Assurance-emploi (AE)

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Introduction

[1] Le 21 juin 2013, un conseil arbitral (le conseil) a déterminé que des prestations étaient payables en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. Plus précisément, le conseil a jugé que bien que l’intimé soit inscrit à des cours à temps plein pour lesquels il n’avait reçu aucune autorisation préalable, sa situation présentait des circonstances exceptionnelles permettant de réfuter la présomption de non-disponibilité. La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (la demande) à la division d’appel du Tribunal le 11 juillet 2013.

[2] Le Tribunal, le 13 janvier 2015, a demandé aux parties de lui présenter des observations écrites quant à la question de savoir si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée.

[3] La demanderesse n’a présenté aucune observation écrite (en plus de la demande). L’intimé a présenté des observations détaillées le 13 février 2015.

[4] La demanderesse a été avisée que l’intimé avait présenté des observations écrites et en a reçu une copie. Le 10 mars 2015, la demanderesse a été avisée qu’elle disposait d’un délai de 15 jours pour répondre aux observations. La demanderesse n’a pas répondu et n’a présenté aucune observation.

Question en litige

[5] Le membre doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[6] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[8] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Aux fins du présent appel, la décision du conseil arbitral est considérée comme une décision de la division générale.

Analyse

[10] Pour que la permission d’en appeler lui soit accordée, la demanderesse doit me convaincre que les motifs d’appel correspondent aux moyens d’appel énoncés dans la Loi et qu’au moins l’un d’entre eux a une chance raisonnable de succès.

Conclusions de fait erronées

[11] Dans la demande, il est indiqué que :

  1. a) l’intimé n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler car il suit une formation à plein temps pour laquelle il n’a pas été dirigé par la Commission;
  2. b) il n’est pas disposé à modifier son horaire de cours pour pouvoir accepter un travail à temps plein et il a l’intention de terminer son cours plutôt que d’accepter un travail à temps plein. Il suit une formation à l’académie de police et il doit assister aux cours en classe, étudier, maintenir une bonne forme physique et participer à des patrouilles;
  3. c) le conseil a commis une erreur de droit en accueillant l’appel et a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] L’intimé a présenté les observations suivantes :

  1. a) le conseil a examiné tous les éléments de preuve pour bien comprendre la situation de l’intimé avant de tirer des conclusions de fait;
  2. b) il convient de faire preuve de retenue à l’égard de ces conclusions et celles-ci ne devraient être invalidées que si elles ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, ce qui n’est pas le cas;
  3. c) le conseil arbitral a examiné attentivement tous les éléments de preuve présentés par la Commission et par Monsieur C. M. et ses conclusions de fait ne peuvent être décrites comme des conclusions tirées de façon abusive ou arbitraire.

[13] Le conseil a examiné les observations de la demanderesse ainsi que les éléments de preuve liés à ces conclusions de fait aux pages 2 à 6, 8 à 10 et 16 et 17 de sa décision.

[14] À titre de membre de la division d’appel du Tribunal, dans le cadre d’une demande de permission d’en appeler, il ne m’appartient pas d’examiner et d’évaluer les éléments de preuve dont disposait le conseil arbitral dans l’optique de remplacer les conclusions de fait qu’il a tirées par mes propres conclusions. Mon rôle consiste plutôt à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès en se fondant sur les motifs et les moyens d’appel invoqués par la demanderesse : conclusion(s) de fait erronées fondées sur les éléments de preuve présentés au conseil arbitral qui, aux termes de l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (non souligné dans l’original).

[15] J’ai lu et examiné avec soin la décision du conseil arbitral et le dossier. Les conclusions de fait du conseil n’ont pas été tirées sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance. Dans la décision, il est fait précisément référence aux témoignages et à la preuve documentaire sur lesquels le conseil s’est fondé pour tirer ses conclusions de fait. En outre, les conclusions de fait que la demanderesse a qualifié d’erronées (voir paragraphe 11 ci-dessus) n’ont pas été tirées de façon abusive ou arbitraire.

