent, elle était justifiée de mettre fin à son ancien emploi.

Conclusion

[28] L’appel est rejeté sur les deux questions en litige.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.