Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli, la décision du conseil arbitral en date du 14 mai 2013 est annulée et l’appel de l’Intimé devant le conseil arbitral est rejeté.

Introduction

[2] En date du 14 mai 2013, un conseil arbitral a conclu que :

  • - L’Intimé avait un motif valable de quitter volontairement son emploi, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[3] L’Appelante a déposé une demande pour permission d’en appeler de la décision du conseil arbitral devant la division d’appel du Tribunal en date du 3 juin 2013.  La demande pour permission d’en appeler a été accordée le 16 janvier 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience téléphonique pour les motifs suivants :

  • - la complexité de la ou des questions en litige;
  • - du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • - du caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • - de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] L’Appelante était représentée par Rachel Paquette.  L’Intimé n’a pas assistée à l’audience malgré la réception de l’avis d’audience en date du 7 avril 2015.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si le conseil arbitral a erré en fait ou en droit en concluant que l’Intimé avait un motif valable de quitter volontairement son emploi, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Arguments

[8] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • - Le conseil arbitral a commis une erreur de droit en n’appliquant pas correctement aux faits la question à savoir si le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi, comme le stipule le paragraphe 29c) de la Loi;
  • - La preuve ne permet pas d’étayer une conclusion selon laquelle l’Intimé était fondé à quitter son emploi;
  • - La preuve au dossier confirme que l’Intimé a quitté son emploi afin de ne pas compromettre ses études et que n’eut été de ses examens de fin d’année, il aurait continué à travailler pour son employeur malgré les changements importants dans ses tâches et l’organisation de son horaire de travail depuis son embauche;
  • - La décision du conseil arbitral est déraisonnable et elle va à l’encontre de la jurisprudence;
  • - La Cour d’appel fédérale a décidé à plusieurs reprises que quitter un emploi dans le but de poursuivre des études relève d’une décision personnelle dont le poids économique ne peut être assumé par les contribuables et conséquemment ne constitue pas une justification au sens de la Loi;
  • - L’Appelante soutient que puisque son employeur ne pouvait plus s'accommoder de sa disponibilité réduite, une solution raisonnable aurait été pour l’Intimé de continuer de travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi d’étudiant convenable.

[9] L’Intimé n’a soumis aucune représentation à l’encontre de l’appel de l’Appelante.

Normes de contrôle

[10] L’Appelante soumet que la norme de contrôle applicable respectivement à la question de droit est celle de la décision correcte - Chaulk c. Canada (PG), 2012 CAF 190 et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240.

[11] L’Intimé n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[12]   Le Tribunal retient que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Chaulk c. Canada (PG), 2012 CAF 190, Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240 et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159, Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240.

Analyse

[13] Les faits au dossier ne sont pas contestés.

[14] L’Intimé a travaillé pour son employeur du 15 juillet 2006 au 7 décembre 2012, date à laquelle il a quitté volontairement son emploi (pièce AD-2-8). • Il a déposé une demande initiale de prestations qui a débuté le 9 décembre 2012. Il a indiqué ne pas avoir eu le choix de quitter son emploi puisque le directeur a refusé de lui accorder une deuxième journée de congé alors qu’il en avait absolument besoin afin de se préparer pour ses examens finaux. Il a expliqué qu’à son embauche comme étudiant, les horaires étaient flexibles et qu’il pouvait se faire remplacer facilement, lui permettant ainsi de concilier travail et étude. Cependant, cette flexibilité s’est détériorée et maintenant la seule façon de modifier son horaire était de demander congé. Il a précisé que les directeurs précédents l’avaient toujours accommodé mais que le dernier directeur général avait refusé de l’accommoder et l’avait obligé à entrer travailler. Il a ajouté qu’il avait demandé à une autre employée de le remplacer mais qu’elle avait refusé (pièce AD-2-13).

[15] Le 17 janvier 2013, l’employeur a confirmé qu’il avait pu accorder une seule journée de congé à l’Intimé car il n’avait personne pour le remplacer le dimanche. Le 17 janvier 2013, l’Appelante a avisé l’Intimé qu’elle ne pouvait pas lui payer des prestations puisqu’il avait quitté volontairement son emploi le 9 décembre 2012, sans justification au sens de la Loi (pièce AD2-27).

[16] Le conseil arbitral, lorsqu’il a accueilli l’appel de l’Intimé, a conclu de la façon suivante :

« En matière de départ volontaire, le Conseil doit évaluer si, en tenant compte de toutes les circonstances, le fait de quitter son emploi ace moment constituait la seule solution raisonnable pour le prestataire.

Dans le présent dossier, le Conseil le croit.