Erreurs de droit

[16] En ce qui concerne les erreurs de droit, la demanderesse fait valoir les points suivants :

  1. a) le conseil arbitral a accueilli l’appel en se fondant sur un certain nombre de décisions CUB;
  2. b) le conseil arbitral a commis une erreur de droit en faisant abstraction de certains éléments de preuve, et ce, sans justification, et en omettant de tenir compte du critère juridique de disponibilité en accueillant l’appel du prestataire;
  3. c) le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler et chercher du travail sans restriction. En conséquence, il n’est pas admissible au bénéfice des prestations en vertu de l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[17] Dans sa décision le conseil a cité un certain nombre de décisions CUB. Toutefois, la demanderesse ne précise pas en quoi le fait de citer ces décisions constitue une erreur de droit. Le conseil a aussi cité des décisions de la Cour fédérale dans sa décision.

[18] La demanderesse n’indique pas quels éléments de preuve ont été mis de côté par le conseil, et ce, sans justification. En ce qui concerne le critère juridique de disponibilité, le conseil, aux pages 8 à 16 de sa décision, a examiné la loi et la jurisprudence dont il a tenu compte pour accueillir l’appel du prestataire. Il n’y a pas lieu de dire que le conseil n’a pas tenu compte du critère juridique.

[19] En ce qui concerne le moyen d’appel selon lequel le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler et chercher du travail sans restriction, la conclusion du conseil arbitral selon laquelle le prestataire est disponible pour travailler est abordée ci-dessous.

Erreur de compétence

[20]    Selon la demanderesse, le conseil arbitral a excédé sa compétence lorsqu’il a affirmé que le prestataire était disponible pour travailler en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[21] L’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi est libellé ainsi :

25. (1) Pour l’application de la présente partie, un prestataire est en chômage, capable de travailler et disponible à cette fin durant toute période où :

  1. a) il suit, à ses frais ou dans le cadre d’une prestation d’emploi ou d’une prestation similaire faisant l’objet d’un accord visé à l’article 63, un cours ou programme d’instruction ou de formation vers lequel il a été dirigé par la Commission ou l’autorité qu’elle peut désigner;
  2. b) il participe à toute autre activité d’emploi pour laquelle il reçoit de l’aide dans le cadre d’une prestation d’emploi prévue par règlement ou d’une prestation similaire faisant l’objet d’un accord visé à l’article 63 et vers laquelle il a été dirigé par la Commission ou l’autorité qu’elle peut désigner.

(2) Aucune décision de diriger ou de ne pas diriger un prestataire vers un cours, un programme ou quelque autre activité visés au paragraphe (1) n’est susceptible de révision au titre de l’article 112.

[22] Le conseil arbitral a mentionné l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi dans sa revue de la jurisprudence aux pages 8 et 10 à 13 de sa décision. En ce qui concerne le cours de policier, voici ce qui est indiqué dans la décision :

[traduction]
Le conseil arbitral tient pour avéré que le prestataire, de manière raisonnable, a présumé qu’il obtiendrait l’approbation de sa formation à l’école de police de l’IPE, puisqu’il a suivi le protocole établi par Career Works (pièce 11) et qu’il recevait déjà des prestations d’assurance-emploi. Le conseil arbitral a expliqué que d’autres personnes avaient déjà reçu cette approbation à l’extérieur de la province afin d’être subventionné pour fréquenter cette école, la seule de ce genre au Canada Atlantique.

En outre, le conseil arbitral tient pour avéré que, bien que le prestataire ait un certificat portant le Sceau rouge comme technicien automobile, son médecin lui a recommandé de cesser de peindre des voitures et de trouver un travail qui ne nuirait pas à sa santé étant donné qu’il est atteint d’asthme chronique. Le prestataire doit payer une pension alimentaire pour enfant et doit assumer des responsabilités qui l’ont incité à changer de carrière. Il semble que la Commission lui a refusé à tort son soutien pendant sa formation; même si cela excède la compétence du conseil, il s’agit d’une question de justice naturelle et d’une erreur administrative qui est abordée dans la jurisprudence citée précédemment.

[23] Le conseil était d’avis que le fait de considérer que le prestataire était disponible pour travailler en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi allait au-delà de sa compétence. À la page 13 de sa décision, le conseil a cité l’affaire Sarto Landry (Cour d’appel fédérale) qui a établi le principe suivant :

S’il est vrai qu’il existe une présomption que celui qui suit un cours d’études à temps plein n’est généralement pas disponible au travail au sens de la Loi, il faut en même temps admettre qu’il s’agit là d’une présomption de faits qui n’est sûrement pas irréfragable. Elle peut être repoussée par une preuve de « circonstances exceptionnelles ».

