Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli et la cause référée à la division générale du Tribunal (section de l’assurance-emploi) pour une nouvelle audience.

Introduction

[2] En date du 2 avril 2013, un conseil arbitral a conclu que :

  • - L’Appelante avait quitté volontairement son emploi sans motif valable aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[3] L’Appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 16 mai 2013. La demande pour permission d’en appeler a été accordée le 6 janvier 2015.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience téléphonique pour les motifs suivants :

  • - la complexité de la ou des questions en litige;
  • - du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • - du caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • - de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’Appelante était présente et représentée par Denis Poudrier. L’Intimée était représentée par Elena Kitova.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[7] Le Tribunal doit décider si le conseil arbitral a erré en fait et en droit en concluant que l’Appelante avait quitté volontairement son emploi sans motif valable aux termes des articles 29 et 30 de la Loi et s’il a erré en ne se prononçant pas sur la question du nombre d’heures assurables en vertu de l’article 7 ou 7.1 de la Loi.

Arguments

[8] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • - Le conseil arbitral a erré puisqu’il a analysé la question en litige sous l’angle du motif valable plutôt que celui de la justification et du test de la «seule solution raisonnable».
  • - Le conseil arbitral a limité son analyse aux seuls motifs prescrits à l'article 29c) de la Loi ce qui constitue une erreur de droit selon la jurisprudence;
  • - Le conseil arbitral a décidé de privilégier des preuves indirectes, bien que douteuses et incomplètes, à son témoignage direct, il se devait d’expliquer pourquoi il agissait ainsi;
  • - Elle soutient que d'exiger que l’Appelante ait une garantie d'emploi, comme l’a fait le conseil arbitral dans sa décision, est une erreur de droit.

[9] L’Intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel:

  • - La décision du conseil arbitral est conforme à la législation ainsi qu’à la jurisprudence en la matière et elle est raisonnablement compatible avec les faits au dossier;
  • - Elle maintient que l’Appelante a quitté volontairement son emploi sans justification;
  • - Le conseil arbitral fait sienne la conclusion de la Commission et il ajoute que l’Appelante ne rencontre aucun des motifs prescrits à l’article 29 c) de la Loi, motifs qui seraient des motifs « valables » ou justificatifs d’avoir quitté son emploi.
  • - Le représentant invoque la question de santé de l’Appelante, mais elle n’a pas démontré que son état de santé l’obligeait à quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Elle n’a pas démontré qu’elle avait pris toutes mesures nécessaires (parler à son employeur, demander un congé de maladie ou autre) pour garder son emploi;
  • - L’employeur a indiqué que lors de son embauche, l’Appelante avait été embauchée en tant qu’employée occasionnelle, sur appel. L’employeur a ajouté que l’Appelante n’avait pas de contrat et qu’on ne lui avait fait aucune promesse quant au nombre d’heures qu’elle ferait par semaine (Pièce 5-2). Ceci est confirmé par les chiffres fournis par l’employeur (Pièce 5-1);
  • - Il est de jurisprudence constante qu'une personne qui a un emploi permanent ne peut se diriger vers un emploi temporaire et sur appel, même si les conditions de travail et de rémunération sont plus favorables;
  • - Le Tribunal ne doit pas substituer son opinion à celle du conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance;
  • - Le rôle du Tribunal se limite à décider si l’appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier.

Normes de contrôle

[10] L’Appelante n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[11] L’Intimée soumet que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240 et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

[12] Le Tribunal retient que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240 et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[13] Dans cette affaire, le conseil arbitral était confronté à des versions contradictoires concernant les représentations effectuées à l’Appelante par le nouvel employeur lors de l’embauche. Le conseil arbitral se devait donc de justifier la conclusion à laquelle il est arrivé.

[14] Lorsqu’il est confronté à des éléments de preuve contradictoires, il ne peut les ignorer. Il doit les considérer. S’il décide qu’il y a lieu de les écarter ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, il doit en expliquer les raisons – Bellefleur c. Canada (PG), 2008 CAF 13, Parks c. Canada (PG), A-321-97. En l’espèce, le conseil arbitral a omis d’agir ainsi et il s’agit d’une erreur de droit.

[15] Au surplus, le sous-alinéa 29c)(vi) de la Loi exige seulement que le prestataire ait une assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat; il y a eu erreur de droit dans le fait de placer trop haut le critère à observer, comme l’a fait le conseil arbitral en l’instance, en exigeant une garantie d’emploi.

[16] De plus, le conseil arbitral a également erré en limitant les circonstances reliées au départ volontaire à ce qui est prévu à l’article 29 de la Loi, ce qui est une autre erreur en droit.

[17] Finalement, le conseil arbitral ne s’est pas prononcé sur l’argument de l’Appelante à l’effet qu’elle avait quitté son emploi parce que les conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé (sous-alinéa 29(c) (iv) de la Loi) et également sur la question de la suffisance du nombre d’heures assurables.

[18] Pour ces motifs, le Tribunal retourne le dossier devant la division générale du Tribunal (section de l’assurance-emploi) afin qu’un Membre procède à une nouvelle audience.

Conclusion

[19] L’appel est accueilli et le dossier est référé devant la division générale du Tribunal (section de l’assurance-emploi) afin qu’un Membre procède à une nouvelle audience.

[20] Le Tribunal ordonne que la décision du conseil arbitral en date du 2 avril 2013 soit retirée du dossier.

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