En effet, les taches du prestataire ont été grandement modifiées depuis son embauche initiale, de même que ses conditions de travail.

Alors qu'il avait toujours réussi à concilier l'horaire travail/étude chez cet employeur au courant des six dernières années, l'arrivée d'un nouveau superviseur a changé la flexibilité initiale de façon a empêcher la continuation d'une telle conciliation.

Dans ces conditions, le Conseil ne peut que constater que c'est en raison des changements importants dans les descriptions de taches et organisation de son horaire de travail que le prestataire a été force de quitter son emploi a défaut de quoi il compromettrait ses études. Cette situation était inhabituelle en ce qu'elle n'était jamais survenue depuis l’entrée en fonction du prestataire chez cet employeur. »

[17] Avec égard, et malgré la sympathie que le Tribunal éprouve pour l’Intimé, la décision du conseil arbitral ne peut être maintenue puisqu’elle est déraisonnable et va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale.  Le Tribunal est donc justifié d’intervenir.

[18] En effet, la Cour d’appel fédérale dans un dossier très similaire au présent dossier, Canada (PG) v. Côté, 2006 CAF 219, nous enseigne ce qui suit :

« [10] …il est acquis depuis belle lurette qu'une personne qui quitte son emploi pour poursuivre des études non autorisées par la Commission, n'est pas « justifiée » de se faire au sens de la Loi (voir Canada (Procureur général) c. Lessard, (2002) 300 N.R. 354 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Bédard, 2004 CAF 21 (CanLII); Canada (Procureure générale) c. Bois, 2001 CAF 175 (CanLII)).

[11]       La cause de la défenderesse est sympathique, comme l'est celle de toute étudiante qui travaille à temps partiel pour payer ses études. Dès lors que les circonstances forcent cette étudiante à quitter un emploi à temps partiel pour parfaire ses études, elle perd le bénéfice des heures de travail accumulées dans le cadre de cet emploi. Mais cette Cour a établi le principe qu'il est de l'essence du régime d'assurance-emploi « que l'assuré ne crée pas ou n'accroisse pas délibérément le risque » (Tanguay c. Commission d'assurance-chômage, (1985), 10 C.C.E.L. 239 (C.A.F.) à la p. 244; Smith c. Canada (Procureur général) (C.A.), 1997 CanLII 5451 (CAF), [1998] 1 C.F. 529, à la p. 537). Je ne crois pas qu'il y ait de différence de principe entre le fait de retourner aux études ou d'en entreprendre, et le fait de les poursuivre. L'étudiant-assuré qui renonce à son travail à temps partiel pour mieux parfaire ses études crée délibérément le risque. L'objectif, certes, est louable, mais comme le soulignait le juge Pratte dans Tanguay, à la p. 243, le mot « justification » n'est pas synonyme de « raison » ou « motif » et, j'ajouterais, d'objectif. Je constate par ailleurs que toutes les formes de « justification » retenues par le législateur à l'alinéa 29c) de la Loi, à l'exception de celles visées aux sous-alinéas (vi) (« assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat ») et (xiv) (« toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement »), supposent l'intervention d'un tiers. Je suis conscient que la liste n'est pas exhaustive, mais j'hésiterais à y ajouter par voie jurisprudentielle une forme de justification aussi dépendante de la volonté d'un assuré que le retour aux études ou la continuation de celles-ci. Je préfère laisser le Parlement ou le gouverneur en conseil en décider ».

(Soulignement du soussigné.)

[19] Appliquant cet enseignement de la Cour d’appel fédérale aux faits du présent dossier, l’Intimé qui a renoncé à son travail à temps partiel pour préparer ses examens finaux a créé délibérément le risque.  La preuve au dossier confirme que n’eut été de ses examens de fin d’année, il aurait continué à travailler pour son employeur malgré les changements dans ses tâches et l’organisation de son horaire de travail depuis son embauche.  Il a également confirmé qu’il recherchait maintenant un emploi du même type que celui offert par son employeur (pièce AD-2-26).

[20] De plus, la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale impose au prestataire de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi : Canada (PG) c. White, 2011 CAF 190, Canada (Procureur général) c. Murugaiah, 2008 CAF 10 (CanLII).

[21] Dans le présent dossier, l’Intimé n’a pas cherché un autre emploi chez un autre employeur avant de quitter cet emploi (Pièce AD2-14).

[22] Pour les raisons précédemment mentionnées, le Tribunal n’a d’autres choix que de conclure que l’Intimé a quitté volontairement son emploi sans justification au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli, la décision du conseil arbitral en date du 14 mai 2013 est annulée et l’appel de l’Intimé devant le conseil arbitral est rejeté.

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