Le conseil a ensuite examiné la preuve présentée à l’audience et a conclu, à la page 16, que [traduction] « il existe en l’espèce des circonstances exceptionnelles qui démontrent que le prestataire est disponible » et a accueilli l’appel du prestataire à l’unanimité.

[24] L’intimé soutient que :

  1. a) le conseil a reconnu que le fait de corriger l’erreur administrative de la Commission de ne pas tenir compte de la demande de référence relève d’un principe de justice naturelle;
  2. b) ce pouvoir a déjà été exercé dans des appels antérieurs;
  3. c) la Commission n’a pris aucune décision de diriger ou de ne pas diriger le prestataire vers ce cours en janvier 2013 (si une demande à cet égard avait été présentée, le conseil a estimé que la Commission l’aurait acceptée compte tenu des circonstances);
  4. d) étant donné qu’aucune décision à cet effet n’a été prise, le paragraphe 25(2) de la Loi sur l’assurance emploi n’empêchait pas le conseil de reconnaître la disponibilité du prestataire.

[25] La demande ne comporte aucun détail qui explique en quoi le conseil a excédé sa compétence lorsqu’il a [traduction] « reconnu la disponibilité du prestataire en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi ». La demanderesse a eu l’occasion de présenter des renseignements supplémentaires dans ses observations écrites et de répondre aux observations de l’autre partie, mais ne l’a pas fait.

[26] Le Tribunal a examiné le dossier d’appel du conseil ainsi que la décision du conseil. La Commission n’a pas pris la décision de diriger l’intimé vers un cours en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Les éléments de preuve et les observations de la Commission présentés au conseil sur ce point indiquaient que le prestataire n’avait pas obtenu de référence pour assister à son cours, pas plus qu’il n’avait essuyé de refus à cet égard en vertu du paragraphe 25(1). Par conséquent, il ne peut bénéficier de la présomption du paragraphe 25(1) selon laquelle il est capable de travailler et disponible à cette fin. Il a plutôt été considéré comme quelqu’un qui suit un cours de sa propre initiative et qui doit prouver qu’il est disponible pour travailler.

[27] Dans sa décision, le conseil a conclu que le refus de soutenir le prestataire pendant son cours est attribuable à une erreur administrative (p. ex. refus de lui verser des prestations); qu’une erreur de ce genre découlant du refus d’accorder des avantages est une question de justice naturelle; et que la jurisprudence établie par la Cour fédérale et dans les décisions CUB appuie la conclusion du conseil selon laquelle le prestataire aurait eu pleinement droit aux prestations si ce n’était de cette erreur. Toutefois, ce n’est pas en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi que le conseil a reconnu la disponibilité du prestataire. Il l’a plutôt fait en concluant que la présomption – selon laquelle une personne inscrite à un cours à temps plein n’est généralement pas disponible pour travailler au sens de la Loi sur l’assurance-emploi – a été repoussée en l’espèce car le prestataire a démontré des circonstances exceptionnelles.

[28] La demande affirme que le conseil a reconnu la disponibilité du prestataire en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi et que, par conséquent, il a excédé sa compétence. Toutefois, la demanderesse n’a pas expliqué son affirmation, bien qu’elle ait été invitée à présenter des observations et à répondre aux observations de l’autre partie.

[29] Lorsqu’elle est appelée à trancher une demande de permission d’en appeler, la division d’appel du Tribunal ne devrait pas avoir à deviner de quelle manière le conseil aurait excédé sa compétence. Après avoir examiné attentivement la décision du conseil et le dossier, en me fondant uniquement sur l’affirmation de la demanderesse selon laquelle le conseil a excédé sa compétence et sur les observations détaillées de l’intimé selon lesquelles le conseil n’a pas excédé sa compétence, je ne suis pas en mesure de conclure que ce moyen d’appel présente une chance raisonnable de succès.

[30] Bien qu’un demandeur ne soit pas tenu de prouver les moyens d’appel invoqués dans le cadre d’une demande de permission d’en appeler, il doit à tout le moins établir certains motifs qui correspondent aux moyens d’appel énumérés dans la Loi et démontrer que l’un d’eux présente une chance de succès en appel.

[31] La demande présente des lacunes à cet égard, et la demanderesse ne m’a pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[32] La demande est rejetée.

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